Clause attributive de compétence : 2 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03642

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Clause attributive de compétence : 2 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03642
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/03642 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TW72

Jugement (N° 2020001493) rendu le 17 mars 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SAS Kiloutou

ayant son siège social 1 rue des Precurseurs CS 20449 59664 Villeneuve d’Ascq Cédex

représentée par Me Christian Hanus, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SARL [Z] [C], représentée par son gérant, Monsieur [Z] [C] (fils).

Ayant son siège social2 rue de La Chapelle 49320 Gennes Val de Loire

représentée par Me Franck Regnault, avocat au barreau de Lille

assistée de Maître Thierry Boisnard, substitué à l’audience par Me Sophie Beucher, avocat au barreau d’Angers.

DÉBATS à l’audience publique du 08 mars 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nadège Straseele, adjoint administratif faisant fonction de greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Marlène Tocco, greffier lors du délibéré, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 mars 2022

Le 19 septembre 2017, la société [Z] [C] a loué, selon contrat auprès de la société Kiloutou, un chariot à mât vertical. Cette location était prévue du 20 septembre 2017 à 8H00 au 25 septembre 2017 à 18H00. Le coût total estimé de cette location était de 549,82 euros HT, soit 659,78 euros TTC, frais de livraison et de reprise compris.

Le 25 septembre 2017, à l’échéance du contrat de location, le matériel a été mis à disposition de la société Kiloutou dès 15h30, à l’extérieur du chantier sur le trottoir, avec les clés cachées sous le siège, comme demandé par la société Kiloutou.

Le 26 septembre 2017 à 16H00, les équipes de la société [Z] [C] ont constaté que le chariot était toujours présent sur le trottoir.

Le 27 septembre 2017, en fin de matinée, la société Kiloutou s’est présentée pour récupérer le matériel.

Il a alors été constaté que le chariot n’était plus sur place et qu’il avait très probablement été dérobé.

Par courrier daté du même jour, la société Kiloutou a écrit à la société [Z] [C] : « nous vous remercions de nous faire parvenir votre dépôt de plainte pour vol ».

Le 28 septembre 2017, Monsieur [Z] [C] s’est rendu au commissariat de Saint-Herblain pour déposer plainte.

Par courriers des 25 octobre et 12 décembre 2017, la société Kiloutou a indiqué à la société [Z] [C] qu’elle la tenait pour responsable du matériel loué jusqu’à la reprise effective de celui-ci par elle-même, et a joint une facture d’indemnité de non-restitution de matériel pour un montant de 18 849,84 € TTC.

Le 21 décembre 2017 par courrier, la société [Z] [C] a rappelé à la société Kiloutou que le matériel loué était disponible pour être restitué dès le 25 septembre 2017 à 15H30 mais que c’était cette dernière qui, de son propre chef, avait décidé de ne le récupérer que le mercredi 27 septembre 2017 en fin de matinée.

En l’absence de tout règlement, la société Kiloutou a saisi le tribunal par assignation délivrée le 21 janvier 2021.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 17 mars 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole :

– a dit recevable mais non fondée l’exception d’incompétence soulevée in limine litis par la société [Z] [C],

– s’est déclaré compétent pour juger du litige,

– a débouté la SAS Kiloutou de toutes ses demandes à l’encontre de la société [Z] [C],

– a condamné la SAS Kiloutou à payer à la société [Z] [C] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,

– a condamné la SAS Kiloutou aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 73,24 € (en ce qui concerne les frais de greffe),

– a dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 3 juillet 2021, la société Kiloutou a interjeté appel à l’encontre des chefs suivants, le débouté de toutes les demandes ainsi que la condamnation à l’indemnité procédurale.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique en date du 7 mars 2022, la SAS Kiloutou demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1100, 1101, 1103, 1104 et 1242 alinéa 1 du Code civil, de l’article 1732 du Code civil, de :

– déclarer recevable et bien fondé l’appel de la société Kiloutou,

– infirmer le jugement rendu le 17 mars 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en ce qu’il a débouté la société Kiloutou de ses demandes et l’a condamné à payer 2000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

– débouter la société [Z] [C] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– statuant à nouveau,

– condamner la société [Z] [C] à payer à la Société Kiloutou les sommes de :

‘ 18 849,84 € en principal outre intérêts légaux à compter du 02 juillet 2019 date de la mise en demeure avec capitalisation

‘ 2827,48 € (15 % de 18 849.84 €) à titre de dommages et intérêts contractuels (vu l’article 15 des conditions générales du contrat de location :”le non paiement des factures à l’échéance fixée entraînera [‘] l’application, à titre de dommages et intérêts, d’une indemnité égale à 15 % de la somme impayée, outre les frais de justice et intérêts légaux ».)

‘ Les pénalités légales de retard conformément à l’article L441-6 du code du commerce, au taux égal à 3 fois le taux d’intérêt légal en cours, fixé par l’article 15 des conditions générales de location

‘ 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire prévu par l’article D 441-5 du Code de commerce

‘ 3000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure cvile.

– condamner la société [Z] [C] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel

Elle fait valoir que :

– elle établit le bien-fondé de sa créance par les pièces, et notamment ses conditions générales en cas de non-restitution du matériel, prenant en compte la vétusté de celui-ci ;

– les conditions générales sont opposables à la société [Z] [C], qui les a signées, en a eu parfaitement connaissance et les avait dûment acceptées à plusieurs reprises entre 2012 et 2017 ;

– la perte du matériel pour vol ne peut être contestée, la société [Z] [C] ne pouvant prétendre ne plus avoir la garde de la chose ;

– la demande de reprise du matériel a été effectuée le 25 septembre 2017 à 15h30 et la société [Z] [C] en demeurait gardien jusqu’à sa récupération effective ;

– le locataire doit informer par écrit et le fait d’avoir sollicité la reprise n’exonère pas le locataire de sa responsabilité, soulignant que la garde juridique de la chose louée ne cesse pas à la demande de reprise mais à la reprise effective du matériel ;

– le délai d’intervention inférieur à 48 h comme en l’espèce est parfaitement raisonnable, au regard de la logistique de transport nécessité par ce matériel ;

– le locataire a pour obligation contractuelle de prévenir le loueur du lieu et de la date de disponibilité du matériel avec un préavis raisonnable et suffisant ;

– la société [Z] [C] n’ayant pas respecté le contrat, elle ne saurait être exonérée de sa responsabilité contractuelle.

Par conclusions récapitulatives remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 17 décembre 2021, la société [Z] [C] demande à la cour, au visa des dispositions des articles 42 et 48 du Code de prcédure cvile, des articles 1119, 1240 et 1242 du Code cvil, de :

– à titre principal :

– réformer le jugement du tribunal de Commerce de Lille Métropole du 17 mars 2021 en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société [Z] [C]

– en conséquence,

– dire et juger la société [Z] [C] recevable et bien fondée en son exception d’incompétence,

– renvoyer la société Kiloutou à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce d’Angers,

– à titre subsidiaire :

– confirmer le jugement du tribunal de Commerce de Lille-Métropole du 17 mars 2021 en ce qu’il a débouté la société Kiloutou de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– en toute hypothèse :

– constater que la société [Z] [C] n’a pas eu connaissance des conditions générales de vente,

– constater que la société Kiloutou ne démontre pas l’existence concomitante d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité,

– débouter la société Kiloutou de toute demande indemnitaire

– condamner la société Kiloutou à payer à la Société [Z] [C] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la société Kiloutou aux entiers dépens

S’agissant de la compétence, elle indique qu’il n’est pas discuté que les conditions générales de location litigieuses prévoient une clause attributive de compétence, mais soutient n’avoir jamais pris connaissance de ces conditions et n’avoir obtenu copie de ces dernières qu’après la réclamation de son conseil, en décembre 2017.

Elle souligne par ailleurs que cette clause n’a pas été spécifiée de façon très apparente et que la double condition de l’article 1119 alinéa 1 n’est pas respectée. Elle prétend que l’envoi des conditions générales de vente sous format d’un document joint à un document de réservation du matériel ne les lui rend pas opposables.

Elle fait valoir que :

– elle n’avait plus le matériel sous sa garde lorsque le vol a été commis, la société Kiloutou devant récupérer le matériel mis à disposition, et ce dès le 25 septembre à 15 h30 ;

– le chariot a été abrité dans l’entrepôt la nuit, puis repositionné sur le trottoir le lendemain, puis à nouveau le sur-lendemain, après avoir été remisé pour la nuit, pour permettre à la société Kiloutou de le reprendre ;

– l’obligation de reprise pesant sur la société Kiloutou était impérieuse, puisqu’il s’agissait d’une prestation facturée par cette dernière ;

– le délai de reprise de 44 h n’est pas raisonnable, ce qui ne permet pas de maintenir la responsabilité du locataire au-delà de 24 h comme l’a justement apprécié le tribunal.

Elle conteste le préjudice de la société Kiloutou, soulignant ne pas avoir eu connaissance des conditions générales et l’absence de démonstration par la cette dernière d’une quelconque faute de sa part.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.

A l’audience du 8 mars 2022, les parties sont d’accord pour révoquer la clôture afin de prendre en compte les écritures de Me [U] du 7 mars 2022.

Le dossier a été mis en délibéré au 2 juin 2022.

MOTIVATION 

– Remarques procédurales

Les parties ont été avisées le 7 octobre 2021 de la date prévue de l’ordonnance de clôture, fixée au 1er février 2022.

Cette ordonnance de clôture a été rendue conformément à la date annoncée le 1er février 2022, peu important qu’elle ait été notifiée postérieurement.

Aucune demande de report de la clôture puis de rabat de la clôture, une fois cette dernière intervenue, n’a été sollicitée par les parties.

Les parties se sont cependant accordées pour une révocation de l’ordonnance de clôture prononcée le 1er février 2022 pour prendre en compte les écritures du 7 mars 2022 et ont sollicité le prononcé d’une clôture à la date d’ouverture des débats, soit le 8 mars 2022.

Il convient, en conformité avec le souhait de l’ensemble des parties, de révoquer donc l’ordonnance de clôture prononcée le 1er février 2022 et de clôturer la présente procédure à la date du 8 mars 2022.

– Sur l’opposabilité des conditions générales

En vertu des dispositions de l’article 1119 du Code civil, applicable à la relation contractuelle litigieuse, les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet.

En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières.

La SAS Kiloutou a établi, le 19 septembre 2019, une réservation n° 2248642 pour un chariot à mât vertical au bénéfice de la SARL [Z] [C], l’adressant par mail à cette dernière, ledit mail comprenant outre ce formulaire de réservation, sur lequel la société [Z] [C] va apposer son timbre humide et une signature, en pièce jointe les conditions générales de location de la société Kiloutou.

Il n’est ni soutenu et encore moins démontré que le dit mail n’ait pas été réceptionné, puisqu’au contraire, la société [Z] [C] a renvoyé complété le formulaire de réservation, ni que les conditions générales de location jointes soient distinctes de celles produites aux débats.

La société [Z] [C] ne peut dès lors raisonnablement venir soutenir ne pas avoir eu connaissance desdites conditions générales et ne pas les avoir acceptées, faute pour la société Kiloutou de justifier qu’elle ait signé lesdites conditions.

Aucune disposition légale ou contractuelle n’impose que lesdites conditions générales soient signées pour être opposables, l’acceptation pouvant parfaitement résulter des circonstances.

Or, en l’espèce, la transmission desdites conditions générales par un mail dont la réception n’est pas contestée, le retour fait du bon de réservation joint audit mail avec la mention « bon pour accord », et l’existence d’un courant régulier d’affaires entre les parties, reposant, selon l’affirmation de la société Kiloutou non contestée par la société [Z] [C], sur l’émission de 157 factures sur la période de 2012 à 2017 soumises aux conditions générales de location de la SAS Kiloutou en vigueur, établissent tant la connaissance que l’acceptation par la société [Z] [C] desdites conditions générales.

À juste titre les premiers juges ont pu, au vu des éléments relevés, retenir que lesdites conditions générales de location étaient opposables à la société [Z] [C], conditions qui comportent bien, à l’article 18, une clause attributive de compétence.

– Sur l’exception de compétence

La clause de l’article 18 des conditions générales de location stipule : « le présent contrat est régi par la loi française et soumis à la juridiction exclusive des tribunaux français. Tout différend relatif aux présentes conditions impliquant un professionnel sera tranché par le tribunal de commerce du siège social de Kiloutou auquel les parties attribuent une compétence exclusive, même en cas de référé, d’appel en garantie ou de pluralité de défendeur ».

Au vu de cette clause et de la localisation du siège social de la SAS Kiloutou, le tribunal de commerce de Lille Métropole était bien fondé à retenir sa compétence, en application de l’article 48 du Code de procédure civile, ladite clause figurant en caractères très apparents, contrairement à ce que soutient la société [Z] [C].

En effet, les caractères d’imprimerie utilisés sont d’une taille raisonnable, permettant aisément la lecture, d’autant que les développements dudit article figurent en fin de document certes, mais sont les seuls inscrits en gras, à l’inverse des autres clauses, ce qui attire l’attention sur ladite stipulation.

À bon droit, en application des dispositions de l’article 48 du code de procédure civile, les premiers juges ont rejeté l’exception d’incompétence soulevée et se sont déclarés compétents pour connaître du litige, la décision étant confirmée de ce chef.

– Sur la responsabilité de la perte de la chose louée

En vertu des dispositions des articles 1103 et 114 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

L’allusion faite par la société [Z] [C] aux dispositions de l’article 1242 alinéa 1 disposant qu’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde, est hors de propos puisqu’à aucun moment n’est évoqué au présent litige que le bien loué ait été à l’origine d’un dommage.

Seule se trouve en jeu la responsabilité de la société [Z] [C] au profit du loueur à raison de la perte de la chose louée, laquelle est régie, comme pour tout contrat de louage, par l’article 1732 du Code civil selon lequel le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

Doivent être retenues au titre des principales conditions générales de location, opposables à la société [Z] [C], les stipulations suivantes :

– l’article 2, selon lequel lors de la remise du matériel, la charge des risques est transférée au locataire qui en assume la garde matérielle et juridique sous son entière responsabilité. La location et la garde juridique prennent fin le jour où la totalité du matériel est restituée par la locataire en agence ou reprise par Kiloutou sur le site du locataire ;

– l’article 7-2, qui édicte une responsabilité du locataire en cas de dommages au bien loué et prévoit que le locataire est responsable des dommages subis par le matériel et en assume les conséquences financières, notamment en cas de perte totale ;

– l’article 13 au titre de la restitution du matériel, qui stipule qu’ « en cas de reprise par Kiloutou le locataire doit informer Kiloutou, par écrit de la disponibilité du matériel avec un préavis raisonnable et suffisant en précisant le lieu où il se trouve. Le matériel à reprendre doit être accessible pour Kiloutou’. Le locataire reste tenu de toutes les obligations découlant du contrat jusqu’à la récupération effective par Kiloutou, il reste notamment gardien de la chose louée et s’engage à la conserver sous surveillance. Le matériel ne sera considéré « restitué » et la garde juridique transférée à Kiloutou qu’après remise d’un bon de retour signé d’un salarié de Kiloutou ».

En l’espèce, la location était contractuellement prévue du mercredi 20 septembre 2017 à 8h au lundi 25 septembre 2017 à 18 h, selon les mentions figurant sur le bon de réservation, portant cachet, signature et bon pour accord de la société [Z] [C].

Le mail d’envoi de ladite réservation par la société Kiloutou comportait également dans son corps la précision suivante : « L’arrêt de location ainsi que la prolongation devront être confirmés par fax au 02 40 54 83 72 ou par mail à, [email protected]. Le matériel devra être accessible et en état de marche pour la reprise ».

Contrairement à ce que soutient la société [Z] [C], la responsabilité du locataire n’est pas limitée à la durée de mise à disposition prévue au contrat, soit jusqu’au 25 septembre 2017 à 18 h.

En effet, les stipulations contractuelles ci-dessus rappelées prévoient expressément que la garde matérielle et juridique, même à l’échéance prévue du contrat, demeure à la charge du locataire jusqu’à la reprise effective du bien par la société Kiloutou, le bien demeurant sous « surveillance » du locataire.

Aucune disposition contractuelle n’impose à la société Kiloutou de venir reprendre le matériel aux jours et heures de la fin de la location mentionnés au contrat puisqu’au contraire, une obligation d’information est expressément prévue à la charge du locataire, pour programmer la reprise, quand bien même elle interviendrait à l’échéance prévue audit contrat.

Or, s’il peut s’induire des développements de la société [Z] [C] qu’elle plaide son absence de faute et surtout la faute du loueur pour ne pas être venu rechercher rapidement le matériel, il n’en demeure pas moins que les circonstances de l’espèce, telles qu’elles résultent de la plainte de son propre gérant, mais également du courrier adressé par la société Kiloutou, démontrent, qu’en contravention avec les stipulations précitées des conditions générales de location, mais également avec l’avertissement spécifique contenu dans le mail lui adressant lesdites conditions et le bon de réservation, la société [Z] [C] n’a pas avisé la société Kiloutou dans un délai raisonnable de la mise à disposition du bien à l’échéance du contrat.

En effet, ce n’est qu’après un appel du loueur, le 25 septembre 2017 à 15h30, sans respect des modalités contractuelles prévues au titre de l’obligation d’information incombant au locataire, que la société Kiloutou a pu apprendre que le bien était disponible, ce qui rendait d’autant plus délicate la reprise du matériel par le loueur, le transport d’un chariot élévateur, GPL d’une tonne 75 impliquant une organisation matérielle et nécessitant un délai raisonnable pour être mis en ‘uvre.

Au vu de l’impréparation de cette reprise, liée à l’absence d’information en temps voulu par le locataire de la mise à disposition du matériel, celle-ci ne saurait se retrancher derrière le délai de 44 h pour organiser et venir rechercher ledit matériel pour estimer n’avoir commis aucune faute, alors même qu’il lui appartenait de prendre toute mesure pour assurer la surveillance dudit matériel jusqu’à sa reprise effective par la société Kiloutou, rendue délicate par la négligence même de la société [Z] [C].

En conséquence, la société [Z] [C], en tant que gardien du matériel loué jusqu’à sa reprise effective et tenue d’en assurer la surveillance jusque-là, doit répondre du vol de la chose louée.

La décision des premiers juges est donc infirmée en ce qu’elle a retenu que le contrat litigieux n’était plus en vigueur au moment du vol et écarté ainsi la responsabilité de la société [Z] [C].

Aux termes de l’article 8 des conditions générales de location, en cas de perte ou de vol du matériel loué, l’indemnité due par le locataire est facturée sur la base de la valeur d’achat du matériel déduction faite d’un pourcentage de vétusté de 8 % par mois plafonné à 50 %.

Il est sollicité par la société Kiloutou le paiement de la somme de 18 849,84 euros correspondant à sa facture impayée, montant qu’elle a fixé conformément à ses conditions générales en retenant un coefficient de vétusté.

Aucune critique n’est élevée par la société [Z] [C], cette dernière se contentant d’invoquer l’inopposabilité des conditions générales de location et l’absence de preuve du préjudice.

Il en est de même de la demande de dommages et intérêts contractuels fondée sur l’article 15 des conditions générales du contrat de location.

Les conditions générales étant opposables à la société [Z] [C], il convient de faire droit aux demandes de la société Kiloutou, fondées sur ces dernières, soit :

– la somme de 18 849, 84 euros en principal ;

– la somme de 2827,48 euros à titre de dommages et intérêts contractuels.

Les dispositions de l’article L 441-6 du Code de commerce, devenu depuis l’article L 441-10 du même code, étant dérogatoires au droit commun, et notamment à l’article 1153 du Code civil, visant à réparer le retard de paiement, ont vocation à s’appliquer en ce domaine.

Ces pénalités de retard sont exigibles de plein droit, sans rappel nécessaire et ne peuvent être réduites en raison de leur caractère abusif. Elles sont dues le lendemain de la date à laquelle le paiement est prévu.

Dès lors, la somme de 18 849, 84 euros en principal due est assortie d’un taux d’intérêts égal à 3 fois le taux légal en application de l’article 15 des conditions générales de location, et ce à compter de l’échéance légale, soit le lendemain de la date limite de paiement mentionnée sur la facture, soit le 1er décembre 2017

La cour ayant fait application des dispositions de l’article L 441-6 du Code de commerce, devenu depuis l’article L 441-10 du même code, il ne saurait être fait droit à la demande de la société Kiloutou de voir assortir en outre cette condamnation de l’intérêt légal à compter de la mise en demeure.

Si les sommes accordées sur ce fondement sont calculées par référence à un taux d’intérêt, elles constituent des pénalités et non des intérêts, rendant la demande de capitalisation des intérêts dus sans objet. La demande d’anatocisme ne peut donc qu’être rejetée.

La condamnation à la somme de 2 827,48 euros ne sera pas assortie des pénalités de l’article L 441-6 du Code de commerce, devenu l’article L 441-10 du même code, faute d’avoir fait l’objet d’une quelconque facturation par la société Kiloutou.

Il sera fait droit à la demande au titre de l’indemnité forfaitaire, en allouant à la société Kiloutou la somme de 40 euros.

– Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société [Z] [C] succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés.

Le sens du présent arrêt commande de condamner la société [Z] [C] à payer à la société Kiloutou la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La demande d’indemnité procédurale de la société [Z] [C] est rejetée.

PAR CES MOTIFS

ORDONNE la révocation de l’ordonnance de clôture en date du 1er février 2022 ;

PRONONCE la clôture de la présente procédure à la date d’ouverture des débats, soit le 8 mars 2022 ;

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 17 mars 2021 en ce qu’il :

– a dit recevable mais non fondée l’exception d’incompétence soulevée in limine litis par la société [Z] [C] ;

– s’est déclaré compétent pour juger du litige ;

L’INFIRME pour le surplus ;

CONDAMNE la société [Z] [C] à payer à la société Kiloutou les sommes suivantes :

– la somme de 18 849, 84 euros en principal

– la somme de 2 827,48 euros à titre de dommages et intérêts prévus par l’article 15 des conditions générales,

– en application de l’article L 441-6 du Code de commerce, devenu l’article L 441-10 du même code, les pénalités de retard à un taux d’intérêts égal à 3 fois le taux légal sur la somme de 18 849,84 euros TTC, et ce à compter du 1er décembre 2017 ;

– la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire ;

DÉBOUTE la société Kiloutou de sa demande de voir la condamnation assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ainsi que de sa demande d’anatocisme ;

CONDAMNE la société [Z] [C] à payer à la société Kiloutou la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société [Z] [C] de sa demande d’indemnité procédurale ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffierLe président

Marlène ToccoLaurent Bedouet

 


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