Clause attributive de compétence : 4 juillet 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/00447

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Clause attributive de compétence : 4 juillet 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/00447
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 04 JUILLET 2022

N° RG 22/00447 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQXE

Société ACTEON INC

c/

Société DENT-X CANADA

Nature de la décision : APPEL SUR LA COMPÉTENCE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2022 (R.G. 2021F00120) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 28 janvier 2022

APPELANTE :

Société ACTEON INC, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1] / USA

représentée par Maître Franck AUCKENTHALER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Société DENT-X CANADA, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2] – CANADA

représentée par Maître François Dominique WOJAS de la SCP JOLY – CUTURI ‘ WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie PIGNON, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société Acteon Inc, filiale nord-américaine de distribution du groupe français Acteon, a pour activité la fabrication et la distribution de produits dentaires. Elle a signé avec la société Dent-X Canada, société canadienne, un contrat de distribution pour une durée de 3 ans le 10 juin 2019.

La société Dent-X a commandé des produits et la société Acteon a émis les factures correspondantes.

Par courrier du 25 septembre 2020, la société Acteon a mis en demeure la société Dent-X d’avoir à lui régler le solde des factures d’un montant de 1 749 581,01 dollars.

Par acte d’huissier du 2 décembre 2020, la société Acteon a assigné la société Dent-X en paiement du solde des factures devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par acte d’huissier du 13 janvier 2021, après vaines négociations entre les sociétés, la société Acteon a assigné la société Dent-X devant le président du tribunal aux fins de faire provisionner sa créance.

Par ordonnance de référé du 20 avril 2021, le président du tribunal a retenu sa compétence et accordé une provision à la société Acteon d’un montant de 1 700 000 dollars.

La société Dent-X a interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 29 novembre 2021, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé ladite ordonnance de référé dans toutes ses dispositions.

Par jugement contradictoire du 14 janvier 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux :

– s’est déclaré incompétent,

– a renvoyé la société Acteon Inc à mieux se pourvoir,

– a condamné la société Acteon Inc à payer à la société Dent-x la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– a condamné la société Acteon Inc aux entiers dépens.

Par déclaration du 28 janvier 2022, la société Acteon Inc a interjeté appel de cette décision, intimant la société Dent-X.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions d’appel sur compétence transmises par RPVA le 31 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Acteon Inc demande à la cour de :

– réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 janvier 2022 sur la compétence dans toutes ses dispositions,

– et, statuant à nouveau,

– dire le tribunal de commerce de Bordeaux compétent pour connaître du litige entre Acteon Inc et Dent-X,

– renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Bordeaux,

– condamner Dent-X à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Dent-X aux entiers dépens d’appel et de première instance.

La société Acteon Inc fait valoir que le contrat de distribution qui lie les parties est soumis au droit français et fait attribution de juridiction au tribunal de commerce de Bordeaux selon l’article 12.

Elle souligne que cette disposition spécifique à la hiérarchie des documents contractuels applicables fait clairement prévaloir les dispositions du contrat de distribution sur celles des conditions générales d’Acteon, à les supposer par ailleurs annexées au Contrat, que le litige en relation avec le contrat puisqu’il s’agit du paiement des factures du prix de vente et alors que les prix contractuels et les conditions de facturation et de paiement, notamment, de délais et de devises de paiement sont spécifiquement régis par l’Annexe 1 « Liste des produits et conditions financières » du contrat de distribution.

Elle indique qu’à supposer qu’il y ait une contradiction entre les termes de l’article 2 relatif à la hiérarchie des documents contractuels, et celles de l’article 6 alinéa 2, relatif aux conditions de livraison, le juge devra régler la contradiction en interprétant l’intention des parties conformément à l’article 12 du Code de procédure civile, et qu’il est de principe constant que les stipulations qui ont un caractère spécial dérogent à celles qui ont un caractère général, comme le stipule d’ailleurs l’article 2 du contrat de distribution.

Par dernières conclusions transmises par RPVA, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Dent-X Canada demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 14/01/2022 en ce qu’il a décliné sa compétence, renvoyer Acteon à mieux se pourvoir et condamné Acteon à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouter Acteon de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner Acteon au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Acteon aux entiers dépens.

La société intimée soutient que selon les termes du Contrat de distribution, la vente de produits dentaires entre Acteon et Dent-X est soumise aux conditions générales d’ACTEON, que l’article 6 du contrat prévoit : ‘Les ventes des Produits au DISTRIBUTEUR sont régies par les conditions générales de vente d’ACTEON, lesquelles conditions ne peuvent pas être en conflit avec les termes du présent Contrat. En cas de conflit, les conditions générales de vente prévaudront’. Elle expose que ces conditions générales sont entrées dans le champ contractuel, ce qui est rappelé à plusieurs reprises dans le Contrat de distribution et notamment à l’article 2 intitulé « Documents contractuels », ces conditions générales étant en outre visées en annexe 4 du Contrat de distribution.

Elle souligne qu’elle n’a pas sollicité du tribunal de commerce Bordeaux qu’il tranche un litige sur la signature ou d’une contestation sur l’interprétation du contrat de distribution mais le paiement de factures et donc de vente qui sont soumises aux conditions générales.

Elle précise qu’en tout état de cause, le contrat de distribution est un contrat d’adhésion dont les dispositions, lorsqu’elles sont inapplicables, contradictoires ou sujettes à interprétation, doivent être interprétée en faveur de la partie faible, à savoir celui qui adhère et en l’espèce Dent-x.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Le contrat de distribution conclu le 10 juin 2019 entre la société ACTEON Inc et la société DENT-X Canada prévoit le principe et les modalités de distribution des produits ACTEON sur le territoire canadien.

L’article 2 de ce contrat intitulé ‘Documents contractuels’ prévoit : ‘Le contrat, qui constitue l’accord des parties, est régi par les documents suivants, par ordre de priorité décroissante :

– ce document constituant le corps du Contrat (y compris son préambule), son/ses annexe(s) 0

et tout avenant y afférent ;

– les conditions générales de vente d’ACTEON’.

Par ailleurs, l’article 6 intitulé ‘Livraison’ précise dans son alinéa 2 : ‘Les ventes des Produits au DISTRIBUTEUR sont régies par les conditions générales de vente d’ACTEON, lesquelles conditions ne peuvent pas être en conflit avec les termes du présent Contrat. En cas de conflit, les conditions générales de vente prévaudront.’

Enfin, l’article 12 indique : ‘Ce contrat sera soumis et interprété conformément au droit français.

Pour tout litige éventuel entre les parties, en relation avec la signature et l’interprétation du présent contrat, le Tribunal de commerce de Bordeaux sera seul compétent, nonobstant pluralité de défendeur ou appel en garantie, même en cas d’urgence ou de mesure conservatoire, en référé ou par requête pour injonction’.

Ainsi que le fait valoir à juste titre la société appelante, le contrat donne compétence au tribunal de commerce de Bordeaux pour statuer sur toutes difficultés pouvant survenir dans le cadre de l’exécution de ce contrat, et notamment s’agissant de son interprétation. Limiter la compétence du tribunal de commerce de Bordeaux aux litiges relatifs à la signature du contrat aurait pour effet de vider la clause de sa substance.

Par ailleurs, les factures litigieuses, dont la société DENT-X prétend qu’elles sont relatives à la vente de produits dentaires, et seraient donc exclues du champ contractuel issu de la convention du 10 juin 2019, ont bien pour origine l’exécution dudit contrat de distribution en vertu duquel la société DENT-X a obtenu le droit de distribuer des produits ACTEON sur le territoire canadien.

Le contrat lui-même ne précise pas le nombre d’annexes qu’il comprend.

Quatre annexes sont jointes à ce contrat.

Les trois premières (annexe 1 : liste des produits et conditions financières, annexe 2 : description du territoire, annexe 3 : réglementaire/qualité) mentionnent expressément pour chacune les obligations qui lui sont propres.

Ainsi, l’annexe 1 précise les conditions de prix, facturation et paiement, l’annexe 2, en référence à l’article 1 du contrat de distribution, limite le droit de distribution au Canada, et l’annexe 3 mentionne les contraintes pesant sur le distributeur, en réglementant les dossiers de suivi et de distribution, l’emballage et l’étiquetage des produits, le transport et le stockage.

En revanche, ni dans le contrat original rédigé en langue anglaise, ni dans sa traduction française, ne sont détaillées les conditions générales de vente annoncées dans l’annexe 4 intitulée ‘Conditions générales’, et les parties s’accordent pour reconnaître que cette annexe 4 ne contient aucune condition générale.

Pour affirmer que les conditions générales qui doivent s’appliquer sont celles qui sont issues du site internet de la société ACTEON, la société DENT-X produit aux débats un document dont il n’est pas démontré qu’il s’agit des conditions générales de vente contemporaines du contrat de distribution du 10 juin 2019, ni qu’elles concernent la société ACTEON Inc..

Le document intitulé ‘credit application/dealer agreement’versé aux débats par la société DENT-X, ne peut être considéré comme établissant les conditions générales de vente, dès lors d’une part qu’il est rédigé en langue anglaise et non traduit, et d’autre part et surtout qu’étant antérieur au contrat de distribution litigieux, il a été substitué par ce dernier.

C’est donc avec pertinence que la société appelante fait valoir que faute d’avoir intégré les conditions générales dans son annexe 4, le contrat de distribution n’est pas soumis à d’autres conditions que celles qu’il contient dans le document lui-même et ses annexes 1 à 3.

De ce fait, la clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Bordeaux doit recevoir application.

Le contrat de distribution étant régi par le droit français, et la société ACTEON Inc. dépendant du groupe ACTEON, il existe donc bien un lien entre le tribunal de commerce de Bordeaux et le contrat de distribution.

Enfin, les seuls stipulations contractuelles applicables étant celles contenues dans le contrat de distribution, il n’existe aucune clause contradictoire ou sujette à interprétation, la clause attributive de compétence contenue dans l’article 12 étant parfaitement claire.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé, et le dossier renvoyé au tribunal de commerce de Bordeaux pour compétence.

Il est équitable d’allouer à la société ACTEON la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que la société DENT-X sera condamnée à lui payer.

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens d’appel seront laissés à la charge de la société DENT-X.

Les dépens de première instance d’ores-et-déjà exposés doivent être réservés. Il sera statué à leur égard dans la décision sur le fond à intervenir.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 janvier 2022 ;

Statuant à nouveau,

Rejette l’exception d’incompétence soulevée par la société DENT-X Canada ;

Renvoie devant le tribunal de commerce de Bordeaux l’affaire introduite par assignation du 2 décembre 2020 délivrée par la société ACTEON Inc. à la société DENT-X Canada ;

Condamne la société DENT-X Canada à payer à la société ACTEON Inc. La somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Réserve les dépens de première instance d’ores-et-déjà exposés, sur lesquels il sera statué avec la décision sur le fond ;

Condamne la société DENT-X Canada aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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