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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 30/06/2022
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N° de MINUTE : 22/
N° RG 22/00766 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UDOL
Jugement (N°2021005062) rendu le 1er février 2022 par le tribunal de commerce de Valenciennes
‘JOUR FIXE’
APPELANTE
SARL Cafalgare, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social 2 rue du Chemin de Fer 59140 Dunkerque
représentée et assistée par Me Hugues Febvay, avocat au barreau de Dunkerque
INTIMÉE
SAS Satel, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social 27 rue de la Grande Goulée 59135 Wallers
représentée par Me Eric Tiry, substitué à l’audience par Me Massili, avocat au barreau de Valenciennes
DÉBATS à l’audience publique du 26 avril 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Laurent Bedouet, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Le 24 mai 2018, la société Satel a signé avec la société Cafalgare un contrat de 4 ans pour la location, la livraison et l’entretien de linge professionnel pour l’hôtel de la société Cafalgare situé à Dunkerque.
À compter du 3 mai 2019, la société Cafalgare a cessé de régler les factures de prestations.
Après plusieurs rappels, par courrier du 2 avril 2021, la société Satel a mis en demeure la société Cafalgare de lui régler la somme de 31 472,26 euros pour solde des factures impayées et d’indemnités de rupture de contrat.
À défaut de paiement, la société Satel, par exploit d’huissier en date du 17 août 2021, a assigné devant le tribunal de commerce de Valenciennes la société Cafalgare.
Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 1er février 2022, le tribunal de commerce de Valenciennes :
Vu les articles 42-1, 46 et 48 du Code de procédure civile ;
– a rejeté 1’exception d’incompétence soulevée ;
– s’est déclaré compétent ratione loci pour connaître du litige ;
– a invité les parties à conclure sur le fond du litige ;
– a renvoyé 1’affaire à l’audience de mise en état du 1er mars 2022 à 9 heures ;
– a ordonné la notification du présent jugement aux parties par lettres recommandées avec accusés de réception par les soins de Monsieur le greffier ;
– a dit n’y avoir lieu, en l’état, à indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– a laissé les dépens liquidés pour frais de greffe a la somme de 91,16 euros à la charge de la société Satel.
Par déclaration en date du 15 février 2022, la SARL Cafalgare a interjeté appel, reprenant dans son acte l’ensemble des chefs de la décision.
Une requête aux fins d’être autorisée à assigner à jour fixe a été présentée par cette dernière le 15 février 2022.
Par ordonnance en date du 8 mars 2022, le délégataire du Premier président a autorisé l’assignation à jour fixe pour l’audience du 26 avril 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions d’appel sur incompétence remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 20 avril 2022, la SARL Cafalgare demande à la cour, de :
– la recevoir en son appel frappant le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Valenciennes le 1er février 2022 s’étant déclaré incompétent ;
– infirmer la décision entreprise,
– constater qu’en application des articles 42 et suivants du code de procédure civile le seul tribunal territorialement compétent pour connaître des demandes de la société Satel à l’encontre de la société Cafalgare est le tribunal de commerce de Dunkerque ;
– en conséquence renvoyer l’affaire au tribunal de commerce de Dunkerque pour connaître de la présente instance en application des dispositions de l’article 86 du Code de procédure civile ;
– débouter la SAS Satel en ses demandes et notamment sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle soutient qu’ayant son siège social à Dunkerque 2 rue du chemin de fer, la juridiction territorialement compétente est en principe le tribunal de commerce de Dunkerque. L’option prévue par l’article 46 ne peut modifier cette compétence, puisque le lieu d’exécution de la prestation contractuelle est bien au siège de la société Cafalgare qui exploite un hôtel, le contrat portant sur la location de linges, ce compris la livraison. La prestation n’est donc pas exécutée au siège de la société Satel, comme cette dernière le prétend, puisque l’essence même du contrat est de conférer la jouissance du linge propre en quantité suffisante pour l’exploitation de son hôtel.
La clause d’attribution invoquée ne précise pas le tribunal compétent, si ce n’est sous le vocable du « tribunal de commerce du domicile de la société », le contrat étant toutefois passé entre deux sociétés. La personne dénommée par ce terme dans le contrat n’est pas précisé. L’article 48 du Code de procédure civile instaure une exception à la règle générale, exception dont les termes doivent être dès lors interprétés restrictivement.
La rédaction de cette clause crée une ambiguïté qui impose le retour à la règle de droit commun.
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 20 avril 2022, la SAS Satel demande à la cour de :
Vu les articles 46 et 48 du Code de procédure civile,
– rejeter l’exception d’incompétence du tribunal de commerce de Valenciennes soulevée par la SARL Cafalgare au profit du tribunal de commerce de Dunkerque ;
– confirmer le jugement rendu le 1er février 2022 par le tribunal de commerce de Valenciennes.
– condamner la SARL Cafalgare à payer à la SAS Satel la somme de 2 000 € à titre d’indemnité par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
– condamner la SARL Cafalgare aux entiers frais et dépens de l’instance.
Elle souligne que s’agissant d’un contrat de prestation, qui porte sur la location et l’entretien d’articles, l’exécution se fait au siège de la société, soit dans le ressort du tribunal de commerce de Valenciennes.
Elle conteste tout caractère ambigu à la clause, laquelle figure sur le recto de façon très apparente et ne peut renvoyer, par le terme société, qu’à la société Satel, la société Cafalgare étant identifiée sous le vocable le client. Cette clause n’existe que parce qu’elle déroge au droit commun.
À l’audience, le dossier a été mis en délibéré au 30 juin 2022.
MOTIVATION :
– Sur la compétence territoriale du tribunal de commerce de Valenciennes :
1) sur la clause attributive de compétence :
En vertu des dispositions de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
Les juges apprécient souverainement si une clause d’un contrat conclu entre commerçants qui déroge aux règles de compétence territoriale figure de façon très apparente audit contrat et permet de déterminer le tribunal choisi, et ce sans ambiguïté.
La convention entre la société Satel et la société Cafalgare se présente sous la forme d’un bon de commande préimprimé, avec au recto la clause ainsi libellée, juste au-dessus de la signature des parties : « en cas de contestation ou de litige quelconque, notamment sur l’existence et l’exécution du contrat, mais sans que cette indication soit limitative, le tribunal de commerce du domicile de la société est seul compétent », au verso la reproduction des conditions générales de location.
Outre le fait que la clause ne figure pas de façon très apparente, n’étant ni en caractères plus grands, ni en gras, elle ne désigne pas précisément le tribunal choisi, hormis par la locution « tribunal de commerce de la société ».
Or, la lecture même de cette clause ne permet pas de déterminer à quelle société il est fait référence, ladite convention unissant deux sociétés, à savoir la société Satel et la société Cafalgare, et ne prenant pas soin d’identifier le vocable utilisé pour désigner l’une ou l’autre des sociétés.
Au contraire, l’étude même des conditions générales de location permet de constater que le terme de société n’est jamais utilisé, puisqu’il y est fait référence soit au loueur, la société Satel, soit au client, la société Cafalgare.
Le seul fait que dans la partie réservée aux signatures, il soit indiqué à droite « cachet du client », avec apposition du timbre humide de la société Cafalgare, et à gauche, « pour la société, le gérant », suivie d’une signature, sans autre précision, est insuffisant pour dire que nécessairement le terme ‘société’, dans la clause précitée, renvoit à la société Satel.
Ainsi, le tribunal choisi, au vu de cette absence de définition du terme générique de société et de cette imprécision tenant au fait que tant la société Cafalgare que la société Satel exercent sous la forme de société, n’était pas aisément déterminable pour que la clause soit valable.
La clause, outre qu’elle n’était pas très apparente, n’est pas dénuée de toute ambiguïté. Il ne saurait donc en être fait application, la décision des premiers juges devant être infirmée de ce chef, étant d’ailleurs observé que dans le cadre de ses motifs la société Satel ne l’invoque que comme second moyen.
2) sur le fondement de l’article 46 du Code de procédure civile :
En vertu des dispositions de l’article 46 du Code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service.
Suivant bon de commande en date du 24 mai 2018, le contrat invoqué est un contrat de location-entretien de linge frais et équipements d’hygiène, lequel prévoit une livraison hebdomadaire.
La nature de la prestation est définie, suivant les conditions générales de location, comme le fait pour le loueur de mettre « à la disposition de son client du linge, des vêtements professionnels, des appareils ainsi que des accessoires, dont la nature, les quantités, la fréquence de livraisons, les prix de locations et les valeurs de remplacement figurent au recto du contrat ».
Les conditions poursuivent en soulignant que « la prestation comprend :
– la location d’un stock d’articles mis à disposition,
– la remise en état d’utilisation par blanchissage ou nettoyage, avec réparations normales le cas échéant,
– la livraison et le ramassage périodiques,
– le remplacement automatique des articles mis à disposition à l’issue de leur période normale d’utilisation ».
Ainsi, la prestation caractéristique du contrat et déterminante est constituée par la fourniture et la remise du linge frais au client, dans les temporalité et quantité prévues entre les parties, pour que ce dernier puisse en user dans le cadre de la location après reprise du linge souillé, ce qui induit que la prestation essentielle est exécutée au lieu d’exploitation de l’hôtel, soit Dunkerque, peu important que l’entretien du linge s’effectue à Wallers, au siège de la société Satel.
Ainsi, au vu du lieu d’exécution de la prestation, au siège de l’hôtel de la société Cafalgare, soit à Dunkerque, le tribunal de commerce de Valenciennes, qui n’était le tribunal ni du lieu où demeure le défendeur, ni du lieu d’exécution de la prestation, ne pouvait retenir valablement sa compétence.
L’exception d’incompétence soulevée par la société Cafalgare est justifiée, la décision des premiers juges devant être infirmée.
Il convient d’ordonner le renvoi de l’affaire au tribunal de commerce de Dunkerque compétent pour en connaître, en application des dispositions de l’article 86 du Code de procédure civile.
– Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société Satel succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
La demande d’indemnité procédurale de la société Satel ne peut qu’être rejetée et la société Cafalgare n’élève aucune demande de ce chef
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 1er février 2022 en toutes ses dispositions, hormis celle disant n’y avoir lieu, en l’état, à indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et celle laissant les dépens à la charge de la société Satel ;
Statuant des chefs infirmés,
FAIT droit à l’exception d’incompétence soulevée par la société Cafalgare ;
DÉCLARE le tribunal de commerce de Dunkerque compétent pour connaître du présent litige ;
RENVOIE l’affaire au tribunal de commerce de Dunkerque pour examen au fond du litige, en application des dispositions de l’article 86 du Code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Satel de sa demande d’indemnité procédurale ;
CONDAMNE la société Satel aux dépens.
Le greffierLe président
Valérie RoelofsLaurent Bedouet