Clause attributive de compétence : 9 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03120

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Clause attributive de compétence : 9 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03120
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N° RG 21/03120 –

N° Portalis DBVM-V-B7F-K625

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

la SELARL CABINET LONJON ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 09 JUIN 2022

Appel d’une ordonnance (N° RG 2021R9)

rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE

en date du 10 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 22 Juillet 2021

APPELANTE :

S.A.S. SEVEA

société par actions simplifiée au capital de 5.028.483€, immatriculée au RCS

de Vienne sous le numéro 533 910 931, représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège,

23, rue du Creuzat – Parc Saint Hubert

38080 L’ISLE D’ABEAU

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Michel MONTAGARD, membre de l’AARPI MONTAGARD & Associés, avocat au Barreau de NICE, plaidant par Me MENARD Carole, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

S.A.S. JARDINERIE DU LEMAN

Société par action simplifiée immatriculée au RCS de Thonon-les-Bains sous le n° 950 407 510, représenté par son representant légal,

24 Avenue Pré Robert Nord

74200 ANTHY SUR LEMAN

représentée par Me Hélène MOURIER de la SELARL CABINET LONJON ET ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me René CHARDON, avocat au barreau d’ANNECY,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Mars 2022, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré

EXPOSE DU LITIGE :

La Sas Jardinerie du Léman exploite un fonds de commerce de jardinerie-animalerie.

Par contrat d’affiliation du 16 janvier 2019, elle a intégré le réseau de distribution développé par la Sas Sevea.

Dans le courant de l’année 2019, des négociations sont intervenues entre la société Sevea et M. [E] [D], associé et président de la société Jardinerie du Léman, au sujet de la cession de cette dernière.

Le 30 novembre 2020, M. [E] [D] a informé la société Sevea de son intention de prendre sa retraite au 31 décembre suivant et lui a demandé de prendre position sur la poursuite du contrat d’affiliation.

Le 4 janvier 2021, la société Jardinerie du Léman a porté à la connaissance de sa cocontractante la cession à la société Botanic de l’ensemble des titres des associés de la société Jardinerie du Léman, le remplacement de M. [D] par M. [X] et lui a renouvelé sa demande relative au devenir du contrat.

Se prévalant du droit de préférence énoncé par l’article 9 du contrat, la société Sevea a réclamé communication des conditions de vente des actions, ce que la société Jardinerie du Léman a refusé au motif que les stipulations de l’article 4 ne prévoyaient pas cette obligation.

La société Sevea a fait assigner la société Jardinerie du Léman devant le juge des référés du tribunal de commerce de Vienne, qui par ordonnance du 10 juin 2021, a :

– débouté la société Sevea de ses demandes,

– condamnée la société Sevea à payer à la société Jardinerie du Léman la somme de 800 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ,

– condamné la société Sevea aux dépens.

Suivant déclaration au greffe du 22 juillet 2021, la société Sevea a relevé appel de cette décision.

Prétentions et moyens de la société Sevea :

Au terme d’écritures notifiées le 22 novembre 2021, la société Sevea demande à la cour de :

– recevoir la société Sevea en son appel,

– le déclarer bien fondé,

– infirmer l’ordonnance,

– statuant à nouveau,

– ordonner à la société Jardinerie du Léman de communiquer à la société Sevea, l’ensemble des informations relatives aux conditions de la cession des actions de ladite société, en vertu de l’article 9 du contrat d’affiliation les liant, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,

– condamner la société Jardinerie du Léman à payer à la société Sevea, la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître Alexis Grimaud sur son affirmation de droit.

La société Sevea rappelle qu’elle a saisi le juge des référés dans le cadre de l’article 873 du code de procédure civile et ne peut se voir opposer l’existence d’une contestation sérieuse.

Elle fait valoir que l’article 9 du contrat d’affiliation lui réserve un droit de préférence portant notamment sur les titres de la société exploitante, que cette clause est parfaitement claire et ne souffre d’aucune interprétation, qu’en vertu de ces stipulations, l’affilié s’engage à notifier à la société Sevea les conditions de la vente, et que l’objet de l’instance ne porte que sur l’obligation de faire de l’affilié.

Elle considère que la mesure de communication sollicitée tend à faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par l’inexécution d’une obligation contractuelle.

Elle estime qu’en raison du caractère intuitu personae du contrat d’affiliation, M [D] s’est engagé tant en son nom personnel, qu’en sa qualité de représentant légal de l’affiliée, que cette dernière a souscrit l’engagement de communiquer les conditions de la cession des titres.

Prétentions et moyens de la société Jardinerie du Léman :

Selon ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2021, la société Jardinerie du Léman entend voir :

– constater l’absence, non contestée par la société Sevea, de toute cession de son fonds de commerce par la société Jardinerie du Léman,

– confirmer l’ordonnance dans toutes ses dispositions,

– en conséquence,

– à titre principal :

– rejeter la demande de communication sous astreinte sollicitée par la société Sevea sur le fondement de l’article 9 de son contrat d’affiliation, qu’en tout état de cause la société Jardinerie du Léman ne peut satisfaire en ce qu’elle concerne des opérations entre parties tierces,

– débouter la société Sevea de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– à titre additionnel et reconventionnel :

– condamner la société Sevea à payer le montant de son avoir en date du 17 juin 2021, soit 86 844,86 euros, à la société Jardinerie du Léman, totalement exigible à date, majoré des intérêts de retard qu’il prescrit jusqu’au complet paiement, soit au taux d’intérêt légal majoré de 5 points,

– en tout état de cause :

– condamner la société Sevea à payer à la société Jardinerie du Léman la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Sevea aux entiers dépens distraits au profit de Maître Hélène Mourier, avocat (Cabinet Lonjon et Associés).

La société Jardinerie du Léman considère qu’il existe une contestation sérieuse sur la licéité de la demande de communication présentée par la société Sevea et que cette dernière se livre à une réinterprétation des clauses contractuelles.

Elle soutient que :

– l’article 4 du contrat n’impose qu’une obligation d’information et non de communication des conditions des opérations visées,

– elle a satisfait à son obligation en informant sa cocontractante des modifications affectant sa gouvernance et son capital,

– le seul fait générateur du droit de préférence prévu par l’article 9 est la cession du fonds de commerce, la clause devant être interprétée strictement conformément à la jurisprudence,

– le contrat d’affiliation a été signé entre les sociétés Sevea et Jardinerie du Léman, M. [D] n’étant pas intervenu au contrat à titre personnel, et la société Sevea ne dispose d’aucun droit à l’encontre des associés de sa cocontractante lui permettant de leur imposer une obligation d’information.

Elle fait valoir que la demande ne porte pas sur une mesure destinée à prévenir un dommage imminent alors que la société Sevea était informée depuis plusieurs mois du changement de contrôle et de direction de la société Jardinerie du Léman, qu’elle n’invoque qu’un risque de divulgation d’informations commerciales confidentielles qu’elle n’a elle-même pas considéré comme caractérisé puisqu’elle n’a pas fait usage de la faculté offerte par le contrat d’exiger la restitution de documents et qu’au contraire, elle a continué à lui adresser ces informations.

Elle conteste l’existence d’un trouble manifestement illicite alors que l’engagement de communiquer les conditions d’une opération est conditionné à la cession du fonds de commerce, que la demande de communication n’est pas une mesure de remise en état mais d’exécution d’une obligation contractuelle, que la licéité de l’article 9 est contestable s’agissant de stipulations abusives conduisant à un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties et portant atteinte au droit de propriété à l’égard de tiers.

Elle estime que le contrat d’affiliation est inopposable à ses associés, que le seul fait que M. [D] soit désigné comme le représentant légal de l’affilié au titre de l’intuitu personae du contrat ne le rend pas partie à ce dernier et signataire à titre personnel, que le contrat prévoyait une clause attributive de compétence juridictionnelle dont la validité est conditionnée à la qualité de commerçant des parties, ce qui exclut que des personnes non commerçantes soient parties au contrat.

Sur sa demande reconventionnelle, elle fait valoir qu’elle résulte d’un fait nouveau constitué par le refus de la société Sevea de lui reverser les remises de fin d’année des fournisseurs en se prévalant de l’exception d’inexécution de l’obligation de communication, postérieurement à ses premières conclusions d’intimée, et qu’elle tend aux mêmes fins de respect des obligations de la société Sevea et de constat de l’absence de violation du contrat de son fait.

Elle relève qu’il n’existe aucune contestation sérieuse de l’obligation de restitution pesant sur la société Sevea qui a reconnu sa dette par l’émission d’un avoir assorti de dates précises de règlement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 décembre 2021.

Par note en délibéré expressément autorisée par la présidente de l’audience et notifiée contradictoirement par voie électronique le 25 avril 2022, la société Jardinerie du Léman a fait valoir que :

– les conclusions notifiées par sa contradictrice le 15 décembre 2021 à 16h57 et la pièce n°15 notifiée le même jour à 16h59 sont irrecevables, la clôture étant intervenue et ayant été notifiée aux parties le 15 décembre 2021 à 10h 22,

– sa demande reconventionnelle se fonde sur les mêmes dispositions de l’article 873 du code de procédure civile invoquées par l’appelante et l’interprétation et l’exécution du contrat d’affiliation, le refus de restitution des RFA 2020 étant justifiée par le refus de déférer à sa demande de communication de documents alors que l’émission d’un avoir correspondant vaut reconnaissance de dette.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur la recevabilité des conclusions de la société Sevea notifiées le 15 décembre 2021 :

Le 15 décembre 2021, la société Sevea a notifié par voie électronique de nouvelles écritures modifiant les termes de sa demande ainsi qu’une nouvelle pièce n°15.

Il ressort des échanges électroniques entre la cour et les parties à l’instance que ces dernières ont été rendues destinataires de l’ordonnance de clôture le 15 décembre 2021 à 10h05, dont elles ont chacune accusé réception le même jour à 10h21 et 10h22.

La société Sevea avait en conséquence parfaitement connaissance de la clôture de la procédure lorsqu’elle a notifié de nouvelles conclusions et une nouvelle pièce le 15 décembre 2021 à 16h 57, empêchant ainsi sa contradictrice d’y répondre en violation du principe du contradictoire.

Ces conclusions et la pièce n°15 ne sont pas recevables et la cour ne statuera que sur les prétentions de la société Sevea résultant de ses conclusions notifiées avant clôture le 22 novembre 2021.

2°) sur la demande de communication de documents :

L’article 873 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence de sa juridiction et même s’il existe une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d’une règle de droit résultant d’un fait matériel ou juridique.

La société Sevea entend obtenir l’exécution par la société Jardinerie de Léman des stipulations de l’article 9 du contrat d’affiliation qui prévoit que :

«de convention expresse entre les parties, en cas de cession du fonds de commerce de l’Affilié, Sevea Sas bénéficiera personnellement ou au profit d’un tiers, d’un droit de préférence portant sur :

– le fonds de commerce de jardinerie,

– les titres de la société exploitante,

– l’immobilier hébergeant l’exploitation.

Pour l’exercice de ce droit, l’Affilié s’engage à notifier à Sevea Sas par lettre recommandée avec accusé de réception, les conditions de la vente et notamment le prix, ainsi que les nom et qualités de l’acquéreur éventuel».

Il résulte de leurs écritures et des multiples courriers échangés entre elles que les parties divergent sur la définition du périmètre d’exercice de ce droit de préférence invoqué par la société Sevea et de l’obligation de communication qu’il impose, cette dernière considérant que la cession des titres intervenue lui permet de s’en prévaloir alors que la société Jardinerie du Léman estime qu’il est limité au seul cas de la cession du fonds de commerce et que ses obligations en cas de transfert de propriété des actions sont définies par l’article 4 du contrat d’affiliation qui ne prévoit aucun droit de préférence, ni obligation de communication des conditions de la vente.

Ainsi que l’a justement retenu le premier juge, la caractérisation d’un trouble manifestement illicite nécessite en l’espèce l’interprétation préalable des clauses du contrat d’affiliation, exercice ne relevant pas des pouvoirs du juge des référés.

La décision critiquée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de communication présentée en référé par la société Sevea.

3°) sur la demande reconventionnelle en paiement :

Il est justifié de l’émission le 17 juin 2021 par la société Sevea d’un avoir de 86.844,86 euros au profit de la société Jardinerie du Léman au titre de la reversion des RFA de l’année 2020. Cet avoir prévoyait en outre le règlement en trois échéances les 30 juin, 30 août et 31 octobre 2021.

Par courrier du 16 septembre suivant, la société Sevea a indiqué suspendre l’exécution de son obligation de paiement en se prévalant de l’inexécution par la société Jardinerie du Léman de ses propres obligations.

Il résulte de ce qui précède que la violation même de ces obligations n’est pas manifeste et que l’obligation de paiement contractée par la société Sevea, qu’elle a elle-même reconnu en émettant un avoir, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

En conséquence, la société Sevea sera condamnée à payer à la société Jardinerie du Léman une provision de 86.844,86 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE irrecevables les conclusions et la pièce n°15 notifiées par la Sas Sevea le 15 décembre 2021,

CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Vienne en date du 10 juin 2021,

y ajoutant,

CONDAMNE la Sas Sevea à verser à la Sas Jardinerie du Léman la somme de 86.844,86 euros à titre de provision,

CONDAMNE la Sas Sevea à verser à la Sas Jardinerie du Léman la somme complémentaire en cause d’appel de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sas Sevea aux dépens de l’instance d’appel et autorise Maître Hélène Mourier, avocat, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La GreffièreLa Présidente

 


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