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MINUTE N° 399/22
Copie exécutoire à
– Me Dominique Serge BERGMANN
– Me [L] (dépôt de mandat de Me D’AMBRA après les débats)
Le 17.08.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 17 Août 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03368 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HULX
Décision déférée à la Cour : 23 Juillet 2021 par le Juge de la mise en état de la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de COLMAR
APPELANTS :
Monsieur [B] [D] [Adresse 3]
S.À.R.L. ENVOL prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
Représentés par Me Dominique Serge BERGMANN, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me PAKSUT, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [H] [U] [Adresse 1]
S.A.S.U. CSI FINANCES prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
S.A.R.L. WESTAUB FRANCE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
Société WESTAUB II LLC Société de droit américain
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ETATS UNIS)
Société WESTAUB INC Société de droit américain
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ETATS UNIS)
Représentés par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me KOERING, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Décembre 2021, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [D] a créé en 1998 la société Envol ayant notamment pour objet social le conseil en gestion, en aménagement et en technique de cuisine, de restaurants ou collectivités et tout objet similaire ou connexe.
En 2012, il a ouvert à [Localité 6] le restaurant ‘Le Coq Rico’.
M. [U], fondateur de la société [U], a créé, en 2009, la société CSI Finances.
M. [D] et M. [U] se sont rapprochés afin de créer un restaurant ‘[Adresse 5].
Le 22 juillet 2014, M. [D], la société Envol et la CSI Finances ont signé un protocole à cet effet. Il prévoyait, notamment, la création :
– d’une société holding de droit français, sous la forme d’une SARL Westaub France,
– d’une société sous-holding de droit américain, la société Westaub II LLC, détenue à 100 % par la société Westaub France,
– d’une société opérationnelle de droit américain, la société Westaub Inc, détenue à 100 % par la société Westaub II LLC.
Ces trois sociétés ont été constituées et immatriculées : la première, constituée en septembre 2014 entre la société CSI Finances et la société Envol et immatriculée le 7 novembre 2014 au registre du commerce et des sociétés à Colmar, les deux autres l’ayant été auprès du secrétariat de l’Etat de New York en février 2014.
L’aspect financier du projet a dû être renégocié et un avenant au protocole d’accord du 17 juillet 2015 a été conclu entre les sociétés CSI Finances, Envol, Westaub France et Westaub II LLC.
Cet avenant contient en son article 10 une clause attributive de compétence au profit du tribunal de grande instance de Colmar.
Après son ouverture, le restaurant de New York a été confronté à des difficultés.
Le 9 août 2018, M. [D] a été révoqué de sa fonction de manager de la société Westaub Inc.
Fin août 2018, M. [D] a saisi la Cour suprême de l’Etat de New York afin d’obtenir la cessation et l’abstention de toute utilisation ou référence à son nom, à son image et à sa réputation dans le cadre de l’exploitation du restaurant new-yorkais précité. Un accord entre les parties a mis fin à cette utilisation.
Après avoir mis en demeure les sociétés Westaub IILLC et Westaub Inc. de lui payer les redevances annuelles et des frais de déplacements conformément au protocole, M. [D] a mis en demeure M. [U] et la société CSI Finances de lui payer ces sommes, outre une somme au titre du préjudice moral causé par les conditions vexatoires de sa révocation au sein des sociétés Westaub II LLC et Westaub INC.
Celles-ci étant restées vaines, M. [D] et la société Envol ont assigné, le 15 octobre 2019 (selon les appelants), le 22 octobre 2019 (selon les intimés), M. [U], et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar en paiement des sommes qu’il estimait lui être dues en exécution du Protocole.
Parallèlement, les sociétés Westaub II LLC et CSI Finances avaient attrait M. [D] devant la Cour suprême du comté de New York des chefs d’enrichissement, violation du devoir fiduciaire du dirigeant et manquement à l’obligation de reddition de comptes.
Ces sociétés indiquent l’avoir cité à comparaître le 24 septembre 2019, l’assignation étant déposée électroniquement devant la juridiction new-yorkaise à cette date, puis que M. [D] a été personnellement destinataire de l’avis de saisine électronique de la juridiction et de l’assignation le 10 octobre 2019. M. [D] a refusé cette signification simplifiée et informelle. Il indique avoir été assigné le 21 décembre 2019.
M. [D] a présenté une exception d’incompétence à la juridiction new-yorkaise au profit du tribunal judiciaire de Colmar, à laquelle la Cour suprême de l’Etat de New-York a fait droit par décision du 11 août 2020. Cette décision a été frappée d’appel.
Devant le juge de la mise en état de la juridiction de Colmar, M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc ont demandé qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel de New-York sur la question de la compétence et présenté une exception d’incompétence des tribunaux français.
Par ordonnance du 23 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Colmar a :
– rejeté la demande de sursis à statuer,
– déclaré la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar territorialement incompétente pour connaître du litige,
– renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
– condamné in solidum M. [D] et la SARL Envol à supporter les entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [D] et de la SARL Envol,
– condamné in solidum M. [D] et la SARL Envol à payer à M. [U], la SASU CSI Finances, la SARL Westaub France, la société de droit américain Westaub Inc et la société de droit américain Westaub II LLC la somme de 500 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que la présente décision est exécutoire par provision de plein droit.
Le 6 août 2021, M. [D] et la SARL Envol en ont interjeté appel.
Par ordonnance du 24 août 2021, ils ont été autorisés à assigner les parties adverses à comparaître à l’audience du 13 décembre 2021.
Par acte d’huissier de justice délivré le 29 septembre 2021, M. [D] et la SARL Envol ont assigné M. [U], la SARL Westaub France et la SASU CSI Finances à comparaître à ladite audience.
Le 29 septembre 2021, l’huissier de justice a adressé le formulaire prévu par les articles 5 et suivants de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 et le projet d’acte d’assignation à jour fixe à ABC Legal Services à Seattle afin que le projet d’acte soit signifié ou notifié à la société Westaub INC et à la société Westaub II LLC.
Le 8 septembre 2021, M. [U], la SASU CSI Finances, la SARL Westaub France, la société de droit américain Westaub II LLC et la société de droit américain Westaub Inc se sont constituées intimées.
Par leurs dernières conclusions (conclusions d’appelant n°3) du 9 décembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 9 décembre 2021, M. [D] et la société Envol demandent à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du 23 juillet 2021 en ce qu’elle a estimé que le tribunal judiciaire de Colmar n’était pas compétent pour juger du litige intenté par M. [D] et la société Envol à l’encontre de M. [U] et des sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc,
– déclarer le tribunal judiciaire de Colmar compétent pour juger du litige intenté par M. [D] et la société Envol à l’encontre de M. [U] et des sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc,
– condamner in solidum M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc à payer à la société Envol la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc aux entiers dépens de l’instance.
En substance, ils soutiennent la compétence des juridictions de Colmar en vertu de la clause attributive de compétence contenue à l’article 10 de l’avenant au protocole, de l’article 25 du Règlement (CE) n°1215/2012 du 12 décembre 2012 dit Règlement ‘Bruxelles I Bis’ et de l’article 48 du code de procédure civile.
Ils reprochent au premier juge d’avoir décidé que cette clause attributive ne s’appliquerait qu’aux aspects liés aux investissements et aux financements et soutiennent que cette clause s’applique au litige né de l’exécution du Protocole, dès lors que cette clause fait partie intégrante du Protocole, comme l’affirme l’avenant, et que la cohérence de l’ensemble contractuel nécessite que le litige soir tranché par la juridiction colmarienne.
Pour soutenir que la clause attributive s’applique au Protocole, ils soutiennent que l’avenant s’ajoute au protocole et le complète, invoquant notamment l’article 8 de l’avenant et le fait que la clause va dans le sens même du Protocole. Ils font ainsi valoir que lors de la signature du protocole en langue française, en France, par des parties françaises, les juridictions françaises étaient compétentes et en l’absence d’un indice extranéité, la clause attributive n’avait pas été pensée. Mais qu’à partir du moment où l’avenant a intégré les sociétés américaines qui venaient d’être créées, une clause attributive de compétence a été insérée, pour rappeler que le juge compétent était toujours le juge de Colmar malgré la présence de sociétés étrangères. Ils ajoutent que la position des défenderesses évoquant les lieux de domicile et de siège social de la société CSI, de M. [D] et de la société Envol démontre que seules les juridictions françaises pouvaient être compétentes pour juger du protocole. Ils soutiennent, en outre, que le fait que la compétence du juge français soit retenue par l’avenant, et ce même après la création des sociétés américaines, démontre que le protocole et son avenant s’entendent comme un ensemble indivisible.
Ils font, d’autre part, valoir que la cohérence de l’ensemble contractuel nécessite que le litige soit tranché par la juridiction colmarienne, faisant observer que la solution retenue par le juge de la mise en état revient à soumettre les aspects financiers aux juridictions colmariennes et les autres aspects aux juridictions américaines et à soumettre au juge français les litiges nés de l’exécution d’un avenant auquel les sociétés américaines sont parties, et au juge américain les litiges nés de l’exécution d’un protocole signé en l’absence des sociétés américaines ou non encore créés.
A supposer que la clause ne soit pas applicable à l’ensemble du contrat, ils soutiennent la compétence des juridictions de Colmar en vertu de l’article 42 du code de procédure civile, alinéa 2, dans la mesure où l’un des défendeurs, cocontractant de M. [D], à savoir la CSI Finances a son siège à [Localité 7] et est immatriculée au RCS Colmar et est un défendeur réel et sérieux, l’action étant fondée sur un protocole signé par M. [D] et la CSI Finances, les demandes étant fondées sur un manquement contractuel à ce protocole. A supposer que la qualité de signataire de CSI Finances au Protocole ne suffise pas à le qualifier de débiteur réel et sérieux, ils soutiennent qu’elle est, en qualité de société commerciale signataire dudit protocole, réputée solidairement responsable pour l’exécution des engagements découlant de ce protocole.
Ils ajoutent que la compétence se justifie aussi sur le fondement de ce texte, dès lors que M. [U] est le partenaire commercial de M. [D], de sorte qu’il est légitime que ce dernier agisse contre M. [U] pour les dommages subis en raison de la mauvaise application du Protocole.
Par leurs dernières conclusions du 7 décembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, et complété par un bordereau de communication de pièces du 10 décembre 2021 qui n’a pas non plus fait l’objet de contestation, transmis par voie électronique le même jour, M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc demandent à la cour de :
– déclarer M. [D] et la société Envol mal fondés en leur appel,
– les en débouter, ainsi que de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
en conséquence :
– confirmer l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions,
y ajoutant :
– condamner in solidum M. [D] et la société Envol à verser à :
– M. [H] [U] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la société CSI Finances une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la société Westaub France une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la société Westaub II LLC une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la société Westaub INC une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner in solidum aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
En substance, ils soutiennent que la demande en paiement de redevances concerne uniquement M. [D] et la société Envol, demandeurs de nationalité française, respectivement créancier et récipiendaire des redevances versées du 15 novembre 2017 au 18 août 2018, d’une part, et, la société Westaub II LLC, défenderesse de nationalité nord-américaine et débitrice des redevances et frais sous réserve de la bonne exécution de ses obligations par M. [D], ce qu’elle conteste, d’autre part. Elle ajoute que les trois autres intimés n’ont pas qualité à être actionnés en paiement.
Au soutien de l’exception d’incompétence, ils soutiennent que la clause attributive de juridiction, qui est contenue dans l’avenant au protocole, ne s’applique pas aux dispositions relatives à la rémunération et au défraiement de M. [D], que l’avenant ne porte expressément que sur certaines dispositions du protocole, parmi lesquelles ne figurent pas les fonctions et rémunérations de M. [D]. Comme le premier juge, ils soutiennent que l’objet de l’avenant est circonscrit aux prévisions relatives au financement de l’opération par les sociétés CSI et Westaub France et à la répartition corrélative du capital social de cette dernière société. Ils en déduisent que l’article 25 du Règlement UE n°1215/2012 ne s’applique pas, faute de clause attributive de juridiction applicable aux obligations litigieuses.
Ils concluent à l’inapplication de la clause attributive de juridiction en application de l’article 8 de l’avenant, qui distingue le sort juridique des dispositions modifiées par l’avenant, de celles non modifiées, qui restent régies par les prévisions initiales, à savoir l’absence de clause attributive de juridiction et la rémunération et le défraiement de M. [D].
Enfin, ils concluent également à l’inapplication de la clause attributive de juridiction en application de l’article 10 de l’avenant qui limite expressément la compétence juridictionnelle conventionnelle aux seules parties à l’avenant et à l’exécution et à l’interprétation de l’avenant et de lui seul. Ils ajoutent que le juge de Colmar n’était pas le juge naturel des parties lors de la rédaction du Protocole, ne ressortant ni du siège de la société new-yorkaise, ni du domicile de M. [D], ni du siège de la société Envol.
Ils ajoutent que le protocole est un protocole-cadre posant les bases d’un accord entre différentes personnes existantes et à créer, et qu’une fois les sociétés de droit américain créées, c’est le droit new-yorkais qui allait s’appliquer, que M. [D] ne l’a pas envisagé autrement puisqu’il a lui-même saisi la juridiction new-yorkaise en cessation de l’utilisation de son nom dans le cadre de l’exploitation du restaurant, ce qui ruine son raisonnement selon lequel les parties avaient préféré préciser dans l’avenant que le juge français était toujours compétent. Ils ajoutent qu’en tout état de cause, lorsqu’ils ont accepté les postes de manager des sociétés Westaub INC et Westaub II LLC, MM. [U] et [D] n’ignoraient pas qu’ils étaient soumis au droit des sociétés new-yorkaises et donc aux juridictions de cet Etat.
Ils soutiennent la compétence de la juridiction new-yorkaise, eu égard à la nationalité américaine de la débitrice, de l’inapplication de la clause attributive de juridiction et de la saisine antérieure de la juridiction new-yorkaise dans une procédure connexe, neutralisant le jeu de l’article 14 du code civil.
S’agissant de l’article 42 du code de procédure civile, ils soutiennent que M. [U] et la société CSI Finances ne sont pas des défendeurs réels et sérieux et que leur mise en cause est un artifice. S’agissant de M. [U], ils font valoir qu’il n’est pas partie au protocole, ni à l’avenant, ni débiteur d’une quelconque obligation de payer à l’égard de M. [D] et de la société Envol. S’agissant de la société Envol, ils soutiennent qu’elle est tiers au protocole et aux fonctions managériales ouvrant droit au versement de redevances. S’agissant de la société CSI Finances, ils soutiennent que ni le protocole, ni l’avenant ne mettent à sa
charge une obligation de régler les redevances. Ils font ainsi valoir que seule la société opérationnelle Westaub II LLC est débitrice du paiement des redevances et défraiements négociés par M. [D]. S’ils admettent qu’une société par action est soumise à la présomption de solidarité posée par l’article 1202 ancien du code civil, ils soulignent que cette présomption ne revient pas à créer une obligation sans consentement.
Ils font aussi valoir que la seule qualité de partie au protocole de la société CSI ne permet pas de la qualifier de défendeur réel et sérieux, l’absence de droit direct et personnel des appelants à son encontre lui retirant cette qualité.
L’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2021.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
Par note en délibéré du 6 janvier 2022, et un bordereau de communication de pièces, transmis par voie électronique le même jour, le conseil des appelants a informé la cour de la décision rendue le 14 décembre 2021 par la section d’appel de la Cour suprême de New York confirmant la décision en première instance, estimant notamment ‘que la clause d’élection de for de l’Avenant de 2015 s’appliquait à ce litige et exigeait son rejet’.
Par note en délibéré du 10 janvier 2022, transmise par voie électronique le même jour, un autre avocat s’est constitué pour M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc.
Par note en délibéré du 25 janvier 2022, transmise par voie électronique le même jour, le conseil des intimés a demandé à la cour de déclarer irrecevable la note en délibéré notifiée par M. [D] et la société Envol, compte tenu de la violation de l’article 445 du code de procédure civile. Il ajoute que même si elle était recevable, elle n’apporte aucun élément nouveau à la résolution du litige, dès lors qu’il avait été souligné que le juge de première instance new-yorkais avait pris soin de se déclarer prêt à trancher dans l’hypothèse où la juridiction française se déclarerait incompétente pour statuer sur la violation par M. [D] de ses devoirs fiduciaires de dirigeant de la société Westaub II LLC.
MOTIFS DE LA DECISION :
1. Sur la note en délibéré :
La note en délibéré des appelants n’ayant pas été autorisée et ne répondant pas aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444, elle sera déclarée irrecevable.
2. Sur la compétence :
La présente action de M. [D] et de la société Envol tend à obtenir la condamnation solidaire des intimés à leur payer une somme au titre de la redevance due à M. [D] et une autre somme au titre des frais engagés par M. [D] lors de ses déplacements à New York dans le cadre de sa mission contractuelle.
Le protocole précité prévoyait le droit de M. [D] et de la société Envol à une telle redevance et au remboursement de frais, notamment de déplacement et d’hébergement à New York.
M. [D] et la société Envol soutiennent, d’abord, que la clause attributive de compétence figurant dans l’avenant s’applique au litige né de l’exécution du protocole.
Or, il n’est pas soutenu que l’avenant ait été conclu entre les mêmes parties que le protocole. Il est d’ailleurs constant que M. [D] n’était pas partie à l’avenant, pas plus que la société Westaub France, non encore immatriculée, et la société Westaub II LLC, déjà enregistrée, n’étaient parties au protocole.
Il n’est dès lors pas établi que la clause attributive de compétence prévue dans l’avenant ait pu s’ajouter aux dispositions du protocole, et ce même si ces actes avaient un lien, l’avenant faisant référence au protocole et précisant, en son article 8, que les articles du protocole initial qui ne sont pas contraires aux dispositions des présentes restent en vigueur ou si, comme l’évoquent les intimés, le protocole était un protocole-cadre. Au demeurant, comme le relèvent les intimés, si cet article 8 prévoit que restent en vigueur les clauses du protocole, il ne prévoit pas expressément que la clause attributive de compétence prévue à l’avenant s’appliquera audit protocole.
Il sera, de surcroît, relevé que la clause insérée dans l’avenant prévoyait que ‘tout litige opposant les soussignés, relatif à l’exécution ou l’interprétation des présentes, sera porté devant le tribunal de grande instance de Colmar’, et que M. [D] n’était pas partie audit avenant, outre que celui-ci ne prévoit pas le paiement des redevances dont le paiement est demandé.
Il n’y a donc pas lieu à appliquer la clause attributive de compétence au présent litige.
M. [D] et la société Envol invoquent, en outre, l’application de l’article 42 du code de procédure civile, lequel prévoit, en ses alinéas 1er et 2ème, que ‘la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux’.
Il est constant que ce texte est considéré comme une règle ordinaire de compétence internationale et confère au demandeur la faculté d’attraire plusieurs défendeurs devant le tribunal du lieu où demeure l’un d’eux, dès lors que l’un des codéfendeurs demeure en France.
Une telle solution suppose cependant que le défendeur demeurant en France soit un défendeur réel et sérieux et que les demandes dirigées contre les autres codéfendeurs soient connexes avec celle présentée contre le défendeur demeurant en France.
En l’espèce, la présente action a pour objet des demandes en paiement de redevances et de frais formées, notamment, à l’encontre de la CSI Finances, laquelle avait souscrit le protocole prévoyant le droit des appelants à une telle redevance et au remboursement de frais.
A supposer même que le protocole prévoyait que les redevances devaient être payées par la société opérationnelle, comme il le prévoyait expressément pour les frais, ladite société opérationnelle n’était pas partie audit protocole et celui-ci a été souscrit par la société CSI Finances.
Il en résulte que M. [D] et la société Envol exercent une action directe et personnelle contre la CSI Finances, au moins en sa qualité de signataire, avec eux, de ce protocole prévoyant leur droit au paiement de redevances et au remboursement de frais.
De surcroît, étant seule signataire avec les appelants dudit protocole, il n’est pas démontré qu’il existerait un artifice à agir à son encontre pour obtenir paiement des sommes prévues par le protocole.
La demande présente ainsi un caractère sérieux et la CSI Finances est un défendeur réel et sérieux, étant observé qu’il n’appartient pas, à ce stade de la procédure, à la cour d’apprécier le bien fondé de l’action.
Les demandes présentées contre les autres défendeurs sont les mêmes que celle dirigée contre la CSI Finances, s’agissant d’une demande de condamnation solidaire.
Dès lors que la CSI Finances a son siège social dans le ressort du tribunal judiciaire de Colmar, M. [D] et la société Envol pouvaient saisir ladite juridiction.
Il convient dès lors d’infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a déclaré la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar territorialement incompétente pour connaître du litige, et, statuant à nouveau, de rejeter l’exception d’incompétence présentée par les intimés et de dire que la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar est compétente pour connaître du présent litige.
Il sera observé que, dans le dispositif de leurs dernières conclusions, les appelants ne demandent pas à la cour d’infirmer un autre chef du dispositif de l’ordonnance, de sorte qu’il convient de confirmer l’ordonnance pour le surplus.
Les intimés succombant, ils seront condamnés, in solidum, à supporter les dépens d’appel, à payer in solidum à M. [D] et à la société Envol la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et leur propre demande de ce chef sera rejetée.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Déclare irrecevable la note en délibéré déposée par M. [D] et la société Envol,
Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Colmar du 23 juillet 2021, mais seulement en ce qu’elle a déclaré la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar territorialement incompétente pour connaître du litige,
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau du chef infirmé :
Rejette l’exception d’incompétence présentée par M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc,
Dit que la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar est compétente pour connaître du présent litige,
Y ajoutant :
Condamne in solidum M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc à supporter les dépens d’appel,
Condamne in solidum M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc à payer à M. [D] et à la société Envol la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes de M. [U] et les sociétés CSI Finances, Westaub France, Westaub II LLC et Westaub Inc au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière :la Présidente :