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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 02/06/2022
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N° de MINUTE : 22/
N° RG 21/02280 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TSNT
Jugement (N°2020J71) rendu le 29 mars 2021 par le tribunal de commerce de Dunkerque
APPELANTE
XL Insurance Company SE venant aux droits de la société Axa Corporate Solution, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège.
Ayant son siège social 61 rue Mstislav Rostropovitch 75017 Paris 17
représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai
assistée par Me Hugues Senlecq, avocat au barreau de Dunkerque
INTIMÉES
La Société Allianz Iard, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
Ayant son siège social 1, Cours Michelet CS 30051 – 92076 Paris la Défense Cédex
La Société Philippe Manutention, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
Ayant son siège social rue de l’Epinoy ZI de Templemars – 59175 Templemars
représentées par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai
assistées de Maître Guillaume Coste-Floret de la SCP Soulie-Coste-Floret, avocat au
barreau de Paris
La Compagnie MMA Iard, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
Ayant son siège social 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon 72030 Le Mans Cédex
La Compagnie MMA Iard Assurances Mutuelles, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
Ayant son siège social 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon 72030 Le Mans Cédex
représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai
assistées de Me Annelise Vaurs, substituée à l’audience par Me Charlotte Masson, avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l’audience publique du 08 mars 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nadège Straseele, adjoint administratif faisant fonction de greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Laurent Bedouet, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Marlène Tocco, greffier lors du délibéré, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er février 2022
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La société Bonduelle est spécialisée dans la fabrication et la production de conserves de légumes et dispose d’une usine située à Renescure.
Elle utilise pour les besoins de son exploitation de différents types de chariots. Elle est propriétaire de certains d’entre eux et en loue d’autres auprès d’entreprises telles que la société Philippe Manutention SAS, exerçant sous le nom commercial Manuloc.
La société Bonduelle est assurée auprès de la compagnie Axa Corporate Solutions, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la compagnie XL Insurance Company SE.
La société Philippe Manutention est assurée auprès de la compagnie Allianz Iard pour sa flotte automobile et auprès des compagnies MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mutuelles au titre de sa responsabilité civile.
Le 17 juillet 2018, constatant que le chariot qu’il utilisait habituellement était en panne, un cariste autorisé par la société Bonduelle a utilisé un chariot de marque Hyster modèle H4 OXMISI5 loué auprès de la société Philippe Manutention suivant contrat du 17 juin 2008, mis en service en 2001 et identifié sous le n° K005A035549.
Il a pris son poste à 13 heures et utilisé le chariot pour récupérer des déchets dans l’usine.
Vers 14 heures 50, alors que le chariot venait d’être stationné dans un hangar utilisé pour le stockage de divers matériels et qu’il se trouvait à l’arrêt, un technicien de la société Nord Motors, sous-traitante de la société Bonduelle, a remarqué une odeur de brûlé, constaté que la cabine du chariot était en feu et donné l’alerte.
L’incendie s’est propagé aux cellules voisines, occasionnant d’importants dommages.
Des opérations d’expertise ont été organisées, mais l’origine et la cause du sinistre n’ont pu être déterminées.
Les préjudices subis par la société Bonduelle ont été évalués à 1 112 675 euros HT en valeur à neuf, et 821 265 euros HT vétusté déduite, suivant procès-verbal du 15 février 2019.
Par acte du 6 septembre 2018, la société Bonduelle SA et son assureur ont assigné en référé d’heure à heure la société Philippe Manutention devant le tribunal de commerce de Dunkerque afin d’obtenir l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.
Le juge des référés a fait droit à cette demande par ordonnance du 14 septembre 2018 et désigné Monsieur [N] [E] en qualité d’expert avec pour mission, notamment, d’examiner les désordres affectant les matériels et locaux affectés par l’incendie, d’en rechercher l’origine et les causes et de « donner son avis sur la source du sinistre par rapport à un éventuel défaut du chariot et donner le cas échéant un avis sur le lien technique et de fait entre ce défaut et une éventuelle défaillance imputable par exemple à l’entretien ou aux conditions dans lesquelles le matériel était utilisé ou stocké ».
Par acte du 4 janvier 2019, la société Bonduelle SA et la Compagnie Axa Corporate Solutions ont assigné les compagnies Allianz et MMA devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque afin que les opérations d’expertise leurs soient rendues communes et opposables.
Par ordonnance du 17 janvier 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque a souligné qu’il n’était pas compétent pour étendre la mission ordonnée par le tribunal de commerce mais a décidé, après réouverture des débats sur ce point, de confier à Monsieur [E] une mission d’expertise similaire à celle ordonnée par le tribunal de commerce de Dunkerque, devant se poursuivre au contradictoire des compagnies Allianz et MMA.
Monsieur [E] a déposé son rapport le 23 janvier 2020.
Par acte du 1er juillet 2020, la compagnie XL Insurance, indiquant agir en qualité de subrogée, a assigné la société Philippe Manutention, la Compagnie Allianz et la Compagnie MMA Iard devant le tribunal de commerce de Dunkerque aux fins, notamment de :
– déclarer la société Philippe Manutention responsable de l’entier préjudice subi par la société Bonduelle à la suite de l’incendie survenu dans son établissement de Renescure le 17 juillet 2018 ;
– condamner la société Philippe Manutention solidairement avec ses assureurs Allianz et Mutuelles du Mans à payer à la société XL Insurance Company SE subrogée dans les droits de la société Bonduelle la somme de 1 175 744 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2018, date de l’assignation en référé.
La société Philippe Manutention et la Compagnie Allianz ont conclu le 21 septembre 2020 et soulevé in limine litis une exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Lille compte tenu de la clause attributive de juridiction prévue à l’article 16 du contrat de location.
Elles ont par ailleurs conclu au rejet de l’intégralité des demandes de la compagnie XL Insurance, celles-ci apparaissant à la fois irrecevables et mal fondées.
Les compagnies MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (intervenue volontairement) se sont associées à cet argumentaire et ont conclu tant sur l’irrecevabilité des demandes de la Compagnie XL Insurance que sur le fond par voie de conclusions régularisées en vue de l’audience du 2 novembre 2020.
Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 29 mars 2021, le tribunal de commerce de Dunkerque a :
– relevé d’office l’irrecevabilité de la société XL Insurance Company par défaut de pièces démontrant la subrogation dont elle se prévaut, nécessaire à l’appréciation de l’exception soulevée ;
– rejeté toute demande d’indemnité procédurale ;
– Vu la nature de l’exception soulevée, ordonné la notification d’une copie de la présente décision par les soins du greffier en L.R.A.R. à chacune des parties, laquelle fait courir le délai de quinzaine fixé par l’article 84 (nouveau) du Code de procédure civile pour faire appel;
– condamné XL Insurance Company aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 152,11 euros TTC (= RAR de notifications et tarifs 05-2018 n°18, n°22, n°19 x3, n°20 x3, n°1 x5, n°11 x5, n°1×1).
Par déclaration en date du 20 avril 2021, la société XL Insurance Company a interjeté appel, reprenant l’ensemble des chefs de la décision dans son acte d’appel.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique en date du 22 décembre 2021, la société XL Insurance Company demande à la Cour, au visa des articles 16 et 749 du Code de procédure civil, de l’article 568 du Code de procédure civile, des articles 1242, 1245 et suivants, subsidiairement 1718 et 1720, les articles 1231-1 du Code civil, de :
– à titre principal, annuler le jugement dont appel rendu le 29 mars 2021 par le tribunal de commerce de Dunkerque en ce qu’il a soulevé d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité de la société XL Insurance Company sans inviter les parties à s’exprimer préalablement,
– subsidiairement infirmer le jugement dont appel rendu le 29 mars 2021 par le tribunal de commerce de Dunkerque en ce qu’il a :
– relevé d’office l’irrecevabilité de la société XL Insurance Company par défaut de pièces démontrant la subrogation dont elle se prévaut, nécessaire à l’appréciation de l’exception soulevée ;
– rejeté toute demande d’indemnité procédurale ;
– Vu la nature de l’exception soulevée, ordonné la notification d’une copie de la présente décision par les soins du greffier en L.R.A.R. à chacune des parties, laquelle fait courir le délai de quinzaine fixé par l’article 84 (nouveau) du Code de procédure civile pour faire appel;
– condamné XL Insurance Company aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 152,11 euros TTC (= RAR de notifications et tarifs 05-2018 n°18, n°22, n°19 x3, n°20 x3, n°1 x5, n°11 x5, n°1×1).
– et statuant de nouveau, fut-ce par suite de l’annulation du jugement au titre de l’effet dévolutif de l’appel ;
– juger recevable l’action de la société XL Insurance Company SE ;
– par suite et par voie d’évocation,
– juger inopposable à la Compagnie XL Insurance Company SE comme aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la clause attributive de compétence ;
– juger que la clause attributive de compétence n’est pas opposable aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles qui ne l’ont pas opposée ;
– juger indivisible la procédure à l’encontre de la société Philippe Manutention et de ses assureurs,
– débouter la société Philippe Manutention ainsi que la société Allianz Iard, l’un de ses assureurs de leur exception d’incompétence,
– juger que l’examen du litige demeure de la compétence du tribunal de commerce de Dunkerque au visa de l’article 46 du Code de procédure civile ;
– juger que la société Philippe Manutention responsable de l’entier préjudice subi par la société Bonduelle à la suite de l’incendie survenu en son établissement à Renescure le 17 juillet 2018,
– en conséquence,
– condamner la société Philippe Manutention solidairement avec ses assureurs Allianz Iard, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la société XL Insurance Company SE subrogée dans les droits de la société Bonduelle la somme de 1 175 744 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2018, date de l’assignation en référé ;
– débouter les défenderesses de leurs demandes, fins et conclusions,
– les condamner in solidum au paiement d’une indemnité de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens en ce compris les frais et honoraires de l’expert.
Elle conclut à l’annulation du jugement, lequel a soulevé un moyen d’office, sans inviter les parties à présenter au préalable leurs observations, et sollicite à titre subsidiaire l’infirmation.
Concernant l’irrecevabilité de son action et la subrogation, elle fait valoir que :
– Axa a indemnisé Bonduelle Europe Long Life en qualité de victime, mais aussi en qualité d’assureur de Bonduelle Conserve International qui avait assuré le chariot qui faisait partie intégrante de la flotte assurée ;
– les quittances et le procès-verbal de transaction sont clairs et limpides,
– une transaction est intervenue et démontre qu’Axa devait indemniser dans les meilleurs délais la SA Bonduelle Europe Long Life SAS par suite de l’incendie survenu en sa qualité de victime du sinistre, tant au titre de l’assurance de la victime qu’au titre de l’assurance du responsable,
– le tribunal a commis une confusion entre la question de la subrogation par suite d’une indemnisation versée au titre de dommages causés et la question de la responsabilité subséquente permettant de retenir la responsabilité du propriétaire du chariot qui s’est enflammé ;
– la quittance vaut quitus de paiement de l’indemnité.
Elle rappelle que :
– les intimées, dûment représentées, n’ignorent pas la situation sociale de l’appelante et les faits précis de ce dossier, ni même le rôle de chaque société Bonduelle ;
– la société Bonduelle Europe Long Life est exploitante des bâtiments endommagés, assurés auprès de la compagnie Axa police XFR0080893PR ;
– la société Bonduelle Conserve International assurait la flotte des véhicules du parc Bonduelle, dont celui sinistré auprès de la société Axa n° de police XFR0054419MOA18A ;
– à raison de l’incendie d’un véhicule de la flotte occasionnant des dommages matériels, la société Axa a indemnisé la victime Bonduelle Europe Long Life, exploitante des immeubles incendiés et propriétaire des stocks et matériels sinistrés.
Sur l’exception d’incompétence, elle souligne que les parties conviennent que la cour est juridiction d’appel tant à l’égard du tribunal de Lille que de Dunkerque, l’exception étant désormais sans objet, mais revient sur ce chef.
Sur le fond, elle soutient que :
– l’incident provient du chariot, l’expert n’ayant pas relevé d’origine extérieure à la machine incendiée, ni d’élément extérieur ayant provoqué l’incendie ;
– les contestations de sérieux, d’objectivité et de compétence de l’expert ne sont pas fondées et les intimées ne sont pas en mesure d’étayer et de justifier des autres hypothèses qu’elles avancent ;
– l’expert a procédé par un diagnostic d’élimination qui n’a laissé qu’un seul choix, retenant l’hypothèse la plus probable et la plus plausible ;
– cette conclusion de l’expert (fuite de gaz sur le circuit de carburation) est éclairée d’ailleurs par les témoignages des personnes présentes au départ de l’incendie, lesquelles ont entendu un sifflement de type échappement comme une fuite de gaz ;
– faute de cause exogène au matériel loué, la société Philippe Manutention doit être déclarée responsable du sinistre et de ses conséquences.
Elle fonde sa demande sur :
– la responsabilité des produits défectueux, aux motifs que :
– si la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut, la preuve de celui-ci peut être rapportée par des présomptions ;
– ces présomptions résultent de l’incendie spontané sans intervention extérieure, provoquant des dommages aux bâtiments, rendant le producteur responsable de plein droit, et donc le loueur, pour défaut et vice de la chose louée ;
– le loueur à l’obligation du maintien du chariot en bon état de fonctionnement courant, obligation de résultat ;
– la responsabilité du fait des choses, aux motifs que les conclusions de l’expert et le caractère inerte de la chose lors de l’incendie, permettent de retenir la responsabilité du propriétaire du chariot, eu égard à la garde de la structure de la chose.
Elle estime que ce soit sur la responsabilité spécifique des produits défectueux, du droit commun ou encore de la responsabilité du fait des choses, la société Philippe Manutention est tenue d’indemniser la société Bonduelle, et donc la subrogée, les assureurs intimés devant la garantir dans le présent litige.
L’évaluation du montant avancé ne peut faire l’objet de contestations par les défendeurs puisque celui-ci a été calculé et arrêté contradictoirement entre les experts des parties.
Par conclusions récapitulatives remises au greffe et notifiées entre partie par voie électronique en date du 21 janvier 2022, la société Allianz Iard et la société Philippe Manutention demandent, au visa des articles 31,32 et 48 du Code de procédure civile, des articles 1147 (ancienne numérotation), 1245 et suivants, 1353 et 1708 et suivants du Code civil, de :
– avant dire droit
– enjoindre à XL Insurance Company de produire le rapport d’expertise de Monsieur [P] suite à la réunion du 4 septembre 2020 ayant pour objet l’incendie de l’engin n° 473619 ;
– in limine litis
– juger ce que de droit sur la nullité du jugement soulevée par XL Insurance Company ;
– juger sans objet l’incompétence soulevée par les concluantes ;
– confirmer le jugement rendu pour le surplus ;
– juger irrecevable la société XL Insurance Company en son action ;
– condamner la société XL Insurance Company à verser la somme de 30 000 € aux sociétés Philippe Manutention et Allianz Iard au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
– à titre principal, en cas d’annulation ou de réformation du jugement, statuant à nouveau,
– débouter la société XL Insurance Company de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la société XL Insurance Company à verser la somme de 30 000 € aux sociétés Philippe Manutention et Allianz Iard au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
– à titre subsidiaire
– apprécier la police applicable au profit de la société Philippe Manutention ;
– fixer le point de départ des intérêts légaux au jour de l’arrêt à intervenir ;
– débouter la société XL Insurance Company du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
Elle revient sur le fait que la fin de non-recevoir a bien été relevée d’office, puisque l’audience n’avait conduit qu’à évoquer l’incompétence, il n’en reste pas moins que ce débat a été porté par les parties dans leurs écritures, seule XL Insurance n’ayant pas conclu sur ce point.
Sur la clause attributive de compétence, elles considèrent que l’assureur comme l’assuré peuvent se voir opposer en matière contractuelle toutes les clauses qui ont été acceptées par son assuré le contrat de location, signé par la société Bonduelle Conserve International, contenant un article 16 : attribution de juridiction -loi applicable et la clause constituant un accessoire du droit d’action, lui-même accessoire du droit substantiel transmis.
La cour étant juridiction d’appel du tribunal de Lille et de Dunkerque, la question de l’incompétence est sans objet.
Elles rappellent que l’assureur qui agit en justice en qualité de subrogé dans les droits de son assuré, doit produire la police d’assurance en vertu de laquelle les paiements sont intervenus et tout moyen certain prouvant le paiement, notamment une quittance subrogative sous réserve de son libellé. Elles mettent en exergue la difficulté importante tenant à la qualité de la personne subrogée. Il n’est pas démontré laquelle des sociétés Bonduelle est concernée par les polices versées aux débats, ni que le chariot était bien inclus dans la flotte automobile couverte par la police communiquée.
Sur le plan de la subrogation conventionnelle, elle fait remarquer que les deux quittances font état de règlements antérieurs ou postérieurs à leur date, de sorte que la quittance est dépourvue d’effet subrogatoire. La tardiveté du paiement, pour ceux établis, éteint toute possibilité de subrogation.
Elles font valoir que :
– l’expert retient une cause indéterminée au titre de l’origine du sinistre, la plus plausible restant celle de la fuite de gaz ;
– si l’expert a bien une préférence sur la cause du sinistre, il conclut néanmoins à une cause indéterminée faute d’avoir pu démontrer contradictoirement comment le sinistre est survenu ;
– la démonstration de l’expert souffre de quelques lacunes, ce dernier ayant notamment refusé de prendre en compte l’hypothèse afférente à l’aspiration d’un corps étranger ;
– un autre incident avec un chariot élévateur en août 2020 met en cause l’aspiration d’un corps étranger dans le véhicule, ayant conduit à son ignition,
-malgré la demande réitérée du rapport de M. [P], expert amiable intervenu sur ce nouvel incident, le rapport n’est pas versé aux débats.
Elles concluent à l’absence de responsabilité aux motifs que :
– sur le fondement des produits défectueux, l’action est éteinte 10 ans après la mise en circulation, la location étant intervenue en juin 2008 et le sinistre en juillet 2018, étant observé qu’aucune preuve de l’existence du défaut lors de la mise en circulation n’est apportée ;
– sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, le fondement de l’action de la société subrogée est nécessaire : s’il est contractuel, ce recours est inapplicable, et s’il est délictuel, toute référence à la notion de garde et la dissociation structure/comportement est surabondante, le régime de l’article 1242 alinéa 2 imposant la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité, étant en outre démontré qu’a priori, le départ d’incendie est lié à une mauvaise manipulation du chariot et non à un vice interne de telle sorte que le départ de l’incendie serait en lien avec la garde du comportement c’est-à-dire celle relevant de Bonduelle ;
– sur le fondement du bail, la société XL Insurance Company omet de se référer au régime particulier de l’incendie en matière de bail, l’article 1733 du code civil disposant une présomption de responsabilité à l’égard du preneur, lequel doit démontrer pour s’exonérer un vice de construction ;
– sur le fondement du droit commun, l’obligation de maintenance dont il est fait état ne peut constituer qu’une obligation de moyen, laquelle est dépendante de la société Bonduelle, qui utilise le matériel et est seule à connaître les pannes ou dysfonctionnements de ce dernier, la dernière fiche d’intervention datant de 19 jours avant le sinistre ;
– sur ce fondement également, les clauses contractuelles prévoient une renonciation à recours, le propriétaire du véhicule qui est la société Philippe Manutention est bien couvert au titre du contrat flotte de telle sorte que la renonciation à recours est clairement actée dans la police et rend toute action impossible à son encontre, d’autant qu’en l’absence d’une telle clause ou en l’absence de souscription de police, la société Bonduelle aurait alors commis une faute à son égard, susceptible d’engager sa responsabilité, ce qui permet à la société Philippe Manutention et ses assureurs de réclamer la somme de 41 555 euros.
Sur la police d’assurance applicable au sinistre, elles font valoir que :
– la police Allianz assure les véhicules mis en location et les dommages qu’ils peuvent occasionner tandis que la police MMA assure, elle, la responsabilité civile de la société Philippe Manutention ;
– selon le fondement retenu, la police différera ;
– concernant la police Allianz, tout cela ne peut valoir que sous réserve que la société Bonduelle n’ait pas souscrit la police prévue à l’article 8 des conditions générales puisque la police Allianz présente un caractère supplétif.
Par conclusions récapitulatives remises au greffe et notifiées entre partie par voie électronique en date du 24 janvier 2022, les sociétés MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour, au visa des articles 328 et suivants du Code de procédure civile, des articles 31 et 122 du Code de procédure civile, de l’article L. 121-12 du Code des assurances, des articles 1147 ancien (1231-1), 1242, 1245 et suivants, 1346-1 et 1708 et suivants du Code civil, de :
– à titre liminaire :
– juger recevable la compagnie MMA Iard Assurances Mutuelles dans son intervention volontaire, aux côtés de la compagnie MMA Iard SA ;
– à titre principal :
– statuer ce que de droit sur la nullité du jugement soulevée par la compagnie XL Insurance ;
– confirmer le jugement sur le surplus ;
– juger irrecevables, faute de justification des qualité et intérêt à agir de la société Bonduelle Europe Long Life au titre du sinistre survenu le 17 juillet 2018, d’une part, et faute de justification d’une subrogation régulière de la compagnie Axa Corporate Solutions dans les droits des sociétés Bonduelle SA et/ou Bonduelle Europe Long Life, l’intégralité des demandes formulées par la compagnie XL Insurance Company SE à l’encontre des MMA ;
– juger irrecevables, compte tenu de la clause de renonciation à recours stipulée au contrat de location, l’intégralité des demandes formulées par la compagnie XL Insurance Company SE à l’encontre des MMA ;
– à titre subsidiaire, en cas d’annulation ou de réformation du jugement et si, par extraordinaire, les demandes de la compagnie XL Insurance Company SE devaient être jugées recevables, statuant à nouveau :
– enjoindre à la compagnie XL Insurance Company de communiquer le rapport d’expertise établi par Monsieur [P] suite à la réunion du 4 septembre 2020 concernant le départ de feu survenu en août 2020 sur l’engin n° 473 619 ;
– débouter la compagnie XL Insurance Company SE de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions, l’origine et la cause de l’incendie demeurant indéterminées et la compagnie XL Insurance n’établissant pas la preuve d’un quelconque défaut de sécurité ou vice de construction à l’origine du sinistre, ni d’un quelconque manquement de la société Philippe Manutention en lien avec celui-ci ;
– à titre infiniment subsidiaire :
– juger que les garanties des compagnies MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mutuelles ne sont pas mobilisables en l’espèce ;
– débouter la compagnie XL Insurance Company SE, ainsi que toute autre partie, de l’ensemble des demandes formulées à l’encontre des compagnies MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mmutuelles ;
– juger que le recours de la compagnie XL Insurance Company SE ne pourrait excéder la somme totale de 821 265 euros ;
– fixer le point de départ des intérêts légaux au jour de l’arrêt à intervenir ;
– en tout état de cause :
– condamner la compagnie XL Insurance Company SE à verser aux compagnies MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles une somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la compagnie XL Insurance Company SE aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Éric Laforce, avocat au barreau de Douai ;
– débouter la compagnie XL Insurance Company SE, ainsi que toute autre partie, du surplus de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre des compagnies MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mutuelles.
Elles soulignent que le tribunal a relevé que l’appréciation de l’exception d’incompétence soulevée par la société Allianz et la société Philippe Manutention implique de vérifier la régularité de la subrogation invoquée. Elles s’en rapportent sur la nullité du jugement.
Elles mettent en lumière que :
– les pièces nécessaires à justifier la recevabilité et la régularité de la subrogation ne sont toujours pas produites en leur intégralité, la société prétendant pouvoir agir tant sur le fondement de la subrogation légale que sur celui de la subrogation conventionnelle ;
– il ressort des éléments versés aux débats que les indemnités auraient été versées à la société Bonduelle Europe Long Life (RCS n° 665 580 072), et non à la société Bonduelle (RCS n° 445 450 174) qui avait la qualité de demanderesse aux opérations d’expertise, et les quittances ont été établies par la société Bonduelle Europe Long Life ;
– il n’est justifié ni de la qualité de victime de la société Bonduelle Europe Long Life, ni de sa qualité d’assuré, du caractère effectivement mobilisable des polices souscrites auprès de la compagnie Axa Corporate, et ce à hauteur de la totalité des montants réclamés, et du caractère effectif des paiements réalisés et, le cas échéant, de la date de ces règlements ;
– il existe en outre une clause de renonciation à recours stipulée dans les contrats de location.
Sur les responsabilités, elles concluent que :
– la cause précise de l’incendie demeure nécessairement indéterminée, de nombreuses lacunes émaillant le rapport de l’expert (hypothèses et reconstitutions fantasques, démarches unilatérales dépourvues de toute rigueur technique et scientifique, absence de réalisation d’investigations en vue d’établir la fuite de gaz, absence de vérification d’introduction d’un corps étrangers), et qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre des intimées ;
– la fuite de gaz, à la supposer établie, n’est pas de nature à établir un quelconque défaut ou vice de construction du chariot mis à disposition de la société Bonduelle par la société Philippe Manutention, ni d’une quelconque faute imputable à cette dernière dans l’accomplissement des obligations de maintenance lui incombant ;
– « toutes les causes susceptibles d’expliquer la survenance du sinistre » n’ont précisément pas été « analysées et techniquement écartées », et l’hypothèse d’une fuite de gaz, défendue en demande n’a précisément pas été scientifiquement vérifiée, ce qui ne peut que conduire à débouter la société de ses demandes, au regard du caractère indéterminé de la cause du sinistre faisant obstacle à toute condamnation.
Elle revient sur sa garantie, et notamment la clause d’exclusion de garantie concernant les véhicules, et le quantum des réclamations, les éléments ne permettant pas de justifier du paiement effectif de l’intégralité des sommes. Le recours ne pourrait se faire que vétusté déduite, selon la convention de renonciation à recours entre assureurs. Le fait que la société XL Insurance ait pu accepter de prendre en charge à titre commercial l’indemnisation de la vétusté est sans incidence sur l’application de la convention.
***
L’ordonnance de clôture a été rendue le1er février 2022.
À l’audience du 8 mars 2022, le dossier a été mis en délibéré au 2 juin 2022.
Par message RPVA en date du 13 mai 2022, la Cour a invité les parties présenter leurs observations sur l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt affectant la demande en nullité du jugement au regard de l’effet dévolutif de l’appel.
Par message RPVA en date du 17 mai 2022, la société Allinaz Iard indique ne pas être demanderesse à l’annulation du jugement et s’en rapporter à la sagesse de la Cour sur ce moyen relevé d’office.
Par message RPVA en date du 13 mai 2022, la société MMA Iard et MMA Iard Assurances Mmutuelles s’en rapporte sur le défaut d’intérêt à agir.
Par message RPVA en date du 19 mai 2022, la Compagnie XL Insurance estime qu’il convient de distinguer intérêt pratique et intérêt juridique à présenter ce moyen procédural, lié à la violation par le premier juge du principe contradictoire, s’agissant de sanctionner une méconnaissance de la loi qui lui cause grief, puisqu’elle n’a pu bénéficier d’un double degré de juridiction. Au vu de l’effet dévolutif, elle s’en rapporte sur l’intérêt pratique pour la Cour à statuer sur la demande d’annulation présentée.
MOTIVATION
– Sur la demande d’annulation du jugement et la fin de non-recevoir relevée d’office
En vertu des dispositions de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.
Aux termes des dispositions de l’article 31 du Code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
Aux termes de l’article 16 du Code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties qui si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
La société XL Insurance Company SE se plaint du fait que dans son jugement, le tribunal de commerce de Dunkerque aurait soulevé un moyen d’office, tenant à l’irrecevabilité de l’action, sans recueillir les observations des parties ou rouvrir les débats dans le cadre de son délibéré, sur ce point, violant ainsi selon elle le principe de la contradiction.
Il sera observé que la nullité d’un jugement, strictement encadrée notamment par les dispositions de l’article 458 du Code de procédure civile, vise à sanctionner le non-respect des exigences substantielles et formelles prévues par la loi pour assurer un bon fonctionnement de la justice et permettre la sauvegarde des intérêts des parties et de leurs droits par un juge impartial et équitable.
Aucune disposition spécifique ne prévoit toutefois que le non-respect de la contradiction, principe certes auquel le juge doit veiller, est sanctionné par la nullité de la décision déférée, sauf lorsque la nullité porte sur l’acte introductif d’instance et que l’appelant n’a pas conclu sur le fond.
En outre, par l’effet dévolutif de l’appel et les conclusions au fond prises, la cour se trouve saisie de l’entier litige sur lequel elle doit statuer, les parties ayant pu, dans le cadre des débats en appel, remédier à tout éventuel manquement à la contradiction.
En conséquence, de manière en outre totalement dénuée de pertinence quant aux conséquences à tirer d’un défaut de respect du contradictoire et sans qu’il y ait lieu d’examiner sur le fond si les premiers juges n’ont pas respecté ledit principe, la demande de la société XL Insurance Company SE d’annuler le jugement déféré ne peut qu’être déclarée irrecevable faute d’intérêt, la nullité de l’acte de saisine de la juridiction n’étant pas en jeu et la cour demeurant saisie dans le cadre de l’effet dévolutif de l’entièreté du litige, quand bien même elle annulerait la décision déférée.
– Sur la question de la compétence
En vertu des dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. À défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
En l’espèce, les parties consacrent des développements relatifs à l’opposabilité des conditions générales du contrat de location liant la société Bonduelle Conserve International et la société Philippe Manutention, la clause attributive de compétence stipulée à l’article 16 ainsi que la compétence des tribunaux de commerce de Lille et non de Dunkerque.
Toutefois la cour ne peut constater que nul ne disconvient qu’elle soit juridiction d’appel des tribunaux de commerce de Dunkerque comme de Lille, rendant sans objet l’exception d’incompétence discutée, étant observé qu’aux termes des dispositifs des dernières conclusions saisissant la Cour, n’est plus maintenue aucune demande d’incompétence par les intimées.
La cour n’étant donc pas valablement saisie et étant juridiction d’appel des tribunaux concernés, dans le cadre de la dévolution, il n’y a pas lieu de répondre plus avant aux développements, étant observé que la demande, eût-elle été maintenue, se serait heurtée à une irrecevabilité pour défaut d’intérêt.
– Sur le recours subrogatoire de la société XL Insurance Company SE
La subrogation ne peut se produire que s’il y a eu paiement de l’indemnité d’assurance et suppose en principe que l’assuré dispose d’une action en responsabilité contre le tiers qui est à l’origine du sinistre, qu’il puisse transmettre à l’assureur.
La subrogation peut être légale ou conventionnelle.
La subrogation légale de l’assureur contre le tiers responsable, instituée par les dispositions de l’article L.121-12 du code des assurances, qui ne sont pas impératives, n’exclut par la possibilité pour l’assureur de se prévaloir du bénéfice d’une subrogation conventionnelle.
Au préalable, il ne peut qu’être déploré la dénomination changeante et particulièrement imprécise de la société subrogeante par la société XL Insurance Company SE laquelle utilise le terme générique Bonduelle, évoquant le plus souvent par là même la société Bonduelle Long Life Europe qu’elle désigne par la dénomination de Bonduelle SA également, alors qu’il s’agit d’une SAS, sans prendre en compte qu’il existe une entité juridique, avec un numéro distinct de RCS, identifiée sous l’appellation Bonduelle SA.
Au vu des imprécisions renfermées par les écritures de l’appelante et au regard de l’usage générique du terme Bonduelle, l’interprétation de ses écritures s’impose.
Or, il s’induit de ces dernières que la société XL Insurance Company SE, au soutien de son recours contre la société Philippe Manutention et ses assureurs, expose avoir indemnisé à hauteur de 1 175 744 euros la société Bonduelle Europe Long Life, en sa qualité de victime, au titre de la police d’assurance des bâtiments et contenus de ceux-ci, mais également au titre de la responsabilité du véhicule de la flotte de la société Bonduelle Conserve International, à l’origine du sinistre et des dégâts subis par la société Bonduelle Europe Long Life SAS, mêlant confusément dans ses développements des remarques tenant à la subrogation légale ou la subrogation conventionnelle, sans précisément indiquer sur quel fondement elle se base.
Toutefois, avant de pouvoir statuer sur le fond de la responsabilité, il y a lieu d’examiner si les conditions, soit de la subrogation légale soit de la subrogation conventionnelle, sont réunies, l’action de la société XL Insurance Company SE, subrogée dans les droits de la société Bonduelle Europe Long Life SAS, à supposer lesdites conditions du recours subrogatoire non remplies ne pouvant que se heurter alors à une fin de non-recevoir.
1) sur la subrogation légale :
L’article 1346 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, précise que la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.
Aux termes de l’article L. 121-12, alinéa 1, du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Pour l’application de ce texte, il faut non seulement que l’assureur ait acquitté l’indemnité mais encore qu’il ait été tenu d’effectuer ce paiement en application du contrat d’assurance, faute de quoi la somme acquittée ne pourrait recevoir la qualification “d’indemnité d’assurance” .
Le recours subrogatoire prévu par ce texte ne peut donc exister si l’assureur a versé une indemnité qui n’était pas due en application du contrat, pour quelque raison que ce soit (geste commercial, risque non garanti, exclusion de garantie ‘ )
Tant la preuve du paiement que celle de son caractère obligatoire reposent sur l’assureur.
Alors même que ces éléments sont évoqués par la société Philippe Manutention et ses assureurs, lesquels opposent une fin de non-recevoir à l’action subrogatoire menée par la société XL Insurance Company SE, on peut retenir des pièces du dossier que :
– la société XL Insurance Company produit essentiellement des quittances pour établir le paiement et un procès verbal de transaction au nom de la société Bonduelle Europe Long Life SAS ;
– les quittances (pièces 8 et 9) mentionnent des versements effectués à la société Bonduelle Europe Long Life SAS et se réfèrent à une police d’assurance XFR0080893 PR, laquelle n’est pas produite aux débats, et ce malgré la pertinente remarque des premiers juges sur ce point ;
– le procès-verbal de transaction (pièce 10) vise à « matérialiser l’accord des parties quant à l’indemnisation des découverts laissés à la charge de Bonduelle Europe Long Life SAS par le contrat dommage n° XFR0080893PR et par conséquent pris en charge au titre du contrat flotte automobile n° XFR0054419MO18A. L’indemnisation due au titre du contrat flotte automobile XFR0054419MO18A est fixée d’un commun accord à 516 329 euros ».
– est produit l’avenant de renouvellement « flotte auto » au contrat n° XFR0054419MO avec ses conditions particulières auprès d’Axa Corporate Solutions assurance en date du 26 août 2013 dont le souscripteur est la société Bonduelle SA -n° RCS Dunkerque B 445 450 174 ;
– le contrat de location du matériel, supposé à l’origine du sinistre, est conclu entre la société Philippe Manutention et la société Bonduelle Conserve International- RCS Hazebrouck B428 552 660 ;
– un listing de matériel, versé aux débats, ne précise ni la personne qui disposerait des matériels listés, en quelle qualité, la valeur probante dudit listing ne pouvant de toute façon qu’être particulièrement limitée, faute de préciser l’auteur du listing, ni sa concordance avec un quelconque inventaire des biens immobilisés dans la société, ni d’ailleurs la société concernée par ces immobilisations.
Aucun élément ne vient démontrer la qualité de victime de la société Bonduelle Long Life SAS invoquée, notamment à raison de sa propriété mobilière et immobilière affectée par le sinistre, tandis que, dans le cadre même de la procédure de référé expertise, cette qualité de victime était excipée par la société Bonduelle SA (- RCS Dunkerque B 445 450 174) pour obtenir l’expertise, servant à arrêter les sommes qui auraient été versées par la société XL Insurance Company SE en définitive à la société Bonduelle Europe Long Life SAS, qui selon les écritures de la MMA Iard SA et de la MMA Iard Assurances Mutuelles, non contestées sur ce point, et les pièces, dispose d’un n° RCS différent, le 665 580 072.
Faute de justifier du contrat la liant avec la société Bonduelle Europe Long Life SAS, la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions, ne justifie toujours pas, et ce même en cause d’appel, pour les versements qui auraient été effectués au titre de la police d’assurance XFR0080893 PR (659 415 euros), de leur qualification d’ « indemnité d’assurance », aucune subrogation légale ne pouvant intervenir dans ces conditions.
Quant au règlement invoqué de 516 329 euros au titre la police d’assurance flotte automobile, qui prendrait en charge les dommages non pris en compte dans le cadre de la police d’assurance XFR008093 PR, la société XL Insurance Company SE ne démontre pas qu’elle se devait d’indemniser la victime en sa qualité d’assureur du responsable au vu de la police XFR0054419MO18, puisque le souscripteur de ladite police est la société Bonduelle SA.
Or le chariot mis en cause est loué par la société Bonduelle Conserve International SA et aucun élément versé aux débats ne permet de le rattacher à la société Bonduelle SA, entité juridique distincte, et dont il n’est ni soutenu, ni justifié qu’elle ait absorbé la société Bonduelle Conserve International SA ou qu’elle aurait des liens avec cette dernière. La subrogation légale ne peut pas plus jouer pour ces sommes.
2) sur la subrogation conventionnelle :
Lorsque l’assureur ne peut bénéficier de la subrogation légale instaurée par l’article L.121-12 du code des assurances, il lui reste encore la possibilité de se prévaloir, le cas échéant, d’une subrogation conventionnelle.
La subrogation conventionnelle, anciennement prévue par l’article 1250 du Code civil, et reprise désormais à l’article 1346-1 du Code civil, codifiant les principes dégagés par la jurisprudence, s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse. Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens.
Elle peut être consentie au moment même du paiement, même au profit d’un assureur qui n’était pas tenu juridiquement à garantie et ne pourrait donc bénéficier d’une subrogation légale de plein droit. Elle doit être expresse, cette exigence étant satisfaite quand la mention de la subrogation figure sur la quittance par laquelle le subrogeant reconnaît avoir reçu l’indemnité d’assurance.
Paiement et subrogation doivent être faits en même temps, la subrogation consentie après paiement ne pouvant exister puisque ce paiement a éteint la créance et la charge de la preuve du paiement, notamment au moyen de la quittance subrogative signée par l’assuré, à cette réserve près que la quittance ne fait pas la preuve de la concomitance de la subrogation et du paiement, et la charge de la preuve de cette concomitance, pèse sur l’assureur.
Il est produit par la société XL Insurance Company SE trois documents portant quittances subrogatives selon elle aux débats.
La quittance en date du 15 mars 2019 (pièce 8) est ainsi rédigée : « Bonduelle Europe Long Life SAS accepte de recevoir de la société Axa corporate solutions assurances’.500 000 euros en règlement d’un acompte à valoir sur l’indemnité au titre de la police XFR00800893 PR, suite au sinistre incendie survenu…Moyennant le paiement de cette somme, le soussigné déclare Axa… valablement quitte et libérée à hauteur de cet acompte. Le soussigné déclare subroger Axa corporate solutions assurance dans tous ses droits et actions à l’encontre de tout tiers responsable ou co-auteur, conformément à l’article L121-12 du code assurances à hauteur de cet acompte ».
Sur ladite quittance, outre les mentions dactylographiées, deux calligraphies distinctes sont apposées, l’une ayant servie pour mentionner l’identité du représentant de la société, le nom de la société concernée et la date, l’autre ayant apposée la mention « lu et approuvé, reçu la somme de 500 000 euros. Bon pour quittance », et la signature.
Il n’existe aucun document antérieur à cette quittance manifestant la volonté expresse de la société Bonduelle Europe Long Life SAS que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement.
Il ne ressort pas des termes dactylographiés de ce document la reconnaissance par la société Bonduelle Europe Long Life SAS du règlement effectif de cette somme lors de l’émission du document, le 15 mars 2019, et la mention apposée, faisant état d’une réception de la somme est en totale contradiction avec les énonciations même du procès-verbal de transaction en date du 13 juin 2019 mentionnant un règlement intervenu le 3 avril 2019.
Ce document ne peut pas plus valoir acte manifestant la volonté de subroger son cocontractant lors du paiement, puisqu’il est d’ores et déjà indiqué qu’il « déclare subroger Axa’. à hauteur de cet acompte », alors même qu’il résulte de ses propres énonciations que la somme n’est pas payée et qu’il est établi qu’elle ne le sera qu’ultérieurement.
Aucune subrogation conventionnelle ne peut être valablement intervenue à ce titre à hauteur de 500 000 euros.
Concernant la quittance d’indemnité en date du 13 juin 2019, ainsi rédigée : « Bonduelle Europe Long Life SAS accepte de recevoir de la société Axa corporate solutions assurances’649 415 euros, dont l’indemnité différée de 63 323 € qui sera versée sous réserve de production des justificatifs et de l’acompte de 500 000 euros payés par Axa corporate solutions assurance le 3 avril 2019, correspondant à l’indemnité au titre de la police XFR00800893 PR, suite au sinistre incendie survenu’ Axa corporate solutions assurance procédera au versement de l’indemnité immédiate de 96 182 euros, déduction faite de la franchise de 200 000 euros et de l’acompte déjà réglé, à réception de la présente signée. ‘Moyennant le paiement de cette somme, le soussigné déclare Axa’ valablement quitte et libérée à hauteur de cet acompte. Le soussigné déclare subroger Axa corporate solutions assurance dans tous ses droits et actions à l’encontre de tout tiers responsable ou co-auteur, conformément à l’article L121-12 du code assurances à hauteur de ces montants ».
Sur ladite quittance outre les mentions dactylographiées, deux calligraphies distinctes sont là encore apposées avant la signature, l’une ayant servi pour mentionner l’identité du représentant de la société, le nom de la société concernée et la mention, « lu et approuvé, reçu la somme de 96 182 euros. Bon pour quittance », l’autre ayant apposée la date et le lieu.
Il existe une discordance manifeste entre la mention calligraphiée apposée, qui fait état d’un règlement reçu, et la mention dactylographiée, laquelle emploie le futur pour indiquer qu’Axa « procédera »’ « à réception de la présente signée » au versement.
Il s’en déduit que le règlement ne sera que postérieur à la signature du document, le soussigné déclarant lui-même dans l’acte, invalidant par la même sa mention manuscrite, qu’ Axa « est quitte et libérée à hauteur de ce montant » « moyennant le paiement », ce dont il résulte que le paiement n’est pas intervenu.
La société XL Insurance Company invoque d’ailleurs un paiement intervenu le 14 juin 2019, soit postérieurement à la rédaction de la quittance.
Ainsi, ce document ne peut entraîner subrogation conventionnelle à hauteur de 96 182 euros.
Il ne peut pas plus valoir quittance subrogative pour le montant de 500 000 euros, le paiement étant indiqué comme intervenu largement antérieurement à l’établissement de ladite quittance.
Si ledit document peut porter manifestation de volonté de subroger son cocontractant lors du paiement, notamment pour la somme de 96 182 euros, encore faut-il apporter la preuve de ce dernier.
Les deux quittances produites ne portent donc pas reconnaissance expresse d’un versement valant paiement à la date de la quittance et ne dispensent pas la société XL Insurance Company SE d’apporter la preuve du paiement effectif, la pièce 20, constituée d’une copie écran, dont l’origine et l’auteur sont ignorés, étant insuffisante à établir ledit paiement de la somme de 96 182 euros ainsi que sa date.
Concernant la pièce 10 intitulée procès-verbal de transaction en date du 4 juillet 2019, relative à l’indemnisation due au titre du contrat flotte automobile XFR0054419MO18A, fixée d’un commun accord à 516 329 euros, il est précisé que « le bénéficiaire Bonduelle Europe Long Life SAS, déclare subroger Axa corporate solutions assurance dans ses droits et actions à l’encontre de tout responsable en vue de récupérer tout ou partie de l’indemnité. La subrogation interviendra au moment du paiement. En conséquence, et sous réserve du paiement effectif qui interviendra après la signature du présent document, le bénéficiaire Bonduelle Europe Long Life SAS reconnaît être dédommagé de tout préjudice par Axa corporate solutions assurance qu’il tient entièrement et valablement quitte et déchargée de toute réclamation ».
Ce document dactylographié porte la mention calligraphiée « lu et approuvé. Bon pour quittance de la somme de 516 329 euros », le lieu, la date et une signature avec apposition du timbre humide de la société Bonduelle Europe Long Life.
Là encore le règlement de la somme, au vu des mentions de l’acte, n’est pas effectif à la date de rédaction, puisqu’il est soumis à la signature et à la restitution du document.
Cependant cet acte n’a pas la valeur d’une quittance subrogative d’un paiement mais porte uniquement manifestation de la volonté expresse de la société Bonduelle Europe Long Life SAS de subroger Axa Corporate SA lors du paiement.
Il appartient à l’assureur d’apporter la preuve effective dudit paiement pour que la volonté antérieure de subrogation conventionnelle que le document renferme puisse valablement jouer, la seule production de la pièce 19, constituée d’une copie écran, dont l’origine et les mentions ne sont attestées par quiconque, n’étant pas suffisante à établir la réalité du paiement et sa date.
N’est pas plus établi la subrogation conventionnelle à hauteur du montant de 516 329 euros.
Faute d’établir l’existence d’une subrogation tant légale que conventionnelle dans les droits de la société Bonduelle Europe Long Life SAS, et ce même en cause d’appel, la décision des premiers juges ne peut qu’être confirmée mais complétée à raison de la maladresse d’expression du dispositif, en ajoutant que la société XL Insurance Company SE est déclarée irrecevable en ses demandes.
– Sur les dépens et accessoires :
En applications des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société XL Insurance Company SE succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont confirmés.
Le sens du présent arrêt commande de condamner la société XL Insurance Company SE à payer aux compagnies MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles une somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Elle sera tout autant condamnée à payer à la société Philippe Manutention et à la société Allianz Iard la même somme.
Il est fait droit à la demande de distraction des dépens au profit de Me Laforce.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE irrecevable la demande d’annulation du jugement faute d’intérêt ;
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque en date du 29 mars 2021 en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
DÉCLARE irrecevable la société XI Insurance Company SE, tant au titre de la subrogation légale que de la subrogation conventionnelle, en ses demandes ;
CONDAMNE la société XL Insurance Company SE à payer aux compagnies MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles une somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la société XL Insurance Company SE à payer à la société Philippe Manutention et la société Allianz Iard une somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la société XL Insurance Company SE aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Laforce.
Le greffierLe président
Marlène ToccoLaurent Bedouet