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Arrêt n° 23/00203
07 mars 2023
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N° RG 21/01123 –
N° Portalis DBVS-V-B7F-FPUR
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
01 avril 2021
19/00749
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Sept mars deux mille vingt trois
APPELANT :
M. [F] [T]
[Adresse 2]
Représenté par Me Arnaud VAUTHIER, avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
E.U.R.L. PHILBAT prise en la personne de son gérant
[Adresse 1]
Non représentée
S.C.P. [X] [J] ET NADEGE LANZETTA prise en la personne de Me [X] [J] ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de l’EURL PHILBAT
[Adresse 3]
Non réprésentée
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de NANCY, Association déclarée prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
Représentée par Me François BATTLE, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX
ARRÊT : Rendu par défaut
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat à durée indéterminée et à temps complet, la société Philbat a embauché à compter du 4 avril 2011, M. [F] [T] en qualité de chargé d’affaires ETAM, moyennant une rémunération de 2 300 euros net par mois, outre une prime de non-concurrence de 200 euros net.
La convention collective du bâtiment et des travaux publics de la Moselle était applicable à la relation de travail.
Par lettre recommandée du 10 juin 2015, M. [T] a été licencié pour faute grave.
Estimant notamment que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [T] a saisi le 6 août 2015 la juridiction prud’homale du litige l’opposant à la société Philbat.
Par jugement du 30 mars 2016, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Philbat et désigné la SCP [J]-Nodée-Lanzetta, prise en la personne de Me [X] [J], en qualité de mandataire judiciaire, ainsi que Me [Y] [P], en qualité d’administrateur avec mission d’assistance.
Par jugement contradictoire du 1er avril 2021, la formation paritaire de la section industrie du conseil de prud’hommes de Metz a notamment :
– sur la reprise d’instance, dit que l’instance n’était pas atteinte par la péremption et, en conséquence, que la demande était recevable ;
– débouté M. [T] de sa demande tendant à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse ;
– débouté M. [T] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et d’indemnité de licenciement ;
– débouté M. [T] de sa demande au titre de l’abattement indu de 10 % ;
– fixé la créance de M. [T] sur l’EURL Philbat, prise en la personne de son représentant légal, représenté par Me [J] de l’étude [J], Nodée et Lanzetta, mandataire judiciaire et commissaire à l’exécution du plan, à payer :
* 4 251,15 euros net à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;
* 5 268,72 euros brut à titre de rappel de congés payés ;
* 3 486,48 euros net à titre de maintien de salaire ;
* 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté l’EURL Philbat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que le salaire mensuel moyen de M. [T] s’élève à 4 251,15 euros brut ;
– débouté M. [T] et la société Philbat du surplus de leurs demandes ;
– condamne l’EURL Philbat, prise en la personne de son représentant légal, représenté par Me [J] de l’étude [J], Nodée et Lanzetta, aux entiers frais et dépens d’instance, y compris aux éventuels frais d’exécution du présent jugement ;
– dit que le CGEA AGS de Nancy conserve sa qualité de partie intervenante dans le cadre de la procédure ;
– dit les décisions prises dans le jugement opposables au CGEA AGS de Nancy.
Le 29 avril 2021, M. [T] a interjeté appel par voie électronique.
Le 22 septembre 2021, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a prononcé, après résolution de plan, la liquidation judiciaire de la société Philbat.
Dans ses conclusions d’appel déposées par voie électronique le 13 juillet 2021, M. [T] requiert la cour :
– de dire et juger recevable et bien fondé son appel ;
– d’infirmer le jugement, en ce qu’il l’a débouté de :
* sa demande tendant à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse;
* ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et d’indemnité de licenciement ;
* sa demande au titre de l’abattement indu de 10% ;
* ses autres demandes ;
– de confirmer le jugement, en ce qu’il a :
* dit et jugé que l’instance n’est pas atteinte par la péremption ;
* rejeté la demande de péremption d’instance sollicitée par la société Philbat ;
* dit et jugé sa demande recevable ;
* fixé sa créance sur l’EURL Philbat, prise en la personne de son représentant légal, représenté par Me [J] de l’étude [J], Nodée et Lanzetta, mandataire judiciaire et commissaire à l’exécution du plan, à lui payer 4 251,15 euros net à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, 5 268,72 euros brut à titre de rappel de congés payés, 3 486,48 euros net au titre du maintien de salaire, ainsi que la somme de 1 250 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
* débouté la société Philbat de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
* débouté la société Philbat du surplus de ses demandes ;
* condamné la société Philbat, prise en la personne de son représentant légal, représenté par Me [J] de l’étude [J], Nodée et Lanzetta, aux entiers frais et dépens d’instance, y compris aux éventuels frais d’exécution du jugement ;
* dit que le CGEA AGS de Nancy conserve sa qualité de partie intervenante dans le cadre de cette procédure ;
* dit les décisions prises dans le jugement opposables au CGEA AGS de Nancy;
statuant à nouveau,
– de requalifier son licenciement pour faute grave en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
– à titre principal, de fixer sa créance sur la société Philbat, prise en la personne de Me [J] de l’étude [J], Nodée et Lanzetta, mandataire judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de la société Philbat, à :
* 3 684,33 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;
* 8 502,30 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 850,23 euros brut à titre d”indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
* 45 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 5 268,72 euros brut à titre de rappel de congés payés ;
* 3 486,48 euros net à titre de maintien de salaire ;
* 18 271,63 euros brut au titre de l’abattement indu de 10 % ;
– à titre subsidiaire, de condamner la Société Philbat, prise en la personne de Me [J] de l’étude [J], Nodée et Lanzetta, mandataire judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de la société Philbat, à lui verser les sommes suivantes :
* 3 684,33 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;
* 8 502,30 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 850,23 euros brut à titre d”indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
* 45 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 5 268,72 euros brut à titre de rappel de congés payés ;
* 3 486,48 euros net à titre de maintien de salaire ;
* 18 271,63 euros brut au titre de l’abattement indu de 10 % ;
– de débouter la société Philbat de ses demandes ;
– de condamner la société Philbat à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, il expose :
– que l’employeur, dans la lettre de licenciement, ne fait état d’aucun événement précis et daté, de sorte qu’aucun des griefs ne peut être matériellement vérifié ;
– qu’aucune des attestations produites par l’employeur n’a valeur probante, le gérant de la société Philbat ayant sollicité auprès des entrepreneurs qu’il faisait travailler ‘des attestations montées de toutes pièces’ ;
– que le jugement correctionnel du 20 septembre 2018 prononcé à son encontre indique qu’il ne s’est pas rendu coupable de faits d’escroquerie, comme la société Philbat le laisse penser ;
– qu’il a effectué les faux reprochés le 10 septembre 2016, soit plus d’une année après le licenciement ;
– que ces faux n’avaient aucun rapport avec la société Philbat et ne pouvaient donc pas fonder son licenciement ;
– qu’il n’y a aucune preuve de prétendues menaces de sa part à l’encontre du gérant de la société Philbat ;
– que les attestations qu’il produit montrent qu’il a toujours été très professionnel et investi dans la société ;
– que le gérant de la société Philbat a toujours fait preuve de pratiques malhonnêtes.
S’agissant de l’abattement de 10% opéré depuis l’année 2011 sur son salaire, il souligne que l’origine et la nature de cet abattement ne sont pas précisées, étant ajouté qu’un préjudice à hauteur de 18 271,63 euros brut en découle pour lui.
Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 12 octobre 2021, l’AGS CGEA de Nancy sollicite que la cour :
– dise et juge l’appel mal fondé ;
subsidiairement,
– lui donne l’acte de ce que M. [T] a bénéficié d’une avance de 4 251,15 euros ;
– déboute M. [T] de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement et de sa demande au titre de l’abattement indu de 10 % ;
– dise qu’elle n’est redevable que des seules garanties légales ;
– dise et juge qu’elle n’est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail et de l’article L. 621-48 du code de commerce ;
– dise que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond défini à l’article D. 3253-5 du code du travail ;
– dise qu’au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu’autant qu’il n’existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective ;
– dise qu’elle ne garantit que les montants strictement dus au titre de l’exécution du contrat de travail ;
– dise qu’elle ne garantit pas les montants sollicités au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dise qu’en application de l’article L. 621-48 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l’ouverture de la procédure collective ;
– déboute M. [T] de toutes ses demandes.
Elle expose, s’agissant du licenciement, qu’elle s’en rapporte aux observations des organes de la procédure collective. Elle ajoute que les premiers juges ont pris en compte le jugement correctionnel du 19 janvier 2017 et l’ensemble des éléments produits à l’encontre de M. [T].
Elle souligne que, pendant toute la relation de travail, M. [T] n’a jamais contesté l’abattement de 10%.
Elle rappelle les conditions et les plafonds de sa garantie.
Par acte d’huissier délivré à personne le 6 juillet 2021, M. [T] a fait signifier à la SCP Noël et Lanzetta la déclaration d’appel, en application de l’article 902 du code de procédure civile.
La SCP [J] et Lanzetta, ès qualités, n’a pas constitué avocat.
Le 11 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction.
MOTIVATION
Le dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile énonce que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de moyens nouveaux, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
En l’absence de conclusions de la SCP Noël et Lanzetta, il appartient à la cour de se prononcer sur le bien-fondé de l’appel au regard de la motivation des premiers juges, des moyens de l’appelant et des moyens de l’AGS CGEA.
A titre liminaire, la cour constate qu’aucune des parties ne sollicite l’infirmation des dispositions suivantes du jugement :
– le rejet de la péremption d’instance ;
– la fixation au passif de la procédure collective de la somme de 4 251,15 net à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, la somme de 5 268,72 euros brut à titre de rappel de congés payés, la somme de 3 486,48 euros net au titre du maintien de salaire, ainsi que la somme de 1 250 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le rejet de la demande présentée par la société Philbat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– l’estimation du salaire mensuel moyen de M. [T] à un montant de 4 251,15 euros brut ;
– la condamnation de la société Philbat, prise en la personne de son représentant légal, représenté par Me [J] de l’étude [J], Nodée et Lanzetta, aux dépens.
Il reste donc dans le débat la contestation du licenciement pour faute grave, l’abattement de 10% et l’étendue de la garantie de l’AGS CGEA.
Sur la faute grave
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.
‘
La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c’est-à-dire l’imputation au salarié d’un fait ou d’un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel pouvant donner lieu à une vérification par des éléments objectifs.
En l’espèce, M. [T] a été licencié par courrier du 10 juin 2015, pour les motifs suivants :
‘(…) En premier lieu, nous nous sommes rendus compte d’un manque évident de sérieux dans le suivi des chantiers qui a occasionné de nombreux désordres qui vont être à l’origine de litiges qui vont être supportés par la société.
Ceci s’explique notamment par le fait que durant votre temps de travail, vous avez travaillé pour des entreprises tierces.
En second lieu, il s’avère que vous avez falsifié divers documents.
En effet, vous avez établi des faux et fait usage de ces faux.
En troisième lieu, vous avez sollicité et perçu de l’argent auprès de sous-traitants de la société.
En effet, vous leur avez fait entendre que s’ils voulaient travailler ou continuer à travailler avec la société, ils devaient procéder à ces versements.
En quatrième lieu, vous êtes à l’origine de faits constitutifs d’escroquerie.
C’est ainsi que vous avez volontairement ‘gonflé’ certains devis et certaines factures que la société a réglé afin que vous puissiez bénéficier de sommes occultes versées par les sous-traitants.
Enfin, il s’avère que vous avez sollicité une personne afin de porter atteinte à l’intégrité physique du géant, Monsieur [M] [G].
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise. (…)’
La SCP Noël et Lanzetta, prise en la personne de Me [J], n’étant pas constituée en cause d’appel, aucune pièce n’est produite au soutien de la lettre de licenciement qui est, au demeurant, peu circonstanciée.
Pour estimer que le licenciement était fondé, les premiers juges ont visé sans le détailler le jugement correctionnel du 19 janvier 2017, mais celui-ci n’est pas produit en cause d’appel.
Dans ses conclusions, le salarié évoque un autre jugement qu’il verse aux débats (pièce n° 14), à savoir la décision du 20 septembre 2018 du tribunal correctionnel de Metz qui l’a reconnu coupable d’avoir, à Courcelles-Chaussy, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription de l’action publique, par quelque moyen que ce soit, altéré frauduleusement la vérité dans un écrit destiné à établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques, en l’espèce en rédigeant trois contrats d’apporteurs d’affaires en date du 1er juin 2012, 7 janvier 2013 et du 2 avril 2013 et trois factures corrélées à ces contrats, en date du 2 juillet 2012 pour un montant de 6 578 euros, du 16 janvier 2013 pour un montant de 3 588 euros et du 4 juin 2013 pour un montant de 11 537,48 euros.
Aucune mention du jugement ne permet toutefois d’établir un lien entre l’infraction commise par M. [T] et son activité salariée au sein de la société Philbat, étant observé que les demandes présentées en qualité de partie civile par cette société à l’encontre de M. [T] ont été rejetées par le tribunal.
La copie du jugement correctionnel mentionne un appel de la partie civile, mais sans qu’il soit précisé laquelle ni que les parties à la présente procédure produise l’arrêt d’appel subséquent.
M. [T] remet aussi la copie d’une audition du 3 novembre 2016 par la police (pièce n° 15), mais la page produite ne permet de déterminer ni la date ni le contexte des faits qu’il reconnaît – et donc l’existence d’un lien avec son activité salariée.
Dans ses conclusions, M. [T] donne aussi le détail de deux attestations qui étaient produites par l’employeur en première instance et qui tendaient à démontrer que ce salarié sollicitait de l’argent auprès de sous-traitants pour que ceux-ci puissent travailler ou continuer à travailler pour la société Philbat.
Toutefois, la valeur probante de ces deux attestations est contredite par trois autres qui sont versées aux débats par M. [T] et qui précisent que le gérant de la société Philbat a tenté d’obtenir une attestation en échange de commandes de travaux ou du paiement de factures impayées (pièces n° 11 à 13 de l’appelant).
Il existe donc un doute – qui doit profiter au salarié – sur la réalité des griefs visés dans la lettre de licenciement.
Il s’ensuit que le licenciement est abusif et que le jugement est infirmé, en ce qu’il a débouté M. [T] ‘de dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse’.
Sur les conséquences financières du licenciement abusif
‘
””””” Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.
‘
”””””’ Le salarié a droit à un préavis de deux mois s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans.
”””””’ En conséquence, il y a lieu d’allouer à M. [T] la somme réclamée de 8 502,30 euros brut (soit deux fois le salaire brut moyen retenu par les premiers juges et non contesté) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 850,23 euros brut au titre des congés payés y afférents.
‘
En application de l’article L. 1234-9 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Eu égard à l’ancienneté du salarié et à son salare moyen, l’indemnité de licenciement doit être fixée, comme sollicitée, au montant, non autrement contesté, de 3 684,33 euros.
Par ailleurs, la société comptait moins de onze salariés, comme l’indique le jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz du 30 mars 2016 qui porte ouverture du redressement judiciaire de la société Philbat et qui mentionne 7 salariés.
M. [T] ne peut prétendre qu’à une indemnité correspondant au préjudice subi, conformément à l’article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.
Eu égard à l’ancienneté de M. [T] dans l’entreprise, à son âge et à sa rémunération, une juste indemnisation doit être fixée à un montant de 15 000 euros.
Sur l’abattement de 10%
Dans le secteur du BTP, les indemnités versées aux ouvriers en remboursement de leurs frais professionnels peuvent faire l’objet d’une déduction forfaitaire de 10%.
Doivent être assimilés à des ouvriers du bâtiment pour l’ouverture du droit à abattement tous les salariés travaillant sur des chantiers, la catégorie professionnelle à laquelle ils appartiennent étant indifférente. Ainsi, un salarié ETAM dont l’activité essentielle s’exerce en quasi-permanence sur les chantiers a droit, au même titre que l’ouvrier du bâtiment proprement dit, à l’abattement de 10%.
Pour procéder à l’abattement de 10%, l’employeur doit notamment demander son avis au salarié.
En l’espèce, il n’est pas justifié que M. [T] – qui avait le statut d’ETAM – travaillait en quasi-permanence sur les chantiers et que l’employeur lui a demandé son avis, étant observé que le fait que le salarié n’a jamais manifesté d’opposition ne supplée pas la carence de la société Philbat.
En raison de l’abattement, M. [T] a bénéficié de droits sociaux moindres et subira une incidence lors du calcul de sa pension de retraite, mais il a payé moins de cotisations sociales et perçu ainsi un salaire net plus élevé, lorsqu’il était salarié de la société Philbat.
Son préjudice n’est donc pas établi.
En conséquence, le jugement est confirmé, en ce qu’il a rejeté la demande présentée au titre de l’abattement indu de 10%.
Sur la garantie de l’AGS CGEA
Il n’y a pas lieu de donner acte à l’AGS CGEA, comme elle le sollicite, de l’avance faite à M. [T], cette prétention ne constituant pas une demande juridique à laquelle la cour est tenue de répondre.
Le présent arrêt est déclaré opposable à l’AGS CGEA de Nancy, dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 143-11-1 et suivants et D. 143-2 devenus L. 3253-6 et 8 et D. 3253-5 et suivants du code du travail.
Il est rappelé qu’en application de l’article L. 621-48 du code de commerce, le jugement d’ouverture a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement, en ce qu’il a dit le licenciement fondé et en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail (indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférents, indemnité de licenciement et indemnité pour licenciement abusif) ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement est abusif ;
Fixe au passif de la procédure collective de l’EURL Philbat les sommes suivantes:
– 8 502,30 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 850,23 euros brut de congés payés y afférents ;
– 3 684,33 euros d’indemnité de licenciement ;
– 15 000 euros d’indemnité pour licenciement abusif ;
Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA de Nancy, dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 143-11-1 et suivants et D. 143-2 devenus L. 3253-6 et 8 et D. 3253-5 et suivants du code du travail ;
Rappelle que, conformément à l’article L. 621-48 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels ;
Fixe les dépens d’appel au passif de la procédure collective de l’EURL Philbat;
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel.
La Greffière, La Présidente de chambre,