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ARRÊT N°434
N° RG 22/00889
N° Portalis DBV5-V-B7G-GQL3
S.A.S.U. DACHSER FRANCE
C/
S.A.S. WIRQUIN PLASTIQUES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 12 JUILLET 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 mars 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON
APPELANTE :
S.A.S.U. DACHSER FRANCE
N° SIRET : 546 650 334
[Adresse 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Anne-Carine ROPARS-FURET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. WIRQUIN PLASTIQUES
N° SIRET : 309 494 953
[Adresse 7]
[Localité 1]
ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Laëtitia LEMMOUCHI-MAIRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller qui a présenté son rapport
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Madame Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société SASU DACHSER FRANCE est un groupe mondial spécialisé dans la logistique implanté notamment à CHANVERRIE en Vendée.
La Société WIRQUIN PLASTIQUES est une société spécialisée dans la production d’équipements sanitaires et de plomberie pour la maison. Elle emploie 1300 salariés, et réalise un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros dans 60 pays.
Elle a son siège social à [Localité 1] en Loire-Atlantique.
Au cours de l’année 2018, la Société WIRQUIN PLASTIQUES a décidé d’externaliser le transport et le stockage de ses matières premières et produits finis.
Elle a lancé un appel d’offres et formalisé ses besoins dans un cahier des charges.
La Société DACHSER FRANCE a répondu à l’appel d’offres en émettant le 03 août 2018 une première offre commerciale, puis, après négociation, elle émettait une seconde offre commerciale définitive le 29 octobre 2018.
Dans son offre, la Société DACHSER FRANCE envisageait de louer un entrepôt à [Localité 4] dédié à la réalisation des prestations pour la Société WIRQUIN PLASTIQUES. Elle proposait ses prestations pour une période de neuf ans, renouvelable par période de trois ans, par tacite reconduction, étant prévu que la Société WIRQUIN PLASTIQUES disposerait de la faculté de résilier le contrat au terme d’une période de six ans moyennant un préavis de six mois.
La Société DACHSER FRANCE proposait un démarrage de l’activité en septembre 2019 et un tarif basé sur les chiffres fournis par la Société WIRQUIN PLASTIQUES pour 2017 et les critères d’évolution de ces tarifs.
Une lettre d’intention était signée par les deux parties le 21 novembre 2018.
En février 2019, la Société DACHSER FRANCE indiquait réaliser que la volumétrie sur laquelle elle avait basé son offre était bien inférieure aux chiffres réalisés par la Société WIRQUIN PLASTIQUES à cette date.
Des réunions eurent lieu dans les mois suivants pour en analyser les conséquences matérielles et budgétaires, la Société DACHSER FRANCE demandant une augmentation des tarifs.
Le 25 juillet 2019, la Société DASCHER FRANCE et la Société WIRQUIN PLASTIQUES ont convenu de prolonger les effets de ladite lettre d’intention.
A la fin de l’été 2019, la Société WIRQUIN PLASTIQUES commençait à transférer ses stocks au bâtiment logistique entre-temps loué, et début septembre commençait la réalisation des prestations sans qu’aucun contrat ne soit effectivement signé.
Le 13 décembre 2019, les parties convenaient d’une nouvelle prolongation de la lettre d’intention au 31 janvier 2020 et la Société WIRQUIN PLASTIQUES acceptait des modalités de facturation modifiées pour qu’elle paye à la Société DACHSER FRANCE une rémunération à la hausse pour les mois de novembre et décembre 2019 et janvier 2020.
Le 15 janvier 2020, la Société DASCHER FRANCE recevait un courriel selon lequel la Société WIRQUIN PLASTIQUES déclarait mettre fin à leurs relations commerciales au 15 avril 2020, en raison selon elle d’une perte de chiffre d’affaires, de plaintes de ses clients et de l’augmentation de ses coûts sociaux et de transport.
Le 06 février 2020, la Société DASCHER FRANCE et la Société WIRQUIN PLASTIQUES ont signé un protocole de ré-internalisation du stock de la Société WIRQUIN PLASTIQUES, opération ayant pris fin le 28 février 2020.
Faute d’accord amiable, par acte d’huissier en date du 18 décembre 2020, la Société DACHSER FRANCE a assigné devant le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON la Société WIRQUIN PLASTIQUES, pour, selon ses dernières écritures :
Vu les articles 1100, 1100-1, 1100-2, 1001, 1103, 1109, 1113, 1212, 1231-1, 1231-2 et 1231-5 du code civil,
Vu les Articles 48, 75 et 700 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
A titre liminaire,
– Rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la Société WIRQUIN PLASTIQUES et se déclarer compétent pour trancher les demandes de la Société DACHSER FRANCE,
Au fond,
Constater que les Sociétés DACHSER FRANCE et WIRQUIN PLASTIQUES ont conclu un contrat d’une durée déterminée de six ans dont la période initiale expirait le 01 août 2025,
Dire et juger que la Société WIRQUIN PLASTIQUES a résilié de manière anticipée et fautive ledit contrat d’une durée déterminée de six ans par lettre en date du 15 janvier 2020,
Par conséquent,
Condamner la Société WIRQUIN PLASTIQUES à payer la Société DACHSER FRANCE la somme totale de 1.298.150,00 €, (contre 1.430.512,00 € selon assignation), à parfaire, à titre de dommages et intérêts correspondant aux postes de préjudices suivants :
– Perte de marge : 370.423,00 €,
– Bail 629.933,00 €, à parfaire,
– Investissements réalisés : 270.133,00 €, à parfaire,
– Coûts sociaux : 27.661,00 €,
En tout état de cause,
Rejeter, car mal fondées, les demandes reconventionnelles de la Société WIRQUIN PLASTIQUES,
Condamner la Société WIRQUIN PLASTIQUES aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une somme de 50.000,00 € au titre des dispositions de l’Article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réplique, la société WIRQUIN PLASTIQUES demandait au tribunal :
Vu les articles L.442-1 II, L.442-4 III, D.442-3 et l’annexe 4-2-1 du code de commerce,
Vu l’article 1114 du code civil,
Vu les articles 42 et 46 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
A titre liminaire,
– se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de RENNES (Ile-et-Vilaine),
A titre principal,
– dire et juger que :
* l’offre, ne constituant qu’une invitation à entrer en négociation, n’a créé aucun lien contractuel entre la Société WIRQUIN PLASTIQUES et la Société DACHSER FRANCE,
* la lettre d’intention ne constituant qu’une étape formelle des pourparlers, n’a créé aucun lien contractuel entre la Société WIRQUIN PLASTIQUES et la Société DACHSER FRANCE,
* la relation commerciale entretenue par la Société WIRQUIN PLASTIQUES et la Société DACHSER FRANCE constitue une relation commerciale dite établie, à laquelle chaque partie pouvait mettre fin à tout moment,
– dire et juger que les demandes indemnitaires formulées par la Société DACHSER FRANCE sont mal fondées,
En conséquence,
– rejeter toutes les demandes indemnitaires formulées par la Société DACHSER FRANCE que ce soit
* au titre de son prétendu gain manqué,
* au titre des loyers qui resteraient à courir,
* au titre des investissements spécifiques qu’elle aurait réalisés,
* au titre des coûts sociaux qu’elle aurait supportés,
A titre reconventionnel,
– condamner la Société DACHSER FRANCE à payer à la Société WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 485.041,40 € au titre des avoirs émis par la Société WIRQUIN PLASTIQUES du fait des erreurs de préparation de commandes,
– condamner la Société DACHSER FRANCE à payer à la Société WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 410.843,59 € au titre des pénalités payées par la Société WIRQUIN PLASTIQUES à ses clients et en réparation de son préjudice d’image,
– condamner la Société DACHSER FRANCE à payer à la Société WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 241.219,15 € au titre des coûts sociaux liés à l’opération d’externalisation inutile, supportés par la Société WIRQUIN PLASTIQUES,
– condamner la Société DACHSER FRANCE à payer à la Société WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 65.424,27 € au titre des surcoûts liés au contrôle de l’exécution des prestations, supportés par la Société WIRQUIN PLASTIQUES,
– condamner la Société DACHSER FRANCE à payer à la Société WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 1.557.006,50 € au titre de la marge perdue par la Société WIRQUIN PLASTIQUES du fait des dysfonctionnements de la Société DACHSER FRANCE,
– dire et juger que la Société DACHSER FRANCE a ainsi mis en oeuvre brutalement la rupture de la relation commerciale qu’elle entretenait avec la Société WIRQUIN PLASTIQUES, en refusant l’exécution d’un préavis raisonnable,
En conséquence,
– condamner la Société DACHSER FRANCE à payer à la Société WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 151.216,00 € en réparation des préjudices subis par la Société WIRQUIN PLASTIQUES du fait de la rupture brutale imposée par la Société DACHSER FRANCE,
En tout état de cause,
– condamner la Société DACHSER FRANCE :
* à payer à la Société WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 25.000,00 € au titre de l’Article 700 du code de procédure civile,
* aux entiers dépens de la présente instance’.
Par jugement contradictoire en date du 08/03/2022, le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON a statué comme suit :
‘Vu les articles 12, 81 et 82 du code de procédure civile,
Vu les articles L.442-1 II et L.442-4 III, D.442-3 et l’annexe 4-2-1 du code de commerce,
DIT et JUGE que le présent litige est relatif à une rupture des relations commerciales et non à une rupture anticipée d’un contrat de prestation à durée déterminée.
DIT et JUGE que le tribunal de céans n’est pas compétent pour connaître du présent litige.
Se DÉCLARE incompétent au profit du tribunal de commerce de RENNES (Ile-et-Vilaine).
RENVOIE l’entier litige devant le tribunal de commerce de RENNES (Ile-et-Vilaine) suivant les dispositions de l’Article 82 du code de procédure civile.
DIT que le dossier de l’affaire sera transmis par les soins du greffier au tribunal judiciaire de RENNES (Ile-et-Vilaine) sis [Adresse 2], avec copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai.
LAISSE le soin à la juridiction compétente de statuer sur les demandes formées au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la Société DACHSER FRANCE aux entiers frais et dépens de l’instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment les frais de greffe liquidés à la somme de SOIXANTE-NEUF EUROS et CINQUANTE-NEUF CENTS (69,59 €)’.
Le premier juge a notamment retenu que :
– la société DACHSER FRANCE allègue que le litige est relatif à l’exécution de la lettre d’intention constituant selon elle l’acceptation formelle de l’offre du 29 octobre 2018 et le début d’exécution d’un contrat de prestation à durée déterminée.
– elle a assigné sur le non-respect par la société WIRQUIN PLASTIQUES des clauses de la lettre d’intention prévoyant un engagement sur au moins six ans et donc, en l’espèce, les dispositions des articles L.442-1 et suivant du code de commerce ne s’appliquent pas.
– le tribunal est tenu de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
– au regard des termes de la lettre d’intention, aucun contrat de prestation liant les parties n’a été signé entre elles, et ce, même si des prestations ont été exécutées à plusieurs reprises au cours de l’année 2019.
– cet état de fait ne saurait justifier l’existence d’un contrat à durée déterminée mais démontre, en sus des prorogations des effets de la lettre d’intention à plusieurs reprises, l’existence d’une relation commerciale établie depuis 2018.
– au cours de la phase amiable, la société DACHSER France faisait état de rupture de relation commerciale mais aucunement de rupture anticipée de contrat comme en atteste par exemple sa réponse émise le 31 janvier 2020.
– il en ressort que le litige porte non pas sur une résiliation anticipée d’un contrat de prestation à durée déterminée, mais sur une rupture de relation commerciale.
– les dispositions des articles L.442-1 II et L.442-4 III du code de commerce disposent notamment pour le premier qu’ ‘Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement,
même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte de la durée de la relation commerciale » et pour le second « Les litiges relatifs à l’application des articles L.442-], L.442-2, L.442-3, L.442-7 et L.442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret’, ce dernier article étant d’ordre public.
– bien qu’il soit stipulé une clause attributive de juridiction au sein de la lettre d’intention signée entre les parties, il n’en demeure pas moins que les dispositions de l’article susnommées s’imposent aux parties, eu égard à la nature du litige et seul le tribunal de commerce de RENNES (Ile-et-Vilaine) est compétent pour en connaître.
LA COUR
Vu l’appel en date du 04/04/2022 interjeté par la société SASU DACHSER FRANCE
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Vu la requête aux fins d’être autorisée à plaider à jour fixe, et l’ordonnance rendue le 7 avril 2022 par le président de chambre statuant pour la première présidente de la cour d’appel de POITIERS
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 22/06/2022, la société SASU DACHSER FRANCE a présenté les demandes suivantes :
‘Vu les articles 1100, 1100-1, 1100-2, 1001, 1103, 1109, 1113, 1212, 1231-1, 1231-2 et 1231-5 du code civil,
Vu les articles 48, 75 et 700 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est demandé à la cour de :
Déclarer le présent appel recevable et bien fondé ;
Y faisant droit,
Infirmer le jugement rendu le 8 mars 2022 par le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON,
Statuant à nouveau,
A titre liminaire,
REJETER l’exception d’incompétence soulevée par la société WIRQUIN PLASTIQUE et DIRE le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON compétent pour trancher les demandes de la société DACHSER
Au fond,
CONSTATER que les sociétés DACHSER FRANCE et WIRQUIN PLASTIQUES étaient liées par contrat d’une durée déterminée de 6 ans dont la période initiale expirait le 1er août 2025,
JUGER que la société WIRQUIN PLASTIQUES a résilié de manière anticipée et fautive ledit contrat d’une durée déterminée de six ans par lettre en date du 15 janvier 2020,
Par conséquent,
CONDAMNER la société WIRQUIN PLASTIQUES à payer la société DACHSER FRANCE la somme totale de 1.298.150 €, à parfaire, à titre de dommages et intérêts correspondant aux postes de préjudice suivants :
– Perte de marge : 370.423
– Bail : 629.933 €
– Investissements réalisés : 270.133 €
– Coûts sociaux : 27.661 €
En tout état de cause,
REJETER, car mal fondées, les demandes reconventionnelles de la société WIRQUIN PLASTIQUES
CONDAMNER la société WIRQUIN PLASTIQUES aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une somme de 50.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
A l’appui de ses prétentions, la société SASU DACHSER FRANCE soutient notamment que :
– sur la compétence, le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON est compétent en vertu de la clause attributive de compétence insérée dans la lettre d’intention (LOI).
Elle avait par son assignation justifié de l’existence d’une relation contractuelle, invoqué l’existence d’une clause attributive de compétence et n’avait fait aucune référence à l’action en rupture brutale des relations commerciales établies fondées sur l’article L.442-1 II du code de commerce.- les parties sont liées par une clause de compétence valide et applicable.
En tout état de cause, le tribunal de commerce de la Roche-Sur-Yon n’a pas caractérisé la réunion des conditions nécessaires à l’application des règles de compétence dérogatoires invoquées par WIRQUIN.
La relation entre DACHSER et WIRQUIN ne peut être qualifiée d’établie, significative et stable compte tenu de sa brièveté. Le tribunal de commerce a fait en outre une mauvaise application de l’article 12 du code de procédure civile, car si le juge peut décider de requalifier juridiquement une situation de fait, aucune disposition ne lui permet de modifier les demandes d’une partie. DACHSER n’a jamais demandé de réparer le préjudice résultant d’un préavis qui n’aurait pas été respecté mais, bien au contraire, de tous les autres préjudices qui ont été la conséquence directe d’une résiliation abusive par WIRQUIN de la relation contractuelle.
– au fond, si le contrat de prestations logistiques n’a jamais été formellement signé, un rapport juridique contractuel existait bien entre les parties.
– la cour peut évoquer le fond si elle l’estime de bonne justice, comme en l’espèce.
– l’offre de DACHSER du 29 octobre 2018 répondait en tous points aux demandes formulées par WIRQUIN et comportait un calendrier précis des différentes étapes jusqu’au démarrage effectif des prestations : signature de la LOI novembre 2018, contrat décembre 2018, cahier des charges mars 2019, installation bâtiment août 2019, démarrage activité septembre 2019.
– DACHSER a identifié un bâtiment dans la zone aménagement de concertation (ZAC) de [Localité 4], en accord avec WIRQUIN, et le bail a exclusivement été conclu pour satisfaire aux besoins et demandes spécifiques de WIRQUIN.
– l’offre était formellement acceptée par la société WIRQUIN par la signature d’une lettre d’intention le 21 novembre 2018, la « LOI », qui prévoyait que le transfert des stocks de WIRQUIN au sein du bâtiment logistique interviendrait à compter du 1er août 2019 avec un début d’activité effectif (1 è re commande et 1 è re expédition) au 1er septembre 2019.
– conformément au calendrier prévisionnel contenu dans l’offre, la signature de la LOI devait rapidement être suivie par la signature d’un contrat en décembre 2018, mais cette signature n’intervenait pas en dépit de la signature du bail et du lancement des travaux, et la LOI était ainsi prorogée, par avenants des 25 juillet et 13 décembre 2019, jusqu’à une date ne pouvant dépasser le 31 janvier 2020.
– postérieurement à la signature de la LOI, les parties devaient se mettre d’accord sur les conditions spécifiques du contrat.
– dès le mois de février 2019, il apparaissait que la volumétrie de l’activité annoncée initialement par WIRQUIN (basée sur ses chiffres 2017) était bien inférieure à la réalité de l’activité de WIRQUIN, avec un impact financier sur l’opération.
– le 1er. août 2019, WIRQUIN commençait à transférer ses stocks au bâtiment logistique.
Puis, entre le 29 août 2019 et le 3 septembre 2019, les parties signaient le PV de démarrage formalisant le début effectif de l’exécution des prestations.
– le PV de démarrage indiquait que le contrat devait être formalisé à l’occasion de deux réunions, les 9 et 19 septembre 2019 ce qui ne se fera pas.
– de fait, les parties exécutaient leurs prestations respectives, en dépit du fait que le contrat ne soit pas finalisé et n’ait pas été signé.
– en fin d’année 2019, DACHSER pouvait concrètement mesurer, chiffres à l’appui, l’augmentation exponentielle de la demande de WIRQUIN et les écarts de volumes ont largement dépassé le seuil de 15% prévu par la LOI.
– il y avait nécessité de renégocier les conditions financières du contrat mais cette renégociation a été refusée par WIRQUIN qui a systématiquement renvoyé la signature du contrat et a obtenu la prorogation à plusieurs reprises de la LOI, dans le but, in fine, de ré-internaliser les prestations de logistiques.
– WIRQUIN a décidé, selon courrier du 15 janvier 2020, d’abord de réintégrer la mission export, puis de mettre fin, au mépris des termes convenus et de toute loyauté, aux relations l’unissant à DACHSER, au bout de 4 mois et demi de prestations.
– DACHSER répondait à WIRQUIN par courrier du 21 janvier 2020, puis le 29 janvier 2020, exposant les préjudices que lui causait sa décision intempestive de rompre le contrat en cours d’exécution.
– le refus de renégociation rendait l’exécution du contrat pour DACHSER excessivement onéreuse avec une tendance de perte pour ce site de l’ordre de 600.000 € par an.
– dans ces conditions, WIRQUIN et DACHSER ont convenu d’un rapatriement de l’ensemble du stock de WIRQUIN chez cette dernière, et elles signaient, le 6 février 2020, un protocole tarifaire de ré-internalisation des stocks WIRQUIN, les opérations se déroulant jusqu’au 28 février 2020.
– il est inutile de recourir à la notion de rupture brutale de relations commerciales établies afin de régler le présent litige dès lors que DACHSER ne fonde aucune demande sur la base de ce régime.
– il y a contrat en l’espèce, dès lors qu’il y a rencontre d’une offre et d’une acceptation.
Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur, quelques soient les formalités prévues, notamment dès lors que les parties ont entendu donner au projet escompté un commencement d’exécution.
– le 3 septembre 2019 les parties signaient le PV de démarrage formalisant le début de l’exécution des prestations prévues.
Les parties avaient donc de toute évidence dépassé le simple stade des pourparlers avec le début d’exécution des prestations.
– WIRQUIN a donc résilié, de manière anticipée et donc fautive, le contrat à durée déterminée l’unissant à DACHSER, au bout de 4 mois et demi seulement de relation.
– la société DACHSER n’avait nullement renoncé à agir en responsabilité à l’encontre de WIRQUIN en cas de paiement de l’indemnité de 115.497 € visée dans la LOI au titre des frais de démarrage du projet.
– la LOI elle-même prévoit d’autres cas de responsabilité de WIRQUIN en cas de résolution anticipée du contrat : paiement des loyers restant dus, remboursement des investissements spécifiques et DACHSER est recevable en ses demandes.
– sur les préjudices subis par DACHSER, au titre du gain manqué, sur les 5 années et demie restant à courir, ce gain est de 370.423 €, en lien causal direct avec la rupture anticipée opérée.
– au titre de la location du bâtiment, l’obligation de remboursement des loyers restant dus en cas de résiliation anticipée et de paiement d’une pénalité égale 3 mois par WIRQUIN était réitérée dans la LOI du 21 novembre 2018.
Initialement souscrit pour une durée de 6 ans, DACHSER a pu, après négociation et discussions avec son bailleur, réduire la durée du bail à 3 ans et le site n’est utilisé en moyenne qu’à hauteur de 32%.
– au titre des loyers restant à courir et de la pénalité liée à la résiliation anticipée au paiement de la somme de 629.933 €, à parfaire compte tenu du caractère évolutif du pourcentage de réutilisation du site.
– le montant des investissements spécifiques réalisés par DACHSER s’élève ainsi à la somme de 397.254 €, mais la réutilisation du site à hauteur de 32% permet de réduire d’autant le montant du préjudice subi par DACHSER, qui s’élève en conséquence à 270.133 €.
– s’agissant des coûts sociaux, DACHSER a dû embaucher 3 salariés supplémentaires pour remettre le site du Bâtiment en état, soit une somme de 27 661 €.
– sur le rejet des demandes reconventionnelles de WIRQUIN, aucune faute n’est imputable à DACHSER, les difficultés rencontrées au cours de l’exécution du contrat n’étant que le résultat du comportement de WIRQUIN qui a augmenté de manière exponentielle ses demandes logistiques. Les divers incidents avec les clients incombaient à WIRQUIN, qui reconnaissait des erreurs.
– il n’y a pas de préjudices réparables en lien avec une faute de DACHSER.
S’agissant des avoirs consentis aux clients, la responsabilité de DACHSER n’est pas démontrée notamment par le tableau EXCEL versé et faute d’éléments probants.
Le paiement de 410.843,59 € au titre de dommages et intérêts en réparation d’un prétendu préjudice de pénalités payées et préjudice d’image n’est pas justifié, notamment pas la production de factures, celles produites en langues étrangères n’étant pas traduites.
Il s’agit de pénalités contractuellement prévues par WIRQUIN et ses clients, et qui ne sauraient être opposées à DACHSER du fait de l’effet relatif des contrats.
– s’agissant des coûts sociaux supportés par WIRQUIN, cette société est à l’origine de la rupture et le lien de causalité avec la prétendue faute de DACHSER n’est par établi.
– aucun surcoûts liés au contrôle de l’exécution des prestations par deux salariés supplémentaires ne peut être mis à sa charge.
– s’agissant de la demande formée au titre de la perte de marge, celle-ci n’est pas étayée ni établie par pièces.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 16/06/2022, la société SASU WIRQUINPLASTIQUES a présenté les demandes suivantes :
‘ Vu les articles l’article L.442-1 II, L.442-4 III, D.442-3 et l’annexe 4-2-1 du code de commerce,
Vu l’article 1114 du code civil
Vu les articles 42 et 46 du code de procédure civile,
Vu les articles 83 à 89 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est demandé à la Cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement du tribunal de La Roche-sur-Yon en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes,
A titre très subsidiaire,
– dire et juger qu’il n’y a pas lieu à évocation du dossier devant la cour,
En conséquence :
– renvoyer le dossier pour être jugé au fond devant le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon,
A titre très subsidiaire,
– dire et juger que :
o l’offre, ne constituant qu’une invitation à entrer en négociation, n’a créé aucun lien contractuel entre WIRQUIN PLASTIQUES et DACHSER FRANCE
o la lettre d’intention ne constituant qu’une étape formelle des pourparlers, n’a
créé aucun lien contractuel entre WIRQUIN PLASTIQUES et DACHSER FRANCE
o la relation commerciale entretenue par WIRQUIN PLASTIQUES et DACHSER FRANCE constitue une relation commerciale dite établie, à laquelle chaque partie pouvait mettre fin à tout moment
– dire et juger que les demandes indemnitaires formulées par DACHSER FRANCE sont mal fondées
En conséquence,
– rejeter toutes les demandes indemnitaires formulées par DACHSER FRANCE que ce soit :
o au titre de son prétendu gain manqué,
o au titre des loyers qui resteraient à courir,
o au titre des investissements spécifiques qu’elle aurait réalisés,
o au titre des coûts sociaux qu’elle aurait supportés.
A titre reconventionnel,
– condamner DACHSER FRANCE à payer à WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 485 041,40 euros au titre des avoirs émis par WIRQUIN PLASTIQUES du fait des erreurs de préparation de commandes,
– condamner DACHSER FRANCE à payer à WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 410 843,59 euros au titre des pénalités payées par WIRQUIN PLASTIQUES à ses clients et en réparation de son préjudice d’image,
– condamner DACHSER FRANCE à payer à WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 241 219,15 euros au titre des coûts sociaux liés à l’opération d’externalisation inutile, supportés par WIRQUIN PLASTIQUES,
– condamner DACHSER FRANCE à payer à WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 65 424,27 euros au titre des surcoûts liés au contrôle de l’exécution des prestations, supportés par WIRQUIN PLASTIQUES
– condamner DACHSER FRANCE à payer à WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 1 557 006,50 euros au titre de la marge perdue par WIRQUIN PLASTIQUES du fait des dysfonctionnements DACHSER FRANCE.
– dire et juger que DACHSER FRANCE a ainsi mis en oeuvre brutalement la rupture de la relation commerciale qu’elle entretenait avec WIRQUIN PLASTIQUES, en refusant l’exécution d’un préavis raisonnable
En conséquence
– condamner DACHSER FRANCE à payer à WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 151 216 euros en réparation des préjudices subis par WIRQUIN PLASTIQUES du fait de la rupture brutale imposée par DACHSER FRANCE.
En tout état de cause,
– condamner DACHSER FRANCE :
o à payer à WIRQUIN PLASTIQUES la somme de 35 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
o aux entiers dépens de la présente instance’.
A l’appui de ses prétentions, la société SASU WIRQUINPLASTIQUES soutient notamment que :
– de nombreuses difficultés se sont révélées et les parties n’ont pas manqué de se réunir, à de nombreuses reprises, pour tenter de les résoudre.
Suite à une réunion du vendredi 8 novembre 2019, DACHSER FRANCE a expressément annoncé à WIRQUIN PLASTIQUES qu’à défaut d’accord de cette dernière sur une réévaluation financière de ses prestations, DACHSER FRANCE cesserait toute activité sous 3 mois.
– La lettre d’intention, prolongée au 30 octobre 2019, étant expirée et donc devenue caduque, les parties ont convenu d’une nouvelle prolongation jusqu’au 31 janvier 2020.
Cette nouvelle prolongation, conclue le 13 décembre 2019, a, en outre, formalisé l’accord de WIRQUIN PLASTIQUES pour des modalités de facturation modifiées et ainsi pour qu’elle paye, à DACHSER FRANCE, une rémunération à la hausse au titre des mois de novembre 2019, décembre 2019 et janvier 2020.
– les difficultés rencontrées quant à l’exécution des prestations n’ont pas été résolues et WIRQUIN PLASTIQUES a été contrainte de prendre acte de l’échec de son projet d’externalisation.
– le 15 janvier 2020, WIRQUIN PLASTIQUES a informé DACHSER France de sa décision de mettre fin à leur relation commerciale en cours.
– le 29 janvier 2020, DACHSER FRANCE a confirmé son souhait de faire une application stricte des termes de la Lettre d’Intention, expirant le 31 janvier 2020, a exprimé son refus de mettre en oeuvre le préavis de 3 mois proposé par WIRQUIN, limitant à 7 jours le délai
– toutefois, le 31 janvier, DACHSER FRANCE a consenti « à titre commercial » de laisser à WIRQUIN PLASTIQUES un délai supplémentaire et ainsi de lui permettre un rapatriement de ses stocks jusqu’au 10 février 2020.
– le 5 février 2020, DACHSER FRANCE a finalement proposé à WIRQUIN PLASTIQUES, un « protocole tarifaire de ré-internalisation de votre stock » organisant les modalités et le coût d’un rapatriement des stocks de WIRQUIN PLASTIQUES jusqu’au 28 février 2020, protocole qui a été respecté.
– à titre liminaire et avant toute défense au fond, WIRQUIN PLASTIQUES a sollicité du tribunal qu’il se déclare incompétent territorialement au profit du tribunal de commerce de RENNES.
– au principal, l’article L.442-1 II du code de commerce doit s’appliquer, s’agissant de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, aucun contrat n’ayant été signé.
– il ne s’agit pas d’une question relative à l’exécution et/ou à l’interprétation de la lettre d’intention.
– aucune disposition légale ni aucun fait ne justifie une attribution de compétence au tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon.
– à titre subsidiaire, DACHSER FRANCE sollicite pourtant de la cour qu’elle se prononce sur le fond du dossier, mais aucun motif ne justifie d’évoquer au niveau de la cour d’appel le fond du dossier, non jugé par le tribunal, et rien ne justifie que les parties soient privées d’un degré de juridiction.
Si une décision d’infirmation était rendue sur la question de la compétence, il y aurait lieu de de renvoyer le dossier pour être jugé au fond devant le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon.
– à titre très subsidiaire, il n’existe aucun lien contractuel entre WIRQUIN PLASTIQUES et DACHSER FRANCE qui étaient simplement en relation commerciale.
– cette offre bien qu’acceptée ne constitue qu’une invitation à entrer en négociation et n’a créé aucun lien contractuel.
– les termes de la LOI sont précis et expriment clairement que les parties se réservent la faculté de renoncer à leur projet,
– la LOI prévoyait que ‘en cas d’arrêt du projet ou de non-signature du contrat de prestations logistiques pour une raison dont il est démontré qu’elle est exclusivement imputable à WIRQUIN, ce dernier indemnisera DACHSER sur la base des coûts réels de démarrage engagées par DACHSER. Cette indemnisation sera plafonnée à 115 497 € HT, correspondant aux frais de démarrage estimés par DACHSER.
En contrepartie du règlement effectif de l’indemnisation précédemment indiquée, WIRQUIN et DACHSER renoncent à toutes actions en responsabilité en cas d’échec des négociations, d’arrêt du projet ou de non autorisation de signature’.
– la lettre d’intention n’exprime pas la volonté des parties d’être liées par un contrat consensuel d’une durée de 6 ans et constitue uniquement une étape formelle des pourparlers.
– les deux prolongations successives conclues entre les parties confirment cette volonté de pas conférer à la Lettre d’Intention le caractère d’un engagement contractuel et la nécessité de conclure un contrat.
– aucun accord n’est intervenu entre les parties sur les modalités d’exécution des prestations et leur tarification et aucun projet de contrat n’a jamais été échangé.
– existait entre WIRQUIN PLASTIQUES et DACHSER FRANCE une relation commerciale établie, au regard de la durée, de l’intensité et de la stabilité de la relation.
– faute de contrat, les parties n’étaient tenues par aucun engagement de durée déterminée de cette relation. Chaque partie pouvait y mettre fin à tout moment.
– la relation commerciale établie entre les parties s’est exécutée pendant une durée de 6 mois et WIRQUIN PLASTIQUES a proposé à DACHSER FRANCE l’exécution d’un préavis raisonnable de 3 mois qui ne sera pas accepté.
– il n’est pas démontré une faute de WIRQUIN dans l’exécution de la lettre d’intention justifiant une indemnisation complémentaire de DACHSER FRANCE : ni gain manqué, ni au titre de la location du bâtiment.
– sur ce point, les dispositions de la LOI n’énoncent pas un engagement accepté par WIRQUIN PLASTIQUES mais énoncent les dispositions que le contrat, s’il avait été convenu et conclu entre les parties, aurait pu contenir au titre de sa résolution, ce qui n’a pas été le cas.
– sur l’indemnisation des investissements spécifiques réalisés, bien que l’arrêt du projet ne lui soit pas exclusivement imputable, WIRQUIN PLASTIQUES a procédé au paiement de l’intégralité de l’indemnisation plafonnée convenue aux termes de la Lettre d’Intention, selon factures, la dernière du 4 février 2020 ‘reliquat des frais de démarrage’.
– en l’absence de faute de WIRQUIN PLASTIQUES, les demandes relatives aux coûts sociaux supportés ne sont pas non plus justifiées.
– à titre reconventionnel, WIRQUIN PLASTIQUES entend se faire indemniser des préjudices qu’elle a subi du fait, non seulement, de la mauvaise exécution par DACHSER FRANCE des prestations convenues dans la Lettre d’Intention, mais aussi, de la rupture brutale imposée par DACHSER FRANCE qui a refusé l’exécution d’un préavis raisonnable.
Or, WIRQUIN PLASTIQUES a été contrainte de constater l’échec de cette relation commerciale et l’incapacité de DACHSER FRANCE de fournir les prestations convenues à un niveau de service satisfaisant.
– il appartenait à DACHSER FRANCE d’assurer une mise en oeuvre conforme des prestations définies.
– DACHSER FRANCE ne peut prétendre que l’augmentation de la volumétrie de l’activité serait à l’origine exclusive de tous les dysfonctionnements subis par WIRQUIN PLASTIQUES, dès lors que la Lettre d’Intention prévoyait le principe d’une variation acceptable des volumes et le niveau de cette variation à hauteur de plus ou moins 15%.
– DACHSER FRANCE a identifié, dès le début de l’année 2019, bien avant le démarrage des prestations, une évolution de la volumétrie effective par rapport à la volumétrie énoncée dans l’offre et elle aurait ainsi pu demander un report du démarrage des prestations.
– le fait pour DACHSER FRANCE de commencer sciemment à exécuter les prestations ne révèle qu’une stratégie déloyale consistant dans un premier temps, à obtenir un marché après la présentation d’une offre tarifaire basse et à commencer la mise en oeuvre de ses prestations, et dans un second temps, à contraindre son partenaire à une augmentation tarifaire sous la menace de cesser ses prestations.
– WIRQUIN PLASTIQUES est bien fondée à obtenir réparation des préjudices consécutifs qu’elle a subie, soit les avoirs qu’elle a émis au bénéfice de ses clients, au titre des erreurs de préparation de commandes, pour un montant total de 485 041,40 euros, selon tableaux EXCEL les pénalités payées à ses clients, soit un montant total de 410 843,59 euros T.T.C., ses coûts sociaux liés à l’opération d’externalisation inutile puisqu’elle a été contrainte de mettre en place une « Rupture Conventionnelle Collective » pour 11 de ses salariés, soit un montant de 241 219,15€, les surcoûts liés au contrôle de l’exécution des prestations et à leur reprise partielle pour un montant de 65 424,27 € (Détachement de 2 salariés et de 3assistantes.
– WIRQUIN demande également le paiement de la somme de 1 557 006,50 € au titre de sa marge perdue.
– du fait de la rupture brutale imposée par DACHSER FRANCE qui a refusé l’exécution d’un préavis raisonnable, la somme de 151 216 € est sollicitée en réparation des préjudices subis, soit le coût lié à l’embauche massive de CDD et intérimaires en février 2020 est de 110 477 €, outre le coût des transports pour 40 739 € et le coût de l’entreposage de ses stocks.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la compétence du tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON :
L’article 1134 ancien du code civil dispose que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ‘ les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,’ et 1104 du code civil ‘les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi’.
L’article 1353 du même code dispose que ‘celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.
L’article L.442-1 II du code de commerce dispose que ‘engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels’.
L’article L.442-4 III du code de commerce précise que ‘les litiges relatifs à l’application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret’.
L’article D.442-3 du code de commerce et l’annexe 4-2-1 de ce code énonce les 8 juridictions spécialisées pour traiter des contentieux issus d’une rupture brutale des relations commerciales, dont le tribunal de commerce de RENNES, s’agissant des litiges du ressort de la cour d’appel de POITIERS.
La société DACHSER FRANCE soutient la compétence du tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON en vertu de la clause attributive de compétence insérée dans la LOI, d’autant qu’il y a selon elle un contrat en l’espèce, par rencontre d’une offre et d’une acceptation, dont il a résulté un commencement d’exécution.
Il n’y a donc pas lieu selon DACHSER FRANCE de recourir à la notion de rupture brutale de relations commerciales établies.
Or, la compétence d’ordre public de la juridiction rennaise ne peut être retenue qu’à la condition que soit démontrée l’existence d’une relation commerciale établie, laquelle se définit comme celle qui revêt un caractère suivi, stable et
habituel, et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial.
Une telle relation est ainsi établie par sa stabilité et le fait qu’elle soit significative. Or, le caractère de stabilité est caractérisé soit par la répétition de plusieurs contrats à durée déterminée s’ils correspondent à une certaine durée et à des échanges d’une certaine intensité, soit d’une longue durée s’il s’agit d’un contrat unique à durée indéterminée.
En l’espèce, il y a lieu de retenir que, par deux offres commerciales successives en date des 3 août 2018 et 29 octobre 2018, la société DACHSER FRANCE, a répondu à l’appel d’offre de la société WIRQUIN PLASTIQUES.
Le 21 novembre 2018, les parties ont alors signé une lettre d’intention portant diverses mentions soit : ‘nous avons souhaité préciser et formaliser par la présente lettre d’intention, d’une part, les principales modalités de la gestion DASCHER du stockage, de la logistique et du transport pour votre compte et, d’autre part, figer votre engagement en charge des investissements initiaux en cas de désistement de votre part’.
La lettre d’intention précise expressément que ‘la présente lettre d’intention, au contenu non exhaustif représente notre volonté commune d’établir des relations commerciales durables et stables. Elle n’est ni une offre de contracter, ni un engagement de contracter et ne vaut pas contrat définitif…Il est en outre entendu que la présente lettre d’intention ne reflète pas l’intégralité des clauses de l’accord auquel nous sommes ensemble susceptibles d’aboutir, nos pourparlers étant en effet toujours en cours’.
La date d’échéance de la lettre d’intention conclue était le 1er septembre 2019, mais le 25 juillet 2019, aucun contrat n’ayant été conclu entre elles, les parties
ont signé une prolongation de la lettre d’intention, jusqu’au 30 octobre 2019.
À compter de septembre 2019, des prestations ont commencé à être réalisées sans toutefois que les parties ne se soient entendues sur les termes d’un contrat, et des difficultés se sont rapidement révélées, amenant les parties à se réunir à nouveau.
Dans ce cadre et à la suite d’une réunion du 8 novembre 2019, DACHSER FRANCE a expressément annoncé à WIRQUIN PLASTIQUES qu’à défaut d’accord de cette dernière sur une réévaluation financière de ses prestations, DACHSER FRANCE cesserait toute activité sous 3 mois.
A ce moment, la lettre d’intention, prolongée au 30 octobre 2019, était expirée mais les deux sociétés ont néanmoins convenu le 13 décembre 2019 d’une nouvelle prolongation jusqu’au 31 janvier 2020.
Etaient alors formalisées les modalités de facturation modifiées pour que la société WIRQUIN PLASTIQUES paye à DACHSER FRANCE, une rémunération à la hausse au titre des mois de novembre 2019, décembre 2019 et janvier 2020.
Il était rappelé que : ‘les parties conviennent de prolonger les effets de la lettre d’intention jusqu’à la signature effective du contrat, cette date ne pouvant en tout état de cause dépasser la date du 31 janvier 2020″.
Toutefois, le 15 janvier 2020, WIRQUIN PLASTIQUES a informé DACHSER France de sa décision de mettre fin à leur relation commerciale en cours, indiquant ‘votre société n’est pas encore parvenue à mettre en oeuvre, à un niveau satisfaisant, les prestations logistiques dont elle est pourtant spécialiste’.
En réponse, le 29 janvier 2020, DACHSER FRANCE a confirmé son souhait de faire une application stricte des termes de la Lettre d’Intention, expirant le 31 janvier 2020, a exprimé son refus de mettre en oeuvre le préavis de 3 mois proposé par WIRQUIN, limitant à 7 jours le délai imparti à cette dernière pour ré-internaliser ses prestations logistiques et récupérer son stock.
Après discussion, le 5 février 2020, DACHSER FRANCE a finalement proposé à WIRQUIN PLASTIQUES, un « protocole tarifaire de ré-internalisation de votre stock » organisant les modalités et le coût d’un rapatriement des stocks de WIRQUIN PLASTIQUES jusqu’au 28 février 2020, ce protocole étant finalement respecté et exécuté.
Il ressort de cet historique que si les parties ont constamment discuté pour parvenir à conclure un accord, elles n’en ont jamais trouvé, et que les prestations, réelles, et les paiements, avérés, ne sont intervenus que dans un cadre provisoire, pendant que les discussions se poursuivaient en vue de conclure un accord commercial.
Les parties avaient pris soin d’encadrer ces prestations précaires, en stipulant dans la lettre d’intention signée que ‘en cas d’arrêt du projet ou de non signature du contrat de prestations logistiques pour une raison dont il est démontré qu’elle est exclusivement imputable à WIRQUIN, ce dernier
indemnisera DACHSER sur la base des coût réels de démarrage engagées par DACHSER. Cette indemnisation sera plafonnée à 115 497 € HT, correspondant aux frais de démarrage estimés par DACHSER.
En contrepartie du règlement effectif de l’indemnisation précédemment indiquée, WIRQUIN et DACHSER renoncent à toutes actions en responsabilité en cas d’échec des négociations, d’arrêt du projet ou de non autorisation de signature’.
La société DACHSER FRANCE indiquait d’ailleurs dans ses propres écritures: ‘postérieurement à la signature de la LOI, les parties devaient se mettre d’accord sur les conditions spécifiques du contrat’.
Toutefois, elles ne l’ont pas fait et la lettre d’intention signée ne constituait qu’une étape des pourparlers engagés. De même, les deux prolongations successives n’ont fait que maintenir les dispositions de la lettre d’intention tout en confirmant la nécessité de conclure un contrat.
Il résulte de ces éléments qu’il existait pas entre WIRQUIN PLASTIQUES et DACHSER FRANCE une relation commerciale établie, régulière et stable, puisque seule une relation commerciale d’une durée de 6 mois a pu exister, et dans un cadre explicitement provisoire.
Dans ce cadre et en cas d’arrêt du projet ou de non signature du contrat de prestations logistiques, il était prévu par la lettre d’intention l’indemnisation de DACHSER FRANCE au titre de son coût de démarrage, plafonnée à 115 497 € HT, étant précisé qu’en contrepartie du règlement effectif de l’indemnisation, WIRQUIN et DACHSER renonçaient à toutes actions en responsabilité en cas d’échec des négociations, d’arrêt du projet ou de non autorisation de signature.
Il s’agissait bien d’un accord indemnitaire effectif à ce stade, dans une hypothèse de non signature du contrat, à la différence de l’évocation dans la LOI d’indemnités au titre de la location du bâtiment ou d’investissement spécifiques, qui ne s’appliquaient qu’en cas de résolution anticipé d’un contrat conclu, ce qui n’est pas advenu.
Or, en l’espèce, il est démontré en pièces n°15 de l’intimée que la société WIRQUIN PLASTIQUES s’est volontairement acquittée des factures du 21 octobre 2019 ‘Frais Démarrage ‘, 70 000 € HT, des factures mensuelles de
prestations incluant 631,90 € HT pour « Frais de démarrage lissé sur 6 ans’ et de la facture du 4 février 2020 ‘Reliquat des frais de démarrage ‘ pour 41 850 € HT, soit une somme totale de 112 481,90 €.
Au surplus, la société DACHSER FRANCE indiquait elle-même, ‘par son courrier du 29 janvier 2020 ‘nous vous confirmons que notre relation commerciale s’achèvera à la date d’expiration de la lettre d’intention signée le 21 novembre 2019 soit le 31 janvier 2020.’
En conséquence et faute d’établir l’existence d’une relation commerciale établie, il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article L.442-1 II du code de commerce.
La lettre d’intention effectivement signée et prorogée contient une clause attributive de compétence ainsi rédigée « toute contestation relative à l’exécution et/ou à l’interprétation de la lettre d’intention et du contrat de prestations logistiques sera soumise à la compétence exclusive du tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON, et ce même en cas de pluralité de défendeur ou d’appels en garantie’.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a renvoyé l’entier litige devant le tribunal de commerce de RENNES, qu’il s’agisse des demandes principales ou reconventionnelles.
Il appartient en conséquence au tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON de trancher le litige dont il est saisi, la cour n’entendant pas exercer sa faculté d’évocation.
Sur les dépens et l’application de l’article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de la société SASU WIRQUINPLASTIQUES .
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner la société SASU WIRQUINPLASTIQUES à payer à la société SASU DACHSER FRANCE la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
L’appréciation de la demande formée au titre des frais de première instance doit être laissée à la juridiction compétente, soit le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON .
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris.
Statuant à nouveau,
DIT n’y avoir lieu à application des articles L.442-1 II et L.442-4 III, D.442-3 et l’annexe 4-2-1 du code de commerce, faute de relations commerciales établies,
DIT que le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON est compétent pour statuer sur l’entier litige.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE la société SASU WIRQUINPLASTIQUES à payer à la société SASU DACHSER FRANCE la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
CONDAMNE la société SASU WIRQUINPLASTIQUES aux dépens d’appel.
DIT que l’appréciation de la demande formée au titre des frais de première instance ainsi que celle des dépens de première instance doivent être laissées à la juridiction compétente, soit le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,