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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
1re chambre 2e section
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 15 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/05518 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UXC3
AFFAIRE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
…
C/
M. [M], [E] [U]
…
S.E.L.A.R.L. [T] [Y], en qualité de mandataire ad’hoc de FRANCE SOLAIRE ENERGIES, représentée par Me [Y] [T]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2021 par le Tribunal de proximité de PUTEAUX
N° RG : 1119000851
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 15/11/22
à :
Me Mathieu KARM
Me Kazim KAYA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
N° SIRET : 542 097 902 RCS Paris
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Mathieu KARM de la SCP PICHARD DEVEMY KARM, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 – N° du dossier 34577
Représentant : Maître Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P173
S.A. SOLFINEA anciennement dénommée BANQUE SOLFEA
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Mathieu KARM de la SCP PICHARD DEVEMY KARM, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 – N° du dossier 34577
Représentant : Maître Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P173
APPELANTES
****************
Monsieur [M], [E] [U]
né le 04 Octobre 1978 à [Localité 10] (53)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Maître Kazim KAYA, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 – N° du dossier [U] EM – Représentant : Maître Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1511
Madame [D], [I], [L] [W]
née le 09 Septembre 1977 à [Localité 11] (72)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Maître Kazim KAYA, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 – N° du dossier [U] EM – Représentant : Maître Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1511
INTIMES
Me [K] [V] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la Société FRANCE SOLAIRE ENERGIES,SARL ayant son siège social [Adresse 4]
[Adresse 9]
[Localité 7]
Assignée à tiers habilité
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
S.E.L.A.R.L. [T] [Y], en qualité de mandataire ad’hoc de FRANCE SOLAIRE ENERGIES, représentée par Me [Y] [T]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 7]
Assignée à tiers habilité
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller, et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 3 avril 2012, M. [M] [U] a signé un bon de commande n° 007996, auprès de la société France Solaire Energies, correspondant à la fourniture et à l’installation d’un système de production d’électricité d’origine photovoltaïque pour un montant total de 23 500 euros, prévoyant un mode de paiement à crédit.
Le même jour, M. [U] et Mme [D] [W] ont souscrit un prêt affecté aux fins de financement de cet achat, auprès de la société Solfea, devenue Solfinea, pour un montant de 23500 euros remboursable en 191 mensualités, soit 11 mensualités de 0 euro et 180 mensualités de 207 euros hors assurance, incluant les intérêts au taux débiteur fixe de 5,79 %.
Une attestation de fin de travaux a été signée le 2 juin 2012.
Par actes d’huissier de justice délivrés le 30 mars 2017, M. [U] et Mme [W] ont assigné les sociétés France Solaire Energie et Solfea devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit qui lui est affecté,
– la condamnation de la société Solfea à leur restituer les sommes versées au titre du crédit, soit la somme de 25 144,24 euros,
– la condamnation de la société Solfea au paiement de la somme de 4 554 euros au titre des frais de désinstallation des panneaux,
– la condamnation de la société Solfea au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts venant en réparation de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
– la condamnation de la société Solfea au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts venant en réparation de leur préjudice moral,
– la condamnation de la société Solfea au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– à titre subsidiaire, ordonner l’exécution provisoire sur l’arrêt des prélèvements bancaires à venir.
Par jugement réputé contradictoire du 24 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :
– prononcé la nullité du contrat de vente n°007996 conclu le 3 avril 2012 entre M. [U] et la société France Solaire Energies,
– prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 3 avril 2012 entre M. [U] et Mme [W] et la société Solfea,
– dit qu’en conséquence M. [U] serait tenu de mettre à la disposition de la société France Solaire Energies, représentée par son liquidateur Me [K] [V], pendant un délai de quatre mois à compter de la signification de la décision, l’ensemble des matériels posés à son domicile, et que, faute de restitution sollicitée dans ce délai, il serait autorisé à en disposer,
– condamné la société Solfea à restituer à M. [U] et Mme [W] la somme de 25 144,24 euros au titre des versements effectués dans le cadre de l’exécution du contrat de crédit annulé,
– condamné la société Solfea à payer à M. [U] et Mme [W] la somme de 1 500 euros sur 1e fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance, la société Solfea et la société France Solaire Energies aux dépens de l’instance,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ou contraires,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration reçue au greffe le 1er septembre 2021, les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfinea, anciennement dénommée Solfea, ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 6 mai 2022, les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfinea, appelantes, demandent à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondée l’intervention forcée à l’instance de la société [Y] [T], ès qualités de mandataire ad hoc de la société France Solaire Energies,
– infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux en ce qu’il a :
* prononcé la nullité du contrat de vente n°007996 conclu le 3 avril 2012 entre M. [U] et la société France Solaire Energies,
* prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 3 avril 2012 entre M. [U] et Mme [W] et la société Solfea,
* dit qu’en conséquence M. [U] serait tenu de mettre à la disposition de la société France Solaire Energies, représentée par son liquidateur Maître [K] [V], pendant un délai de quatre mois à compter de la signification de la décision, l’ensemble des matériels posés à son domicile, et que, faute de restitution sollicitée dans ce délai, il serait autorisé à en disposer,
* condamné la société Solfea à restituer à M. [U] et Mme [W] la somme de 25 144,24 euros au titre des versements effectués dans le cadre de l’exécution du contrat de crédit annulé,
* condamné la société Solfea à payer à M. [U] et Mme [W] la somme de 1 500 euros sur 1e fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance, la société Solfea et la société France Solaire Energies aux dépens de l’instance,
* débouté les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfea de leurs demandes en ce compris :
– leur demande subsidiaire, en cas de nullité du contrat, visant à la condamnation in solidum de M. [U] et Mme [W] à leur payer la somme de 23 500 euros en restitution du capital prêté,
– leur demande plus subsidiaire visant à la condamnation in solidum de M. [U] et Mme [W] à leur payer la somme de 23 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation d’une légèreté blâmable,
– leur demande visant à la condamnation de M. [U] et Mme [W] à restituer, à leurs frais, les panneaux photovoltaïques installés chez eux entre les mains de la société France Solaire Energies, leur demande de compensation des créances réciproques à due concurrence,
– leur demande de condamnation in solidum de M. [U] et Mme [W] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance,
Statuant à nouveau, à titre principal :
– déclarer irrecevables l’action et l’ensemble des demandes formées par M. [U] et Mme [W] au vu du remboursement anticipé,
– à tout le moins, débouter M. [U] et Mme [W] de leur action et de toutes leurs demandes au vu du remboursement anticipé,
– à défaut, déclarer irrecevable la demande de M. [U] et Mme [W] en nullité du contrat conclu avec la société France Solaire Energies,
– déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. [U] et Mme [W] en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Solfinea dénommée désormais Solfea,
– dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées,
– débouter M. [U] et Mme [W] de leur demande en nullité du contrat conclu avec la société France Solaire Energies, ainsi que de leur demande en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Solfea et de leur demande en restitution des sommes réglées,
Subsidiairement, en cas de nullité des contrats :
-déclarer irrecevable la demande de M. [U] et Mme [W] visant à être déchargés de l’obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins les en débouter,
– condamner, en conséquence, in solidum M. [U] et Mme [W] à régler à la société Solfinea et subsidiairement à la société BNP Paribas Personal Finance, la somme de 23 500 euros en restitution du capital prêté,
– en tout état de cause, déclarer irrecevables les demandes de M. [U] et Mme [W] visant à la privation de la créance de la société Solfinea ou de la société BNP Paribas Personal Finance et visant à sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, à tout le moins, les débouter de leurs demandes,
Très subsidiairement :
– limiter la réparation qui serait due par la société Solfinea ou à défaut par la société BNP Paribas Personal Finance, eu égard au préjudice effectivement subi par l’emprunteur à charge pour lui de l’établir et eu égard à la faute de l’emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,
– limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [U] et Mme [W] d’en justifier,
A titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de créance de la banque :
– condamner in solidum M. [U] et Mme [W] à payer à la société Solfinea et subsidiairement à la société BNP Paribas Personal Finance, la somme de 23 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable,
– enjoindre à M. [U] et Mme [W] de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à la société [Y] [T], ès qualités de mandataire ad hoc de la société France Solaire Energies dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d’électricité, et dire et juger qu’à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement du capital prêté,
– subsidiairement, priver M. [U] et Mme [W] de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,
– ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
– débouter M. [U] et Mme [W] de leur demande de communication de pièces, ainsi que de toutes autres demandes, fins et conclusions, en ce compris leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
En tout état de cause :
– condamner in solidum M. [U] et Mme [W] au paiement à la société BNP Paribas Personal Finance de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner in solidum aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la SCP Pichard Devemy Karm.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 6 février 2022, M. [U] et Mme [W], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :
– confirmer la décision rendue le 24 juin 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux en ce qu’elle a :
* prononcé la nullité du contrat de vente n°007996 conclu le 3 avril 2012 entre M. [U] et la société France Solaire Energies,
* prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 3 avril 2012 entre la société Solfea et eux,
* condamné la société Solfea à leur restituer la somme de 25 144,24 euros au titre des versements effectués dans le cadre de l’exécution du contrat de crédit annulé,
Réformer pour le surplus et statuant à nouveau :
– ordonner à la société Solfinea la communication d’un décompte définitif des sommes qu’ils ont versées,
– débouter la société Solfinea de ses exceptions d’irrecevabilité tirées de la prétendue reconnaissance de dette et absence de déclaration de créance à leur encontre,
– dire leurs demandes recevables et les déclarer bien fondées à l’encontre de la société Solfinea et la société France Solaire Energies,
– débouter la société Solfinea de l’intégralité de ses demandes,
En tout état de cause :
– condamner la société Solfinea à leur verser les sommes de :
* 11 372,90 euros au titre de la désinstallation des panneaux,
* 5 000,00 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
*2 000,00 euros au titre de leur préjudice moral,
– condamner la société Solfinea à leur payer la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Solfinea au paiement des entiers dépens.
La société France Solaire Energie, prise en qualité de son liquidateur judiciaire Me [K] [V] n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel lui a été signifiée par acte d’huissier délivré le 19 octobre 2021 par remise à tiers habilité. Les conclusions des appelantes lui ont été signifiées le 19 mai 2022 par acte d’huissier remis à l’étude. Les conclusions des intimés lui ont été signifiées par acte d’huissier de justice du 9 février 2022 par remise à tiers habilité.
La procédure collective de la société France solaire Energies ayant été clôturée par le tribunal de commerce d’Evry, un mandataire ad hoc, en la personne de Me [Y] [T], a été désigné aux fins de poursuivre les procédures en cours.
Par acte d’huissier de justice du 17 décembre 2021, les sociétés BNP Paribas personal finance et Solfinea ont fait assigner en intervention forcée Me [T], ès qualités. L’assignation et les conclusions des BNP Paribas personal finance et Solfinea ont été signifiées par remise à tiers habilité.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 septembre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
La cour statuera par arrêt réputé contradictoire à l’égard de tous, en application des dispositions de l’article 474, alinéa 1er, du code de procédure civile, le liquidateur de la société France solaire énergies et l’administrateur ad hoc ayant été assignés à personne morale.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur l’assignation en intervention forcée du mandataire ad hoc
La procédure collective de la société France solaire énergies ayant été clôturée en cours de procédure d’appel, l’assignation en intervention forcée du mandataire ad hoc désigné par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 19 novembre 2021, doit être déclarée recevable au visa des articles 554 et 555 du code de procédure civile.
II) Sur la demande de communication de pièces des consorts [U]-[W]
Les intimés demandent à la cour d’ordonner aux banques appelantes de communiquer le décompte définitif des sommes versées par leurs soins.
Réponse de la cour
La demande de communication est de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état de telle sorte que la demande présentée devant la cour est irrecevable.
De façon surabondante, il convient de constater que la demande de communication porte sur des informations et non sur des pièces et qu’il était loisible aux appelants de faire délivrer une sommation interpellative aux intimés pour que ceux-ci répondent aux questions posées.
III) Sur la recevabilité des demandes des consorts [U]-[W]
Les banques appelantes soutiennent que les consorts [U]-[W] sont irrecevables en leurs demandes, motif pris de ce qu’ils ont procédé à un rachat de crédit et ont ainsi mis un terme définitif à leur relation contractuelle avec la société Solfea, devenue Solfinea, de sorte que la novation ne laisse subsister que le nouveau contrat.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger irrecevables les demandes des intimés, en raison du fait que les paiements effectués ont eu un caractère extinctif de leur obligation, en application des dispositions de l’article 1234 du code civil, que ces paiements effectués volontairement valent reconnaissance de dette, ce qui interdit toute action en répétition de l’indu, et qu’enfin, les intimés ont fait preuve de mauvaise foi en engageant une action en annulation des contrats de vente et de crédit en sachant qu’ils conserveraient en toute occurrence le bien acquis, du fait de la déconfiture de la société venderesse.
Les consorts [U]-[W] répliquent que le remboursement anticipé de leur prêt, qui ne saurait être assimilé à une reconnaissance de dette au sens de l’article 1376 du code civil, ne peut entraîner l’irrecevabilité de leur action en nullité du contrat de vente.
Réponse de la cour
Sur le premier moyen tiré de la novation consécutive au rachat de crédit
Les consorts [U]-[W] demandent la nullité du contrat de vente, ce qui a pour effet, si elle est prononcée, d’entraîner l’annulation de droit des contrats de crédit affecté sur le fondement de l’article L. 311-32 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 en vigueur à la date de souscription des contrats de crédit, et en conséquence, l’invalidité de la novation opérée par le rachat de crédits, celle-ci n’ayant lieu que si l’obligation ancienne à laquelle l’obligation nouvelle est substituée est valable.
Dès lors, l’action des intimés à l’encontre de la banque Solfea , dont le contrat de crédit racheté pourrait être annulé, est recevable et le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen tiré du caractère extinctif des paiements effectués, valant reconnaissance de dette
En l’espèce, il est constant que les consorts [U]-[W] ont procédé, le 10 juin 2013, à un remboursement anticipé du crédit souscrit auprès de la société Banque Solfea.
Toutefois, l’action des consorts [U]- [W] tend à voir prononcer l’annulation du contrat de vente et la nullité du contrat de crédit affecté souscrit pour financer l’opération. Leur demande n’est donc pas fondée sur une répétition de l’indu mais tend notamment à obtenir restitution des sommes versées par suite de l’annulation de l’ensemble contractuel et indemnisation de leur préjudice au regard des fautes qu’ils imputent à la banque.
Si le paiement effectué par l’emprunteur vaut exécution de sa part de l’obligation contractuelle de paiement dont il était tenu, cela ne le prive en rien d’agir ultérieurement en annulation de l’ensemble contractuel dont fait partie le contrat de crédit litigieux au regard des conditions de sa formation, en invoquant le non-respect des dispositions impératives du code de la consommation ou celles liées à un vice du consentement.
Il en résulte qu’aucune irrecevabilité n’est encourue de ce chef.
Sur le troixième moyen tiré de la mauvaise foi prêtée aux intimés
La société BNP Paribas soutient que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et que les consorts [U]-[W] sont de mauvaise foi en essayant d’obtenir la nullité du contrat de vente tout en sachant qu’ils conserveront le bien acquis du fait de l’impossibilité matérielle pour la société venderesse de le récupérer.
Toutefois, le seul fait de remettre en cause un contrat postérieurement à l’expiration du délai de rétractation et en sachant que la société venderesse ne pourra le récupérer parce qu’elle n’est plus in bonis, ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi alléguée des consorts [U]-[W], qui agissent en raison de la rentabilité économique de leur acquisition qu’ils estiment insuffisante, alors qu’ils doivent, par ailleurs, rembourser les échéances d’un prêt.
Aucune violation des dispositions de l’article 1134 ancien du code civil n’étant, en l’espèce, établies, le moyen ne pourra donc être accueilli.
Par suite, les consorts [U]-[W] seront déclarés recevables en leurs demandes de résolution des contrats de vente et, subséquemment, de crédit affecté.
IV) Sur la demande d’annulation des contrats de vente et de crédits affectés
Les banques appelantes font grief à la décision attaquée d’avoir annulé les contrats de vente et de crédit affecté, motifs pris de ce que le bon de commande n’était pas conforme aux prescriptions du code de la consommation en ce qu’il ne mentionnait pas la marque des panneaux, leur coût unitaire, leur taille et leur surface.
Poursuivant l’infirmation du jugement de ce chef, les banques appelantes font valoir en cause d’appel que :
– le contrat de vente est conforme aux prescriptions du code de la consommation en ce qu’il mentionne, contrairement à ce que soutiennent les intimés, le nom du démarcheur, les caractéristiques du matériel acquis, les délais de pose de l’installation, les modalités de paiement, que le bon de commande est parfaitement clair et lisible, qu’en tout état de cause les acquéreurs ne justifient pas d’un préjudice en lien causal avec les irrégularités du bon de commande dont ils entendent se prévaloir.
– à titre subsidiaire, les consorts [U]-[W] ont confirmé le bon de commande prétendument litigieux et qu’ils ont entendu poursuivre en pleine connaissance de cause le contrat de vente litigieux, comme le démontre le fait qu’ils ont laissé le vendeur procéder à l’installation des panneaux, ont réceptionné l’installation sans réserve, ont procédé à un remboursement anticipé de leur crédit un an seulement après la souscription des contrats et, enfin, ont sollicité la nullité du bon de commande cinq ans après la conclusion du contrat et quelques jours avant l’acquisition de la prescription quinquennale, alors que leur installation fonctionne parfaitement,
– les manoeuvres dolosives invoquées par les intimés ne sont nullement démontrées.
Les consorts [U]-[W] concluent à la confirmation du jugement querellé en ce qu’il a annulé le contrat de vente et, subséquemment, le contrat de crédit affecté en faisant valoir que :
– le bon de commande ne précise pas la nature et les caractéristiques de l’installation (défaut d’indication de l’identité complète du démarcheur, de la marque, du modèle des panneaux),
– le bon de commande ne donne aucune indication sur les conditions d’exécution du contrat et les délais de livraison et de mise en service des panneaux et ne donne pas le détail du coût de l’installation ; le taux nominal du crédit ni le coût de l’emprunt ne sont précisés,
– le bon de commande est ambigu et illisible en raison de la petitesse des caractères,
– le formulaire de rétractation fait partie intégrante du contrat signé et ne peut en être séparé sans endommager le contrat, en violation des articles L. 121-24, L. 121-25 et R.121-3 du code de la consommation
– la société venderesse a commis un dol ayant vicié leur consentement en ne les informant pas sur le délai de raccordement, l’assurance obligatoire à souscrire, la location obligatoire d’un compteur de production auprès de la société EDF, la durée de vie des matériels, en faisant état de partenariats mensongers pour pénétrer dans leur habitation, et en leur présentant de manière fallacieuse la rentabilité de l’installation et en présentant l’offre comme une candidature sans engagement,
– contrairement à ce que soutiennent les banques appelantes, ils n’ont pas confirmé les contrats nuls et il n’est pas démontré qu’ils ont eu connaissance des irrégularités affectant le bon de commande.
Réponse de la cour
Il est constant que le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au 26 novembre 2013, dès lors qu’il a été conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile.
L’article L. 121-23, dans sa version en vigueur du 27 juillet 1993 au 14 juin 2014, dispose :
“Les opérations visées à l’article L. 121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l’article L. 121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26”.
L’article L. 121-24 dispose :
“Le contrat visé à l’article L. 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 121-25. Un décret en Conseil d’Etat précisera les mentions devant figurer sur ce formulaire.
Ce contrat ne peut comporter aucune clause attributive de compétence.
Tous les exemplaires du contrat doivent être signés et datés de la main même du client”.
L’article L. 121-26 indique :
“Avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article L. 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit […]
En outre, les engagements ou ordres de paiement ne doivent pas être exécutés avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 121-25 et doivent être retournés au consommateur dans les quinze jours qui suivent sa rétractation. […]”.
Enfin, l’article L111-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 25 juillet 2010 au 14 juin 2014 dispose :
‘I. – Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.
II. – Le fabricant ou l’importateur de biens meubles doit informer le vendeur professionnel de la période pendant laquelle les pièces indispensables à l’utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est obligatoirement délivrée au consommateur par le vendeur, avant la conclusion du contrat.
III.- En cas de litige portant sur l’application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté ses obligations.’
En l’espèce, le bon de commande mentionne que les biens et services promis consistent en une installation photovoltaïque d’une puissance de 2960 wc, comprenant 16 panneaux photovoltaïques certifiés NF EN 61215 CLASSE II, un chauffe-eau solaire thermodynamique, les frais de raccordement à hauteur de 800 euros, pour un prix de 23 500 euros toutes taxes comprises.
Il ne peut être fait reproche à la société venderesse de n’avoir indiqué que le seul prix global des matériels acquis, aucun texte n’exigeant la mention du prix unitaire de chaque élément composant l’installation (Cass. 1er civ. 2 juin 2021, n°19-22.607).
Cependant, le bon de commande litigieux se révèle imprécis quant à la désignation de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés dans la mesure où ni la marque ni le type ni la surface ni le poids des panneaux photovoltaïques ne sont précisés et qu’ainsi il n’a pas été satisfait aux exigences de l’article L. 111-1 du code de la consommation précité.
Or la marque constitue une information substantielle, c’est-à-dire une information clef dont le consommateur a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause.
En effet, s’agissant d’une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l’énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l’origine d’un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
En conséquence et pour ce seul motif, le bon de commande litigieux encourt l’annulation.
Selon l’article 1338 ancien du code civil applicable au litige, l’acte de confirmation ou ratification d’une obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en rescision n’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l’action en rescision, et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
A défaut d’acte de confirmation ou ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à laquelle l’obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.
La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l’époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l’on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.
En l’espèce, le bon de commande remis aux consorts [U]-[W] reproduit de façon claire, contrairement à ce qu’ils soutiennent, le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation dont la simple lecture suffit à informer une personne normalement avisée des exigences de la réglementation en matière de démarchage à domicile et plus particulièrement des mentions nécessaires à la validité du bon de commande et dont la lisibilité est paradoxalement renforcée par l’indigence des conditions générales de vente.
Or, il est avéré que le 2 juin 2012, M. [U] a signé un bon de fin de travaux attestant de l’installation des panneaux photovoltaïques et, avec la venderesse, a signé un document aux termes duquel il atteste avoir réceptionné sans réserve le bien et demande à la société Banque Solfea de lui adresser le montant intégral du financement, que les consorts [U]-[W] ont procédé à un remboursement anticipé du crédit un an après la souscription des contrats de vente et de crédit affecté, qu’il résulte d’un courrier émis par la société ERDF le 15 juillet 2013 que l’installation a été mise en service le 26 juin 2013 et qu’elle est donc opérationnelle depuis cette date.
En réglant le prix de la prestation et ayant à leur disposition une installation opérationnelle pendant cinq années, les consorts [U]-[W] ont exécuté volontairement le contrat principal et se sont ainsi privés de la possibilité d’invoquer les irrégularités formelles du contrat dont ils avaient connaissance, en application de l’article 1338 ancien précité du code civil.
Les consorts [U]-[W] soutiennent, par ailleurs, que le contrat de vente encourt l’annulation, au motif que leur consentement aurait été vicié par des manoeuvres dolosives de la société venderesse.
Selon l’article 1116 ancien du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, “le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé”.
S’ils imputent une tromperie dans la présentation commerciale de son offre de contrat et des manoeuvres frauduleuses qui auraient vicié leur consentement – les intimés déclarent ainsi dans leurs conclusions (p.30) ‘avoir démontré une importante différence entre leurs tirés de la vente de leur électricité et le coût de leur crédit’ – force est de constater que les consorts [U] – [W] ne justifient pas, au vu des pièces qu’ils versent aux débats, de l’existence de telles manoeuvres et pas davantage qu’un volume de production ou un revenu annuel quantifié soient entrés dans le champ contractuel.
Les carences du bon de commande ne sont pas de nature à caractériser le dol par réticence dont les acheteurs entendent se prévaloir, dès lors qu’il n’est pas établi qu’elles procéderaient d’une volonté délibérée et univoque de la société venderesse de les tromper pour les inciter à contracter ni que les éléments celés auraient constitué une information déterminante du consentement des acquéreurs.
Il n’est pas démontré, en outre, que la société venderesse aurait abusivement fait état de partenariats avec la société EDF pour s’introduire dans le domicile des consorts [U]-[W] et aurait présenté l’opération contractuelle comme une simple candidature sans engagement .
Les consorts [U]-[W] invoquent encore l’absence de plusieurs informations – délai de raccordement, assurance obligatoire à souscrire, location obligatoire d’un compteur, durée de vie des matériels notamment de l’onduleur électrique et nécessité de procéder à la désinstallation des matériels – caractérisant selon elle une réticence dolosive, sans pour autant démontrer, comme il a été dit, que ces éléments étaient déterminants de son consentement et donc le dol qu’ils imputent à la société venderesse.
L’ensemble de ces éléments établit sans aucune ambiguïté que pleinement informés tant de leurs droits que des dispositions pratiques à mettre en oeuvre, les consorts [U]-[W] ont entendu tirer les avantages du contrat qu’ils avaient conclu, nonobstant les irrégularités formelles affectant le bon de commande.
Les consorts [U]- [W] seront, en conséquence, déboutés de l’ensemble de leurs prétentions relatives à la validité du contrat principal et à la nullité du contrat de crédit, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions.
V) Sur la responsabilité de la société Banque Solfinea et les demandes indemnitaires des consorts [U] – [W] dirigées à son encontre
Les consorts [U]-[W] sollicitent la condamnation de la société banque Solfinea à leur payer une somme de 11 372, 90 euros au titre des frais de désinstallation des panneaux solaires, une somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice financier et de leur trouble de jouissance, une somme de 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral, et une indemnité de 25 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Ils soutiennent que la société Banque Solfinea a commis des fautes , en octroyant un crédit accessoire à un contrat nul, en manquant à ses obligations de surveillance, de vigilance, de conseil et de mise en garde et d’information, en libérant les fonds avant l’achèvement de l’installation et sans s’assurer que la venderesse avait exécuté sa prestation et en s’appuyant sur une attestation établie et préremplie par elle-même et selon laquelle c’est le vendeur et non l’emprunteur qui certifie que les travaux ont été effectués.
Ils exposent à la cour que ces fautes leur ont causé, tout d’abord, un préjudice financier, les contraignant à rembourser un emprunt, et un trouble de jouissance, parce que le remboursement du crédit obère leur trésorerie et les a obligés à renoncer à différents projets personnels, et qu’ils vont être contraints de démonter à leurs frais l’installation des panneaux et de remettre leur toiture en l’état.
Ils allèguent, par ailleurs, avoir subi un préjudice moral du fait qu’ils ont subi les désagréments liés à la réalisation d’importants travaux et ont été angoissés par le remboursement d’un crédit ruineux et le sentiment de s’être fait ‘ escroquer’.
La société Banque Solfinea conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires, arguant qu’aucune faute ne saurait lui être reprochée ni dans la vérification du bon de commande, ni dans la vérification de la réalisation de la prestation financée, ni sur le versement des fonds prêtés sur le fondement d’un certificat de réalisation de la prestation.
Elle affirme n’avoir aucun devoir de conseil et de mise en garde, en l’absence de risque d’endettement excessif des emprunteurs et n’avoir point manqué à son devoir d’information.
Elle fait, en outre, valoir que les consorts [U]-[W] ne peuvent justifier d’aucun préjudice en lien causal avec un défaut de vérification du bon de commande ou de vérification de l’achèvement de la prestation, dès lors que l’installation est parfaitement fonctionnelle.
Elle souligne, enfin, que les acquéreurs ne peuvent solliciter tout à la fois une décharge complète à restituer le capital prêté et l’octroi de dommages et intérêts complémentaires, que les préjudices allégués sont sans aucun rapport avec les fautes qui lui sont reprochées, et ne sont nullement caractérisés.
Réponse de la cour
Les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfinea sont mal fondées à dénoncer la redondance des demandes indemnitaires présentées par M. [U] et Mme [W], en soutenant qu’ils prétendent à une double indemnisation en sollicitant la réparation de leur préjudice à la fois par voie de décharge de l’obligation de restituer le capital emprunté et par voie de dommages et intérêts.
En effet, dès lors que les contrats de vente et de crédit litigieux ne sont pas annulés et que les prétentions relatives à une dispense de restitution du capital emprunté sont sans objet et ne peuvent donc être accueillies, le moyen avancé par les banques et tiré du caractère redondant des indemnisations sollicitées par M. [U] Mme [W] est également sans objet.
Par ailleurs, si les motifs énoncés au paragraphe précédent suffisent à écarter les griefs émis par M [U] et Mme [W] à l’encontre de la société Solfinea aux motifs que celle-ci aurait commis une faute en finançant un contrat nul, l’exécution du contrat de crédit ne fait pas obstacle à ce que les emprunteurs recherchent la responsabilité du prêteur dans les obligations spécifiques qui lui incombent dans le cadre d’une opération économique unique.
Les acquéreurs font, en premier lieu, reproche à la société Banque Solfinea de ne pas avoir procédé, préalablement à la libération des fonds, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente et d’installation était affecté d’une cause de nullité.
Dans la logique de l’opération commerciale unique et afin de protéger le consommateur, le prêteur est tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d’informer l’emprunteur d’une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité.
En ne vérifiant pas la régularité du bon de commande, la société Solfinea a donc commis une faute.
Cependant, les consorts [U]-[W], sur qui repose la charge de la preuve du préjudice qu’ils disent avoir subi, ne caractérisent pas un préjudice en lien causal avec cette faute de la banque, dès lors qu’il ressort des pièces de la procédure – procès-verbal de réception des travaux, lettre adressée par la société ERDF le 15 juillet 2013 – que l’installation a été réceptionnée sans réserve et a été raccordée, que cette installation est parfaitement fonctionnelle.
Les acquéreurs, qui déplorent, dans leurs conclusions, ‘ l’importance différence entre leurs revenus tirés de la vente de leur électricité à EDF et le coût de leur crédit’ ne sauraient raisonnablement prétendre le contraire.
Les consorts [U]-[W] reproche, en deuxième lieu, à la société Solfinea d’avoir libéré hâtivement les fonds, sans s’être assurée au préalable de l’exécution complète du contrat principal.
Dans la logique de l’opération commerciale unique, l’emprunteur ne saurait être tenu d’un engagement financier qui n’aurait pas pour contrepartie la livraison d’un bien ou l’exécution d’une prestation de service. L’article L. 312-48 du code de la consommation prévoit du reste que les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. Il est donc justifié que le prêteur s’enquière de l’exécution complète du contrat principal et ne délivre les fonds qu’après une telle exécution, sous peine de commettre une faute.
L’emprunteur qui détermine l’établissement de crédit à libérer les fonds au vu d’une attestation de livraison n’est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré (1 Civ., 14 novembre 2001, pourvoi n° 99-15.690).
Il incombe donc au prêteur de vérifier que l’attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.
En l’espèce, le document destiné à la société Solfinea et qui a été signé par M. [U],, est libellé ainsi :
‘ Dossier n°…. ayant fait l’objet d’un contrat de crédit émis par la banque Solfea en date du 6 avril 2012 concernant les travaux suivants : photovoltaïque
chez M. [U] [M] …
Le soussigné France solaire
atteste que les travaux objet du financement ci-dessus qui ne couvre pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles, sont terminés et sont conformes au devis.
Je demande à la BANQUE SOLFEA de payer la somme de 23 500 euros représentant le montant du crédit, après expiration des délais légaux à mon ordre
Le client demande la réduction du délai de rétractation : oui (le délai de rétractation expire à la date de livraison du bien, sans pouvoir être inférieur à trois jours ni excéder quatorze jours (si le client, par une demande expresse, rédigée et datée de sa main, demande la livraison immédiate du bien)’.
Cette attestation est signée par l’emprunteur, datée (2 juin 2012), de nature à identifier l’opération financée et propre à caractériser l’exécution complète du contrat principal, dès lors que le bon de commande ne stipulait pas que le raccordement au réseau et les démarches administratives étaient comprises dans la commande.
Le libellé de ce document rend, certes, particulièrement inopérant la référence par les sociétés appelantes à la notion de mandat dans la mesure où l’attestation de fin de travaux est rédigée, comme le soulignent justement les acquéreurs, par la société prestataire qui exprime elle-même la demande de paiement et non pas par l’emprunteur qui, par sa signature, se contente d’acquiescer à cette demande.
Ce libellé aurait dû inciter le prêteur à opérer une vérification auprès de son client pour s’assurer que les prestations avaient effectivement été achevées.
Pour autant, il est constant que l’installation a été effectivement raccordée au réseau public le 26 juin 2013, sans qu’aucun défaut de conformité des travaux y fasse obstacle et que les acquéreurs disposent d’une centrale photovoltaïque opérationnelle, en sorte qu’ils ont reçu la contrepartie du contrat conclu avec la société venderesse et ne démontrent aucun préjudice en lien causal avec les conditions de libération du capital prêté.
M. [U] et Mme [W] reprochent, en troisième et dernier lieu, à la banque Sofinea d’avoir manqué à ses obligations de surveillance, de vigilance, de conseil et de mise en garde et d’information.
Cependant, les banques, qui n’ont pas à produire l’attestation de formation du personnel du vendeur, contrairement à ce que soutiennent les intimés, cette attestation étant remise par le vendeur lui-même aux autorités de contrôle, n’ont pas de devoir de conseil ou de mise en garde concernant l’opération principale, c’est-à-dire, l’achat de panneaux photovoltaïques, mais sont seulement tenues de mettre en garde l’emprunteur en cas de risque d’endettement généré par la souscription du crédit ressortant de la situation financière de l’emprunteur.
Or, en l’espèce, la situation financière de M. [U] et de Mme [W] telle qu’elle ressort des fiches de renseignements – total de revenus des acquéreurs (2 644 euros), pour un total de charges de 540 euros – accompagnées des bulletins de paie, ne faisait pas apparaître de risque d’endettement, compte tenu des mensualités de crédit à rembourser (207 euros).
Le moyen tiré du manquement de la banque à son devoir d’information est pareillement inopérant, dès lors que la violation des prescriptions de l’article L. 311-6 du code de la consommation ne peut être sanctionnée que par déchéance du droit aux intérêts contractuels et, par suite, est impropre à fonder utilement une demande en paiement de dommages et intérêts.
En outre, les préjudices invoqués par les consorts [U]-[W] ne sont pas démontrés.
En effet, la demande d’indemnisation au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture est mal fondée en l’absence de tout préjudice, l’installation étant parfaitement opérationnelle et étant relevé, au surplus, que la volonté de ces intimés de déposer l’installation n’est nullement établie.
L’indemnisation du préjudice financier lié à l’obligation de rembourser un crédit ayant obéré leur trésorerie, ne peut davantage être accueillie, M. [U] et Mme [W] ayant accepté l’offre de crédit, qui mentionnait clairement le taux d’intérêt.
Enfin, le préjudice moral invoqué par les consorts [U] – [W] n’est pas caractérisé non plus.
Ceux-ci sont donc déboutés de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires.
III) Sur les demandes accessoires
M. [U] et Mme [W] , qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe
Déclare recevable l’intervention forcée de la société [Y] [T], ès qualités de mandataire ad hoc de la société France solaire énergies ;
Déclare irrecevable la demande de M. [M] [U] et de Mme [D] [W] visant à ce qu’il soit ordonné à la société Banque Solfea de communiquer un décompte définitif des sommes versées par leurs soins ;
Déclare recevables les autres demandes de M. [M] [U] et de Mme [D] [W] ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celle débouté M. [M] [U] et Mme [D] [W] de leurs demandes de dommages et intérêts et en paiement au titre des frais de remise en état, et en réparation de leur préjudice financier, moral et de leur trouble de jouissance ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Déboute M. [M] [U] et Mme [D] [W] de la totalité de leurs prétentions ;
Condamne in solidum M. [M] [U] et Mme [D] [W] , à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à la société BNP Paribas personal finance, une indemnité de 3 500 euros ;
Condamne in solidum M. [M] [U] et Mme [D] [W], aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par la société d’avocats Pichard, Devemy, Karm, qui en a fait la demande.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,