Clause attributive de compétence : 24 août 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/09082

·

·

Clause attributive de compétence : 24 août 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/09082
Ce point juridique est utile ?

N° RG 21/09082

N° Portalis DBVX-V-B7F-OAHV

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Référé

du 24 novembre 2021

RG : 2021r818

S.A.S. LOUPIDOR

C/

S.A.R.L. SUPAREX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 24 AOÛT 2022

APPELANTE :

S.A.S. LOUPIDOR

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean ANTONY, avocat au barreau de LYON, toque : 1426

INTIMÉE :

S.A.R.L. SUPAREX représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Assistée de Me Florence CECCON de la SELARL HORKOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l’instruction : 22 Juin 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Juin 2022

Date de mise à disposition : 24 Août 2022

Audience présidée par Karen STELLA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Christine SAUNIER-RUELLAN, président

– Karen STELLA, conseiller

– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

La société SUPAREX, dirigée par [Y] [J], est propriétaire de la marque L’OR ET VOUS inscrite à l’INPI depuis son rachat à la société PATAGONIE le 30 juin 2010.

Elle a conclu un contrat de concession en faveur de la société JULIE K, qui était dirigée par la fille de [Y] [J], devenue par changement de dénomination sociale SAS LOUPIDOR le 1er décembre 2010 pour l’utilisation du concept, de la marque et de l’enseigne L’OR ET VOUS pour cinq magasins moyennant une redevance annuelle de 5 000 euros HT soit de 6 000 euros TTC (1 000 euros par magasin).

Cette redevance est prévue pour être payable chaque année échue et pour la première fois le 31 décembre 2010.

Le 14 juin 2018, une cession des titres de la société JULIE K est intervenue entre la société FINANCIERE MEGARA, dirigée par [Y] [J], qui détenait 89,90% du capital de JULIE K et la société STEP FUND INVESTMENT. Le rachat définitif de JULIE K a été régularisé par acte du 5 septembre 2018 pour 885 700 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 décembre 2019, la société LOUPIDOR a informé SUPAREX de sa volonté de résilier le contrat de concession avec effet au 1er juillet 2020.

Le 9 janvier 2020, SUPAREX lui a envoyé la facture portant redevance annuelle pour l’année 2020 d’un montant de 6 000 euros TTC qui n’a pas été payée.

La société SUPAREX a saisi le président du tribunal de commerce de LYON par requête du 27 janvier 2020 portant injonction de payer de la redevance annuelle 2019. Une ordonnance en ce sens a été rendue le 3 février 2020. La société LOUPIDOR n’a pas formé opposition mais n’a pas non plus exécuté l’ordonnance. Une procédure d’exécution forcée a été mise en place en vain.

Depuis le 1er juillet 2020, la société LOUPIDOR a continué malgré la résiliation du contrat à exploiter l’enseigne sans régler les redevances de 2019 et 2020. Un constat d’huissier a été fait le 3 septembre 2020

Une mise en demeure a été adressée le 7 septembre 2020 aux fins de paiement de la facture. Malgré des relances en octobre 2020 et janvier 2021 et une nouvelle mise en demeure le 28 février 2021, la société LOUPIDOR est restée taisante.

Une sommation de payer la somme de 12 000 euros pour les redevances de 2020 et 2021 a été délivrée le 6 septembre 2021 en vain. La société LOUPIDOR n’a pas réglé son dû ni la redevance de 2021 tout en continuant d’utiliser la marque, le concept et l’enseigne L’OR ET VOUS.

Le 5 novembre 2021, la société SUPAREX a délivré une assignation en référé devant le président du tribunal de commerce de LYON contre la société LOUPIDOR dont le siège social est à Villeurbanne aux fins de la faire :

condamner à lui payer le somme provisionnelle de 12 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2021 au titre des redevances annuelles de 2020 et 2021 sous astreinte d’un montant de 150 euros par jour de retard à compter du 3 septembre 2021’et à défaut à compter de la signification de la décision à intervenir,

condamner à lui payer 3 000 euros de dommages et intérêts,

outre 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonner à la société LOUPIDOR de cesser l’utilisation de la marque, du concept et de l’enseigne «’L’OR ET VOUS’» sous astreinte d’un montant de 150 euros par jour de retard à compter du 3 septembre 2021 et à défaut à compter de la signification de la décision à intervenir,

se réserver la liquidation de l’astreinte.

L’audience est tenue le 24 novembre 2021 en l’absence de la défenderesse qui n’a pas comparu ni été représentée.

Par ordonnance du 24 novembre 2021, signifiée le 15 décembre 2021, le président du tribunal de commerce de LYON a,

condamné la société LOUPIDOR à payer à la société SUPAREX le somme provisionnelle d’un montant de 12 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2021 au titre des redevances annuelles de 2020 et 2021 sous astreinte d’un montant de 150 euros par jour de retard à compter du 3 septembre 2021,

condamné la société LOUPIDOR à payer à la société SUPAREX 3 000 euros de dommages et intérêts,

outre 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné à la société LOUPIDOR de cesser l’utilisation de la marque, du concept et de l’enseigne «’L’OR ET VOUS’» sous astreinte d’un montant de 150 euros par jour de retard à compter du 3 septembre 2021,’

accepté de se réserver la liquidation de l’astreinte en application de l’article L 131-3 du code des procédures civiles d’exécution,

condamné la société LOUPIDOR aux dépens.

Appel de l’ordonnance de référé a été interjet par déclaration électronique du 21 décembre 2021 par le conseil de la SAS LOUPIDOR à l’encontre des entières dispositions de l’ordonnance.

La procédure a été orientée à bref délai suivant les dispositions des articles 905 à 905-2 du code de procédure civile et par ordonnance du 27 janvier 2022, les plaidoiries ont été fixées au 22 juin 2022 à 9 heures.

Suivant ses dernières conclusions n°3 notifiées par RPVA le 19 janvier 2022, la société LOUPIDOR demande à la Cour de’:

vu les articles 48 et 873 du code de procédure civile

A titre liminaire sur l’incompétence

infirmer intégralement l’ordonnance et statuant à nouveau juger que le juge des référés du tribunal de commerce de LYON est incompétent au profit de celui de PARIS.

sur les demandes de la société SUPAREX :

juger que les demandes se heurtent à l’existence de contestations sérieuses faisant échapper le présent litige à la compétence du juge des référés,

infirmer l’ordonnance sur toutes les condamnations,

en tout état de cause, infirmer l’ordonnance déférée et débouter la société SUPAREX de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et l’inviter à mieux se pourvoir au fond,

condamner la société SUPAREX à lui payer 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d’appel.

La société LOUPIDOR fait valoir notamment que’:

le contrat de concession qu’elle produit émanant de la société JULIE K est réel. Il ne comporte seulement pas de date. Il y a deux contrats différents ce qui constitue une contestation sérieuse en soi ;

une saisie-attribution a été tentée le 4 janvier 2022 avec dénonciation le 7 portant sur le paiement d’une somme de 17 665,31 euros, laquelle a été fructueuse à hauteur de 898,47 euros ;

il y a une clause attributive de compétence au profit de [Localité 5] prévue à l’article 9 du contrat pour tous les litiges portant sur le contrat y compris sa résiliation et son exécution. Elle fait valoir que le contrat de concession s’inscrivait dans une opération plus globale de cession de titres de la société détenant la société JULIE K bénéficiaire du contrat de concession devenue par changement de sa dénomination sociale LOUPIDOR ;

JULIE K était détenue par la société FINANCIERE MEGARA à 88% et elle a dû vendre 100% de ses titres dans JULIE K à STEP FUND INVESTMENT suivant acte du 14 juin 2018 pour plus de 885 000 euros. Or, le cessionnaire a découvert en septembre et octobre 2018 des difficultés majeures dans les baux commerciaux des boutiques de vente et l’état de vétusté, difficultés qui ont été passées sous silence par la FINANCIERE MEGARA. Ont également été dissimulées de nombreuses dettes auprès des bailleurs des locaux commerciaux. Cela a conduit à un important litige en cours au tribunal de commerce de PARIS. Ainsi, la société SUPAREX a fait elle-même obstacle à la cessation de la convention de concession de la marque ;

les contestations sont sérieuses sur les demandes de provision pour les redevances 2020 et 2021 car le contrat est résilié et qu’il est prévu que la résiliation avec préavis se fait sans indemnité ;

elle oppose le principe de nemo auditur turpitudinem allegans car la société SUPAREX se prévaut d’une situation irrégulière ou litigieuse dont elle est à l’origine. Elle a cessé son utilisation. C’est le dirigeant de la société SUPAREX qui a oeuvré pour le ralentissement maximum des changements d’enseigne convenus.

Suivant ses dernières conclusions n°3 notifiées par RPVA le 21 juin 2022, la société SUPAREX demande à la Cour de’:

juger que le juge des référés du tribunal de commerce de LYON est compétent pour statuer sur le présent litige,

le déclarer compétent,

débouter la SAS LOUPIDOR de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

confirmer l’ordonnance,

y ajoutant à nouveau :

condamner la société LOUPIDOR au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de la redevance annuelle 2022,

en conséquence,

la condamner au paiement de la somme totale de 18 000 euros au titre des redevances annuelles 2020, 2021, 2022 et de l’utilisation de la marque du concept et de l’enseigne L’OR ET VOUS,

la condamner à lui payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.

Elle fait notamment valoir que :

la société LOUPIDOR omet dans son analyse sur l’incompétence du juge de LYON de faire primer le contrat du 1er décembre 2010 qui ne prévoit aucune clause attributive de compétence. Le prétendu contrat dont elle se prévaut n’est pas applicable à la cause. La Cour doit l’écarter ;

le contrat pourra être résilié sans indemnité par les parties après un délai de préavis de 6 mois signifié par lettre recommandée avec accusé de réception ;

les redevances sont dues en application du contrat et alors qu’elle utilise encore la marque, le concept et l’enseigne ;

la contestation sur un conflit entre deux autres sociétés est incompréhensible ;

elle a continué en 2022 ses utilisations illicites de la marque, du concept et de l’enseigne ainsi que le prouve le constat du 7 juin 2022 ;

la redevance est due pour l’année. Il n’y a pas lieu à un prorata temporis ;

les dommages et intérêts se justifient à hauteur du silence de la société LOUPIDOR aux relances multiples, à son absence à l’audience de référé alors que l’assignation a été délivrée à sa personne ce qui montre sa mauvaise foi et de sa résistance abusive ;

la société LOUPIDOR ne verse aucune pièce pour étayer ses allégations mensongères suivant lesquelles ce serait la société SUPAREX qui l’aurait ralentie dans son changement de la marque, du concept et de l’enseigne ;

au moment de la cession de titres de JULIE K, ce n’était plus [Y] [J] qui présidait JULIE K mais [N] [G] qui lui a succédé le 17 janvier 2018.

Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 22 juin 2022 à 9 heures.

Par conclusions notifiées le 22 juin 2022 à 8 heures 84, la société SUPAREX demande à la Cour de rejeter les dernières conclusions adverses notifiées le 21 juin 2022 à 17 heures comportant de nouvelles pièces 16 à 22 faute pour elle de pouvoir y répondre en temps utiles, la clôture devant intervenir le 22 juin 2022 à 9 heures et ce en application des articles 15,16,135 et 802 du code de procédure civile.

A l’audience prise, sans opposition des conseils des parties, en rapporteur unique, les conseils des parties ont fait leurs observations sur l’incident procédural concernant les dernières pièces et conclusions de la société LOUPIDOR. Puis, l’incident a été joint au fond. Les conseils des parties, qui ne se sont pas opposés à l’audience sur le fond en simple rapporteur, ont pu faire leurs observations et ont déposé leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 24 août 2022 avec autorisation pour les parties de fournir une note en délibéré portant uniquement sur la pièce produite non intégralement par LOUPIDOR, constituée d’un commandement de payer de la société MERCIALYS, bailleur, à la société LOUPIDOR le 11 avril 2022 portant sur une somme de 200 000 euros.

Par note en délibéré notifiée le 8 juillet 2022, la société SUPAREX rappelle que LOUPIDOR n’avait produit que la première page du commandement (pièce 22) et n’a pas régularisé ce point. Il lui est réclamé une somme de 267 743,69 euros qui n’est que de son propre fait ainsi que cela ressort du relevé de comptes.

Par note en délibéré notifiée le 13 juillet 2022, la société LOUPIDOR signale que la société adverse fait une lecture erronée du relevé de compte car le premier incident de paiement est du 17 octobre 2012, sous la gestion de [Y] [J]. Avant le rachat définitif de JULIE K le 5 septembre 2018, l’arriéré de loyers était de 61 272,97 euros.

Ainsi, LOUPIDOR ne peut pas cesser d’exploiter les enseignes L’OR ET VOUS tant que le contentieux sur les impayés ne sera pas réglé. LOUPIDOR a tenté de réduire cette dette par des virements.

Par note complémentaire du 21 juillet 2022, le conseil de SUPAREX fait valoir que LOUPIDOR n’avait pas le droit de faire des commentaires du décompte en note en délibéré et qu’il convient de les écarter. Suivant observations en réponse du 21 juillet 2022, le conseil de LOUPIDOR souligne que seule la pièce dont il a été demandé communication a été commentée dans le cadre du principe du contradictoire.

MOTIFS

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4,5,31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur le rejet des conclusions et pièces du troisième jeu d’écritures de la société LOUPIDOR notifiées par RPVA le 21 juin 2022 à 17 heures

Selon les articles 15 et 16 du code de procédure civile, «’les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utiles les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ». Selon l’article 954 du même code, «’les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte’».

Après en avoir délibéré, la Cour dit n’y avoir lieu à écarter les conclusions n°3 de l’appelante notifiées le 21 juin 2022 à 17 heures avec envoi de six pièces complémentaires dont cinq sont des emails, un sms et la dernière un commandement de payer.

La Cour observe que les parties savaient dès le 27 janvier 2022 que l’audience serait le 22 juin 2022 à 9 heures avec clôture le jour même. Les parties se sont échangées trois jeux de conclusions notifiés chronologiquement comme suit’:

le 19 janvier 2022′: premier jeu de conclusions de la société LOUPIDOR

le 28 février 2022′: premier jeu de conclusions de la société SUPAREX

le 9 juin 2022′: second jeu de conclusions de la société SUPAREX

le 17 juin 2022′: second jeu de conclusions de la société LOUPIDOR

le 21 juin 2022 à 13H36′: troisième jeu de conclusions de la société SUPAREX

le 21 juin 2022 à 17 heures’: troisième jeu de conclusions de la société LOUPIDOR outre sept pièces.

La Cour constate que la société LOUPIDOR a matérialisé les changements apportés à ses dernières écritures de 22 pages ce qui représente quatre lignes et demi en page 3 et 4, 11 lignes en page 11, 2 lignes en page 14 et une page et demi en page 15 et 16 portant rappel et commentaires des six pièces versées. Les modifications étaient dès lors limitées.

Ainsi, la société SUPAREX qui a elle-même attendu la veille de l’audience à 13H36 pour notifier son troisième jeu de conclusions alors qu’elle aurait pu aisément le faire entre le 18 juin et le 21 juin est malvenue d’invoquer la violation du principe du contradictoire, puisqu’elle a fait le choix délibéré de mettre la société LOUPIDOR dans la quasi impossibilité de répondre en temps utile même si cette dernière a pris les mesures pour répondre dans les heures suivantes par un troisième jeu de conclusions notifié à 17 heures ce qui laissait encore le temps à la société SUPAREX qui a eu le temps d’établir des conclusions aux fins de rejet le 22 juin 2022 à 8 heures 34, de faire un rapide commentaire des sept pièces constituées de quelques mails de 2018 et un sms outre la première page d’un commandement de payer d’autant qu’il s’agit d’une procédure qualifiée d’urgente nécessitant une réactivité particulière des parties.

En conséquence, la Cour rejette la demande de la société SUPAREX de voir écarter les conclusions n°3 et les pièces 16 à 22 notifiées par la société LOUPIDOR d’autant que la demande de la société SUPAREX de pouvoir commenter la pièce 22 dans la cadre d’une note en délibéré a été acceptée par la Cour.

Sur la recevabilité de la note en délibéré de LOUPIDOR

La note en délibéré de LOUPIDOR ne dépasse pas le cadre strict de la pièce 22 pour la communication de laquelle la Cour a autorisé une note en délibéré ce qui n’excluait pas un commentaire contradictoire de cette pièce.

La Cour déclare recevable les deux notes en délibéré de SUPAREX et de LOUPIDOR.

Sur l’exception d’incompétence territoriale du président du tribunal de commerce de LYON

Le fait qu’il y ait de manière fort surprenante deux versions écrites différentes du contrat de concession de la marque, du concept et de l’enseigne L’OR ET VOUS entre la société SUPAREX et la société JULIE K, l’un daté du 1er décembre 2010 ne comportant pas de clause attributive de compétence au profit des juridictions parisiennes et l’autre non daté prévoyant la clause attributive de compétence territoriale revendiquée est indifférent car les clauses attributives de compétence territoriale sont inopposables au demandeur s’agissant des procédures de référé visant à obtenir des mesures urgentes dès lors que le juge saisi dispose d’un critère de compétence. En l’espèce, la société défenderesse LOUPIDOR a son siège social à VILLEURBANNE, ce qui légitime la compétence du président du tribunal de commerce de LYON.

La Cour, statuant en référé, rejette l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société LOUPIDOR et confirme la compétence territoriale du juge dont l’ordonnance est déférée.

Sur les demandes de provision à valoir sur les redevances 2020, 2021, 2022

L’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que :

« Le président (‘) dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier ».

Le juge des référés est le juge de l’évidence et de l’incontestable. Il ne lui appartient pas de se substituer au juge du fond s’il y a lieu de trancher une contestation de fond voire d’interpréter les clauses peu claires d’un contrat. En ce cas, le juge des référés doit dire n’y avoir lieu à référé.

En l’espèce, il existe deux versions du contrat de concession qui prévoit le versement d’une redevance de 1 000 euros HT par an et par magasin utilisant L’OR ET VOUS en contrepartie de la concession du concept, de la marque et de l’enseigne.

Aucun des deux contrats ne prévoit de règle pour la facturation de la redevance au prorata temporis ou non, en cas de résiliation du contrat qui est possible notamment avec un préavis de six mois, le seul point certain étant que la résiliation a lieu, selon les deux contrat,« sans indemnité ».

En tout état de cause, la résiliation est intervenue en décembre 2019 à l’initiative de la société LOUPIDOR.

Si la redevance pour l’année 2019 ne fait pas de contestation possible, celle-ci ayant déjà fait l’objet d’un injonction de payer définitive, il n’existe aucune clause claire s’agissant de la redevance de 2020. En effet, le contrat étant résilié à effet au 1er juillet 2020, un débat se pose notamment pour déterminer si la redevance est due en totalité ou au prorata de l’utilisation du concept, de la marque et de l’enseigne L’OR ET VOUS puisqu’il s’agit de la contrepartie contractuelle du droit d’utiliser L’OR ET VOUS.

Pour l’année 2021, le contrat étant résilié, le contrat ne peut plus servir à solliciter la contrepartie contractuelle d’une prestation contractuelle qui n’existe plus. Il y a lieu de dire non fondée la demande de provision pour la redevance 2021. La Cour infirme l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la société LOUPIDOR à verser la provision d’un montant de 6 000 euros TTC pour l’année 2021.

S’agissant de l’année 2022, la Cour constate que la société SUPAREX a demandé à la Cour une condamnation à paiement et non une condamnation provisionnelle. L’article 873 alinéa 2 n’est pas visé dans le dispositif de ses dernières conclusions et le terme de provision n’est pas mentionné. Dès lors, outre le fait que le contrat est résilié depuis 2020 et ne peut plus servir de fondement juridique à une telle demande, la Cour déclare ladite demande actualisée de paiement de la redevance au titre de 2022 irrecevable pour ne pas avoir été formulée à titre provisionnel.

S’agissant de l’année 2020, le juge des référés ne pouvant se livrer à une interprétation de la volonté des parties dans le silence du contrat sur le sort de la redevance en cas de résiliation du contrat dans le courant d’une année en cours, le montant non contestable de l’obligation à paiement de la redevance 2020 que la société LOUPIDOR doit à son cocontractant s’élève au montant dû durant la période de six mois de préavis durant lequel elle a pu licitement continuer à utiliser L’OR ET VOUS. Ainsi, la Cour infirme l’ordonnance déférée sur la condamnation due à titre de provision pour l’année 2020 et statuant à nouveau sur ce point condamne la société LOUPIDOR à payer une provision de 3 000 euros (6000/2) à valoir sur le montant de la redevance 2020.

Les intérêts légaux sont dus à compter du 7 septembre 2021, le lendemain de la sommation de payer du 6 septembre 2021.

La Cour infirme la condamnation à une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 3 septembre 2021, une astreinte ne pouvant pas être antérieure à la décision de condamnation. Compte tenu de l’infirmation partielle, la Cour dit qu’à défaut pour la société LOUPIDOR de payer la somme de 3 000 euros outre intérêts légaux à compter du 7 septembre 2021, en deniers ou quittances, une partie de la somme ayant déjà pu être recouvrée par une saisie-attribution, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard courra durant une période de six mois. La Cour confirme le premier juge en ce qu’il s’est réservé la liquidation de l’astreinte.

Sur les dommages et intérêts

La demande de dommages et intérêts n’a pas été formulée à titre provisionnel dans l’assignation et la condamnation n’a pas été prononcée par l’ordonnance déférée sous forme de provision. Or, le juge des référés ne peut accorder que des provisions quand l’obligation n’est pas sérieusement contestable selon l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile.

La demande était dès lors irrecevable pour ne pas avoir été formulée à titre provisionnel.

Au surplus, elle se serait heurtée au fait qu’il n’entre pas dans le pouvoir du juge des référés, juge de l’incontestable et de l’évidence, de se livrer à une analyse des fautes, des préjudices et des liens de causalité, ce pouvoir appartenant au seul juge du fond.

La Cour infirme la condamnation à payer une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts et statuant à nouveau, déclare la demande de la société SUPAREX à ce titre irrecevable pour ne pas avoir été formulée à titre de provision.

Sur l’injonction de ne pas utiliser la marque, le concept et l’enseigne L’OR ET VOUS sous astreinte

Ni la société SUPAREX ni le juge des référés n’ont pris soin de viser le fondement juridique de la demande d’interdiction sous astreinte.

Pour obtenir ce type d’injonction en référé, il est possible de viser l’article 873 alinéa 1 du code de procédure civile qui dispose que le juge des référés « peut, même en présence d’ne contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’impose soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ». Il est également possible de se fonder sur l’alinéa 2, dans le cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, et demander au juge des référés d’ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, la société SUPAREX se plaint du fait que la société LOUPIDOR continue malgré la résiliation du contrat de concession d’utiliser la marque, le concept et de l’enseigne L’OR ET VOUS dans ses magasins. Elle produit à l’appui de ses allégations deux constats d’huissier successifs du 3 septembre 2021 (pièce 9) et du 7 juin 2022 (pièce 15) qui ne sont pas contestés par la société LOUPIDOR dans leur teneur. Le dernier constat concernait quatre des cinq établissements.

Continuer d’utiliser la marque, le concept et l’enseigne L’OR ET VOUS quel que soit le support (téléphone, écrit, numérique…) après résiliation du contrat de concession ouvrant ce droit constitue à l’évidence un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. Selon l’article 873 al 1 précité, es contestations même sérieuses sont sans incidence. Il ne ressort d’aucun argument de droit ni de fait que les griefs soulevés à l’encontre de [Y] [J] dans le cadre de la cession des titres de la sociétés JULIE K ou que les dettes envers les bailleurs des locaux commerciaux donneraient un droit de pouvoir continuer d’utiliser une marque, une enseigne ou un concept au surplus gratuitement. Les allégations selon lesquelles la société LOUPIDOR serait empêchée de cesser d’utiliser L’OR ET VOUS ou aurait été retardée dans la cessation de ses agissements concernant L’OR ET VOUS sont manifestement purement hypothétiques.

Il ressort ainsi des éléments du dossier qu’il n’est pas sérieusement contestable que la résiliation du contrat initiée par la société LOUPIDOR s’accompagnait au 1er juillet 2020 d’une obligation de faire, celle de cesser d’utiliser la marque, l’enseigne et le concept L’OR ET VOUS quel que soit le support. Ainsi, même sur le fondement de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, la société SUPAREX est bien fondée à agir en référé pour qu’il soit mis fin à ces agissements en demandant au juge d’ordonner à la société LOUPIDOR de cesser l’utilisation de la marque, du concept et de l’enseigne «’L’OR ET VOUS’» en précisant qu’il s’agit de n’importe quel support : site internet, réseaux sociaux, téléphone, publicité…

Le juge des référés a le choix de la mesure la plus adaptée pour faire cesser le trouble manifestement illicite y compris en prévoyant une astreinte.

En l’espèce, l’astreinte de 150 euros par jour de retard se justifie pour assurer l’exécution de la décision par la société LOUPIDOR compte tenu du caractère hautement conflictuel du litige entre les parties. La Cour confirme l’ordonnance déférée sur ce point sauf sur le point de départ de l’astreinte qui ne peut pas être rétroactive. La Cour laisse 15 jours à compter de la signification de son arrêt à la société LOUPIDOR pour cesser toute utilisation de L’OR ET VOUS en faisant procéder aux suppressions utiles sur internet et les réseaux sociaux, en donnant les instructions utiles à son personnel pour ne plus se présenter sous L’OR ET VOUS et en n’utilisant plus L’OR ET VOUS à l’avenir.

Statuant à nouveau sur l’astreinte, la Cour précise qu’il s’agit d’une astreinte provisoire qui court passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt et ce pendant six mois.

La Cour confirme le premier juge en ce qu’il s’est réservé la liquidation de l’astreinte.

Sur les demandes accessoires

Partie succombante, en première instance et en appel, la société LOUPIDOR doit payer les dépens de première instance et d’appel. La Cour confirme l’ordonnance sur les dépens et y ajoute ceux d’appel.

En équité, la Cour confirme la juste appréciation des frais irrépétibles et la condamnation de la société LOUPIDOR au titre de l’article 700 du code de procédure civile et y ajoute une somme supplémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

La Cour déboute la société LOUPIDOR au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Rejette la demande de la société SUPAREX de voir écarter les conclusions n°3 et les pièces 16 à 22 notifiées par la société LOUPIDOR ;

Déclare recevables les deux notes en délibéré de SUPAREX et de LOUPIDOR concernant la pièce 22 de LOUPIDOR et rejette la demande de SUPAREX de voir écarter la note en délibéré de la société LOUPIDOR ;

Rejette l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société LOUPIDOR et confirme la compétence territoriale du juge dont l’ordonnance est déférée ;

Infirme l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la société LOUPIDOR à verser la provision d’un montant de 6 000 euros TTC pour l’année 2021.

Statuant à nouveau sur la demande au titre de l’année 2021,

Rejette la demande de la société SUPAREX au titre de l’année 2021 ;

Déclare la demande actualisée de paiement de la redevance au titre de 2022 émanant de la société SUPAREX irrecevable ;

Infirme l’ordonnance déférée sur la condamnation due à titre de provision pour l’année 2020.

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la société LOUPIDOR à payer, en deniers ou quittances, une provision de 3 000 euros à valoir sur le montant de la redevance 2020, avec intérêts légaux à compter du 7 septembre 2021 ;

Infirme la condamnation à une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 3 septembre 2021.

Statuant à nouveau sur l’astreinte portant sur la condamnation à payer la provision au titre de la redevance 2020,

Dit qu’à défaut pour la société LOUPIDOR de payer en deniers ou quittances, la somme de 3 000 euros outre intérêts légaux à compter du 7 septembre 2021,passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard courra durant une période de six mois ;

Confirme le premier juge en ce qu’il s’est réservé la liquidation de l’astreinte ;

Infirme la condamnation de la société LOUPIDOR à payer une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau,

Déclare la demande de dommages et intérêts de la société SUPAREX irrecevable pour ne pas avoir été formulée à titre de provision ;

Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a ordonné à la société LOUPIDOR de cesser l’utilisation de la marque, du concept et de l’enseigne «’L’OR ET VOUS’» sauf à préciser qu’il s’agit de n’importe quel support : site internet, réseaux sociaux, téléphone, publicité… et qu’il s’agit d’une astreinte provisoire ;

Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a prononcé une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Infirme l’ordonnance déférée sur le point de départ de l’astreinte.

Statuant à nouveau sur l’astreinte,

Laisse 15 jours à compter de la signification de son arrêt à la société LOUPIDOR pour cesser toute utilisation de L’OR ET VOUS en faisant procéder aux suppressions utiles sur internet et les réseaux sociaux, en donnant les instructions utiles à son personnel pour ne plus se présenter sous L’OR ET VOUS et en n’utilisant plus L’OR ET VOUS à l’avenir ;

Dit que passé ce délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, l’astreinte de 150 euros par jour de retard commence à courir et ce pendant une période de six mois ;

Confirme l’ordonnance déférée en ce que le président du tribunal de commerce s’est réservé la liquidation de l’astreinte ;

Confirme l’ordonnance déférée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance.

Y ajoutant,

Condamne la société LOUPIDOR aux entiers dépens d’appel ;

Condamne la société LOUPIDOR à payer à la société SUPAREX la somme supplémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Déboute la société LOUPIDOR au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x