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ARRÊT N°22/
SP
R.G : N° RG 20/01903 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FOBC
S.A.S. PREFABLOC
C/
S.N.C. FRIEDLAND INVEST A 29
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 06 JUILLET 2022
Chambre commerciale
Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT PIERRE en date du 02 DECEMBRE 2019 suivant déclaration d’appel en date du 27 OCTOBRE 2020 RG n° 2019000965
APPELANTE :
S.A.S. PREFABLOC
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS & PARTNERS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
S.N.C. FRIEDLAND INVEST A 29
[Adresse 5]
[Localité 3] (MARTINIQUE)
Représentant : Me Guillaume jean hyppo DE GERY de la SELARL GERY-SCHAEPMAN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DATE DE CLÔTURE : 20/09/2021
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Février 2022 devant Mme PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Mme Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2022.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 juillet 2022.
* * *
LA COUR
Selon acte sous signature privée en date du 12 juin 2013, publié au greffe du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis le 24 octobre 2013, la SNC Friedland Invest A29 a loué à la SARL Agrégat de l’Est un chariot élévateur de marque Clark 3 tonnes pour une durée de 5 ans.
Le 29 octobre 2014, la société Agrégat de l’Est a été cédée à la SARL Préfabloc Est.
Par jugement définitif en date du 22 juin 2016, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a, notamment, condamné la société Agrégat de l’Est et son liquidateur amiable M. [G] à lui restituer le matériel loué.
Par ordonnance en date du 11 février 2019, frappée d’opposition, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Saint-Pierre a ordonné à la société Préfabloc Est la restitution du matériel litigieux en application de l’article L222-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Par acte d’huissier en date du 19 avril 2019, la SNC Friedland Invest a fait assigner la société Préfabloc Est devant le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion aux fins de restitution dans ses locaux du chariot élévateur de marque Clark 3 tonnes et des documents y afférents dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ainsi que la condamnation à lui payer les sommes de 2.500 euros pour résistance abusive et 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
La société Préfabloc Est a soulevé l’incompétence du tribunal au profit de celui de Saint Denis de la Réunion.
C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 2 décembre 2019, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a :
-rejeté l’exception d’incompétence
-condamné la société Préfabloc Est à restituer à la SNC Friedland Invest A29 le chariot élévateur de marque Clark 3 tonnes (N°parc : 2,522V, N°série P232D-1191-9843 CNF) dans les locaux de la requérante, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte au bénéfice du demandeur de 80 euros par jour de retard
-condamné la société Préfabloc Est à payer à la SNC Friedland Invest A29 une somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts
-condamné la société Préfabloc Est à payer à la SNC Friedland Invest A29 une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-condamné la société Préfabloc Est aux entiers dépens, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 57,30 euros.
Par déclaration au greffe en date du 27 octobre 2020, la SAS Préfabloc venant aux lieu et place de la SARL Préfabloc Est par suite d’une absorption, a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 janvier 2021, la société Préfabloc demande à la cour, au visa des articles 328 à 330 du code de procédure civile, de :
-faire droit aux demandes principales de la SAS Préfabloc, à savoir :
.dire l’appel recevable et bien fondé
.infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions
Statuant à Nouveau,
-dire que le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre était incompétent au profit du tribunal mixte de commerce de Saint Denis, seul compétent en l’espèce
-débouter la SNC Friedland Invest A29 de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, en particulier de sa demande de revendication sous astreinte
-condamner la SNC Friedland Invest A29 à payer à la concluante la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 avril 2021, la société Friedland Invest A29 demande à la cour, au visa des articles 42 et 43 du code de procédure civile, 199 undecies B du code général des impôts,1240 et 1165 dans sa rédaction alors applicable, devenu l ‘article 1199 du code civil, L624-10 du code de commerce et R222-14 du code des procédures civiles d ‘exécution, de :
-confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :
.fixé l’astreinte à la somme de 80 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision en cas de non restitution du chariot élévateur dans un délai de quinze jours
.condamné la société Préfabloc Est au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau
-rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société Préfabloc Est
-juger que la SNC Friedland Invest A 29 est propriétaire du chariot élévateur Clark 3 tonnes dont les caractéristiques sont les suivantes :
N° Parc : 2.522 V
Marque : CLARK
Type 2 C30D
N° de série : P232D-1191-9843 CNF
Année de fabrication : 2011
-juger que la société Préfabloc est possesseur de mauvaise foi
-prendre acte que le contrat de location de matériel n°1306054 qui a été publié s’est trouvé résolu de plein droit
-prendre acte que le jugement du 22 juin 2016 devenu définitif rendu par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis a ordonné à la société Agrégat de l’Est et à M. [G], son gérant, la restitution de ce matériel sous astreinte
-prendre acte que l’ordonnance du juge de l’exécution du 11 février 2019 a ordonné à la société Préfabloc Est la restitution à la SNC Friedland Invest A29 du chariot élévateur de marque Clark 3 tonnes dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard
En conséquence
-condamner la société Préfabloc à restituer à la SNC Friedland Invest A29 le chariot élévateur Clark 3 tonnes (N°parc : 2.522 V, N°série P232D-1191-9843 CNF) et les documents y afférents dans les locaux de l’intimée dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à venir, sous astreinte de 200 euros par jour passé ce délai
-condamner la société Préfabloc au paiement de la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
-condamner la société Préfabloc au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens
-débouter la société Préfabloc de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2021 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience rapporteur du 2 février 2022. Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 4 mai 2022 prorogé au 6 juillet 2022.
SUR CE, LA COUR
A titre liminaire
D’une part, il y a lieu de préciser qu’il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l’obligation dans la mesure où le contrat de location a été conclu avant l’entrée en vigueur de la réforme.
D’autre part, il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif », et que les demandes de « constater », « donner acte » ou « dire et juger » ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions.
Sur la compétence territoriale du tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion
La société Préfabloc fait valoir qu’elle a fait l’acquisition de la société Agrégat de l’Est suite à une cession du fonds de commerce avec poursuite des contrats en cours. Elle en déduit qu’elle n’est donc pas un tiers par rapport à la convention passée entre les sociétés Agrégats de l’Est et Friedland Invest A29, contrairement à ce qu’ont jugé les premiers juges.
La société Friedland Invest A29 expose que le contrat de location de matériel a été signé le 12 juin 2013 entre les sociétés Agrégat de l’Est et Friedland Invest A29, or, ce contrat de location publié n’a pas été transmis au cessionnaire. Elle en déduit que la société Préfabloc Est avait bien la qualité de tiers par rapport au contrat de location et que la clause attributive de compétence territoriale ne peut dès lors être invoquée par la société Préfabloc Est, en application du principe de l’effet relatif des contrats tel qu’il résulte de l’article 1165 du code civil dans sa rédaction alors applicable, devenu l’article 1199 du code civil. Elle ajoute que le siège social de la société Préfabloc Est étant situé au [Adresse 1], c’est donc le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre qui est compétent en application des règles de compétences territoriales des articles 42 et 43 du code de procédure civile et non le tribunal mixte de commerce de Saint Denis comme le prétend l’appelante.
Sur quoi,
D’une part,
Conformément aux dispositions de l’article 42 et suivant du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux. Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger.
Le lieu où demeure le défendeur s’entend, s’il s’agit d’une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence ; s’il s’agit d’une personne morale, du lieu où celle-ci est établie.
Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
– en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;
– en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
– en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble ;
– en matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier.
Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
Une clause attributive de juridiction ne peut produire d’effets juridiques qu’à l’égard de ses signataires.
D’autre part,
Aux termes de l’article L721-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige :
« Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. »
Aux termes de l’article D721-2 du même code « Le siège et le ressort des tribunaux de commerce sont fixés conformément au tableau de l’annexe 7-1 du présent livre. »
Pour rappel, aux termes de l’article 1165 (ancien) du code civil : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans les cas prévus par l’article 1121 ».
En l’espèce, par acte sous signature privée en date du 12 juin 2013 dénommé « CONTRAT DE LOCATION DE MATERIEL N°1306054REU », la SNC Friedland Invest A29 a donné en location à la SARL Agrégat de l’Est un chariot élévateur neuf de marque Clark 3 tonnes pour une durée de 60 mois moyennant un loyer mensuel de 126 euros HT, soit 136,71 euros TTC, l’article 15 « CONTESTATION, FRAIS ET ATTRIBUTION DE JURIDICTION » prévoyant, notamment, que « Tout litige né à l’occasion du présent contrat sera réglé selon le droit de la République Française et au Tribunal compétent de Saint Denis. Nonobstant l’attribution exclusive de compétence, le LOUEUR pourra saisir tout tribunal compétent de toute mesure conservatoire. »
La société Friedland Invest A29 a assigné la société Préfabloc Est par acte d’huissier en date du 19 avril 2019 devant le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion.
En tout état de cause, la société Préfabloc Est, aux droits de laquelle vient désormais la société Préfabloc, défenderesse, tiers au contrat de location conclu entre les sociétés Friedland Invest A29 et Agrégat de l’Est, a son siège social fixé à Petite Île, qui se trouve dans le ressort du tribunal mixte de commerce de Saint Pierre.
Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence, soulevée par la société Préfabloc.
Sur la demande d’appréhension du chariot élévateur
La société Préfabloc soutient en substance que :
-la société Agrégats de l’Est a cédé à la société Préfabloc Est le fonds de commerce qu’elle exploitait, par acte en date du 29 octobre 2014, or, parmi les éléments corporels cédés figurent un chariot-élévateur Clark ; la société Agrégats de l’Est a déclaré à l’acte (article 7.4) avoir la pleine propriété des éléments cédés et qu’aucun élément cédé ne lui a été prêté ou loué
-l’état des inscriptions de la société Agrégats de l’Est ne mentionne aucun contrat de location conclu avec la société Mascareignes Investissements
-elle est aujourd’hui possesseur de bonne foi du chariot-élévateur conformément aux dispositions de l’article 2276 du code civil
-la bonne foi est présumée, sauf preuve contraire et s’entend de la croyance pleine et entière où s’est trouvé le possesseur, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis
-le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint Denis du 22 juin 2016, condamnant la société Agrégats de l’Est à restituer le matériel ne lui est pas opposable, n’étant pas partie à l’instance
-le bordereau de publication du contrat de location comporte des mentions erronées ayant un caractère substantiel : l’inscription a été prise le 24 octobre 2013 par la partie adverse, à une adresse erronée et ne lui est donc pas opposable
-l’ordonnance du juge de l’exécution ayant fait l’objet d’une opposition est caduque.
La société Friedland Invest A29 fait valoir pour l’essentiel que :
-elle est propriétaire du chariot élévateur Clark 3 tonnes pour en avoir fait l’acquisition le 19 juillet 2013 pour la somme de 27.268 euros
-la propriété de ce matériel à son égard a d’abord été consacrée par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis dans son jugement du 22 juin 2016 devenu définitif, en condamnant la société Agrégat de l’Est et M. [G] à lui restituer sous astreinte le matériel loué avec les documents administratifs s’y rapportant
-ce matériel a pourtant bien été livré au locataire, la société Agrégat de l’Est, avec les documents y afférents mais celle-ci a manqué à ses obligations contractuelles de sorte que le contrat de location s’est trouvé résolu de plein droit
-le matériel ne lui a toujours pas été restitué
-le bordereau de publication du contrat de location de matériel n’est pas erroné : il a été pris à l’adresse qui a été donnée par la SARL Agrégat de l’Est elle-même, dans le contrat de location de matériel, reprise dans la promesse d’achat et dans le procès-verbal de livraison
-le droit de propriété est un droit absolu opposable aux tiers
-dans son jugement du 22 juin 2016, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a jugé que le contrat de location de matériel conclu entre les sociétés Agrégat de l’Est et Friedland Invest A29 s’est trouvé résolu de plein droit et a condamné la société Agrégat de l’Est à lui restituer sous astreinte le matériel loué : l’appréhension du bien entre les mains d’un tiers n’est que la conséquence de la condamnation de restitution du matériel
-après avoir affirmé dans sa lettre du 27 novembre 2014 que le chariot élévateur CLARK 3 tonnes était bien la propriété de la SNC Friedland Invest A29 en affirmant que celle-ci a SNC bénéficiait d’une inscription au titre d’un contrat de location d’un chariot élévateur Clark 3 tonnes et que le matériel avait été conservé par la société cédante, la société Préfabloc Est va prétendre dans sa lettre du 10 novembre 2015 être possesseur de bonne foi de sorte que sa mauvaise foi est patente.
S’agissant de l’astreinte, la société Friedland Invest A29 fait valoir que :
-cela fait maintenant six ans qu’elle a demandé à l’appelante la restitution de son matériel
-la propriété de ce matériel qui a d’abord été consacrée par le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis le 22 juin 2016, puis par l’ordonnance du juge de l’exécution du 11 février 2019 et par le jugement querellé du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre du 2 décembre 2019 ne fait des lors aucun doute
-la société Préfabloc qui est possesseur de mauvaise foi doit être sanctionnée.
Sur quoi,
Il ressort des dispositions de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février que :
‘Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.’
Par ailleurs, aux termes de l’article 2276 alinéa 1er du même code :« En fait de meubles, la possession vaut titre. »
La règle de l’article 2276 suppose pour son application une possession à titre de propriétaire, exempte de vice et de bonne foi.
La bonne foi est présumée sauf preuve contraire.
Elle s’entend de la croyance pleine et entière où s’est trouvé le possesseur, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis.
Le doute est exclusif de la bonne foi.
Dès lors que l’acquéreur n’est pas de bonne foi, le véritable propriétaire peut obtenir la restitution du bien.
En l’espèce, par acte sous signature privée en date du 12 juin 2013 dénommée CONTRAT DE LOCATION DE MATRIEL N°1306054REU la société Friedland Invest A29 (le loueur) a donné en location à la société Agrégat de l’Est (le locataire) le matériel neuf suivant : un chariot élévateur neuf de marque Clark 3 tonnes, propriété du loueur
Aux termes de l’article 5 « PROPRIETE DU MATERIEL » :
« Le MATERIEL restant la propriété exclusive du LOUEUR, le LOCATAIRE ne pourra en disposer en partie ou intégralement de quelque manière que ce soit, sans l’accord préalable et écrit du LOUEUR ».
L’article 9 « RESILIATION » stipule quant à lui que
« En cas de non observation d’une des clauses du présent contrat et huit jours après mise en demeure faite au LOCATAIRE par lettre recommandé avec avis de réception non suivi d’effet, notamment en cas de :
1.non paiement, même partiel, à son échéance d’un seul loyer
2.non paiement des sommes qui pourraient être appelées en remboursement de frais, taxes ou impôts de toute nature et notamment de la taxe professionnelle
3.liquidation judiciaire du LOCATAIRE, décès, ou cessation de son activité
4.diminution des garanties ou sûretés consenties
5.non production de l’attestation d’assurance suivant les termes de l’article 8 ci-dessus
6.non présentation du MATERIEL à la première révision ou aux entretiens périodiques prévus par le constructeur.
Le présent contrat pourra être résilié de plein droit, par le LOUEUR sans aucune formalité judiciaire, aucune action du LOCATAIRE ne pourra plus l’empêcher.
Dans tous les cas de résiliation, le LOCATAIRE devra immédiatement :
1.restituer au LOUEUR le MATERIEL aux conditions de l’article 11
2.verser au LOUEUR :
a.les loyers échus et impayés au jour de la résiliation
b.en réparation du préjudice une indemnité de résiliation égale au montant TTC des loyers restant à échoir à la date de résiliation augmentée d’une somme forfaitaire égale à dix pour cent desdits loyers, des frais administratifs ou autres frais ; et dans le cas de la remise en cause de la défiscalisation par l’administration fiscale, une somme égale à 50% du prix HT des bien et/ou du MATERIEL loué
c.à titre de pénalité une somme forfaitaire égale à 10% de ladite indemnité.
Il y aura indivisibilité entre tous les contrats conclus entre le LOCATAIRE et le LOUEUR de telle sorte que la résiliation de l’un d’eux pourra entraîner, si bons semble au LOUEUR, celle des autres. »
Enfin, aux termes de l’article 11 « RESTITUTION DU MATERIEL » :
« Toute restitution du MATERIEL, en cours ou en fin de contrat, le sera par le LOCATAIRE, à ses frais, au lieu indiqué par le LOUEUR, en bon état d’entretien et de fonctionnement. En outre, il sera muni de certificat de la société chargée de son entretien, attestant que le MATERIEL est sous maintenance, qu’il est aux standards techniques du constructeur et qu’il peut renouveler le contrat d’entretien.
En cas de non restitution ou de restitution tardive, le LOCATAIRE versera une redevance d’utilisation calculée sur la base du dernier loyer connu, hors taxe, TVA en sus, échu et correspondant à 150% du loyer mensuel, par mois de retard, tout mois commencé étant dû, jusqu’à la date de la restitution effective. »
La société Friedland Invest A29 verse aux débats la facture d’achat du chariot litigieux (facture n°301248 datée du 9 juillet 2013 émise par la SARL ABC Équipement d’un chariot frontal diesel 3 tonnes de marque Clark type C30D neuf moyennant le prix de 27.268 euros HT) accompagné du procès-verbal de livraison au locataire ainsi que le bordereau de publication du contrat de location reprenant comme adresse celle figurant au contrat de location, sur la promesse de vente et sur le procès-verbal de livraison.
Suivant courrier recommandé avec accusé de réception daté du 17 décembre 2013 et faisant référence à une précédente relance du 4 septembre 2013 demeurée sans effet, la société Friedland Invest A29 a mis en demeure la société Agrégat de l’Est de régler la somme de 49,52 euros sous huitaine correspondant à la TVA sur les loyers (10,71€), la taxe professionnelle (3,33€) et les frais et indemnités de retard prévus aux articles 6 et 14 du contrat de location et précisant qu’à défaut, conformément à l’article 9 du contrat, elle s’autorisait le droit de résilier le contrat entraînant la restitution du matériel.
Le 29 octobre 2014, la société Agrégat de l’Est a été cédée à la SARL Préfabloc Est.
Suivant courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 novembre 2014, la société Préfabloc Est a, par l’intermédiaire de son conseil, informé la société Friedland Invest A29 de ladite cession et indiqué que le contrat de location dudit chariot n’a pas été transmis au cessionnaire et que la société cédante a souhaité conservé ce matériel pour exercer son activité résiduelle.
Suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 9 juillet 2015, la société Friedland Invest A29 a signifié à la société Agrégat de l’Est la résiliation du contrat suite à la cessation d’activité de cette dernière en date du 22 décembre 2014 et l’a mise en demeure de lui transmettre sous 10 jours les coordonnées d’un exploitant éligible à la défiscalisation (article 199 undecies B du code général des impôts) afin de poursuivre le contrat de location jusqu’à son terme. A défaut, elle lui a demandé de restituer le chariot élévateur neuf de marque Clark 3 tonnes en contactant l’agence Mascareignes Investissements ([Adresse 2]) pour convenir des modalités.
Suivant courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 septembre 2015, la société Préfabloc Est a, par l’intermédiaire de son conseil (EY Société d’Avocats), indiqué à la société Friedland Invest A29 que le chariot litigieux fait parti des éléments incorporels cédés, que la société Agrégats de l’Est a déclaré à l’acte avoir la pleine propriété des éléments cédés, qu’aucun élément cédé ne lui a été prêté ou loué et qu’elle se considère aujourd’hui possesseur de bonne foi dudit chariot. Elle a conclu, au visa de l’article 2276 du code civil, qu’aucune revendication ne pouvait être faite à son égard.
Par jugement définitif en date du 22 juin 2016, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a condamné la société Agrégat de l’Est et son liquidateur amiable M. [G] à lui restituer le matériel loué.
La société Préfabloc ne verse aux débats que 5 pièces, à savoir : l’acte de signification du jugement entrepris, la déclaration d’appel du 27 janvier 2020, un extrait K bis ainsi qu’une fiche société.com ainsi que les justificatifs de la radiation et de la dissolution de la société Préfabloc Est.
Il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas contestable que le chariot litigieux appartient à la société Friedland Invest A29, ce que confirme par ailleurs la décision du tribunal mixte de commerce de Saint Denis du 22 juin 2016.
En outre, la bonne foi arguée de la société Préfabloc ne peut être retenue en l’état, les courriers des 27 novembre 2014 et 10 septembre 2015 se contredisant sur le sort dudit chariot et instillant à tout le moins un doute, contraire à toute notion de bonne foi, étant par ailleurs remarqué que la société Préfabloc ne verse pas aux débats l’acte de cession de fonds de commerce conclu avec la société Agrégat de l’Est.
C’est donc à juste titre et par une juste appréciation des faits de la cause, que les premiers juges ont condamné la société Préfabloc à restituer le matériel et les documents y afférent dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision.
S’agissant de l’astreinte, en vertu des dispositions issue de la loi du 9 juillet 1991, tout juge peut ordonner une astreinte, même d’office, pour assurer l’exécution de sa décision. Il dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour en fixer le montant. L’astreinte ne prend effet qu’à la date fixée par le juge et elle ne peut pas être antérieure au jour où la décision qui porte sur une condamnation à une obligation est devenue exécutoire.
L’astreinte est provisoire ou définitive. Provisoire, elle permet une révision à la diminution ou une suppression de son montant lors de sa liquidation. Elle peut avoir une durée indéterminée. Définitive, elle ne peut être ordonnée qu’après une astreinte provisoire et pour une durée déterminée.
Le point de départ d’une astreinte est réglementé par l’article 51 du décret du 31 juillet 1992 qui dispose qu’elle « prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire ».
En l’espèce, la société Friedland Invest A29 demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a fixé l’astreinte à la somme de 80 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision en cas de non restitution du chariot élévateur dans un délai de quinze jours et, statuant à nouveau, de condamner la société Préfabloc à restituer à la SNC Friedland Invest A29 le chariot élévateur Clark 3 tonnes (N°parc : 2.522 V, N°série P232D-1191-9843 CNF) et les documents y afférents dans les locaux de l’intimée dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à venir sous astreinte de 200 euros par jour passé ce délai.
Compte tenu de l’ancienneté du litige, il sera fait droit à cette demande, étant précisé cependant que la nouvelle astreinte courra à compter d’un délai d’un mois à compter du présent arrêt, pendant un délai maximum de quatre mois, le jugement entrepris étant confirmé par ailleurs.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
La société Friedland Invest A29 soutient en substance que :
-depuis le 27 novembre 2014, la société Préfabloc de l’Est savait parfaitement que ce chariot lui appartenait, or, elle a toujours refusé de le restituer
-la résistance patente de la société Préfabloc de l’Est à restituer le matériel, depuis plus de six ans maintenant, a causé un préjudice certain à la SNC qui a été contrainte de la poursuivre en justice ; ce ne sont pas moins de six procédures qui ont dû être initiées par la SNC Friedland Invest A29
-pourtant le contrat de location du matériel a été publié ; à ce sujet, l’article L624-10 du code de commerce dispose que « Le propriétaire d’un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l ‘objet d’une publicité »
-il incombait à la société appelante de restituer ce chariot élévateur dès sa première demande.
Sur quoi,
Pour rappel, en vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil anciens (devenus les articles 1240 et 1241 depuis le 1er octobre 2016), tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
En l’espèce, c’est à bon droit que les premiers juges ont fait doit à la demande de dommages et intérêts qu’ils ont justement évalué à la somme de 2.000 euros, la société Friedland Invest A29 ne produisant aucune nouvelle pièce à hauteur de cour permettant de remettre en cause utilement le montant alloué à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Préfabloc succombant, il convient de :
-la condamner aux dépens d’appel
-la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel
-confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance
-confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.
L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Friedland Invest A29, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 3.500 euros pour la procédure d’appel et de confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué à ce titre la somme de 1.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe, conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion ;
Statuant à nouveau et y ajoutant
DIT que la condamnation de la SARL Préfabloc Est aux droits de laquelle vient désormais la SAS Préfabloc à restituer à la SNC Friedland Invest A29 le chariot élévateur de marque Clark 3 tonnes (N°parc : 2,522V, N°série P232D-1191-9843 CNF) et les documents y afférents dans les locaux de l’intimée sera assortie d’une nouvelle astreinte provisoire de 200 euros par jours de retard qui courra, à compter d’un délai d’un mois à compter du présent arrêt, pendant un délai maximum de quatre mois, à charge pour la SNC Friedland Invest A29, à défaut du paiement des sommes dues à l’expiration de ce délai, de solliciter le juge de l’exécution, la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé de l’astreinte définitive ;
DEBOUTE la SAS Préfabloc venant aux droits de la SARL Préfabloc Est de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la SAS Préfabloc venant aux droits de la SARL Préfabloc Est à payer à la SNC Friedland Invest A29 la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Mme Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE