Péremption d’instance : 3 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03396

·

·

Péremption d’instance : 3 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03396
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

N° RG 20/03396 – N° Portalis DBV2-V-B7E-ISWJ

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 03 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/350

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 24 Septembre 2020

APPELANTE :

Société [5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alexandra NICOLAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 18 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 18 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 03 Mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 03 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [V] [B] a été engagé par la société [5] (la société) à compter du 16 mai 1994 en qualité de responsable service client.

Le 28 septembre 2018, la société a déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure (la caisse) un accident du travail survenu le 26 septembre, dans les termes suivants : ‘M. [B] se trouvait dans le local CE et aurait manifesté une grande agitation’.

Le certificat médical initial joint du 27 septembre 2018, établi par le centre hospitalier de Navarre, faisait état d’un ‘patient reçu au centre de crise à l’accueil pour un avis psychiatrique. Angoisse, détresse psychologique suite à un conflit sur son lieu de travail. Passage à l’acte auto-agressif ayant occasionné une lésion superficielle au niveau de l’avant-bras gauche’.

Après enquête, la caisse a pris en charge le fait accidentel au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 28 février 2019, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse (la CRA) en contestation de cette décision de prise en charge.

En l’absence de réponse, elle a saisi le pôle social du tribunal de grande instance d’Evreux, devenu tribunal judiciaire.

En sa séance du 29 août 2019, la CRA a finalement confirmé la décision de la caisse et rejeté le recours de la société.

Par jugement du 24 septembre 2020, le tribunal judiciaire d’Evreux, pôle social, a :

débouté la société de sa demande d’inopposabilité de la décision de la caisse portant prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, de l’accident de travail survenu le 26 septembre 2018 à M. [B],

débouté la société de sa demande d’expertise,

condamné la société aux dépens de l’instance,

rejeté toute demande plus ample ou contraire.

La société a relevé appel de cette décision le 23 octobre 2020 et par conclusions remises le 16 janvier 2023, soutenues oralement à l’audience, elle demande à la cour de :

– déclarer l’appel recevable,

– déclarer que la péremption n’est pas encoure,

– infirmer le jugement,

à titre principal,

– déclarer inopposable la décision de prise en charge de l’accident invoqué par M. [B], les lésions psychologiques étant sans aucun lien avec le travail,

à titre subsidiaire,

– ordonner une expertise médicale dont elle détaille la mission,

– condamner la caisse aux dépens et la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions remises le 16 décembre 2022, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :

à titre liminaire, constater la péremption de l’instance,

à titre principal,

débouter la société de ses demandes,

condamner la société au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

juger ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens et arguments.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur l’exception de péremption de l’instance

L’article 386 du code de procédure civile, applicable depuis le 1er janvier 2019 en cause d’appel en matière de contentieux de la sécurité sociale, dispose que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

En procédure orale, les parties n’ont pas d’obligation de conclure et n’ont d’autre diligence à effectuer que de demander la fixation de l’affaire à une audience.

En l’espèce, dès lors qu’il ne s’est pas écoulé deux ans entre l’appel, interjeté le 26 octobre 2020, et la convocation à l’audience adressée par le greffe aux parties le 3 octobre 2022, la péremption de l’instance ne peut être opposée à l’appelante.

2) Sur la matérialité de l’accident du travail

En vertu de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

L’accident du travail consiste en un fait précis qui, survenu soudainement au cours ou à l’occasion du travail, est à l’origine d’une lésion corporelle ou psychologique.

Il appartient à la victime, ou à la caisse subrogée dans ses droits, d’établir, autrement que par ses propres affirmations, la matérialité de l’accident et sa survenue au lieu et au temps du travail.

A ce titre, les seules déclarations du salarié sur l’accident qu’il aurait subi sont insuffisantes pour établir la matérialité de l’accident et doivent être complétées par un ou plusieurs indices susceptibles d’être retenus à titre de présomptions et de nature à établir le caractère professionnel de l’accident.

En l’espèce, la société considère que la caisse ne démontre pas la survenance d’un événement soudain et précis à l’origine des lésions psychologiques de M. [B]. Elle ajoute que si ce dernier a été affecté par un échange avec son supérieur hiérarchique, cette situation ne saurait être qualifiée d’anormale, puisqu’il n’y a eu aucune insulte, brimade ou remontrance. Elle conteste que cet ‘événement’ soit à l’origine exclusive des troubles présentés par le salarié après la pause méridienne, qu’il serait possible que durant celle-ci, un fait étranger au travail l’ait affecté. Elle considère que la réaction disproportionnée est exclusivement liée à un état pathologique préexistant et qu’il semblerait que M. [B] souffrait de difficultés d’ordre personnel.

Il est établi par la déclaration d’accident du travail et les témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête diligentée par la caisse que le 26 septembre 2018 vers 14h30-14h50, le salarié a été retrouvé dans le local CE par Mme [S] qui indique qu’elle l’a trouvé ‘effondré, les bras croisés sur la table en train de pleurer les ciseaux dans ses mains, il y avait du sang partout’. Elle ajoute qu’il lui a déclaré qu’il ‘en avait marre, que tous étaient des fumiers’.

Dans son courrier du 24 octobre 2018 adressé à la caisse, le salarié indique que le jour du fait accidentel, il avait rédigé un courrier où il désignait MM. [N] et [F] (directeur de site), comme responsables de ‘son acte’ et de ‘son mal être au travail’, lequel document a été transmis par la salariée ci-dessus citée à la gendarmerie de [Localité 3].

Il est constant que le matin même entre 10 et 11h, une altercation a eu lieu entre le salarié et M. [N], son supérieur hiérarchique, à propos du mandat d’élu du personnel et des jours de délégation du premier, ledit responsable indiquant que lors de l’échange litigieux, le salarié a prononcé les termes suivants : ‘harcèlement moral et entrave’. Peu importe qu’aucun propos déplacé ou agressif n’ait été échangé par les protagonistes, les auditions de salariés permettent de démontrer, sans que cela soit utilement discuté, qu’à la suite de cet entretien, M. [B] est apparu ‘le visage fermé’, que ‘l’ambiance était glaciale’ et que par la suite, il a été retrouvé en état de choc psychologique, après un geste auto agressif nécessitant sa prise en charge par les pompiers puis dans un cadre hospitalier spécialisé (pôle psychiatrie) où il a été établi le certificat médical initial.

Il ressort également des pièces produites qu’un conflit antérieur existait entre MM. [B] et [N] et que le premier a été déstabilisé en apprenant qu’à compter du 24 septembre 2018, il devait travailler dans le service dont le second était responsable, ce que son psychiatre, le docteur [I], confirme.

Ainsi, sans qu’il y ait lieu d’ordonner une expertise, il est établi que M. [B] a présenté des symptômes témoignant d’une altération de son état psychologique à la suite de l’échange avec M. [N], son responsable, et ce, au temps et au lieu de travail.

Dès lors la présomption d’imputabilité au travail trouve à s’appliquer en l’absence de preuve par la société d’une cause étrangère exclusivement à l’origine des lésions, cette dernière se limitant à avancer des causes hypothétiques à celles-ci, sans les étayer par la moindre pièce.

Par conséquent, la décision déférée est confirmée en toutes ses dispositions.

3) Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société, partie perdante, est condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à la caisse la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort ;

Rejette l’exception de péremption d’instance,

Confirme le jugement rendu le 24 septembre 2020 par le tribunal judiciaire d’Evreux en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne la société [5] à payer à la caisse la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x