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ARRET N°
du 11 octobre 2022
N° RG 22/01518 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FG3G
S.A.S. BAYER HEALTHCARE SAS
c/
[F]
[I] [H]
Société CPAM DES ARDENNES – CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MA
S.A.S. BIOGARAN
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
la SCP ROYAUX
la SELAS FIDAL
la SELARL PELLETIER ASSOCIES
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 11 OCTOBRE 2022
APPELANTE :
d’une ordonnance rendue le 18 juillet 2022 par le TJde REIMS
S.A.S. BAYER HEALTHCARE
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Olivier DELVINCOURT de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et Maître Jacques-Antoine ROBERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEES :
Madame [K] [F]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Romain ROYAUX de la SCP ROYAUX, avocat au barreau des ARDENNES
Madame [D] [I] [H]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Arthur DEHAN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de REIMS
Société CPAM DES ARDENNES – CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MA
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 1]
Non comparante, non representée bien que régulièrement assignée
S.A.S. BIOGARAN SAS immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 405 113 598, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 12 septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 octobre 2022,
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre,Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
La S.A.S Bayer Healthcare est le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché de l’acétate cyprotérone, stéroïde anti androgénique bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché en France depuis le 8 avril 1980, et l’exploitant de la spécialité pharmaceutique Androcur et à ce titre déclarée auprès de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
En cette qualité d’exploitant, elle était chargée d’obligations règlementaires d’enregistrement et de déclarations prévues au code de la santé publique et notamment de présenter à l’agence nationale des demandes de variations de l’autorisation en fonction des évolutions des connaissances sur les effets indésirables. Dans ce cadre, les demandes de variations de l’autorisation pour tenir compte de l’information du patient sur les caractéristiques du produit, ont été approuvées en janvier 2011.
Un contrat de distribution de spécialités pharmaceutiques a été conclu entre la société Bayer Health et la société S.A.S Laboratoire Biogaran le 1er janvier 2012 par lequel la société Bayer a accordé à la société S.A.S Laboratoire Biogaran, en qualité d’exploitant du principe actif’, un droit exclusif de distribution et de mise sur le marché d’un générique.
La société S.A.S Laboratoire Biogaran est ainsi exploitante de ce générique sous le nom de cyprotérone S.A.S Laboratoire Biogaran 50mg.
Madame [F] s’est vu prescrire de la cyprotérone par le docteur [D] [I] [H] à compter de 2007.
Estimant avoir développé un méningiome en 2018, à la suite de son exposition prolongée à la cyprotérone elle a, le 2 mai 2019, assigné en référé expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, le docteur [I] [H], ainsi que la S.A.S Bayer Healthcare et la société S.A.S Laboratoire Biogaran.
Par ordonnance du 5 juin 2019, la présidente du tribunal judiciaire de Reims a fait droit à sa demande d’expertise et a désigné Madame [V] pour y procéder, assistée de Monsieur [C] en qualité de neurologue sapiteur.
Un rapport a été déposé le 26 août 2020.
Selon exploit d’huissier du 4 mai 2021, Madame [F] a assigné la société S.A.S Laboratoire Biogaran aux côtés du docteur [I] [H] et de la CPAM des Ardennes au visa des articles 5121-12-1 du code de la santé publique, 1231-1 et 1240 du code civil aux fins des les voir condamnées à réparer son préjudice, leur reprochant de lui avoir tous deux fait perdre une chance d’éviter la prise de ce médicament à compter du 25 janvier 2011, la première en manquant à son obligation de procéder à la modification de RCP du cyprotérone 50mg avant le 23 septembre 2013 et la seconde d’avoir failli à son obligation de conseil et d’information en lui prescrivant ce produit.
Le 20 aout 2021, la société S.A.S Laboratoire Biogaran a assigné en garantie la S.A.S Bayer Healthcare et par conclusions du 27 octobre suivant, elle a sollicité la jonction de cette affaire avec l’instance précédente formée avec Madame [F].
Par ordonnance du 20 aout 2021, il était fait droit à sa demande et les deux procédures étaient jointes.
Le 30 décembre 2021, la S.A.S Bayer Healthcare a signifié des conclusions d’incident.
Dans ses dernières conclusions, elle a demandé au juge de la mise en état de la déclarer bien fondée en sa demande d’incompétence du tribunal judiciaire de Reims et en conséquence :
– d’ordonner la disjonction de l’affaire engagée par la société S.A.S Laboratoire Biogaran à l’encontre de la S.A.S Bayer Healthcare de celle introduite contre la société S.A.S Laboratoire Biogaran et Madame [I] [H] par Madame [F];
– prononcer l’incompétence du tribunal judiciaire de Reims pour connaître des demandes formulées par S.A.S Laboratoire Biogaran à l’encontre de la S.A.S Bayer Healthcare ;
– déclarer que seul le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître du litige initié à l’encontre de la S.A.S Bayer Healthcare par S.A.S Laboratoire Biogaran.
La société S.A.S Laboratoire Biogaran a conclu en réponse au rejet des demandes de disjonction de l’instance et d’exception d’incompétence soulevées par la société S.A.S Bayer Healthcare.
Le tribunal judiciaire de Reims, par ordonnance sur incident en date du 18 juillet 2022, a débouté la société Bayer Healthcare de l’intégralité de ses demandes sur incident et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état pour les conclusions au fond .
Le juge de la mise en état a considéré que l’incompétence matérielle des tribunaux civils en matière commerciale n’est pas une incompétence absolue et que notamment lorsque les demandes sont indivisibles ou connexes, la juridiction civile prime; qu’en l’espèce, l’appel en garantie par la société S.A.S Laboratoire Biogaran commercialisant le médicament, de la société Bayer Healthcar, fabricant de ce même médicament, tient sa source dans le litige introduit par Madame [F] qui a ingéré ce médicament.
S’agissant de l’incompétence territoriale, il a jugé qu’une clause attributive de juridiction n’est pas d’ordre public et qu’une bonne administration de la justice justifie la compétence territoriale du tribunal de Reims, tout comme la jonction de l’instance
Le 5 aout 2022, la S.A.S Bayer Healthcare a interjeté appel de la décision.
Le 05 septembre 2022, elle a assigné à jour fixe la société S.A.S Laboratoire Biogaran, Madame [I]- [H], Mme [F] et la CPAM des Ardennes pour l’audience du 12 septembre 2022.
Elle demande à la cour d’appel de Reims d’infirmer l’ordonnance sur incident rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Reims le 18 juillet 2022 en ce qu’elle a statué par les chefs suivants :
– «’ déboute la S.A.S Bayer Healthcare de l’intégralité de ses demandes sur incident ;
– déclare le tribunal judiciaire de REIMS compétent ;
– Condamne la S.A.S Bayer Healthcare à verser à la société S.A.S Laboratoire Biogaran la somme de 1 500 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la S.A.S Bayer Healthcare aux entiers dépens de l’instance incident’»
Et, statuant à nouveau, d’ordonner la disjonction de l’instance engagée par Madame [K] [F] à l’encontre de S.A.S Laboratoire Biogaran avec celle engagée par cette dernière à l’encontre de la S.A.S Bayer Healthcare, de prononcer l’incompétence du tribunal judiciaire de Reims pour connaître des demandes formulées par S.A.S Laboratoire Biogaran à l’encontre de la S.A.S Bayer Healthcare au profit du tribunal de commerce de Paris seul compétent pour connaître de ce litige initié par S.A.S Laboratoire Biogaran à son encontre et de condamner la S.A.S Laboratoire Biogaran à lui verser la somme de 10 000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que les différentes prétentions ne sont pas liées par un tel lien qu’il soit dans l’intérêt d’une bonne justice de les instruire ensemble, que la relation contractuelle qui la lie à la société S.A.S Laboratoire Biogaran est indépendante de la question de la responsabilité délictuelle que cette dernière entretient éventuellement avec Madame [F] ; que seul le tribunal de commerce de Paris est dès lors compétent en exécution de la clause contractuelle d’attribution prévue au contrat de distribution et des règles légales de compétence à laquelle un appel en garantie ne permet pas de déroger.
En réponse, la société S.A.S Laboratoire Biogaran conclut à la confirmation de l’ordonnance du 18 juillet 2022, au débouté de la société Bayer Healthcare de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle développe les éléments tenant aux liens unissant les affaires dont l’article 8 du contrat de distribution conclu entre les deux sociétés qui oblige la société Bayer à l’indemniser et la tenir indemne de toute réclamation liée à la responsabilité du fait des produits défectueux et l’absence de compétence exclusive donnée par le contrat ou les règles de droit, à un tribunal de commerce pour connaître d’un litige commercial et qui justifie en conséquence le débouté de l’appelante de toutes ses demandes.
Madame [I] -[H] et Madame [F] ayant régulièrement constitué avocat n’ont pas conclu.
La CPAM des Ardennes n’était pas représentée.
MOTIFS
Sur la demande de disjonction
Sur le fondement des articles 368 et 537 du code de procédure civile, la disjonction d’instance qui est une mesure d’administration judiciaire ne peut faire l’objet d’aucune voie de recours.
Aussi, celle-ci formée à titre principal n’est pas recevable et la disjonction ne pourra être le cas échéant, que la conséquence d’une décision d’incompétence du tribunal désigné et réclamée par l’appelante.
Sur la compétence matérielle du tribunal de commerce pour connaître du litige opposant les sociétés Bayer et la S.A.S Laboratoire Biogaran
Il existe un contrat de distribution, conclu le 19 décembre 2011, entre ces deux sociétés commerciales de sorte qu’un litige les opposant, ressort de la compétence matérielle d’un tribunal de commerce en application des dispositions de l’article L721-3 du code de commerce.
Mais cette compétence, également posée dans la clause attributive de compétence, inclue dans ce contrat de distribution au profit du tribunal de commerce de Paris, n’est pas exclusive.
Cette dévolution peut connaître en conséquence des exceptions telles que celles précisées au code de procédure civile dont en son article 51.
Ainsi, l’article 51 prévoit que lorsque le litige dans le cadre duquel apparaît la question de la compétence de la juridiction chargée d’en connaître, concerne une demande incidente, ce tribunal connaît de cette demande incidente.
Et constitue une demande incidente selon l’article 63 du code de procédure civile, un appel en intervention forcée d’un tiers par une partie à un litige aux fins d’obtenir de celui-ci qu’il la garantisse des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle dans ce litige.
L’intervention forcée faite par assignation de la S.A.S Bayer Healthcare par la société S.A.S Laboratoire Biogaran selon l’article 68 du code de procédure civile, est régulière et un lien de connexité indéniable est posé entre les deux affaires dans la mesure où l’une est relative à la responsabilité de la société S.A.S Laboratoire Biogaran envers Mme [F] du fait de l’utilisation par celle-ci d’un produit commercialisé auquel elle reproche notamment un manque d’information sur les contres-indications et effets indésirables de celui-ci, et que l’autre est relative à la garantie qu’entend obtenir la société S.A.S Laboratoire Biogaran de son contractant sur le fondement des obligations lui incombant dans ce domaine en exécution du contrat de distribution de ce produit conclu entre elles.
Ainsi, en application de ces règles dans la mesure où la S.A.S Bayer Healthcare, société commerciale, a été appelée par demande incidente en intervention forcée par la société S.A.S Laboratoire Biogaran pour la rendre partie au procès engagé contre elle par Mme [F] et obtenir sa garantie, la compétence matérielle non exclusive du tribunal de commerce concernant le second litige, s’efface devant celle du tribunal judiciaire.
Sur la compétence territoriale
S’agissant de la compétence territoriale et en application de l’article 333 du code de procédure civile qui pose que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence elle ressort en conséquence nécessairement de celle du tribunal territorial de Reims saisi du litige originaire.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant pubiquement et par arrêt réputé contradictoire
Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.S Bayer Healthcare aux dépens de la procédure d’appel sur incident.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE