Clause attributive de compétence : 16 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00673

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Clause attributive de compétence : 16 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00673
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 16 JUIN 2022

(n° , 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00673 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC44Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2020 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2019006379

APPELANTS

Monsieur [R] [F]

né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 18] (ALGERIE)

[Adresse 9]

[Localité 10]

Monsieur [L] [M]

né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 15] (57)

[Adresse 8]

[Localité 12]

Monsieur [S] [U]

né le [Date naissance 5] 1961 à [Localité 16] (13)

[Adresse 7]

[Localité 13]

Monsieur [O] [E]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 17]

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentés par Me Florence PORTAL et par Me Noémie DE GALEMBERT, avocats au barreau de PARIS, toque : D0561, avocats plaidants

INTIMEE

SOCIETE JMIB HOLDINGS B. V., société de droit néerlandais

[Adresse 14]

Strawinskylann 3007

[Adresse 2]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075, avocat postulant

Représentée par Me Jean-charles JAÏS et par Me Hubert DELERIVE, avocats au barreau de PARIS, toque : J030, avocats plaidants

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Exposé des faits et de la procédure

Le groupe SIACI SAINT HONORE (S2H) est spécialisé dans le courtage d’assurances essentiellement auprès des entreprises et des institutionnels.

La société holding de tête du groupe SIACI, la société MILESTONE, était détenue par les fonds d’investissement CATTLEYA, EDMOND DE ROTHSCHILD SA, KA DEVELOPPEMENT et JMIB filiale néérlandaise de JLT (dénommés les actionnaires institutionnels) ainsi que par un certain nombre de personnes physiques toutes salariées et/ou mandataires sociaux (anciens ou actuels) du groupe, dont les principaux cadres dirigeants de MILESTONE s’agissant de Monsieur [F], PDG de la société, de Messieurs [M], [U] et [E].

Au cours du second semestre 2014 les actionnaires institutionnels ont lancé un processs de cession du groupe et l’offre du fonds d’investissement AXA LBO FUND V FPCI représenté par sa société de gestion ARDIAN France a été retenue.

La cession de la société MILESTONE est intervenue au profit de la société SISAHO INTERNATIONAL entité de reprise créée pour les besoins de l’opération, par l’acquisition par celle ci de l’intégralité des titres de MILESTONE, par contrat du 9 mars 2015 qui a été exécuté le 6 mai 2015.

Dans le cadre de la cession les actionnaires institutionnels et les cadres dirigeants ont décidé la mise en place d’un mécanisme d’intéressement des cadres dirigeants en relation avec le prix de cession et un accord de rétrocession a été signé le 30.01.2015 entre Monsieur [R] [F] et les actionnaires institutionnels.

Cette rétrocession avait pour objectif de favoriser le processus de cession en maximisant le prix du groupe par le biais d’un intéressement des cadres dirigeants au prix de cession négocié et en permettant à ces cadres dirigeants, le cas échéant, de disposer d’une capacité d’investissement plus importante dans la nouvelle acquisition dans le cadre d’une opération de LBO.

Le montant de la rétrocession était déterminé en fonction du prix selon une formule prévue dans l’accord de rétrocession et il était indiqué que le coût financier de la rétrocession serait supporté par les actionnaires institutionnels proportionnellement à leurs poids au capital de la société cédée.

Compte tenu du prix d’acquisition fixé à 422.000.000 euros le montant de la rétrocession s’élevait à 10,2 millions réparti entre les actionnaires institutionnels au prorata du nombre d’actions détenues par chacun dans le capital social de MILESTONE soit:

CATTLEYA: 3.593.632 euros

EDMOND DE ROTHSCHILD: 2.295.052 euros

K DEVELOPPEMENT: 1.172.248 euros

JLT/JMIB: 3.139.068 euros.

La répartition de la rétrocession entre les dirigeants devait être établie par Monsieur [R] [F] en concertation avec le comité de rémunération de S2H auquel s’ajouterait [N] [T], représentant de la société JLT.

Par courrier du 10.02.2015 la société JLT écrivait aux actionnaires institutionnels pour leur indiquer que dans la mesure où ARDIAN refusait qu’elle soit représentée au comité de surveillance de la nouvelle structure de reprise elle céderait sa participation au même titre que les autres actionnaires institutionnels et refusait dans ces conditions de participer au paiement de la rétrocession.

Le 17.03.2015, Monsieur [T] représentant de JLT/JMIB annonçait sa démission du comité des rémunérations.

Par courrier du 20.04.2015, la société JLT confirmait son refus de payer la part de rétrocession lui incombant.

Par accord en date du 5.05.2015, entre les cadres dirigeants et les actionnaires institutionnels, hors JLT, il était convenu que le montant de la rétrocession était ramené provisoirement de 10.200.000 euros à 9.560.932 euros, prélevé sur le prix de cession, et que la différence entre le montant de la rétrocession provisoire et le montant devant être supporté par les actionnaires institutionnels non défaillants au titre de la rétrocession initialement prévue, soit la somme de 2.500.000 euros, serait avancée par les actionnaires institutionnels non défaillants afin de pallier la défaillance de JLT.

Il était en outre prévu à l’article 3, que dans l’hypothèse où les Managers viendraient à obtenir à titre de condamnation définitive sans recours possible ou d’une transaction ayant force de chose jugée, une indemnisation financière de la part de JLT en réparation de ses manquements au titre de la Rétrocession, ils s’engagent à affecter 78% du montant correspondant net des frais encourus à ce titre (avocats, frais de justice, etc.) au remboursement de l’Avance à Cattleya, Edr et K Développement réparti entre eux au prorata du montant de l’Avance effectué par chacun.

Le 6 mai 2015, un protocole d’accord a été signé entre SISAHO INTERNATIONAL et les cadres dirigeants prévoyant que la rétrocession provisoire pouvait être allouée soit sous la forme d’un bonus exceptionnel, soit par voie d’attribution gratuite d’actions.

Monsieur [E] a souhaité percevoir la moitié de sa quote part de rétrocession sous forme d’un bonus exceptionnel et le solde sous forme d’attribution d’actions, les autres managers, Monsieur [F], Monsieur [M] et Monsieur [U] percevant pour leur part leur rétrocession uniquement sous la forme d’attribution d’actions.

En novembre 2018, le fonds d’investissement AXA LBO FUND V FPCI représenté par sa société de gestion ARDIAN France a cédé le groupe SIACI, l’action étant valorisée selon un rapport de 1 à 2,02 entre le montant de rétrocession provisoire et le prix de cession dans le cadre de la nouvelle opération.

Du fait de cette cession Messieurs [F], [M], [U] et [E] ont recouvré leurs droits de poursuite à l’encontre de JLT/JMIB et par acte d’huissier en date du 4.01.2019 ils ont fait assigner la société JMIB devant le tribunal de commerce de PARIS pour la voir condamner à leur payer, principalement, les sommes non réglées au titre de l’exécution de l’accord de rétrocession et des dommages et intérêts en réparation du gain manqué.

Par jugement en date du 6.11.2020, le Tribunal de commerce de Paris a:

– dit l’exception d’incompétence soulevée par la société JMIB recevable mais mal fondée et l’en a débouté

– dit que l’accord de rétrocession du 30.01.2015 avait été valablement formé entre les parties et que la société JMIB était tenue envers les demandeurs par les engagements pris dans le cadre dudit accord

– débouté la société JMIB de ses demandes visant l’absence de qualité de bénéficiaires des demandes et la caducité du contrat de rétrocession

– dit que la socété JMIB en ne respectant pas ses engagements au titre de l’accord de rétrocession avait commis une faute

– condamné la société JMIB à verser aux demandeurs au titre de la diminution de la rétrocession: 255.627,30 euros à Monsieur [F], 127.813,60 euros chacun à messieurs [M] et [U] et 63.906,80 euros à Monsieur [E]

– condamné la société JMIB à verser aux demandeurs la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– rejeté les demandes des parties plus amples ou contraires

– ordonné l’exécution provisoire

– condamné la société JMIB aux dépens.

Le tribunal de commerce a considéré que :

– l’Accord de Rétrocession prévoyait une stipulation pour autrui au profit de Messieurs [M], [U] et [E], ces derniers étant par conséquent fondés à se prévaloir de la clause attributive de juridiction prévue dans l’Accord de Rétrocession donnant compétence au Tribunal de commerce de Paris ;

– l’Accord de Rétrocession n’étant pas un contrat préparatoire, JLT/JMIB était donc bien tenue par les engagements pris aux termes de ce contrat;

– s’agissant du montant de la réparation devant leur être attribué, les demandes des demandeurs étaient irrecevables à hauteur de la quote-part qui leur avait été avancée par les autres actionnaires parties à l’Accord de Rétrocession

– s’agissant de la demande de condamnation au titre du gain manqué que la perte de gains ne pouvait être réclamée en cas de rupture abusive des négociations mais que seuls les frais inutilement engagés pouvaient être réclamés, que les demandeurs ne pouvaient donc demander de compenser la perte des avantages attendus de la mise en oeuvre du mécanisme d’intéressement envisagé par le term sheet, ni le gain manqué.

Messieurs [F], [M], [U] et [E] ont formé appel de la décision par déclaration d’appel en date du 5.01.2021.

La société JMIB a formé appel de la décision par déclaration d’appel en date du 30.03.2021.

Les procédures ont été jointes par ordonnnance en date du 20.05.2021.

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 4.03.2022, Messieurs [F], [M], [U] et [E] demandent à la Cour:

Vu notamment le Règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012, Vu notamment les articles 1103 et suivants du Code civil,

-de confirmer le jugement entrepris en ce que le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il:

In limine litis,

– S’est déclaré compétent pour connaître des demandes formées par Monsieur [R] [F], Monsieur [L] [M], Monsieur [S] [U] et Monsieur [O] [E] à l’encontre de la société JMIB Holding BV sur le fondement de l’accord de rétrocession du 30 janvier 2015 ;

Au fond,

– A dit et jugé que l’accord de rétrocession en date du 30 janvier 2015 n’est pas un contrat préparatoire et que la société JMIB Holding BV est tenue par les engagements qu’elle a pris dans le cadre de cet accord ;

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit les demandeurs irrecevables au titre de leurs demandes relatives à l’avance payée par les Actionnaires Institutionnels

– Condamné la société JMIB Holdings BV à verser Monsieur [R] [F], Monsieur [L] [M], Monsieur [S] [U] et Monsieur [O] [E] les sommes suivantes au titre de l’accord de rétrocession du 30 janvier 2015 :

o Monsieur [R] [F], 255 627,30 €

o Monsieur [L] [M], 127 813,60 €

o Monsieur [S] [U], 127 813,60 €

o Monsieur [O] [E], 63 906,80 €

– Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires mais uniquement lorsqu’il a rejeté totalement ou partiellement les demandes de Messieurs [R] [F], [L] [M], [S] [U] et [O] [E], tendant à voir :

– Dit et jugé que la société JMIB Holding BV est tenue par les engagements qu’elle a pris dans le cadre de l’accord de rétrocession en date du 30 janvier 2015 ;

Et statuant à nouveau:

– Juger Monsieur [R] [F], Monsieur [L] [M], Monsieur [S] [U] et Monsieur [O] [E] recevables au titre de leurs demandes relatives à l’avance payée par les Actionnaires Institutionnels

– Condamner la société JMIB Holding BV à payer au titre de la rétrocession qu’elle s’est engagée à prendre en charge dans le cadre de l’Accord de Rétrocession à :

o Monsieur [R] [F], la somme de 1.255.627,20 euros,

o Monsieur [L] [M], la somme de 627.813,60 euros,

o Monsieur [S] [U], la somme de 627.813,60 euros,

o Monsieur [O] [E], la somme de 313.906,80 euros,

– Condamner la société JMIB Holding BV à payer à titre de gain manqué à :

o Monsieur [R] [F], la somme de 260.944,48 euros,

o Monsieur [L] [M], la somme de 130.472,24 euros,

o Monsieur [S] [U], la somme de 130.472,24 euros, et

o Monsieur [O] [E], la somme de 32.618,06 euros.

En toute hypothèse:

– Condamner la société JMIB Holding BV à payer à Monsieur [R] [F], Monsieur [L] [M], Monsieur [S] [U] et Monsieur [O] [E] la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en plus des 20.000 euros alloués par le Tribunal de commerce de Paris,

– Condamner la société JMIB Holding BV aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 31.01.2022, la société JMIB Holdings B.V. demande à la Cour de:

Concernant les demandes formulées par [L] [M], [S] [U] et [O] [E],

In limine litis

Vu les articles 4 et 7 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012,

DIRE que la clause attributive de juridiction contenue à l’article 12 du term sheet conclu le janvier 2015 est inapplicable aux actions engagées par [L] [M], [S] [U] et [O] [E] ;

DIRE que le Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ne donne pas compétence au Tribunal de commerce de Paris pour connaître des demandes d'[L] [M], [S] [U] et [O] [E] ;

En conséquence,

INFIRMER le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il s’est déclaré compétent pour avoir à connaître des demandes formulées par [L] [M], [S] [U] et [O] [E] ;

RENVOYER [L] [M], [S] [U] et [O] [E] à mieux se pourvoir,

A titre subsidiaire,

DIRE que le term sheet conclu le 30 janvier 2015 est devenu caduc le 9 mars 2015 ;

DIRE qu'[L] [M], [S] [U] et [O] [E] n’ont pas été désignés bénéficiaires de la rétrocession envisagée par le term sheet conclu le 30 janvier 2015 ;

DIRE que JMIB Holdings B.V. n’a commis aucune faute engageant sa responsabilité contractuelle au titre du term sheet conclu le 30 janvier 2015 ,

En conséquence,

INFIRMER le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a dit que le term sheet conclu le 30 janvier 2015 n’est pas devenu caduc le 9 mars 2019, dit qu'[L] [M], [S] [U] et [O] [E] ont été désignés bénéficiaires de la rétrocession envisagée et dit que JMIB Holdings B.V. a commis une faute contractuelle au titre du term sheet conclu le 30 janvier 2015 ;

DEBOUTER [L] [M], [S] [U] et [O] [E] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre encore plus subsidiaire,

DIRE qu'[L] [M], [S] [U] et [O] [E] ne peuvent obtenir réparation de la perte des avantages attendus du contrat envisagé par le term sheet conclu le 30 janvier 2015, ni du gain manqué qu’ils espéraient en tirer ;

En conséquence,

INFIRMER le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a condamné JMIB Holdings B.V. à réparer la perte des avantages attendus par [L] [M], [S] [U] et [O] [E] du contrat envisagé par le term sheet conclu le 30 janvier 2015 ;

DEBOUTER [L] [M], [S] [U] et [O] [E] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire,

DIRE que le préjudice invoqué par [L] [M], [S] [U] et [O] [E] a déjà été réparé à hauteur de 1.250.000 euros ;

DIRE qu'[L] [M], [S] [U] et [O] [E] agissent à hauteur de 1.250.000 euros dans l’intérêt d’autrui ;

En conséquence,

CONFIRMER le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a déclaré irrecevables [L] [M], [S] [U] et [O] [E] en leur demande tendant à obtenir réparation d’un préjudice de 1.250.000 euros pour défaut d’intérêt à agir,

Concernant les demandes formulées par [R] [F],

DIRE que le term sheet conclu le 30 janvier 2015 est devenu caduc le 9 mars 2015 ;

DIRE que [R] [F] n’a pas été désigné bénéficiaire de la rétrocession envisagée par le term sheet conclu le 30 janvier 2015 ;

DIRE que JMIB Holdings B.V. n’a commis aucune faute engageant sa responsabilité contractuelle au titre du term sheet conclu le 30 janvier 2015 ;

En conséquence,

INFIRMER le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a dit que le term sheet conclu le 30 janvier 2015 n’est pas devenu caduc le 9 mars 2019, dit que [R] [F] a été désigné bénéficiaire de la rétrocession envisagée et dit que JMIB Holdings B.V. a commis une faute contractuelle au titre du term sheet conclu le 30 janvier 2015 ;

DEBOUTER [R] [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

DIRE que [R] [F] ne peut obtenir réparation de la perte des avantages attendus du contrat envisagé par le term sheet conclu le 30 janvier 2015, ni du gain manqué qu’il espérait en tirer;

En conséquence,

INFIRMER le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a condamné JMIB Holdings B.V. à réparer la perte des avantages attendus par [R] [F] du contrat envisagé par le term sheet conclu le 30 janvier 2015 ;

DEBOUTER [R] [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre encore plus subsidiaire,

DIRE que le préjudice invoqué par [R] [F] a déjà été réparé à hauteur de 1.000.000 euros ;

DIRE que [R] [F] agit à hauteur de 1.000.000 euros dans l’intérêt d’autrui ;

En conséquence,

CONFIRMER le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a déclaré irrecevable [R] [F] en sa demande tendant à obtenir réparation d’un préjudice de 1.000.000 euros pour défaut d’intérêt à agir,

En tout état de cause,

CONDAMNER [R] [F], [L] [M], [S] [U] et [O] [E], in solidum, à verser à JMIB Holdings B.V. la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER [R] [F], [L] [M], [S] [U] et [O] [E] aux entiers dépens de la présente instance.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exception d’incompétence

Les parties reconnaissent que la compétence du tribunal de commerce de PARIS ressort des termes de l’accord de rétrocession du 30.01.2015 signé entre les actionnaires institutionnels et Monsieur [F] mais s’opposent sur le fait que Messieurs [M], [U] et [E] puissent se prévaloir de cet accord et donc de la clause attributive de compétence qu’il stipule.

La société JMIB soutient que le tribunal de commerce de PARIS est incompétent pour connaitre des demandes de messieurs Messieurs [M], [U] et [E] dans la mesure où:

– ils ne sont pas parties au term sheet du 30.01.2015 et ne peuvent s’en prévaloir puisque seul Monsieur [F] en est signataire

– ils ne peuvent être considérés comme bénéficiaires du term sheet puisqu’à la date de signature de celui ci les bénéficiaires n’étaient pas désignés et qu’ils n’ont pas été désignés régulièrement puisqu’ils l’ont été:

* en l’absence de [N] [T] qui est mentionné comme faisant partie du comité des rémunérations,

*15 jours après la date de signature du contrat de cession et donc 15 jours après que le term sheet soit devenu caduc

*en dehors du cadre contractuel prévu aux termes duquel JLT avait clairement informé les co-signataires du term sheet qu’elle n’accepterait de signer celui ci qu’à la condition qu’elle soit impliquée dans la désignation de ses bénéficiaires et la répartition de la rétrocession.

Elle conteste en conséquence le fait que le term sheet ait pu mettre en place un schéma de stipulation pour autrui, soutenant qu’en tout état de cause les appelants ne pourraient s’en prévaloir.

Elle précise qu’elle ne conteste pas que le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui est investi d’un droit direct dès la stipulation mais expose que ce droit ne peut naitre que si un bénéficiaire est effectivement désigné, qu’en l’espèce aucun des demandeurs n’a été désigné bénéficiaire conformément au term sheet, ni même dans le cadre du term sheet puisqu’ils ont été désignés bénéficiaires d’un bonus au titre d’un accord séparé, ultérieur. Elle soutient que si les parties au term sheet avaient entendu s’engager à verser la rétrocession aux trois appelants elles n’auraient pas remis la désignation des bénéficiaires à une date ultérieure ou fait dépendre cette désignation de leur mobilisation lors du processus de vente, élément imprévisible à la date de signature du term sheet.

En réponse au moyen opposé, aux termes duquel elle serait mal fondée à se prévaloir du fait que cette désignation soit intervenue postérieurement à la date de signature du contrat de cession car elle avait, antérieurement à cette signature, indiqué qu’elle n’honorerait pas ses engagements au titre du term sheet de sorte qu’elle aurait renoncé au bénéfice de cette condition, elle réplique que la désignation des bénéficiaires n’est pas une condition de l’obligation de paiement car pour être suspensive ou résolutoire une condition doit être un évenement futur, indépendant de la volonté des parties dont la réalisation aléatoire affecte l’existence même du contrat ou d’une de ses obligations, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque la désignation des bénéficiaires est dépendante de la volonté des parties, et en outre se confond avec les éléments essentiels du contrat à conclure, l’identité des bénéficiaires et la répartition de la rétrocession étant les deux éléments centraux d’un mécanisme d’intéressement tel que celui envisagé par le Term Sheet.

Elle expose que le tribunal de commerce de PARIS est incompétent pour connaitre de la demande de messieurs [M], [U] et [E] en application de l’article 4 du règlement UE 1215/2012 du 12.12.2012 au profit du tribunal du lieu où demeure le défendeur ou, en matière délictuelle, du lieu du fait générateur ou du lieu de survenance du dommage, qui ne permet pas de retenir au regard des faits de l’espèce la compétence du tribunal de commerce de PARIS, et souligne que les règles de compétences prévues par le règlement européen ne font aucune référence au principe d’une bonne administration de la justice.

Messieurs [M], [U] et [E] soutiennent qu’ils peuvent se prévaloir de la clause de compétence inscrite dans l’accord du 30.01.2015, par le biais de la stipulation pour autrui, qui est dérogatoire des règles de compétence du règlement européen.

Ils exposent que si le contrat prévoyant la clause attributive de compétence ne lie en principe que les parties au contrat la jurisprudence de la CJUE a posé le principe selon lequel dans un schéma de stipulation pour autrui la clause attributive de juridiction pouvait être invoquée par le bénéficiaire de la stipulation pour autrui.

Ils indiquent ainsi que l’engagement pris par les actionnaires institutionnels s’inscrit dans le schéma d’une stipulation pour autrui dans la mesure où ceux ci se sont engagés à l’égard de Monsieur [F] à payer la rétrocession aux bénéficiaires, que le mécanisme de la stipulation pour autrui s’applique en cas de caractère déterminable du bénéficiaire quand bien même celui ci n’aurait pas encore été déterminé au jour du contrat, que l’accord de rétrocession prévoyait la désignation des bénéficiaires par le comité des rémunérations, que ceux ci étaient donc déterminables au jour du contrat.

Ils soulignent que le droit du tiers bénéficiaire existe dès que le promettant s’oblige à l’égard du stipulant quand bien même l’identité du bénéficiaire est établie postérieurement.

Ils font valoir que JMIB ne peut valablement soutenir qu’ils n’auraient pas la qualité de bénéficiaires au motif que cette qualité était conditionnée à la présence du représentant de JLT au comité des rémunération, dans la mesure où JLT a fait le choix de ne pas siéger dans ledit comité et ne peut donc arguer de sa propre défaillance.

Ils font également valoir que JMIB ne peut valablement soutenir ne pas avoir eu communication de la liste des bénéficiaires avant la date de signature du contrat de cession pour soutenir que le term sheet ne lui est pas opposable dans la mesure où JLT/JMIB a écrit le 10.02.2015 qu’elle considérait ne plus être tenue par aucun engagement et fait donc preuve de mauvaise foi en soulevant cet argument temporel.

Ils expliquent ainsi que la présence de JLT au comité des rémunérations et la communication de la liste des bénéficiaires constituent des conditions “modalités”, et non des conditions essentielles du contrat, au sens des articles 1304 et suivants du code civil et qu’il convient de faire application de l’article 1304-3 du code civil qui dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. Ils rejettent l’argumentation de JMIB qui soutient que les modalités de désignation des bénéficiaires ne pourraient pas relever du régime des conditions suspensives car il aurait fallu que leur réalisation dépende d’un évènement indépendant de la volonté des parties, en indiquant que les conditions, comme en l’espèce, qui dépendent à la fois de la volonté du débiteur et de la volonté du créancier sont parfaitement valables.

Enfin ils soulignent que l’éventuelle inefficacité du term sheet n’affecte en rien la validité ou l’opposabilité de la clause.

Ils indiquent en tout état de cause qu’il est d’une bonne administration de la justice que leurs demandes soient examinées par la même juridiction que celle qui connait de la demande de Monsieur [F] compte tenu du fait que ces demandes sont identiques comme reposant sur les mêmes fondements en droit et en fait et procèdent du même contrat.

Sur ce

Messieurs [M], [U] et [E] fondent leur action à l’encontre de la société JMIB sur le contrat de rétrocession signé le 30.01.2015 entre les actionnaires institutionnels dont elle faisait partie et Monsieur [F] et prévoyant une rétrocession au profit de bénéficiaires dont la liste serait établie par Monsieur [F] et le comité de rémunération auquel s’ajouterait Monsieur [T] représentant de JLT.

Ce contrat de rétrocession prévoit une clause attributive de compétence en cas de litige, s’agissant de la compétence du tribunal de commerce de PARIS.

La société JMIB conteste aux appelants la qualité de partie au contrat en soutenant que les conditions de la stipulation pour autrui ne sont pas réunies et qu’ils ne peuvent donc se prévaloir du contrat du 30.01.2015 et donc de la clause de compétence.

L’article 1121 ancien du code civil dispose qu’ on peut pareillement stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que l’on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a déclaré vouloir en profiter.

L’accord de rétrocession signé par les actionnaires institutionnels et Monsieur [F] prévoit dans son article 3 intitulé “objet du term sheet” que ‘les actionnaires institutionnels se sont engagés à mettre en place au profit des bénéficiaires une rétrocession dont les principaux termes et conditions sont prévus au présent term sheet.’

Les bénéficiaires sont définis au paragraphe 3 comme étant: ‘un certain nombre de mandataires sociaux et/ou salariés de la Cible ou de ses filiales identifiées conformément au paragraphe 8 ci dessous.’

Le paragraphe 8 indique: ‘il revient à Monsieur [F] en concertation avec le comité des rémunérations, (…) auquel s’ajoutera [N] [T], de décider qui bénéficiera de la Rétrocession et comment s’effectuera la répartition de la rétrocession entre les bénéficiaires.

La liste des Bénéficiaires ainsi que la répartition de la Rétrocession entre les Bénéficiaires identifiés, sera communiquée aux autres Parties en temps utile et en toute hypothèse avant la Date de signature.’

Messieurs [M], [U] et [E] ont été désignés par le comité des rémunérations lors de sa réunion du 24.03.2015 comme bénéficiaires ainsi que le prévoyait le term sheet rétrocession du 30.01.2015.

En premier lieu, la désignation nominative des bénéficiaires ne constitue pas un élément essentiel du contrat lors de la signature du term sheet le 30.01.2015. Les éléments essentiels du contrat discuté sont le principe d’une rétrocession du prix de vente aux managers, les modalités de calcul de cette rétrocession et de versement par les acteurs institutionnels, et l’organisation du processus pour désigner les managers pouvant bénéficier de la rétrocession en fonction de leur performance passée au cours des derniers années et de leur mobilisation lors du processus de vente .

En effet dans la mesure où il est indiqué en objet du contrat au paragraphe 3 que la rétrocession est mise en place pour favoriser la cession et en maximiser le prix en alignant les intérêts des actionnaires institutionnels et d’un certain nombre de mandataires sociaux et/ou salariés, il était prématuré de déterminer, au moment de la signature de l’accord de rétrocession l’identité des managers bénéficiaires puisque le processus de cession était en cours et il était à ce stade impossible d’évaluer l’engagement, à venir, des uns et des autres dans ledit processus.

Il était par contre indispensable de déterminer un processus de désignation des bénéficiaires.

Or précisément ledit processus a été déterminé puisqu’il a été stipulé que Monsieur [F] en concertation avec le comité des rémunérations, auquel s’ajoutera [N] [T] déciderait de qui bénéficierait de la rétrocession et comment s’effectuerait la répartition de celle ci entre les bénéficiaires.

En conséquence la désignation nominative des bénéficiaires n’était pas un élément essentiel du contrat de rétrocession ayant une incidence sur sa formation mais un élément de son exécution.

En second lieu, pour que les bénéficiaires de la stipulation pour autrui puissent se prévaloir de celle ci, s’il n’est pas nécessaire qu’ils soient désignés nominativement, il ressort de la jurisprudence qu’il convient qu’ils puissent être déterminés au jour où la condition doit recevoir effet.

Or il ressort des éléments rappelés ci dessus que le contrat de rétrocession du 30.01.2015 prévoit expressement le processus de désignation des bénéficiaires de telle sorte qu’au jour où la rétrocession a effectivement été répartie ils avaient été désignés nominativement.

En troisième lieu, aucune disposition ne prévoit que l’absence de désignation des bénéficiaires avant la date de signature de la cession, signature qui a eu lieu le 9.03.2015, rend automatiquement caduc l’ensemble du term sheet du 30.01.2015. De telle sorte que le fait que la liste des bénéficiaires ait été établie après la signature le 9.03.2015 de l’accord de cession, n’est pas de nature à mettre à néant, avant toute décision judiciaire constatant ou prononçant soit la caducité, soit l’inexécution du term sheet, la désignation des bénéficiaires. Il s’ensuit que jusqu’à une éventuelle décision judiciaire en ce sens, le contrat s’applique en toutes ses clauses y compris la clause de compétence, entre toutes les parties, y compris les bénéficiaires désignés nominativement.

En quatrième lieu, la société JMIB fait valoir que son représentant n’a pas participé à leur désignation et que cela affecte la validité de la désignation des bénéficiaires.

Or contrairement à ce que la société JMIB soutient, aucun des paragraphes du term sheet ne conditionne la validité de la désignation des bénéficiaires à la participation de JLT/JMIB à cette désignation, nonobstant le fait qu’il ait été prévu qu’elle participe au processus de désignation.

Ainsi dans la mesure où il n’est pas prévu à l’accord de rétrocession que la participation de [N] [T] en qualité de représentant de JLT au comité de rémunération soit une condition de la régularité de la désignation des bénéficiaire, la décision unilatérale de ce dernier de ne pas participer au processus de désignation des bénéficiaires est sans portée sur la validité des décisions prises par le comité des rémunérations lors de la réunion du 24.03.2015.

Les conditions de la stipulation pour autrui sont donc remplies au profit de Messieurs [M], [U] et [E] qui peuvent donc se prévaloir de la clause de compétence inscrite dans le contrat du 30.01.2015.

L’article 17 de la convention de Bruxelles en date du 27.09.1968 concernant la compétence judiciaire à l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose dans son premier alinéa que si, par une convention écrite ou par une convention verbale confirmée par écrit, les parties, dont l’une au moins à son domicile sur le territoire d’un Etat contractant ont désigné un tribunal ou les tribunaux d’un Etat contractant pour connaitre des différends nés ou à naitre à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont seuls compétents.

En conséquence c’est à juste titre que Messieurs [M], [U] et [E] ont engagé une action à l’encontre de la société JMIB devant le tribunal de commerce de PARIS, juridiction désignée comme compétente par le contrat.

Il convient donc de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société JMIB et de confirmer le jugement rendu.

Sur l’accord de rétrocession du 30.01.2015

Sur le caractère de contrat préparatoire

La société JMIB soutient que le Term Sheet est un contrat préparatoire ne comportant aucun engagement de verser aux demandeurs la rétrocession envisagée mais visant uniquement à encadrer les négociations entre les actionnaires institutionnels et [R] [F] pendant une durée déterminée dans la mesure où il laisse en suspens des éléments essentiels, et que les signataires sont convenus de continuer à négocier dans un temps défini, à savoir jusqu’à la signature du contrat de cession. Elle conclut qu’en l’absence d’accord final trouvé le Term Sheet est devenu caduc et qu’en conséquence elle ne saurait être tenue à contribuer à la rétrocession envisagée.

S’agissant des éléments essentiels qui devaient continuer à être négocier elle indique qu’il s’agit des modalités de mise en oeuvre de la rétrocession envisagée, de la structuration de celle-ci, de sa répartition mais surtout de l’identité des bénéficiaires pouvant prétendre à la rétrocession, s’agissant d’un mécanisme d’intéressement des dirigeants empreint d’intuitu personae car il a pour vocation de récompenser l’implication particulière de certains cadres dirigeants.

Elle soutient en outre que sa présence au processus de détermination constituait un élément essentiel du contrat.

Elle ajoute enfin que le term sheet ne stipule aucune obligation précise à la charge de l’une quelconque des parties d’avoir à verser un montant déterminé à une personne désignée.

Les managers soutiennent que l’accord de rétrocession n’est pas un contrat préparatoire mais que conformément au droit positif il a été formé dès l’accord des parties sur les éléments essentiels ce qui est le cas en l’espèce, qu’en effet les parties se sont mises d’accord: sur le critère du montant de la rétrocession lequel est défini comme étant le prix d’acquisition pour 100% des actions de la société cible, le montant de la rétrocession, lequel est plafonné à 25 millions d’euros, les modalités de calcul de la rétrocession, la répartition du coût financier de la rétrocession, ainsi que sur les éléments dont les modalités restaient à définir s’agissant de la désignation des bénéficiaires par le comité des rémunérations, de la répartition de la rétrocession entre les bénéficiaires, et de la structuration fiscale de la rétrocession.

Ils soutiennent que les modalités de répartition des bénéficiaires ainsi que la répartition de la rétrocession entre ces derniers ne sont pas des éléments essentiels, qu’en effet il n’est à aucun moment indiqué dans l’accord de rétrocession que les parties entendaient retarder la formation de leur accord à la désignation nominative des bénéficiaires, que donc contrairement à ce que soutient JMIB l’identité des bénéficiaires n’était pas un élément essentiel nécessaire à la validité et à la formation du contrat.

Ils exposent que la condition de présence de JMIB au comité des rémunérations ne constitue pas une modalité essentielle du contrat au regard de l’aléa de la présence de JMIB, du fait que cette présence n’a aucune incidence sur la quote-part à laquelle JLT/JMIB était tenue au titre de la rétrocession puisque celle ci avait déjà été définie, et du fait que ces modalités de détermination n’ont pas constitué des conditions suspensives.

Sur ce

L’article 1101 ancien du code civil dispose que le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent , envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire, ou à ne pas faire quelque chose.

Il résulte de la jurisprudence que le contrat est parfait lorsque la volonté des parties s’est rencontrée sur les éléments essentiels de celui ci.

En l’espèce les parties se sont mis d’accord:

– au paragraphe 3 sur l’objet du contrat s’agissant d’une rétrocession pour favoriser la cession et en maximiser le prix en alignant les intérêts des actionnaires institutionnels et d’un certain nombre de mandataires sociaux et/ou salariés de l’entreprise cédée

– aux paragraphes 4, 5 et 6: sur le montant de la rétrocession: en fonction du prix d’acquisition, selon une formule précisée au paragraphe 6, le montant s’établissant entre 0 et 25 millions d’euros

– au paragraphe 7: sur la répartition entre les actionnaires institutionnels: proportionnellement à leurs poids dans le capital de la société cédée

– au paragraphe 8: sur l’identification des bénéficiaires et la répartition de la rétrocession entre les bénéficiaires: Monsieur [F] et le comité des rémunérations auquel se joint Monsieur [T] décident de qui bénéficiera de la rétrocession et comment s’effectuera la rétrocession entre les bénéficiaires.

Les critères de choix des bénéficiaires et de leur part dans la rétrocession sont énoncés dans ce même paragraphe puisqu’il est indiqué que l’objectif de la rétrocession est de permettre aux principaux membres du management d’être rémunérés équitablement en fonction de leur performance passée au cours des dernières années et de leur mobilisation lors du processus de vente.

Il n’existe pas de mention d’une condition suspensive à la formation du contrat s’agissant de la désignation nominative des bénéficiaires de l’accord de rétrocession. En d’autres termes le contrat signé ne prévoit pas que l’accord des parties au versement de la rétrocession ne sera parfait qu’après la désignation nominative des bénéficiaires et JMIB est donc mal fondé à faire valoir que du fait de l’absence de désignation nominative des bénéficiaires le contrat ne s’est pas formé.

Ainsi contrairement à ce que soutient la société JMIB, le Term Sheet n’est pas un contrat préparatoire puisque les parties se sont entendues sur tous les éléments du contrat et n’ont laissé en suspens aucun élément essentiel.

Sur la caducité du term sheet

La société JIBT soutient que le term sheet est caduc car la désignation des bénéficiaires et la répartition de la rétrocession devaient intervenir avant la date de signature du contrat de cession que cependant la signature du contrat de cession est intervenue le 9 mars 2015 sans qu’aucune décision ne se soit tenue quant aux éléments de la rétrocession à déterminer et en particulier sans qu’aucun cadre dirigeant n’ait été désigné bénéficiaire de la rétrocession.

Elle expose que le raisonnement du tribunal de commerce qui retient qu’elle serait mal fondée à se prévaloir de la non-réalisation de la condition d’identification des bénéficiaire et de répartition de la rétrocession à laquelle elle a renoncé, est erroné dans la mesure où l’identification des bénéficiaires et la répartition de la rétrocession ne constituent pas des conditions posées par le term sheet, qu’aucun élément ne permet d’affirmer que c’est l’annonce de JLT de ne plus contribuer à une quelconque rétrocession qui aurait empêché de finaliser le term sheet avant le 9.03.2015.

Elle en conclut que le term sheet était un contrat préparatoire devenu caduc depuis le 9.03.2015.

Les managers exposent que JLT/JMIB qui a indiqué dès le 10.02.2015 qu’elle n’entendait pas honorer ses engagements et a ensuite cessé toute discussion ne peut se prévaloir de la non réalisation de cette condition à laquelle elle a nécessairement renoncé, en application de l’adage “Nemo auditur…”, que par ailleurs JLT a empêché l’identification des bénéficiaires et la répartition de la rétrocession en démissionnant du comité des rémunérations, qu’elle n’est donc pas fondée à se prévaloir de cette condition dont elle a empêché l’accomplissement dans les formes et délais contractuels, que s’agissant de la structuration de la rétrocession laquelle devait être discutée de bonne foi entre les parties JLT a renoncé à cette condition dès le 10.02.2015 en indiquant qu’elle refusait d’exécuter l’accord de rétrocession.

Sur ce

Le contrat de rétrocession stipule que la liste des bénéficiaires, ainsi que la répartition de la rétrocession entre les bénéficiaires identifiés, sera communiquée aux autres parties en temps utile, et, en toute hypothèse, avant la date de signature.

JMIB est recevable à soulever la caducité d’un contrat dont elle est signataire au titre des moyens de défense articulés pour s’opposer à l’exécution de celui ci, nonobstant son attitude dans l’exécution dudit contrat.

Aucune sanction n’est prévue dans le contrat en cas de non respect du planning inscrit dans l’accord de rétrocession et en particulier il n’est pas prévu qu’en l’absence de communication de la liste avant la cession, l’accord de rétrocession sera caduc.

Par ailleurs la caducité d’un contrat qui aux termes de la jurisprudence rendue au visa de l’article 1131 ancien du code civil, peut être prononcée par une juridiction en cas de disparition d’un élément essentiel du contrat ne peut être prononcée en l’espèce. En effet il n’est pas rapporté la preuve qu’un élément essentiel du contrat avait disparu, étant rappelé que la désignation nominative des bénéficiaires n’a pas été retenue comme étant un élément essentiel puisque le processus de désignation de ceux ci avait été prévu dans le contrat litigieux.

Il convient donc de rejeter le moyen tiré de la caducité du contrat.

Sur l’exécution du contrat

La société JMIB soutient que le contrat n’a pas pu s’exécuter d’une part parce que les bénéficiaires ont été désignés après la signature du contrat de cession et d’autre part faute pour elle d’avoir participé à la désignation des bénéficiaires.

Par ailleurs elle soutient qu’est entré dans le champs contractuel le fait qu’elle réinvestisse dans la nouvelle société et dispose d’un siège au comité de surveillance. Elle fonde ainsi son refus d’exécuter le contrat sur le refus d’ARDIAN de lui accorder un siège, qui a entrainé sa décision de cession de tous ses titres, refus d’ARDIAN qu’elle impute à la position des managers.

Les managers exposent que la date et les modalités de détermination des bénéficiaires ainsi que la répartition de la rétrocession ne sont pas essentielles à la validité de l’accord puisqu’elles ne se confondent ni avec l’objet du contrat, ni avec les éléments relatifs au consentement et à la capacité des parties que si ces modalités de détermination avaient revêtu un caractère essentiel pour les parties il existait des mécanismes contractuels qui leur permettaient de conditionner le paiement de la rétrocession à la réalisation de conditions suspensives comme par exemple la présence de JLT au comité des rémunérations ou un accord sur les modalités de répartition de la rétrocession ou encore en prévoyant que leur accord ne serait définitif qu’au jour de la conclusion d’un accord ultérieur.

Ils indiquent que dès lors que JLT a exprimé sa volonté de ne pas honorer son engagement de payer la rétrocession les autres parties étaient parfaitement en droit de décider de proroger, même tacitement, la date prévue pour la désignation des bénéficiaires sans avoir à obtenir son accord préalable de telle sorte que JLT est malfondé à soulever la caducité du protocole.

Sur ce

Le paragraphe 8 indique:’ il revient à Monsieur [F] en concertation avec le comité des rémunérations, (…) auquel s’ajoutera [N] [T], de décider qui bénéficiera de la Rétrocession et comment s’effectuera la répartition de la rétrocession entre les bénéficiaires.

La liste des Bénéficiaires ainsi que la répartition de la Rétrocession entre les Bénéficiaires identifiés, sera communiquée aux autres Parties en temps utile et en toute hypothèse avant la Date de signature.’

En premier lieu il y a lieu de souligner que par “autres parties” il convient de comprendre les parties qui n’ont pas participé à l’instance chargé de désigner les bénéficiaires et de prévoir entre eux la répartition, instance composée de [R] [F], du comité des rémunérations constitué de Monsieur [D], de Monsieur [P] et de Monsieur [V], ainsi que de Monsieur [T] représentant JLT/JMIB.

En conséquence JMIB dont le représentant Monsieur [T] participait à la désignation des bénéficiaires est mal fondé à se prévaloir de délais prévus au bénéfice des parties ne participant pas à cette désignation, qui, seules, pouvaient se prévaloir de l’absence d’exécution liée à l’absence de communication de la liste des bénéficiaires avant la signature de l’acte de cession.

En second lieu le fait que la liste des bénéficiaires n’ait pas été établie au jour de la cession n’est pas de nature à remettre en cause l’accord de rétrocession puisque contrairement à ce que soutient JMIB il ne s’agit pas d’un élément essentiel à la formation du contrat mais une condition d’exécution du contrat qui peut donc être décalée dans le temps sans porter atteinte à l’existence de l’accord .

Comme il a été rappelé ci dessus l’établissement de la liste des bénéficiaires ne pouvait en tout état de cause se faire qu’aux termes du processus de cession puisqu’il était prévu de prendre en compte la mobilisation des managers dans le processus de vente et le fait que la liste ait été établie 15 jours après la signature de la cession (mais avant son exécution prévue au 6 mai) n’est donc pas critiquable mais cohérent avec l’économie générale du contrat de rétrocession.

En troisième lieu il n’est pas prévu que la participation du représentant du JMIB à la désignation des bénéficiaires soit une des conditions de la régularité de la désignation des bénéficiaires et donc de l’exécution du contrat. En effet le contrat ne prévoit aucune condition suspensive de l’exécution du contrat en relation avec la participation effective de JLT/JMIB au processus de désignation.

Ainsi c’est à tort que la société JMIB soutient pour s’opposer à l’exécution du contrat qu’elle n’a pas participé à la désignation, étant précisé que son absence est le résultat de sa seule décision.

C’est également à tort que la société JMIB soutient qu’au cours des discussions entretenues avec les signataires elle a souligné l’importance de sa participation à la désignation desdits bénéficiaires et à la répartition de l’intéressement entre eux et que cette condition est entrée dans le champs contractuel.

En quatrième lieu la société JMIB soutient qu’est entré dans le champs contractuel le fait qu’elle réinvestisse dans la nouvelle société et dispose d’un siège au comité de surveillance. Elle fonde ains son refus d’exécuter le contrat sur le refus d’ARDIAN de lui accorder un siège, qui a entrainé sa décision de cession de tous ses titres, refus d’ARDIAN qu’elle impute à la position des managers.

Il ressort effectivement d’un email de Monsieur [T] du 10.02.2015, que celui ci explique que si le nouvel actionnaire a accepté que la société JMIB réinvestisse dans la nouvelle société SISAHO, ARDIAN n’a pas accédé à la demande de JMIB de détenir un siège au comité de surveillance. La société JLT/JMIB indique sa conviction que la décision d’ARDIAN est liée à la position des managers et conclut donc qu’elle ne participera pas à l’accord de rétrocession dans la mesure où sa participation à l’accord de rétrocession était basée sur un alignement des intérêts en terme de prix, des conditions de vente et de la poursuite de son investissement en tant qu’actionnaire et membre du comité de surveillance.

Cependant le contrat de rétrocession ne vise dans son objet, que la réalisation de la cession et la maximisation du prix.

Le contrat de rétrocession ne prévoit nullement que la poursuite de l’investissement de JMIB avec un siège au comité de surveillance constitue un des objectifs à réaliser dans le cadre de la cession et ne subordonne aucunement l’exécution par JMIB du contrat de rétrocession à la réalisation de ces deux conditions: acceptation par le nouvel actionnaire majoritaire du réinvestissement de JMIB et offre d’un siège au comité de surveillance.

En conséquence la société JMIB ne peut valablement soutenir que ces objectifs sont entrés dans le champs contractuel.

En conséquence il convient de dire que c’est à tort que JMIB a refusé d’exécuter l’accord signé le 30.01.2015 et d’ordonner, sur le fondement de l’article 1184 ancien du code civil, son exécution forcée.

Sur le préjudice

La société JMIB fait valoir que les demandeurs ne peuvent prétendre qu’au remboursement des frais qu’ils auraient engagés dans le cadre de ces négociations au titre de la rupture des négociations en l’absence d’accord ferme et définitif et ne peuvent prétendre à la perte des avantages attendus de la perfection du mécanisme d’intéressement envisagé, ni le gain manqué.

Subsidairement la société JIBT fait valoir le défaut d’intérêt à agir des demandeurs à l’égard de la somme de 2.250.000 euros déjà perçue des autres actionnaires institutionnels, qu’il résulte des textes que le paiement fait par un tiers dans la mesure où il satisfait les droits du créancier, a pour effet de libérer le débiteur vis-à-vis de celui ci, qu’en l’espèce aucune stipulation de l’accord complémentaire ne permet aux demandeurs d’agir en réclamation de cette somme, que l’accord complémentaire ne met pas à la charge des demandeurs une obligation de rembourser ladite somme aux actionnaires institutionnels signataires et que le fait que le paiement opéré ait été qualifié de prêt payé sous forme d’avance est parfaitement indifférent dès lors que le contrat ne stipule aucune obligation de remboursement, que le fait que l’accord complémentaire stipule que dans l’hypothèse où les demandeurs viendraient à agir contre JMIB et à obtenir sa condamnation ils s’engagent à affecter 78% du montant correspondant net des frais au remboursement de l’absence ne confère en rien aux demandeurs un droit d’agir contre JMIB.

Les managers demandent, en vertu du principe de réparation intégrale, la condamnation de JMIB à leur payer la quote part qu’elle leur doit au titre de la rétrocession ainsi que le gain manqué de réaliser la plus-value attachée aux titres qui leur auraient été attribuées si JMIB avait honoré l’accord de rétrocession.

S’agissant du gain manqué ils exposent que si JMIB n’avait pas été défaillante ils auraient perçu au titre de la rétrocession 543.208 euros de plus qu’ils auraient pu investir sous forme d’actions gratuites et donc revendre ou apporter en réalisant la plus value réalisée sur leurs autres actions.

Ils exposent que dès lors qu’il est établi que l’accord de rétrocession ne constitue pas un contrat préparatoire mais un contrat ayant force obligatoire entre les parties ils sont bien fondée à solliciter à la fois la réparation de la perte qu’ils ont éprouvé et du gain manqué.

Ils soutiennent avoir un intérêt à agir exposant que JMIB ne saurait se prévaloir de l’accord complémentaire auquel elle n’est pas partie d’une part et d’autre part qu’ils n’ont pas transféré la créance qu’ils détiennent à l’encontre de JLT aux actionnaires institutionnels.

Ils exposent qu’en effet l’avance réglée ne constitue pas un paiement pour le compte d’un tiers au sens de l’article 1342-1 du code civil, qu’en effet cette avance est un prêt payé sous forme d’avance, que le caractère temporaire et provisoire de l’avance réglée par les actionnaires institutionnels est d’ailleurs souligné à plusieurs reprises dans l’accord complémentaire, et que l’article 3 précise les conditions et modalités de ce remboursement. Ils soulignent que cette obligation de remboursement a été contractée sous la condition d’une condamnation favorable ou d’une transaction avec JMIB, que cette condition est une condition potestative puisque sa réalisation dépend de la seule volonté des appelants et qu’en conséquence elle est nulle et les fonds prêtés doivent être restitués par l’emprunteur. Ils indiquent qu’il ressort de l’accord complémentaire qu’ils étaient titulaires d’un droit d’agir à l’encontre de JMIB et que le fait que les actionnaires institutionnels se ménagent la possibilité d’agir contre JLT ne leur retire pas pour autant cette faculté.

En second lieu ils font valoir que leur créance n’ a pas l’objet d’une cession aux actionnaires institutionnels au sens des articles 1321 et suivants du code civil.

Sur les sommes dont le versement était prévu aux termes de l’accord de rétrocession du 30.01.2015

Dans la mesure où il a été retenu que l’acte signé le 30.01.2015 était un contrat définitif et non un acte s’inscrivant dans un processus de négociation, les intimés sont bien fondés à réclamer l’exécution forcée dudit accord et leur préjudice indemnisable ne se réduit donc pas aux frais engagés dans la négociation.

Au titre de ce contrat JMIB devait verser la somme de 3.139.068 euros, compte tenu du prix de vente de la société MILESTONE, de la formule de calcul de la rétrocession et des parts sociales qu’elle détenait dans le capital total.

Elle n’a pas versé cette somme.

Postérieurement à la signature de l’accord du 30.01.2015, à la signature de la cession intervenue le 9.03.2015, et à la désignation des bénéficiaires le 24.03.2015, et confrontés au refus de la société JMIB de verser toute somme, les bénéficiaires de l’accord et les actionnaires institutionnels hors JLT/JMIB, ont signé un nouvel accord le 5.05.2015.

Aux termes de cet accord le montant de la rétrocession était diminué de 10.200.000 à 9.560.932 euros et une partie de la somme qu’aurait du verser la société JMIB, à hauteur de 2.500.000 euros, était versée par les autres actionnaires institutionnels.

Les intimés demandent aujourd’hui non seulement paiement du montant de la rétrocession resté impayé du fait de la diminution de celle ci, mais également paiement de la part avancée par les actionnaires institutionnels en lieu et place de JMIB.

JMIB conteste cette demande.

Il convient de souligner qu’à plusieurs reprises dans l’accord il est indiqué que la somme que les actionnaires institutionnels versent aux bénéficiaires de l’accord de rétrocession en lieu et place de JMIB est une avance:

paragraphe D: ‘Aux fins de permettre, malgré cette situation, la réalisation de la cession des actions à l’Acquéreur dans les conditions et délais prévus par le Contrat de Cession, les Parties se sont rapprochées afin de convenir, entre elles, et sans préjudice des recours qu’elles pourraient avoir à l’encontre de JLT, des modalités d’une avance financière par les Vendeurs institutionnels, à la date de Réalisation, à hauteur d’une partie de la quote-part de la Rétrocession qui aurait du être supportée par JLT afin de respecter l’économie du Term-Sheet.’

paragraphe 1: ‘Sans préjudice des recours qu’ils pourraient avoir à l’encontrer de JLT, du fait de son refus de respecter les engagemens qui sont prévus dans le term-sheet et de prendre en charge sa quote-part de la Rétrocession, les vendeurs Institutionnels acceptent de palier en partie le défaut de JLT et de prendre en charge temporairement, sous forme d’avance, (tel que ce terme est défini ci-après) une partie de la quote part de la rétrocession due par JLT.’

paragraphe 1.2: ‘compte tenu de la défaillance de JLT et de la réduction de la Rétrocession visée à l’Article 1.1 ci-dessus, les vendeurs institutionnels s’engagent à prêter aux Managers, à la date de réalisation, le montant non financé de la rétrocession provisoire, soit 2.5 millions d’euros (…)’

Paragraphe 3 ‘Remboursement de l’avance

Dans l’hypothèse où les managers viendraient à obtenir à titre de condamnation définitive sans recours possible ou d’un transaction ayant force de chose jugée, une indemnisation financière de la part de JLT en réparation de ses manquements au titre de la Rétrocession, ils s’engagent à affecter 78% du montant correspondant net des frais encourus à ce titre (avocats, frais de justice etc…) au remboursement de l’avance à Cattleya, EdR et K Développement réparti entre eux au prorata du montant de l’Avance effectuée par chacun’

Le versement effectué par les actionnaires institutionnels non défaillants s’inscrit dans les conditions d’un versement pour le débiteur selon les dispositions de l’article 1236 ancien alinéa 1 du code civil applicable au litige aux termes duquel une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée telle qu’un coobligé ou une caution.

Cependant en l’absence de toute subrogation expresse, en application de l’article 1250 ancien du code civil, les actionnaires institutionnels qui ont procédé à l’avance d’une partie des sommes dues par la société JLT/JMIB ne sont pas subrogés dans les droits des bénéficiaires et ceux ci en conséquence conservent leur droit d’action en paiement contre JLT/JMIB.

Il s’ensuit que les bénéficiaires sont recevables à demander la condamnation de la société JMIB au paiement de l’intégralité de la somme que celle ci aurait du régler en exécution de l’accord du 30.01.2015. La société JMIB est en conséquence condamnée à leur payer la somme totale de 3.139.068 euros se répartissant de la façon suivante:

o Monsieur [R] [F], la somme de 1.255.627,20 euros,

o Monsieur [L] [M], la somme de 627.813,60 euros,

o Monsieur [S] [U], la somme de 627.813,60 euros,

o Monsieur [O] [E], la somme de 313.906,80 euros,

Sur les gains manqués

Les intimés demandent l’indemnisation de leurs gains manqués en faisant valoir que s’ils avaient disposé de la somme que JMIB devait verser et qui n’a pas été compensée par les autres actionnaires ils auraient réinvesti celle ci dans la nouvelle société holding, SISEHO, et auraient perçu lors de la revente de celle ci en 2018 un profit constitué par un rapport de 1 à 2,02.

La perte qui est arguée est une perte de chance de ne pas avoir pu investir les sommes non réglées par JMIB et de n’avoir pas pu percevoir les gains résultant de ce placement lors de la cession suivante de la société intervenue en 2018. Le calcul du profit n’est pas critiqué par les parties en l’état de données chiffrée objectives suite à la revente intervenue.

Monsieur [F], Monsieur [M] et Monsieur [U] ont perçu leur part de la rétrocession uniquement sous la forme d’attribution d’actions. La probabilité qu’ils auraient également investi dans la nouvelle société les rétrocessions non perçues est extrêmement forte au regard du comportement adopté concernant l’essentiel de la somme reçue, et doit être évaluée à à 90%.

Monsieur [E] a souhaité percevoir la moitié de sa quote part de rétrocession sous forme d’un bonus exceptionnel et le solde sous forme d’attribution d’actions, il fait valoir qu’il aurait placé de la même façon la moitié des sommes perçues en action et le même pourcentage doit donc lui être appliqué. Il convient donc de retenir 90% des 50% que Monsieur [E] aurait affecté à l’attribution d’actions.

En conséquence il convient d’accorder aux bénéficiaires au titre de la perte de chance née du gain manqué faute d’investissement des sommes non réglées:

o Monsieur [R] [F], la somme de 234.850euros,

o Monsieur [L] [M], la somme de 117.425 euros,

o Monsieur [S] [U], la somme de 117.425 euros,

o Monsieur [O] [E], la somme de 29.356 euros.

Sur les autres demandes

Il est inéquitable de laisser Messieurs [F], [M], [U] et [E] supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il convient de leur allouer la somme de 20.000 euros.

Les dépens sont mis à la charge de JMIB.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de PARIS le 6.11.2020 sauf s’agissant des sommes allouées à messieurs [F], [M], [U] et [E]

Et statuant à nouveau

Condamne la société JMIB HOLDING BV à payer:

– au titre de l’exécution du contrat à:

o Monsieur [R] [F], la somme de 1.255.627,20 euros,

o Monsieur [L] [M], la somme de 627.813,60 euros,

o Monsieur [S] [U], la somme de 627.813,60 euros,

o Monsieur [O] [E], la somme de 313.906,80 euros,

– à titre de dommages et intérêts s’agissant des gains manqués:

o Monsieur [R] [F], la somme de 234.850euros,

o Monsieur [L] [M], la somme de 117.425 euros,

o Monsieur [S] [U], la somme de 117.425 euros,

o Monsieur [O] [E], la somme de 29.356 euros.

Et y ajoutant

Condamne la société JMIB HOLDING BV à payer la somme de 20.000 euros à Messieurs [F], [M], [U] et [E], ensemble, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société JMIB HOLDING BV aux dépens.

La greffière La présidente

 


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