Clause attributive de compétence : 1 juin 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03800

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Clause attributive de compétence : 1 juin 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03800
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01/06/2022

ARRÊT N°441/2022

N° RG 21/03800 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OLMJ

AM/IA

Décision déférée du 27 Août 2021 – Juge de l’exécution d’ALBI ( 21/00003)

Mme ARRIUDARRE

S.A.S. COM.ACMD

C/

S.A.S. SOLUZIONI DI LUISA PELLECHIA

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A.S. COM.ACMD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

S.A.S. SOLUZIONI DI LUISA PELLECHIA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Jacques-antoine ROBERT, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E.VET, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

E.VET, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

Sur requête de la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia, société de droit italien, le tribunal de Milan a rendu le 25 février 2020 une ordonnance d’injonction de payer européenne par laquelle la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement (ci-après dénommée Com ACMD), société de droit français, était condamnée à payer à la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia 167’749,76 € en règlement de quatre factures.

L’ordonnance a été notifiée à la SAS Com ACMD par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 13 mai 2020 réceptionnée le 20 mai suivant.

Le tribunal de Milan a établi une déclaration de force exécutoire de cette ordonnance le 15 septembre 2020 et l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire a été signifiée par huissier à la SAS Com ACMD le 24 novembre 2020.

Le 2 décembre 2020 en exécution de l’injonction de payer européenne exécutoire, la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de la SAS Com ACMD pour le recouvrement de la somme totale de 169’864,65 €.

Le 15 décembre 2020, la SAS Com ACMD a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer européenne devant le tribunal de Milan.

Par acte du 22 décembre 2020, la SAS Com ACMD a fait assigner la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Albi aux fins de voir constater l’absence de force exécutoire de l’ordonnance du 25 février 2020, l’absence de signification préalable de l’ordonnance du 25 février 2020, la nullité de l’acte de signification du 24 novembre 2020, l’incompétence des juridictions italiennes pour ordonner une injonction de payer européenne à la société Com ACMD, le dépôt d’une opposition à l’ordonnance d’injonction de payer européenne. Elle sollicitait en conséquence la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 2 décembre 2020 sur ses comptes dans les livres de la SA CIC et subsidiairement qu’il soit dit que la saisie-attribution était suspendue dans l’attente de la décision du tribunal statuant sur l’opposition à ordonnance d’injonction de payer européenne outre l’octroi de 5000 € de dommages-intérêts pour abus de saisie et 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 27 août 2021, le juge de l’exécution d’Albi :

‘ s’est déclaré incompétent pour connaître des contestations élevées par la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement relatives au caractère exécutoire de l’ordonnance portant injonction de payer européenne du 25 février 2020 et à son bien-fondé,

‘ a débouté la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement de l’ensemble de ses demandes,

‘ a débouté la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia de sa demande en dommages-intérêts,

‘ a condamné la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement à payer à la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia la somme de 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ a condamné la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement aux dépens.

Par déclaration du 2 septembre 2021, la SAS ACMD a formé appel du jugement en ce qu’il: « se déclare incompetent pour connaitre des contestations élevées par Ia SAS Com Albi Conception Métallique et Développement relatives au caractére exécutoire de I’ordonnance portant injonction de payer européenne en date du 25 février 2020 et a son bienfondé,- Déboute la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement de l’ensemble de ses demandes.- Condamne la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement à payer à la Sas soluzioni la somme de 700 € au titre de |’article 700 du Code de procédure civile,- Condamne la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement aux dépens.».

Par dernières conclusions du 1er avril 2022, la SAS ACMD demande à la cour de:

Vu le Règlement européen n°1896/2006 en date du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer,

Vu le Règlement européen n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,

Vu les dispositions des articles L.111-2, L.111-3 et L.121-2 du Code des procédures civiles d’exécution,

Vu les dispositions de l’article L.213-6 du Code de l’organisation judiciaire,

Vu les dispositions des articles 114 et 1424-5 du Code de procédure civile,

Vu l’article 1416 du Code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence « Eco comsetics GmbH & Co » de la Cour de justice de l’union européenne en date du 4 septembre 2014,

Vu l’ensemble des pièces versées aux débats,

In limine litis :

‘ révoquer et rabattre l’ordonnance de clôture à l’audience de plaidoirie du 4 avril 2022 et admettre la recevabilité des présentes écritures,

‘ recevoir la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement en ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal :

‘ infirmer le jugement du 27 août 2021 du juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Albi en ce qu’il :

– se déclare incompétent pour connaître des contestations élevées par la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement relatives au caractère exécutoire de l’ordonnance  portant injonction de payer européenne en date du 25 février 2020 et à son bienfondé,

– déboute la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement de l’ensemble de ses demandes,

– condamne la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement à payer à la Sas Soluzioni la somme de 700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamne la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement aux dépens.

Statuant à nouveau sur ces points :

‘ constater que la notification de l’injonction de payer européenne en date du 20 mai 2020 n’est pas conforme aux normes minimales établies par le Règlement IPE,

‘ constater l’irrégularité de la notification en date du 20 mai 2020 laquelle n’a reçu aucune signature,

‘ constater que M.[O] [C] n’est pas salarié de la société Com.ACMD,

‘ se déclarer compétent pour invalider la déclaration de force exécutoire des juridictions italiennes en date du 15 septembre 2020 ,

‘ invalider la déclaration de force exécutoire des juridictions italiennes en date du 15 septembre 2020,

En conséquence :

‘ ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 02 décembre 2020 sur les comptes de la Société Com.ACMD dans les livres de la SA CIC et de tout autre saisie qui aurait été pratiquée en exécution de l’ordonnance d’injonction de payer européenne en date du 25 février 2020,

A défaut :

‘ constater le défaut de signification de l’ordonnance d’injonction de payer en date du 25 février 2020,

‘ constater que la saisie-attribution en date du 2 décembre 2020 a été pratiquée pendant le délai de recours,

‘ se déclarer compétent pour constater le défaut de signification de l’ordonnance d’injonction de payer en date du 25 février 2020,

‘ se déclarer compétent pour constater que la saisie-attribution en en date du 2 décembre 2020 a été pratiquée pendant le délai de recours,

En conséquence :

‘ ordonner la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 02 décembre 2020 sur les comptes de la Société Com.ACMD dans les livres de la SA CIC ou de tout autre saisie qui aurait été pratiquée en exécution de l’ordonnance d’injonction de payer européenne en date du 25 février 2020,

A titre subsidiaire :

‘ infirmer le jugement du 27 août 2021 du Juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Albi (RG : 21/00003), en ce qu’il :

– se déclare incompétent pour connaître des contestations élevées par la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement relatives au caractère exécutoire de  l’ordonnance portant injonction de payer européenne en date du 25 février 2020 et à son bienfondé,

– déboute la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement de l’ensemble de ses demandes,

– condamne la SAS Com Albi Conception métallique et Développement à payer à la SAS Soluzioni la somme de 700 € à titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamne la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement aux dépens.

Statuant à nouveau sur ces points :

‘ se déclarer compétent pour constater :

– l’incompétence des juridictions italiennes pour connaître d’une procédure d’injonction de payer européenne,

– le défaut de signification de l’ordonnance du 25 février 2020,

– l’absence de transmission du formulaire d’opposition et de toute indication des  formes selon lesquelles l’opposition devait être formée devant les juridictions italiennes

‘ constater le dépôt d’une opposition en date du 15 décembre 2020 devant les juridictions italiennes.

En conséquence :

‘ ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 02 décembre 2020 sur les comptes de la Société Com.ACMD dans les livres de la SA CIC et de toute autre saisie qui aurait été pratiquée en exécution de l’ordonnance d’injonction de payer européenne en date du 25 février 2020,

A défaut :

‘ dire et juger que la procédure de saisie-attribution est suspendue dans l’attente de la décision du Tribunal statuant sur l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer européenne en date du 25 février 2020,

En tout état de cause :

‘ débouter la Société Soluzioni de toutes ses demandes, fins et prétentions,

‘ condamner la Société Soluzioni à payer à la Société Com.ACMD la somme de 5 000 € à titre de dommages-et-intérêts pour abus de saisie,

‘ condamner la Société Soluzioni à payer à la Société Com.ACMD la somme de 10 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ condamner la Société Soluzioni aux entiers dépens

Par dernières conclusions du 2 avril 2022, la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia demande à la cour de :

In limine litis :

‘ donner acte que la société Soluzioni s’en rapporte à la juridiction s’agissant de la demande de rabat de clôture sollicitée par la société ACMD,

A titre principal de :

‘ confirmer le jugement rendu le 27 août 2021 par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire d’Albi dans toutes ses dispositions,

Et en conséquence : 

‘ rejeter les demandes de mainlevée et toutes les autres demandes de la société ACMD,

‘ condamner la société ACMD à payer à la société Soluzioni la somme de 5.000 € à titre de dommages-et-intérêts pour procédure abusive,

A titre subsidiaire de :

‘ confirmer la validité de la notification de l’IPE réalisée en mai 2020 par le tribunal de Milan,

Et en conséquence : 

‘ rejeter les demandes de mainlevée et toutes les autres demandes de la société ACMD,

‘ condamner la société ACMD à payer à la société Soluzioni la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

En tout état de cause de :

‘ rejeter la demande de la société ACMD dirigée à l’encontre de la société Soluzioni tendant à voir cette dernière condamnée à lui payer la somme de 5000 € pour abus de saisie-attribution. 

‘ rejeter la demande de la société ACMD dirigée à l’encontre de la société Soluzioni tendant à voir cette dernière condamnée à lui payer la somme de 10’000 € en application des dispositions de l’article 700. 

La clôture de l’instruction a été reportée au jour de l’audience.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS

Sur les demandes de constat:

La SAS Com ACMD présente de nombreuses demandes de constat alors qu’une constatation n’est pas susceptible de conférer un droit à la partie qui la sollicite et ne constitue pas une demande au sens de l’article 4 du code de procédure civile, la cour ne peut se considérer comme en étant saisie.

Au fond :

La SAS Com ACMD soulève l’absence de notification de l’ordonnance d’injonction de payer le 20 mai 2020 et à tout le moins fait valoir que la notification alléguée n’est pas conforme aux dispositions des articles 13 à 15 du règlement IPE et qu’en conséquence il convient de déclarer invalide la déclaration de force exécutoire de cette injonction de payer et à défaut de titre exécutoire de prononcer la mainlevée de la saisie attribution. Elle considère que la compétence du juge de l’exécution pour statuer sur cette demande ne saurait être contestée au regard des dispositions de l’article 26 du règlement IPE et L 213-6 du code des procédures civiles d’exécution en qualité de juge du lieu d’exécution de la saisie.

Elle souligne que la juridiction italienne n’a pas vérifié que l’ordonnance d’injonction de payer avait été signifiée conformément aux textes applicables avant d’établir la déclaration de force exécutoire.

Elle rappelle qu’en matière d’injonction de payer européenne la compétence juridictionnelle est déterminée conformément aux règles de compétence instituées par le règlement n° 44/2001 « Bruxelles 1 » et fait valoir que, conformément à ce texte, il convenait d’appliquer le contrat liant les parties qui prévoyait que tout différend entre elles relevait de la compétence exclusive des tribunaux du ressort territorial du siège de la société Com ACMD soit en l’espèce la juridiction d’Albi puisque son siège est situé à [Adresse 3]. Elle soutient dès lors que la juridiction italienne n’ayant pas vérifié sa compétence comme elle devait, l’injonction de payer doit être considérée comme irrégulière.

Elle fait valoir que le formulaire d’opposition, dit formulaire F figurant à l’annexeVI du règlement IPE ne lui a jamais été communiqué alors qu’il est exigé non seulement par l’article 16 de ce règlement mais aussi par l’article 1424-5 du code de procédure civile et souligne que l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire du 24 novembre 2020 ne contenait aucune mention concernant la procédure d’opposition.

Elle rappelle enfin avoir formé opposition à l’injonction de payer européenne le 15 décembre 2020 et souligne que la saisie objet du litige a été pratiquée pendant le délai de recours.

Elle conclut que seul le juge de l’exécution français peut-être compétent pour connaître de l’ensemble de ces irrégularités au visa de l’article L 213-6 du code des procédures civiles d’exécution et qu’une décision contraire la priverait de tout recours.

La SAS Soluzioni di Luisa Pellechia oppose que le juge de l’exécution n’est pas compétent pour remettre en cause le titre exécutoire ou pour en suspendre l’exécution au regard des articles 19 et 23 du règlement IPE, le tribunal de Milan ayant émis une déclaration constatant la force exécutoire, le juge français ne pouvant remettre en cause la compétence du juge milanais ou les modalités de signification de l’injonction de payer.

Elle rappelle que l’injonction de payer a été notifiée à la SAS Com ACMD dès le 13 mai 2020 par l’huissier attaché au bureau unique des notifications et exécutions de la cour d’appel de Milan. Par la suite, le tribunal judiciaire de Milan a émis une déclaration constatant la force exécutoire de l’injonction de payer européenne le 15 septembre 2020 et elle a fait signifier par huissier le 24 novembre 2020 l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire.

Elle considère qu’en tout état de cause la demande de mainlevée de la saisie- attribution est infondée puisque les causes de réexamen d’une injonction de payer européenne sont limitativement énumérées et ne permettent pas la remise en cause de l’ordonnance prononcée à son bénéfice par le juge de l’exécution.

Elle relève enfin que le juge de l’exécution ne peut suspendre le titre exécutoire au regard des dispositions du règlement IPE.

La cour rappelle que le règlement n°1896/2006 du Parlement européen (dit règlement IPE) a institué une procédure d’injonction de payer européenne.

L’article 16 du règlement dispose : «Le défendeur peut former opposition à l’injonction de payer européenne auprès de la juridiction d’origine au moyen du formulaire type F figurant dans l’annexe VI, qui lui est transmis en même temps que l’injonction de payer européenne.

L’opposition est envoyée dans un délai de trente jours à compter de la signification ou de la notification de l’injonction au défendeur.»

Selon l’article 18 du même règlement, si dans le délai prévu à l’article 16 et compte tenu d’un délai supplémentaire nécessaire à l’acheminement de l’opposition, aucune opposition n’a été formée auprès de la juridiction d’origine, la juridiction d’origine déclare sans tarder l’injonction de payer européenne exécutoire, au moyen du formulaire type G figurant dans l’annexe VII. Elle vérifie la date à laquelle l’injonction de payer a été signifiée ou notifiée.

L’article 19 dispose qu’une injonction de payer européenne, devenue exécutoire dans l’État membre d’origine, est reconnue et exécutée dans les autres États membres sans qu’il soit possible de contester sa reconnaissance et l’article 22 précise que les deux seuls cas où le juge de l’État membre d’exécution peut refuser d’exécuter l’injonction de payer européenne sont l’incompatibilité avec une autre décision concernant les mêmes parties ou son paiement par le débiteur.

Enfin, il résulte des articles L 213-6 du code de l’organisation judiciaire et R 121-1 du code des procédures civiles d’exécution que le juge de l’exécution n’a pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause un titre exécutoire dans son principe ni en suspendre l’exécution et qu’il doit soulever d’office son incompétence.

En l’espèce, une saisie-attribution a été pratiquée par la SAS Soluzioni sur les comptes de la SAS Com ACMD dans les livres de la SA CIC en application de l’article L 211-1 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose : « Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. ».

En effet, la SAS Soluzioni a obtenu du tribunal de Milan la délivrance d’une injonction de payer européenne qui a été notifiée à la SAS Com ACMD par lettre recommandée du 13 mai 2020 réceptionnée le 20 mai suivant.

Le 25 septembre 2020, le tribunal de Milan a établi une déclaration constatant la force exécutoire qui indique, conformément au formulaire prévu par la législation européenne :

« La présente injonction de paiement européenne est immédiatement exécutoire dans tous les Etats membres de l’union européenne, exception faite pour le Danemark, sans nul besoin qu’aucune autre déclaration n’en confirme la force exécutoire dans l’État membre où est demandée l’exécution et sans qu’il soit possible d’en contester la validité. Les procédures d’exécution sont réglées par la loi de l’État membre d’exécution sauf indications contraires du règlement.».

La SAS Soluzioni dispose donc bien d’un titre exécutoire au sens du règlement IPE.

Conformément aux dispositions des articles 19 et 22 du règlement IPE, dès lors que postérieurement à cette notification, le tribunal de Milan a établi une déclaration de force exécutoire, le juge de l’exécution n’est pas compétent pour connaître des moyens tirés de l’absence de notification de l’ordonnance du 25 février 2020 ou de son irrégularité qu’elle soit de forme ou de fond.

Pour les mêmes motifs, le juge de l’exécution français est incompétent pour rechercher l’existence d’irrégularités de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire qui relève de la compétence de la seule juridiction milanaise.

Au surplus, il n’appartient pas au juge de l’exécution français d’apprécier si la juridiction milanaise était compétente pour statuer sur la requête en injonction de payer qui lui a été présentée alors que le contrat liant les deux sociétés prévoyait une clause attributive de compétence aux seules juridictions françaises, seul le tribunal de Milan étant compétent pour connaître de cette contestation dans le cadre du recours introduit par la SAS Com ACMD le 15 décembre 2020.

C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu qu’il n’était pas compétent pour connaître des différents moyens soulevés par la SAS Com ACMD à l’appui de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution objet du litige.

Enfin, si dans le développement de ses conclusions la SAS Com ACMD conclut exclusivement à la mainlevée de la saisie-attribution elle en sollicite la suspension dans leur dispositif.

Il convient de rappeler qu’en dehors de l’article 16 qui prévoit l’opposition à l’injonction de payer européenne, l’article 20 du règlement prévoit une possibilité de réexamen de l’injonction de payer dans des cas exceptionnels ainsi définis : « Après expiration du délai prévu à l’article 16, paragraphe 2 le défendeur a le droit de demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine si :

a) i) l’injonction de payer a été signifiée ou notifiée selon l’un des modes prévus à l’article 4 ;

et

ii) la signification ou la notification n’est pas intervenue en temps utile pour lui permettre de préparer sa défense, sans qu’il y ait faute de sa part,

ou

b) le défendeur a été empêché de contester la créance pour cause de force majeure ou en raison de circonstances extraordinaires, sans qu’il y ait faute de sa part,pour autant que, dans un cas comme dans l’autre, il agisse promptement.

2. Après expiration du délai prévu à l’article 16, paragraphe 2, le défendeur a également le droit de demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine lorsqu’il est manifeste que l’injonction de payer a été délivrée à tort, au vu des exigences fixées par le présent règlement, ou en raison d’autres circonstances exceptionnelles.

3. Si la juridiction rejette la demande du défendeur au motif qu’ aucune des conditions de réexamen énoncées aux paragraphes 1 et 2 n’est remplie, l’injonction de payer européenne reste valable.

Si la juridiction décide que le réexamen est justifié au motif que l’une des conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 est remplie, l’injonction de payer européenne est nulle et non avenue.».

L’article 23 du règlement précise : «Lorsque le défendeur a demandé le réexamen conformément à l’article 20, la juridiction compétente dans l’État Membre d’exécution peut, à la demande du défendeur:

a) limiter la procédure d’exécution à des mesures conservatoires ;

ou

b) subordonner l’exécution à la constitution d’une sûreté qu’elle détermine ;

ou

c) dans des circonstances exceptionnelles, suspendre la procédure d’exécution. ».

La condition permettant une suspension de l’exécution est la même que celle qui ouvre droit à la procédure de réexamen et il appartient donc au juge chargé de l’exécution d’apprécier si l’exécution de l’injonction pourrait avoir des conséquences d’une gravité manifeste pour le saisi.

En l’espèce, la SAS Com ACMD n’établit pas avoir exercé un recours sur le fondement de l’article 20 qui seul permet la suspension de la procédure d’exécution alors qu’au contraire elle affirme qu’au regard des irrégularités ayant affecté la notification de l’ordonnance elle se trouvait toujours dans les délais pour former opposition à l’ordonnance sur le fondement de l’article 16 du règlement IPE et justifie d’ailleurs de son recours par le dépôt auprès du tribunal de Milan du formulaire prévu pour faire opposition . Or,l’article 16 du règlement IPE qui organise l’opposition à l’injonction de payer européenne ne prévoit aucune possibilité de suspension des procédures d’exécution lorsqu’il est exercé, seul le réexamen prévu à l’article 20 permettant cette suspension.

En tout état de cause, la SAS Com ACMD n’invoque ni ne justifie d’aucune circonstance exceptionnelle à l’appui de sa demande, alors que le fait que l’ordonnance d’injonction de payer ait été délivrée pour un montant très élevé et que la SAS Com ACMD ait exercé un recours sont insuffisants à caractériser les circonstances exceptionnelles exigées par le texte.

Dans ces conditions, la suspension de la mesure d’exécution n’est pas justifiée et il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par la SAS ACMD:

La SAS Com ACMD rappelle les griefs précédemment formulés contre son adversaire et considère que les irrégularités de procédure qu’elle a précédemment évoquées sont constitutives d’un abus qui lui a causé un préjudice d’image vis-à-vis de son établissement bancaire et matériel dès lors que son compte bancaire s’est trouvé bloqué ce qui a entraîné des frais.

La SAS Soluzioni di Luisa Pellechia oppose que la procédure qu’elle a engagée étant conforme au Règlement IPE, la demande doit être rejetée et qu’en tout état de cause la SAS Com ACMD ne démontre pas son préjudice.

L’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit : «Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »

En l’espèce, la SAS Com ACMD ne démontre pas que la procédure de saisie-attribution est abusive ou inutile, le seul fait que son recours soit pendant devant les juridictions italiennes étant insuffisant à le démontrer.

De plus, ses seules affirmations sont insuffisantes à établir le préjudice qu’elle allègue, qu’il soit de nature morale ou financière.

Il convient en conséquence de rejeter sa demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia :

La SAS Soluzioni di Luisa Pellechia considère qu’au vu de la déclaration de titre exécutoire de l’injonction de payer européenne, la stratégie de la société Com ACMD ne consiste qu’à tenter d’en perturber l’exécution.

La cour rappelle que l’engagement d’une action en justice et sa poursuite en appel constituent un droit dont l’exercice ne dégénère en abus qu’en cas de démonstration d’une faute non caractérisée en l’espèce.

De plus, la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia n’invoque ni ne démontre de préjudice résultant du comportement de son adversaire.

Il convient en conséquence de rejeter sa demande par confirmation du jugement déféré.

Sur les demandes annexes :

L’équité commande de faire droit à la demande présentée par la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia à hauteur de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Com ACMD qui succombe, gadera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant :

Rejette la demande de dommages-intérêts de la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement,

Condamne la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement à verser à la SAS Soluzioni di Luisa Pellechia 3000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Com Albi Conception Métallique et Développement aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

I. ANGERC. BENEIX-BACHER

 


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