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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 26 OCTOBRE 2022
(n° 192 , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16899 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWBK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2020 -Tribunal de Commerce de Bordeaux – RG n° 2018F00102
APPELANTS
Monsieur [K] [S]
Né le 11 Avril 1950
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L0056, avocat postulant
Assisté de Me François-Pierre LANI de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0426 avocat plaidant, substitué par Me Géraldine PACAUT de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0426, avocat plaidant
S.A.R.L. MICRO OPTIMA SUD agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de CAHORS sous le numéro 493 528 368
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L0056, avocat postulant
Assistée de Me François-Pierre LANI de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0426, avocat plaidant, substitué par Me Géraldine PACAUT de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0426, avocat plaidant
INTIMEE
SOCIÉTÉ PRIVA agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
Société de droit Hollandais enregistrée sous le numéro 27218816
[Adresse 4]
THE NETHERLANDS
Représentée par Me Vanessa DJUROVIC, avocat au barreau de PARIS, toque G0461, avocat postulant
Assistée de Me Thomas BELLEVILLE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
substitué par Me François GLEVAREC, du Cabinet François GLEVAREC, avocat au barreau de PARIS, toque P36, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre
Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
Madame Camille LIGNIERES, Conseillère
Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*******
La SARL Micro Optima Sud (ci-après «’Micro Optima Sud’»), dirigée par M. [K] [S], a pour activité l’installation d’équipements thermiques et de climatisations dans le domaine horticole.
La société Priva (ci-après «’Priva’») est une société hollandaise offrant, notamment dans le domaine horticole, des solutions logicielles et matérielles telles que le contrôle climatique, l’irrigation, l’automatisation de la serre.
Le 25 juillet 2013, la présidente de la société Priva a adressé à Micro Optima Sud intitulé ‘au revoir’ (pièce Micro Optima Sud n° 7) ainsi rédigé :
‘Monsieur [S], cher [K],
Après trente années, il y aura une fin de relation que nous avons entretenue avec vous. Trente années, au cours desquelles les deux sociétés Micro Optima Sud et Priva ont traversé les développements nécessaires, et dans lequel le monde autour de nous est grandement changé. Ce qui est resté inchangé au fil des ans, c’est la fidélité et le dévouement avec lequel vous avez servi vos clients horticoles avec les produits Priva. Votre volonté d’aider vos clients était et est fortement appréciée de nous. Avec la résiliation de votre entreprise, il se sent comme un morceau de Priva est perdu…
Un grand merci pour la façon dont vous avez représenté Priva pendant les dernières années. Le succès de Priva se maintient ou disparaît avec la participation de nos revendeurs pour nos utilisateurs finaux et votre engagement a certainement contribué à la position de Priva compte actuellement en France.
Ruud Swart vous a présenté un cadeau, un cadeau qui symbolise la coopération. Nous regardons en arrière sur une bonne coopération et nous vous souhaitons de nombreuses années en bonne santé, que vous pouvez faire beaucoup de voyage à vélo dans votre beau pays que j’aime toujours moi-même de visiter.
Au revoir, tout le meilleur pour vous et peut-être que nous nous reverrons à l’avenir’.
La société Micro Optima Sud a présenté un repreneur à Priva, en vain.
Par acte du 24 novembre 2017, Micro Optima Sud assigné Priva devant le tribunal de commerce de Bordeaux en réparation de la rupture brutale et abusive des relations commerciales établies et du préjudice moral qu’elle soutient avoir subi.
Par jugement du 2 octobre 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux’:
– s’est déclaré compétent pour juger le litige opposant la société Micro Opima Sud et la société Priva’;
– a débouté la société Micro Optima Sud de toutes ses demandes’;
– a condamné la société Micro Optima Sud à payer à la société Priva la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile’;
– a condamné la société Micro Optima Sud aux dépens.
Vu les dernières conclusions de la société Micro Optima Sud et Monsieur [K] [S], appelants, déposées et notifiées le 18 août 2021 par lesquelles il est demandé à la Cour :
Vu le Code Civil et notamment les articles 1211 et 1134 (ancien)
Vu le Code de commerce et notamment les articles L442-6 et D442-3 Vu les articles 46, 329 et 700 du Code de procédure civile,
-Juger la société Micro Optima Sud recevable et bien fondé en son appel, en toutes ses demandes, fins et réclamations’;
-Juger M. [K] [S] recevable et bien fondé en son appel, en toutes ses demandes, fins et réclamations’;
-Confirmer le jugement en ce qu’il s’est déclaré compétent’;
-Confirmer le jugement en ce qu’il a constaté une relation commerciale établie depuis 30 ans’;
-Infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions’;
Et, statuant à nouveau :
-Condamner la société Priva à verser une somme de 273.485,67 euros à la société Micro Optima Sud en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale et abusive du contrat ;
-Condamner la société Priva à verser une somme de 50.000 euros à M. [S] en réparation du préjudice subi du fait de la mise en échec délibérée de l’opération de cession de son entreprise ;
-Condamner la société Priva à verser une somme de 50.000 euros à la société Micro Optima Sud en réparation de son préjudice moral ;
-Débouter la société Priva de l’ensemble de ses demandes, moyens et conclusions ;
-Déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de la société Priva en paiement de la somme de 4.856 € ;
-Condamner la société Priva à verser une somme de 15.000 euros à la société Micro Optima Sud au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la société Priva à verser une somme de 5.000 euros à M. [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la société Priva aux entiers dépens dont distraction, pour ceux-là concernant au profit de Maître Patricia Hardouin – SELARL 2H Avocats et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Priva, déposées et notifiées le 9 juin 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu les articles 7 et 25 du règlement 1215/2012 du 12 décembre 2012, dit « Bruxelles I Bis»,
Vu l’article 442 -6-I-4° du Code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige,
A titre principal,
– Réformer le jugement en ce qu’il a retenu la compétence des juridictions françaises’;
– Déclarer les juridictions françaises incompétentes pour connaître du litige, au profit du tribunal de commerce de La Haye’;
– Condamner in solidum Micro Optima Sud et M. [S] à payer à la société Priva une somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens’;
A titre subsidiaire,
– Confirmer le jugement, hormis en ce qu’il a’:
*Reconnu l’existence d’une relation commerciale établie entre les parties’;
*Omis de statuer sur la demande reconventionnelle présentée par la société Priva’;
– Débouter la société Micro Optima Sud et Monsieur [S] de l’ensemble de leurs demandes’;
En toute hypothèse, à titre reconventionnel, statuant à nouveau,
– Condamner la société Micro Optima Sud au paiement d’une somme de 4.856 € HT avec intérêts au taux contractuel à compter du 2 juillet 2013,
– Ordonner la capitalisation des intérêts,
Ajoutant au jugement,
– Condamner in solidum Micro Optima Sud et Monsieur [S] à payer à la société Priva une somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.
La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
La Cour rappelle que les ruptures brutales intervenues avant le 26 avril 2019 sont soumises à l’ancien article L. 442-6-I, 5e du code de commerce, lequel dispose :
‘Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé par le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers :
(…) 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.’
Sur la compétence des juridictions françaises
– Sur la clause attributive de compétence prévue à l’article 6.1 des conditions générales de livraison
Exposé du moyen :
Priva soutient que toutes les ventes conclues avec ses clients sont soumises aux conditions générales dont elle verse un exemplaire aux débats (pièce Priva n°1’conditions de livraison Priva LV1201′), et dont l’article 6.1 stipule que ‘tout litige relatif au présent contrat relèvera de la compétence du tribunal compétent de La Haye’. Elle ajoute que Priva et Micro Optima Sud n’ont pas d’autres relations contractuelles que des commandes ponctuelles des logiciels et de matériel, si bien que ces conditions générales couvrent bien l’ensemble de la relation existant entre les parties.
Les conditions générales porteraient selon elle sur tout litige relatif au contrat entendu comme tout litige découlant des relations contractuelles. Priva fait notamment référence à cet égard à l’arrêt de la Cour de cassation n°15-26105 du 18 janvier 2017 aux termes duquel : ‘attendu qu’ayant relevé que le rapport de droit en cause ne se limitait pas aux obligations contractuelles, la référence de l’article 26 au ‘présent contrat’ ne concernant que le droit applicable, et devait s’entendre des litiges découlant de la relation contractuelle, la cour d’appel, hors de toute dénaturation, en a souverainement déduit, des dispositions impératives constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige, que la clause attributive de compétence s’appliquait à la rupture brutale du contrat ; le moyen n’est pas fondé’.
‘
Priva prétend aussi, d’une part, que chaque commande nécessitait l’acceptation des conditions générales de vente, ce qui permettait d’obtenir un code d’accès électronique sur la plateforme et, d’autre part, que le renvoi aux conditions générales est mentionné de manière explicite sur chaque facture remise à la société Micro Optima Sud. Elle soutient enfin que les Règlements Bruxelles I et Bruxelles I Bis ne prévoient pas de condition relative au caractère apparent de la clause, mais imposent uniquement qu’elle soit rédigée sous une forme conforme aux usages des parties.
Micro Optima Sud répond, en premier lieu, qu’il appartient à celui qui invoque l’application de la clause attributive de compétence de faire la démonstration de ce que le co-contractant a été informé et a accepté les termes des conditions générales au moment où la convention est formée. Elle ajoute que l’article 1119 du code civil dispose que ‘les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles sont portées à la connaissance de celle-ci et si elles ont été acceptées.’
Elle soutient que Priva mélange à dessein plateforme électronique permettant de passer commande, laquelle n’existe pas, et espace client en ligne (sur le site Dealer), lequel permettait à Micro Optima Sud de télécharger les logiciels commandés ou de s’inscrire à des formations. Elle fait valoir que, de surcroît, la mention ‘tous les transactions sont sujet à les conditions générales’ figurait en caractères minuscules sur certains documents tels la facture, laquelle est elle-même un acte d’exécution et non de formation du contrat. Micro Optima Sud fait aussi référence à un arrêt de cette cour du 9 janvier 2019 (n°RG 18/9522) dans lequel une clause attribuant compétence à un tribunal allemand a été jugé inapplicable dans un contexte identique à celui de l’espèce.
‘
En second lieu, à titre subsidiaire, la société Micro Optima Sud soutient que la clause attributive de compétence ne concerne pas le litige en cause. S’appuyant sur l’arrêt de cette cour du 9 janvier 2019 précité, elle fait valoir que ce type de clause ne s’applique qu’aux transactions de vente concernées par le document de vente et non à tout litige survenant entre les parties dans le cadre de leur relation commerciale. Il s’en suit que la clause attribue compétence exclusivement en cas de litige relatif à la livraison d’un produit (mauvaise exécution par Priva des commandes passées, matériel non livré ou tardivement, logiciel défectueux…).
Réponse de la Cour :
L’article 25 du Règlement (CE) n°1215/12 du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles 1 bis) dispose’:
‘ Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée’.
En l’espèce, Priva se réfère aux ‘conditions générales de livraison Priva LV1201’, qu’elle verse aux débats, lesquelles contiennent, en leur article 6.1, une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de La Haye (juridiction, non saisie au cas présent, désignée par la clause).
Il est constant qu’il est fait référence à ces conditions générales dans les factures par la mention suivante (vraissemblablement issue d’une traduction automatique) : ‘tous les transactions sont sujet à les conditions générales de Priva B.V LV 1201’
Force est de constater, cependant, qu’en l’absence de plateforme électronique permettant de passer commande, les échanges, tels qu’ils ressortent des pièces comuniquées par les parties, se faisaient le plus souvent par courriel, selon le modus operandi suivant : Micro Optima Sud soumettait une liste de fournitures, Priva adressait une offre chiffrée pouvant faire l’objet d’une discussion, puis il était, après accord, adressé une confirmation de commande, sans que, contrairement à ce qui est allégué sans offre de preuve, Micro Optima ne coche une case d’acceptation de conditions générales.
Force est de constater, en outre, que les conditions générales de livraison litigieuses ne sont ni reproduites au verso des factures, ni signées de Micro Optima Sud, ni annexées ou jointes à la commande.
Il n’est, dans ces circonstances, pas démontré que ces conditions générales ont été acceptées par Micro Optima Sud, ni même qu’elles ont été communiquées effectivement à ce co-contractant.
Prima ne justifie, par ailleurs, d’aucun élément permettant de considérer que la mention ‘tous les transactions sont sujet à les conditions générales de Priva B.V LV 1201’, en petit caractère, au dessus de l’indication de son numéro de TVA intracomunautaire et de son numéro d’IBAN, constitue une forme valant convention attributive de juridiction qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.
Il s’ensuit que la clause attributive de compétence au tribunal de la Haye (Pays-Bas) dont se prévaut Priva ne peut être considérée comme ayant été convenue entre les parties au sens de l’article 25 du Règlement sus-visé et qu’elle doit être déclarée inopposable à la société Micro Optima Sud.
A titre surabondant, la Cour constate que les conditions générales de livraison litigieuses s’appliquent, en application de la disposition figurant dans leur premier paragraphe, ‘aux offres, confirmations de commande et contrats relatifs à la livraison, par Priva, des produits et/ou des services destinés aux clients Priva auxquels les présentes conditions sont réputées être applicables’. La clause attributive de compétence litigieuse, à supposée qu’elle ait été acceptée, est donc, ainsi que l’a retenu le jugement attaqué, limitée aux conditions de vente, de livraison et de paiement et ne peut constituer le cadre général des relations commerciales ayant existé entre les parties et donc leur éventuelle rupture abusive.
Sur le lieu d’exécution de l’obligation
Exposé du moyen :
Priva souligne qu’aux termes de l’article 1.1 des conditions générales de vente, ‘Priva livrera les produits (…) hors des Pays-Bas, Ex Works (EXW De Lier conformément aux Incoterms applicables’. Elle fait valoir que les prestations contractuelles étaient exécutées sur le sol hollandais conformément à l’Incoterm «’Ex Work’» (‘départ usine’) choisi par les parties, ainsi que le démontreraient les pièces n°4 Micro Optima Sud (confirmation de commande mentionnant ‘terms of delivery : Ex Usine’) et 2 et 3 Priva (factures contenant la mention ‘cond. de livr. : EXW De Lier’). Elle rappelle que la CJUE a, dans l’affaire Electrosteel C-87/10 du 9 juin 2011, retenu que ‘les Incoterms élaborés par la Chambre de commerce internationale qui définissent et codifient le contenu de certains termes et de certaines clauses utilisées couramment dans le commerce international, ont une reconnaissance et une utilisation pratique particulièrement élevée’ (point 21). Elle ajoute que les livraisons ont toujours été effectuées en Hollande, peu important les arrangements postérieurs pris par Micro Optima Sud pour acheminer le matériel en France.
Elle conteste fermement, par ailleurs, la qualification de contrat de concession soutenue par Micro Optima Sud. Elle dit travailler avec un réseau non exclusif de vendeurs qui couvrent le marché mondial de manière indépendante, et soutient que la seule condition qui leur est imposée pour pouvoir commander des produits auprès d’elle est que l’installation soit effectuée par un vendeur local conformément aux instructions techniques de pose fournies en amont. Cette seule condition ne saurait selon elle créer une relation de concession entre les parties, étant en outre relevé qu’il n’existait aucun contrat cadre et aucun encadrement ni obligations sur des volumes d’achat ou des conditions d’approvisionnement, si bien que Micro Optima était totalement libre de concevoir son portefeuille de produits (combinaison de marques, de services et de produits). Elle ajoute que la plupart du temps, les problèmes pouvaient être résolus à distance et que ce n’est que dans des cas spécifiques et exceptionnels qu’elle dépêchait l’un de ses experts sur place pour identifier les difficultés rencontrées.
Micro Optima Sud répond que les conditions générales de livraison sont inopposables, ainsi qu’il a déjà été démontré, et qu’il ne peut donc être utilement fait référence à la disposition spécifique relative aux Incoterms qu’elles contiennent. Elle considère en outre que les quelques mentions dont se prévaut Priva figurent de manière variable et floue (‘ex Usine’ ‘ EXW ‘). Elle observe aussi que les différentes factures versées aux débats indiquent une adresse de livraison en France et que les livraisons étaient souvent prises en charge par Priva elle-même, qui assurait l’expédition vers le client final via un transporteur qu’elle choisissait directement, ainsi qu’il peut être constaté sur la lettre de transport qu’elle produit en pièce n°11.
Elle soutient que son activité complète est située sur le territoire français, puisqu’elle livre les produits Priva à une clientèle française et effectue les prestations connexes (installation, service après-vente…) en France. Elle ajoute que la société Priva intervient directement auprès des clients s’agissant de la garantie de ses produits, et que la totalité de la promotion des produits et services est assurée par Priva pour la clientèle française en France, notamment dans le cadre de salons professionnels auxquels participe Micro Optima Sud en France. Elle observe qu’il ressort de la correspondance entre les parties -qui est en français-
que la société Priva emploie elle-même les termes de ‘concession’ et ‘concessionnaire’ pour qualifier leur relation (voir par exemple les courriels pièces Micro Optima Sud n°19, 25, 28, 32 et 46) et que Priva avait établi un ‘formulaire de modification de concessionnaire’ (pièce Micro Optima Sud n°36).
Réponse de la Cour :
L’article 7 du Règlement (CE) n°1215/12 du Conseil du 12 décembre 2012 sus-évoqué dispose’:
«’Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :
1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;
b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :
-pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
-pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;
c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas;
2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire’».
En premier lieu, La Cour rappelle avoir retenu qu’il n’était pas démontré en l’espèce que les conditions générales de livraison produites aux débats ont été acceptées par Micro Optima Sud, ni même qu’elles ont été communiquées effectivement à ce co-contractant.
Elle observe par ailleurs que les pièces produites ne mentionnent jamais une adresse de livraison aux Pays-Bas (pièce Priva n°3 «’adresse de livraison FR La France’», pièces Priva n°9-1, 9-2 et n°11′: indication des adresses complètes du client à livrer en France, pièce Micro Optima Sud n°4′: «’Shipping address’: [Localité 3] France’», pièce Priva n°9-3 «’adresse livraison’: customer EU’»).
La circonstance qu’à deux reprises (pièces Priva n°2 et 8), s’agissant de la vente d’un programme informatique, la rubrique «’adresse de livraison’» n’ait pas été remplie et qu’il soit mentionné «’cond. de livr.’: EXW De Lier’» ne peut, dans de telles conditions, suffire à démontrer que les Pays-Bas sont le lieu d’exécution des obligations.
En second lieu, la Cour retient, comme l’a fait le tribunal, qu’il n’y a pas de relation exclusive entre les parties et qu’il n’existe pas de contrat cadre régissant les relations commerciales et qui pourrait caractériser un contrat de concession. Pour autant, il doit être constaté, d’une part, que le relations entre Prima et Micro Optima Sud ne se limitent pas à la vente de marchandises, et d’autre part que l’existence d’une relation contractuelle tacite -au sens de l’arrêt Granarolo C-196/15 de la CJUE du 14 juillet 2016- est démontrée.
S’agissant des services fournis (garantie des produits, programmes de formation, assistance matérielle technique et commerciale…), la Cour retient que le lieu de fourniture est la France.
Il s’en suit qu’en l’absence de convention contraire pouvant être opposée à Micro Optima Sud, cette dernière ne peut être, en application de l’article 7 du Règlement susvisé, attraite dans un autre État membre, le lieu d’exécution de l’obligation étant la France.
C’est donc à raison que le tribunal de commerce de Bordeaux, juridiction spécialisée en application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, s’est déclaré compétent pour juger du présent litige.
Sur la rupture brutale et abusive des relations commerciales établies
Exposé des moyens :
Micro Optima Sud soutient, en premier lieu, que la collaboration entre M. [S] et Priva a commencé en 1985 sous l’enseigne Polyv-Elec, puis sous l’enseigne Inter-Systemes à partir de 1987, Micro Optima SARL à partir de 1999 et enfin Micro Optima Sud depuis 2007. Se référant au courrier (reproduit supra) que Priva lui a été adressé le 25 juillet 2013, au ton certes laudateur, mais qui acte la ‘fin de la relation’ et la ‘résiliation de l’entreprise’, elle fait valoir qu’une relation commerciale établie existait depuis 30 ans et que la rupture de cette relation a été brutale, du fait de l’absence de préavis. Elle ajoute que M. [S] avait anticipé en toute transparence, pour s’assurer de la continuité du service rendu à ses clients, une reprise de son activité par des tiers, mais n’avais en aucune manière annoncé ou demandé une quelconque résiliation immédiate. Elle estime qu’un préavis de 28 mois aurait été nécessaire et qu’à défaut de mettre en oeuvre ce dernier, il revenait à Priva de l’indemniser, ce que son partenaire s’est refusé à faire.
Micro Optima Sud prétend, en second lieu, que la société Priva n’a pas été de bonne foi dans la rupture des relations commerciales. Alors qu’elle avait connaissance de la recherche en cours de repreneurs, elle aurait entretenu sciemment une période d’incertitude faisant croire à la continuité de la relation, et organisé pendant cette période la reprise de la clientèle de Micro Optima Sud. Elle aurait parrallèlement fermé le compte tiers de Micro Optima sans établir de solde de tout compte et lui aurait coupé les accès à son site. En entravant sciemment l’opération de reprise, elle aurait été à l’origine de la dévalorisation de son fonds de commerce et de l’incapacité pour son gérant de la céder, alors même que le chiffre d’affaires de Micro Optima Sud avait augmenté de 18 % en 2011 et de 12 % en 2013 (pièce Micro Optima Sud n°8). Priva devrait en conséquence réparer aussi le préjudice subi par M. [S] du fait de la mise en échec délibérée de l’opération de cession de son entreprise.
‘
Priva répond, en premier lieu, que la relation commerciale n’était pas établie depuis 30 ans. Tout d’abord, il s’agirait d’une succession de contrats entre des entités distinctes gérées successivement par M. [S], étant rappelé que la société Micro Optima Sud a été immatriculée en 2007 seulement. Ensuite, il peut être relevé que la pièce n°5 adverse liste environ 140 transactions, ce qui paraît relativement modeste sur la période alléguée. Enfin, s’il est exact que Priva a livré du matériel et/ou des logiciels à Micro Optima Sud, il s’agirait à chaque fois de contrats de vente distincts, sans flux d’affaires prédéfini et sans obligation d’achat, si bien qu’aucun volume d’affaire prévisible ne peut être caractérisé. Il n’existe par ailleurs, contrairement à ce qui est allégué, aucun contrat de concession.
Priva affirme, en deuxième lieu, s’agissant des conditions de la rupture, que pendant la période qui a suivi la lettre du 25 juillet 2013, Micro Optima Sud était encore en possibilité de commander des produits auprès de Priva et que c’est elle qui a choisi de ne plus passer de commandes auprès de Priva après le 23 juin 2013.
‘
Priva prétend que c’est M. [S] qui aurait annoncé qu’il envisageait d’arrêter de travailler pour des raisons de santé et liées à son âge. Il lui aurait alors été demandé une mise en relation avec des repreneurs potentiels, ce qui aurait été fait avec la société Richel en octobre 2011 puis avec les sociétés Brinkman et Squiban en 2012. Cependant, ces sociétés auraient décliné leur offre compte tenu du prix trop élevé souhaité par M. [S]. Puis ce dernier aurait tenu pour acquis le fait que son successeur pressenti, M. [H]/la société ABIM, allait automatiquement être agréée par Priva. Or ce dernier n’a pas fourni toutes les qualités attendues et a abandonné le projet d’acquisition avant que l’agrément lui soit donné. La société ABIM a ultérieurement fait l’objet d’une procédure collective, ce qui ne peut que conforter les doutes émis par Priva.
Priva considère enfin (sans élément justificatif à l’appui) que pour les années postérieures à 2014, Priva n’était plus tenue de vendre ses produits à Micro Optima Sud, puisqu’en raison du départ de M. [S], cette société ne comprenait plus aucun ingénieur agréé.
Réponse de la Cour :
S’agissant, en premier lieu, des caractéristiques de la relation commerciale, laquelle impliquait notamment la vente par Priva d’équipements (logiciels et matériels) en vue de leur installation chez des horticulteurs, il doit être relevé, tout d’abord, que Priva évoque, dans son courrier à M. [S] du 25 juillet 2013 reproduit supra (pièce Micro Optima Sud n° 7), une relation ‘entretenue (pendant) trente années’, puis observe que ‘ce qui est resté inchangé au fil des ans, c’est la fidélité et le dévouement avec lequel vous avez servi vos clients horticoles avec les produits Priva’.
Il ressort par ailleurs des pièces (n°3, 4 et 4 bis) versées par les appelantes aux débats que les relations commerciales entre M. [S] et Priva ont débuté en 1985 sous l’enseigne Poly-Elec (factures du 29 novembre 1985 et du 7 janvier 1986).
Ces relations se sont poursuivies au travers de différentes entitées que l’intéressé a dirigées, la volonté manifestée de s’inscrire dans la relation initiale, indépendamment des modifications juridiques intervenues pour diverses raisons (croissance du chiffre d’affaires, départ d’un associé, changement de siège social), se déduisant des circonstances de l’espèce.
Il s’ensuit que l’antériorité des relations litigieuses remonte à 1985.
Il résulte ensuite des débats que la relation commerciale entre les parties a revêtu un caractère suivi et stable, la société Priva utilisant dans des courriels les termes de ‘concession’ et ‘concessionnaire’ pour la décrire (pièces Micro Optima Sud n°19, 25, 28, 32, 36 et 46).
Cette relation, qui est décrite par les parties comme de qualité, permettait raisonnablement d’anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires entre les partenaires commerciaux.
La succession de prestations réalisées, qui n’est pas contestée, est suffisante pour que la relation d’affaires puisse être considérée comme relativement significative.
La relation commerciale revêtait donc avant le courrier du 25 juillet 2013 un caractère établi.
S’agissant, en second lieu, des circonstances de la rupture et de son imputabilité, il convient de se référer au courrier du 25 juillet 2013 déjà cité.
Force est de constater, tout d’abord, que ‘la fin de la relation’, qui est évoquée dans ce courrier comme un fait acquis, n’est à aucun moment présentée comme une décision commune aux deux partenaires, ou comme la conséquence du choix de Micro Optima Sud et/ou de son dirigeant de cesser ses relations commerciales avec Priva.
Il est constant, en outre, que Micro Optima Sud avait commandé récemment des produits à Priva pour fournir un de ses clients (pièce Micro Optima Sud n°6), qu’elle détenait un stock de produits Priva et qu’elle avait un portefeuille d’affaires prévisionnel.
La Cour retient que, dès lors, ce courrier constitue une décision unilatérale non équivoque par laquelle Priva acte la rupture de la relation commerciale établie avec Micro Optima Sud et ce sans que celle dernière se soit vue notifier préalablement par écrit un préavis tenant compte de la durée de la relation.
Or en application de l’article L. 442-6-I, 5e du code de commerce, engage sa responsabilité celui qui rompt brutalement ‘en l’absence d’un préavis écrit’ une relation commerciale.
La Cour rappelle, ensuite, que la durée du préavis qui doit être accordée à celui qui subit la rupture doit être appréciée au moment de la notification de rupture. Il s’en suit que les événements intervenus ultérieurement ne doivent pas être pris en compte pour apprécier la brutalité de la rupture.
Le délai de préavis suffisant doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l’ancienneté des relations, le degré de dépendance économique (entendu comme la part du chiffre d’affaires réalisé par la victime avec l’auteur de la rupture), le volume d’affaires réalisé, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.
Au cas présent, les relations commerciales ont été entretenues pendant 28 ans.
Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats (grand livre et factures) que le chiffre d’affaires de Micro Optima Sud de l’exercice 2012/2013, soit le dernier avant la fin des relations commerciales, provient à 98 % de la vente de produits Priva ainsi que de travaux d’installation et de prestations de service (SAV) de produits Priva. Cette dépendance économique ne peut cependant être imputée à Priva, puisqu’en tant qu’installateur d’équipements thermiques et de climatisation dans le domaine horticole, Micro Optima Sud pouvait s’approvisionner auprès de concurrents directs de cette société, et pouvait également choisir de recourir à plusieurs marques simultanément.
En l’état de ces éléments, la Cour estime qu’un préavis à 12 mois était nécessaire mais suffisant.
S’agissant, en troisième lieu, du caractère abusif de la rupture de la relation commerciale établie, la Cour retient que la faute distincte alléguée par les appelants, et consistant en une mise en échec délibérée de l’opération de reprise de l’activité de Micro Optima Sud du seul fait de Priva, n’est pas démontrée.
Les nombreuses pièces versées aux débats montrent qu’au deuxième semestre 2013, le choix par M. [S] du repreneur de l’activité («’ABIM suite au forfait de Squiban’» cf pièces Priva n°13 et 22) s’est avéré complexe. M. [H]/ABIM est devenu l’interlocuteur de Priva pour certaines commandes (pièces Priva n° 16 et 17) et plusieurs projets (pièces Priva n°12 et 18), mais Priva a soulevé, comme il était en droit de faire, un certains nombre de prérequis.
Il s’ensuit que la réorientation des clients de Micro Optima Sud ‘vers la concurrence’ (Hoogendorn, Anjou Automation, Lusseau/Squiban, Claie cf pièce Micro Optima Sud n°10) n’est pas, contrairement à ce qui est allégué, imputable à une mise en échec de l’opération de reprise imputable à titre exclusif à Priva, en dehors de tout impératif tenant à la sauvegarde de ses intérêts commerciaux.
Il convient donc d’infirmer le jugement attaqué, mais seulement en ce qu’il a considéré que la rupture des relations commerciales n’était pas brutale.
Sur la réparation du préjudice causé par la rupture brutale
Exposé du moyen :
La société Micro Optima Sud demande réparation de son manque à gagner, qu’elle calcule à partir du chiffre d’affaires moyen annuel des trois derniers exercices (ressortant des liasses fiscales qu’elle produit), en retenant un taux de marge de 49 % (qu’elle extrait d’un document à entête du cabinet d’expertise comptable [N] [M]). Sur la base d’un préavis de 28 mois, elle sollicite la somme de 259.645,67 euros.
Elle soutient s’être en outre trouvée dans l’incapacité d’écouler le stock acquis du fait de la brutalité de la rupture. Ce dernier (valorisé 18.043 € au 30/06/2013) n’a pu être revendu par la société Micro Optima Sud en raison de la fin de la collaboration avec Priva. Tous ses clients auraient été démarchés par des fournisseurs concurrents, si bien qu’elle ne pouvait plus rien leur vendre. Le préjudice total s’élèverait en conséquence à 273.485,67 euros.
‘
Priva fait valoir en réponse qu’il ressort de l’extrait du grand livre 2012 2013 produit par Micro Optima Sud (pièce n°44) que cette société tire une grande partie de ses revenus de son activité de travaux d’installation (152 681 euros contre 58 239 euros de revente de produits), lesquels selon Priva ne se rattacheraient pas forcément aux contrats conclus avec elle. Elle ajoute que l’évaluation de la marge brute ne fait pas l’objet d’une attestation comptable, le document produit étant manifestement issu d’un extrait de présentation PowerPoint destinée à être fournie à de potentiels repreneurs de la société. Elle soutient enfin que les stocks ne peuvent pas être considérés comme un préjudice indemnisable puisque Micro Optima Sud ne démontre pas être dans l’incapacité de les écouler, étant observé que les marchandises ne seraient selon Priva commandées par la société Micro Optima Sud que pour répondre à un besoin client prédéfini.
Réponse de la Cour :’
En application du principe de la réparation intégrale du préjudice, la victime de celui-ci doit être rétablie, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne en l’absence de fait dommageable.
En premier lieu, Micro Optima sollicite réparation au titre du gain manqué pendant la période de préavis non réalisée, lequel s’évalue en comparant la marge qui aurait dû être perçue pendant le préavis qui aurait dû être octroyé, à la marge effectivement perçue.
Au vu des éléments versés aux débats :
-il convient de retenir en l’espèce un taux de marge brute de 49 %, étant observé qu’elle seule est discutée par les parties ;
-Le chiffre d’affaires moyen annuel de Micro Optima Sud calculé sur les trois derniers exercices est :
* 01/07/2010 ‘ 30/06/2011 : 195 592 euros
* 01/07/2011 ‘ 30/06/2012 : 229 183 euros
* 01/07/2012 ‘ 30/06/2013 : 256 511 euros
soit une moyenne de 227 095, 33 euros ;
-Le chiffre d’affaires est composé de factures de vente de produits Priva et d’installation et de prestation de service (SAV) de produits Priva, mais il doit être constaté, sur le dernier exercice, qu’une vente accessoire de matériel d’arrosage non Priva d’un montant de 5 000 euros est intervenue. Il convient dans ces circonstances de retenir, pour le calcul du gain manqué, 98 % du chiffre d’affaires.
Il s’ensuit que la moyenne annuelle de la marge brute s’élève à 109 051, 17 euros (227 095, 33 euros x 0, 98 x 0, 49) et que la moyenne mensuelle s’élève à 9 097, 59 euros.
Le nombre de mois de préavis dont aurait du bénéficier étant de 12 mois et Priva ne contestant pas le calcul sur marge brute, il convient d’allouer à Micro Optima Sud la somme arrondie de 109 170 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi au titre du gain manqué.
En second lieu, Micro Optima évoque un préjudice distinct, dont elle sollicite réparation au titre de la perte subie.
Force est de constater, cependant, qu’elle ne démontre pas avoir été dans l’incapacité d’écouler les stocks qu’elle détenait au 30 juin 2013, l’accord de partenariat qu’elle avait noué au 2e semestre 2013 avec ABIM, et qui n’a été rompu qu’en janvier 2014, comportant tout à la fois ‘la reprise des matériaux de stock et du chiffre d’affaires prévisionnel de l’exercice 2013 à 2014′ (Pièce Micro Optima Sud n°37).
Il convient en conséquence de condamner la société Priva à verser la somme de 109 170 euros à la société Micro Optima Sud en réparation du préjudice qu’elle a subi en raison de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Sur la réparation du préjudice moral
Exposé du moyen :
Micro Optima Sud soutient avoir subi un préjudice moral en raison du manque de loyauté, de la mauvaise foi et du comportement vexatoire de la société Priva et sollicite réparation à hauteur de 50.000 €. Elle aurait subi une atteinte irrémédiable à sa réputation commerciale par la mise en cause de la qualité des services et du sérieux de son activité sur le marché. Micro Optima Sud ajoute que l’entreprise est fondée à demander réparation de son préjudice moral (Cass. Com, 15 mai 2012, n°11-10.278), lequel lui parait distinct de celui exposé au titre de la mise en échec de l’opération de cession.
Priva répond que les sommes demandées en réparation du préjudice serait forfaitaires et ne correspondraient pas à un préjudice établi. Elle soutient que le préjudice moral, à supposé établi, serait subi par Monsieur [S] et non pas par Micro Optima Sud, si bien que la société appelante n’aurait pas qualité pour obtenir réparation du préjudice.
Réponse de la Cour :’
Micro Optima Sud ne démontre pas une intention de nuire Priva, ni une mauvaise foi de la part de celle-ci qui en serait à l’origine.
Il ressort des pièces versées aux débats que les courriels échangés n’établissent pas les conditions vexatoires de la rupture alléguées.
Micro Optima Sud sera donc déboutée de sa demande sur ce fondement.
Sur le paiement de la facture Priva AARL79752 du 3 juin 2013
Exposé du moyen :
Priva verse aux débats (pièce n°2) une facture du 3 juin 2013 à règlement à 30 jours portant sur des changements de programme informatique, et demande à titre reconventionnel le paiement de la somme de 4 856 € HT avec intérêts au taux contractuel à compter du 2 juillet 2013. Cette demande ne serait pas prescrite dans la mesure où Micro Optima Sud reconnaîtrait en être débitrice, ce qui débitrice interrompt la prescription en application de l’article 2240 du code civil.
La société Micro Optima Sud répond que cette facture correspond à une commande sous condition et d’éléments manquants et qu’elle n’a pas été réglée du fait des manquements de Priva, avec laquelle s’est, de manière contemporaire aux faits, parfaitement expliquée sur le sujet, raison pour laquelle Priva n’en ait pas réclamé le paiement avant ses conclusions régularisées en première instance le 31 octobre 2018.
Réponse de la Cour :’
En application de l’article 2224 du code civil, les actions mobilières se prescrivent cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
S’agissant du paiement d’une facture, la date d’échéance est retenue comme point de départ du délai de prescription extinctive.
Micro Optima ne reconnaît pas, contrairement à ce qui est allégué, en être débitrice. Aucune cause d’interruption n’est donc caractérisée.
Il s’ensuit que l’action aux fins de paiement de cette facture est prescrite.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Micro Optima Sud les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer pour faire valoir ses droits en justice.
Priva sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement attaqué est réformé en ce qu’il fait droit à la demande de Priva relative aux frais irrépétibles.
La demande de M. [S] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.
Priva, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ce qu’il a :
Débouté la société Micro Optima Sud de sa demande indemnitaire fondée sur le préjudice économique subi du fait de la rupture brutale des relations contractuelles établies ;
Débouté la société Priva de sa demande en paiement de la somme de 4 856 euros ;
Condamné la société Priva à payer à la société Micro Optima Sud la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Micro Optima Sud aux dépens ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Priva à verser à la société la société Micro Optima Sud la somme de 109 170 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait de la rupture brutale des relations contractuelles établies ;
Déclare irrecevable comme prescrite la demande en paiement de la société Priva de la somme de 4 856 euros ;
Condamne la société Priva à verser à la société la société Micro Optima Sud la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Priva aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE