Clause attributive de compétence : 20 juillet 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00460

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Clause attributive de compétence : 20 juillet 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00460
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PhD/CS

Numéro 22/2804

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 20 juillet 2022

Dossier : N° RG 21/00460 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HYYL

Nature affaire :

Appel sur des décisions relatives au déroulement de la procédure

Affaire :

Société DALE AVIATION FRANCE

Société DALE AVIATION LIMITED

C/

S E.L.A.R.L. MJPA

LE PROCUREUR GENERAL

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 20 juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 14 juin 2022, devant :

Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTES :

Société DALE AVIATION FRANCE SARL unipersonnelle au capital de 5 000 €, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est [Adresse 7], prise en son établissement sis

AEROPORT CHARLES DE GAULLE

[Localité 6]

Société DALE AVIATION LIMITED Société de droit anglais, représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

16 1BL

ROYAUME-UNI

Représentées par Me Olivia MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

Assistées de Me Arnaud GRIS, avocat au barreau de Paris

INTIMEES :

La SELARL MJPA prise en la personne de son administrateur provisoire la SCP [H] [J], elle-même prise en la personne de Maître [J] es qualité de mandataire liquidateur de la société AIR MEDITERRANEE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Cécile FELIX de la SELARL CASADEBAIG & ASSOCIES – ELIGE PAU, avocat au barreau de PAU

Assistée de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocats au barreau de Toulouse

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL

Palais de Justice

[Adresse 8]

[Localité 3]

sur appel de la décision

en date du 09 NOVEMBRE 2020

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

La société par actions simplifiée Air Méditerranée, compagnie aérienne, et la société de droit anglais Dale aviation limited ont signé un contrat de maintenance sur les aéronefs de la compagnie en date du 18 janvier 2014, régi par la loi anglaise et devant s’exécuter sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle.

Par jugement du 14 janvier 2015, le tribunal de commerce de Tarbes a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Air Méditerranée, convertie en liquidation judiciaire suivant jugement du 15 février 2016, Maître [N] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

La société Dale aviation limited a déclaré au passif une créance 400.109,19 euros.

La société à responsabilité limitée Dave aviation France, s’ur de la précédente, a déclaré une créance de 40.939,41 euros.

Par lettres recommandées avec accusé de réception des 10 février 2016 et 2 mars 2016, les deux sociétés s’urs, par l’intermédiaire de leur conseil, ont notifié aux organes successifs de la procédure collective leur droit de rétention sur les pièces détachées des aéronefs de la compagnie détenues en vertu du contrat de maintenance du 18 janvier 2014 jusqu’au paiement de leurs créances.

En réponse, le liquidateur judiciaire a demandé des précisions sur le lieu exact de retenue des pièces litigieuses et de lister, pour chaque société, les pièces retenues, ainsi que sur le contrat ayant pu être conclu entre la société Air Méditerranée et société soeur française justifiant le droit de rétention revendiqué par celle-ci.

A défaut d’issue amiable, et suivant exploit du 6 février 2019, Maîtree [N], en qualité de liquidateur judiciaire, a fait assigner par devant le tribunal de commerce de Tarbes, la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France en restitution, sous astreinte, des pièces détachées, contestant toute connexité entre le droit de rétention pratiqué par les défenderesses et les créances impayées.

Les défenderesses ont soulevé, in limine litis, sur le fondement de la clause attributive de compétence insérée au contrat de maintenance, l’incompétence territoriale du tribunal de commerce au profit des juridictions londoniennes et conclu sur le fond du litige.

Par jugement du 9 novembre 2020, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

– rejeté l’exception d’incompétence territoriale soulevée par les défenderesses, et s’est déclaré compétent pour connaître du litige

– rejeté la demande de la société Dale aviation France d’être mise hors de cause

– dit que le droit de rétention pratiquée ne se justifie pas, n’est donc pas fondé

– débouté les société Dale aviation limited et société Dale aviation France de leur droit de rétention

– ordonné la restitution des pièces sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de 8 jours après la signification du jugement

– condamné solidairement la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France à payer à Maître [N] ès qualités la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné l’exécution provisoire

– condamné solidairement la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France aux dépens

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 12 février 2021, la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France ont relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 23 août 2021, le président du tribunal de commerce de Tarbes a remplacé Maître [N] par la selarl MJPA, dont il était gérant et associé unique, pour l’ensemble de ses mandats.

Maître [N] est décédé le [Date décès 5] 2021.

Par ordonnance du 16 septembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Tarbes a désigné la SCP [J] [H], prise en la personne de Maître [H] [J], mandataire judiciaire, « afin d’accomplir les actes nécessaires à la gestion de l’étude de la selarl MJPA ».

La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 mai 2022.

Les parties ont été avisées par message RPVA que le délibéré sera rendu par anticipation le 20 juillet 2022.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2021 par la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France qui ont demandé à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :

In limine litis :

– déclarer territorialement incompétent les juridictions française au profit du tribunal de Londres et rejeter la demande de déclaration de compétence formulée par Maître [N] et par la selarl MJPA ès qualités

– mettre hors de cause la société Dale aviation France.

En toute hypothèse :

– juger que la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France justifient tant en droit qu’en fait de la connexité entre le droit de rétention pratiqué sur les pièces détachées et les créances demeurées impayées

– juger que le droit de rétention pratiqué par la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France est parfaitement fondé en l’espèce.

Le cas échéant :

– ordonner une mesure d’instruction sous la forme d’une expertise judiciaire et désigner un expert avec pour mission de :

– convoquer et entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise

– se faire communiquer tout document qu’il estimera utile à l’accompagnement de sa mission et procéder à son analyse

– se rendre sur le lieux de stockage des pièces dont l’intimé réclame la restitution

– relever et décrire l’ensemble des dites pièces présentes dans le stock

– évaluer la connexité du stock précité et de la liste des pièces versées à l’instance avec les termes du contrat liant la société Dale aviation limited et la société Air Méditerranée

– évaluer le coût du stockage des pièces dont l’intimé demande la restitution

– estimer la valeur actualisée du stock des dites pièces

– rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties et fournir en général tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la cour de statuer

– mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations qui seront annexées au rapport et y répondre

– établir, à l’issue des opérations d’expertise, un rapport qui sera transmis à la cour et aux parties.

Mais également de :

– rejeter la demande de réparation de l’omission de statuer affectant la décision de première instance et de modification du dispositif du jugement du 9 novembre 2020

– condamner Maître [N] ès qualités et la selarl MJPA solidairement à verser chacune à la société Dale aviation limited la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Maître [N] ès qualités et la selarl MJPA solidairement à verser chacune à la société Dale aviation France la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2022 par la selarl MJPA, prise en la personne de son administrateur provisoire, la SCP [H] [J], elle-même prise en la personne de Maître [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Air Méditerranée qui a demandé à la cour, au visa des articles L642-20-1 du code de commerce, 2286 du code civil, R662-3 du code de commerce, 463 et 564 du code de procédure civile, de :

– dire recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la SCP [J], elle-même prise en la personne de Maître [J] en qualité d’administrateur provisoire de la selarl MJPA.

In limine litis :

– confirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal s’est reconnu compétent

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de la société Dale aviation France d’être mise hors de cause.

Sur le fond :

– réparer l’omission de statuer affectant le jugement entrepris et compléter le dispositif comme suit : « ordonne la restitution, aux frais des sociétés Dale aviation limited et Dale aviation France, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, à compter de 8 jours, après la signification du jugement

– confirmer le jugement entrepris [en toutes ses dispositions]

– débouter les appelantes de leur demande d’expertise judiciaire, et, subsidiairement, dire que l’expertise sera ordonnée à leurs frais avancés.

Ajoutant au jugement entrepris :

– condamner solidairement la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il conviendra de déclarer recevable l’intervention volontaire de la selarl MJPA prise en la personne de son administrateur provisoire, la SCP [J], elle-même prise en la personne de Maître [H] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Air Méditerranée, en remplacement de Maître [N].

sur la compétence du tribunal de commerce de la procédure collective

L’article R.662-3 du code de commerce dispose que sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge commissaire, le tribunal saisi d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L.653-8, à l’exception des actions en responsabilité civile exercées à l’encontre de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal judiciaire.

Il s’ensuit que la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective ne concerne que les contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles elle exerce une influence.

Au soutien de leur exception d’incompétence « territoriale », en réalité matérielle et territoriale, les appelantes excipent de la clause attributive de compétence insérée au contrat de maintenance qui soumet le contrat à la loi anglaise et donne compétence « aux tribunaux de Londres » pour connaître de « la résolution des litiges ». Elles en déduisent que tout ce qui découle de son exécution est régi par la loi du contrat et par la clause attributive de compétence, de sorte que le droit de rétention « exercé par la société Dale aviation limited » qui résulte de l’application du contrat ne peut être regardé comme échappant à ces stipulations. Elles ajoutent que le droit de rétention « exercé par la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France » découle de la relation contractuelle « entre ces sociétés et la société Air Méditerranée » et qu’il résulte d’une situation d’impayés qui pré-existe à l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de la société Air Méditerranée, de sorte que le droit de rétention ne résulte de l’ouverture de la procédure collective mais du lien contractuel « unissant les deux sociétés ».

Mais, en premier lieu, ce moyen entretient une certaine confusion sur le droit applicable au litige et les liens contractuels existants entre les parties.

D’abord, il affirme que le droit de rétention est exercé par la société Dale aviation limited puis par la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France.

Ensuite, il évoque une relation contractuelle entre la société Air Méditerranée et les deux sociétés puis seulement entre la société Dale aviation limited et la société Air Méditerranée.

Enfin, il semble suggérer que la loi anglaise est applicable au droit de rétention tout en revendiquant le droit de rétention reconnu au créancier par la loi française.

Sur les deux premiers points, les appelantes ont apporté des précisions sur le fond du litige en indiquant que :

– la société Dale aviation limited avait confié à la société Dale aviation France, sa soeur, l’exécution des prestations de maintenance, en qualité de sous-traitante, laquelle n’a jamais été liée contractuellement à la société Air Méditerranée et a déclaré sa créance au passif en vertu de son action directe contre le donneur d’ordre.

– le lieu d’exécution du contrat principal est la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle dans les locaux appartenant à la société Dale aviation France.

– le droit de rétention est exercé par la société Dale aviation limited et, « par le truchement du contrat de sous-traitance qui la lie à sa soeur », par la société Dale aviation France, ce dont il résulte que les deux sociétés revendiquent un droit de rétention en garantie de leurs créances respectives.

Il résulte de ces constatations que la clause attributive de compétence insérée au contrat de maintenance du 18 janvier 2014 n’est pas invocable par la société Dale aviation France qui n’est pas partie au contrat principal.

L’exception d’incompétence ne peut donc être invoquée que par la société Dale aviation limited.

Mais, la présente action en contestation du droit de rétention revendiqué par les deux sociétés est née de la procédure collective dès lors qu’elle tend à reconstituer l’actif de la liquidation judiciaire dans l’intérêt collectif des créanciers représenté par le liquidateur judiciaire qui entend ainsi faire échec à leur demande conjointe, notifiée le 7 mars 2016, de voir, en cas de vente des pièces détachées, reporter leur droit de rétention sur le prix de vente, cette demande ayant une incidence directe sur le déroulement des opérations de réalisation de l’actif.

Par conséquent, le tribunal de commerce de la procédure collective est exclusivement compétent pour connaître de cette action.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

sur la mise hors de cause de la société Dale aviation France

Les appelantes exposent que la société Dale aviation France, qui n’a jamais été contractuellement liée à la société Air Méditerranée, est intervenue en qualité de sous-traitante de la société Dale aviation limited dans l’exécution du contrat principal et que c’est à ce dernier et unique titre qu’elle a pu légitimement faire valoir son droit de rétention au regard des prestations qu’il lui a été donné d’effectuer pour le compte de la société Air Méditerranée en qualité de sous-traitante de sa s’ur. La société Dale aviation France en déduit que, en l’absence de tout lien contractuel direct entre elle et la société Air Méditerranée, elle est fondée à demander sa mise hors de cause, sans que cette demande soit contradictoire avec l’exercice de son droit de rétention pour les prestations facturées et demeurées impayées.

L’intimé, comme le tribunal ont pu justement relever l’opacité de ce moyen inopérant, en l’état de son énoncé, à fonder la mise hors de cause de la société Dale aviation France alors que celle-ci revendique l’exercice, en son nom propre, d’un droit de rétention sur les pièces qu’elle détient dans ses locaux en garantie de sa créance contre le donneur d’ordre et que l’action du liquidateur a précisément pour objet de contester le droit de rétention revendiqué par les deux sociétés.

Les appelantes n’ont jamais soutenu que la société Dale aviation France retenait les pièces détachées au nom et pour le compte exclusif de la société Dale aviation limited en garantie de la seule créance de cette dernière.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

sur l’exercice du droit de rétention

L’article 2286 du code civil dispose que peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose :

1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ;

2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer ;

3° Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose

4° Celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession.

Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire.

Les appelantes revendiquent leur droit de rétention en application de ces dispositions légales en objectant qu’il incombe à leur débiteur de rapporter la preuve que les conditions légales du droit de rétention ne sont pas réunies.

Mais, il résulte de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, qu’il incombe au créancier de démontrer qu’il réunit les conditions légales fondant son droit de rétention sur la chose du débiteur et à celui-ci de démontrer, le cas échéant, la perte de ce droit.

En l’espèce, outre le caractère certain de la créance, les appelantes doivent rapporter la preuve du lien de connexité juridique entre leur droit de rétention et la créance impayée au titre des prestations réalisées sur les pièces et équipements retenus.

Il est acquis aux débats que les pièces détachées et équipements litigieux retenus dans les locaux de la société Dale aviation France ont été remis par la société Air Méditerranée dans le cadre du contrat de maintenance.

S’agissant de l’existence et du caractère certain des créances, le liquidateur judiciaire ne conteste pas l’affirmation des appelantes selon laquelle leurs créances respectives ont été admises au passif pour leur montant déclaré.

Par conséquent, le liquidateur judiciaire n’est plus recevable à contester ni la qualité de sous-traitant ni l’existence de l’action directe en vertu de laquelle la société Dale aviation France a déclaré sa créance au passif.

S’agissant de la chose retenue, il est constant que les pièces litigieuses sont retenues dans les locaux de la société Dale aviation France qui sont situés sur la plate-forme aéroportuaire Roissy-Charles de Gaulle désignée dans le contrat principal comme lieu d’exécution des prestations de maintenance.

Dès lors que les deux sociétés, liées par un contrat de sous-traitance, agissent conjointement en défense de leur droit de rétention et que les pièce litigieuses sont retenues dans les locaux du sous-traitant à la demande du sous-traité et avec l’accord du sous-traitant, il doit être considéré que la société Dale aviation limited ne s’est dessaisie des pièces litigieuses.

La société Dale aviation limited doit établir la connexité entre les pièces retenues et les prestations impayées qu’elle a fournies en exécution du contrat de maintenance.

Et, quoique non partie au contrat principal qui lui a été sous-traité, la société Dale aviation France peut, en application de l’article 2286 précité, retenir la chose qui lui a été confiée pour réaliser les prestations sous-traitées.

Son droit de rétention est opposable à l’égard de la société Dale aviation limited ainsi qu’à la société Air Méditerranée en garantie de la créance due par l’entrepreneur principal.

Et, son droit de rétention peut également s’exercer directement contre le donneur d’ordre en garantie de l’action directe dérivée du contrat de sous-traitance.

Dans ce dernier cas, la société Dale aviation France doit établir la connexité entre les pièces retenues et les prestations impayées qu’elle a fournies en exécution du contrat de sous-traitance.

Mais, d’une part, les deux sociétés ne peuvent exercer un droit de rétention concurrent sur une chose identique mais doivent identifier les pièces et équipements retenus en garantie de leur créance respective, de sorte que l’exercice de leur droit est équivoque comme contraire à la condition du non- dessaisissement.

D’autre part, pas plus en appel que devant les premiers juges, les appelantes n’ont produit une quelconque pièce susceptible de démontrer que les pièces retenues sont celles qui ont fait l’objet des prestations impayées admises au passif.

Sur ce point, les appelantes objectent que le contrat de maintenance nécessite le recours à une très grande variété de pièces, d’importance très hétérogène et que, ce faisant, de manière « ontologique », de telles pièces ne sauraient « être identifiées, individuellement, en lien direct avec telle ou telle créance ».

Mais, d’une part, le contrat de maintenance s’est exécuté successivement au travers de prestations spécifiques propres aux pièces et équipements des aéronefs, ces pièces et équipements étant traçables, identifiables et individualisables, de sorte qu’il ne saurait exister une fongibilité entre les prestations réalisées justifiant de reporter le droit de rétention sur des pièces qui ne sont pas celles qui ont fait l’objet de la prestation impayée.

Seule pourrait être admise, dans le contrat d’une contrat unique, une rétention de pièces et équipements restitués puis à nouveau remis pour une nouvelle prestation en garantie d’une précédente prestation impayée.

Par ailleurs, les appelantes ne justifient d’aucune contrainte matérielle rendant impossible cette individualisation.

De plus fort, il n’est même justifié d’aucune date de remise des pièces retenues, date des factures impayées ni d’aucun indice, la liste des pièces et équipements retenus ne comportant aucune information utile à cet égard, pouvant laisser supposer l’existence d’un lien de connexité entre les créances impayées.

En outre, dans leur premier courrier du 10 février 2016, adressé aux organes de la procédure, notifiant leur droit de rétention, les sociétés ont indiqué que le contrat de maintenance avait été poursuivi pendant la période d’observation dans l’attente d’une solution de reprise de l’entreprise, et que dans ce cadre, elles avaient « continué à approvisionner les avions objet des prestations de maintenance avec les biens et équipements nécessaires », attestant de la circulation du stock des pièces et équipements des aéronefs entretenus.

A hauteur d’appel, les appelantes sollicitent, à titre subsidiaire, une expertise judiciaire afin « d’évaluer la connexité du stock », la recevabilité de cette demande étant contestée par l’intimée.

Mais, la fin de non recevoir tirée de la nouveauté d’une demande en appel constitue une prétention, laquelle, en l’espèce, n’a pas été reprise dans le dispositif des conclusions de l’intimé de sorte que, en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est pas saisie de cette fin de non-recevoir.

En revanche, sur le fond de la demande d’expertise, la carence probatoire totale des appelantes, qui n’est justifiée par aucun obstacle, ne saurait être supplée par l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.

Par conséquent, la demande d’expertise judiciaire sera rejetée.

Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné aux sociétés Dale aviation limited et Dale aviation France de restituer les pièces sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard.

En revanche, la cour précisera que ce délai courra à compter du 15ème jour de la notification du présent arrêt et que la durée de l’astreinte est fixée à 100 jours.

La cour précisera en outre que la restitution porte sur les pièces et équipements figurant sur la liste produite en pièce 7 de la selarl MJPA ès qualités.

sur la réparation de l’omission de statuer

La selarl MJPA ès qualités a demandé à la cour de réparer l’omission de statuer affectant le dispositif du jugement en ce le tribunal a omis de dire, comme il l’avait retenu dans ses motif par lesquels il avait fait droit à ce point de la demande, que la restitution devait être faite aux frais des sociétés.

En droit, l’omission dans le dispositif d’un jugement d’une prétention accueillie dans les motifs, s’analyse en une omission de statuer.

Et, l’appel formé contre les chef du jugement critiqué donne compétence à la cour pour réparer l’omission du premier juge en statuant la prétention omise.

Les appelantes s’opposent à cette demande comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée attaché au jugement qui a débouté les parties du surplus de leurs demandes alors que, en l’espèce, le tribunal a expressément motivé sa décision en décidant qu’il « ordonnait la restitution de ces pièces, liste PJ 7, aux frais des sociétés Dale aviation limited et Dale aviation France sous astreinte de […] » .

Mais, le rejet indéterminé du « surplus des prétentions » des parties est sans emport sur la prétention émise au titre des frais de restitution que le tribunal, dans ses motifs, a expressément entendu mettre à la charge des défenderesses.

Il y a donc lieu de statuer sur cette prétention omise dans le dispositif du tribunal.

Sur le fond, il y a lieu de dire que la restitution ordonnée par le tribunal s’effectuera aux frais avancés des sociétés, précision faite par la cour, qu’elle s’effectuera sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle, en un lieu désigné à cet effet par le liquidateur judiciaire.

sur les dispositions accessoires

Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Les appelantes seront solidairement condamnées aux dépens d’appel et au paiement d’une indemnité complémentaire globale de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DECLARE recevable l’intervention volontaire de la selarl MJPA prise en la personne de son administrateur provisoire, la SCP [J], elle-même prise en la personne de Maître [H] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Air Méditerranée, en remplacement de Maître [N].

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf à préciser que :

– les pièces et équipements sont ceux figurant sur la liste objet de la pièce n°7 de la selarl MJPA ès qualités

– l’astreinte provisoire commencera à courir passé un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt

– la durée de l’astreinte est limitée à 100 jours,

DIT que la restitution des pièces et équipements ordonnée par le tribunal sera faite aux frais des sociétés Dale aviation limited et Dale aviation France et qu’elle s’effectuera sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle, en un lieu désigné à cet effet par le liquidateur judiciaire.

DEBOUTE les appelantes de leur demande d’expertise judiciaire,

CONDAMNE solidairement la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France aux dépens d’appel,

CONDAMNE solidairement la société Dale aviation limited et la société Dale aviation France à payer à la selarl MJPA ès qualités une indemnité complémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,

 


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