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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 6
ARRET DU 10 MARS 2023
(n° 46 /2023, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/10452 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF44X
Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 avril 2019 – Tribunal de commerce de PARIS RG n° 2016078726
Jugement du 17 février 2022 – Tribunal de commerce de PARIS RG n° 2016078726
APPELANTE
Société NUMIDIS SPA Société de droit algérien prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1] – ALGERIE
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Assistée de Me Ahcène BOZETINE, avocat au barreau de PARIS, toque : K149
INTIMEE
S.A.S. BEG INGENIERIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2] – France
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assistée de Me Caroline KUNZ, avocate au barreau de PARIS, toque : E2150
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme Valérie GEORGET, conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Nora BENDERRADJ
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente et par Céline RICHARD, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat en date du 19 mars 2010, la société Numidis a confié à la société BEG Ingénierie la maîtrise d’oeuvre d’exécution complète de travaux d’édification d’hypermarchés situés dans des centres commerciaux en Algérie.
Soutenant que plusieurs factures n’avaient pas été réglées par la société Numidis, la société BEG Ingénierie a, par requête en date du 14 mai 2012, saisi le tribunal de Hussein-Dey en Algérie.
Par jugement du 4 novembre 2012, le tribunal de Hussein-Dey a désigné un expert.
Par courrier en date du 16 mai 2013, la société BEG Ingénierie a résilié le contrat conclu avec la société Numidis.
Le tribunal de Hussein-Dey a ordonné un complément d’expertise et le rapport a été déposé le 26 avril 2015.
Par jugement en date du 24 janvier 2016, le tribunal de Hussein-Dey a écarté l’expertise et désigné un nouvel expert qui a déposé son rapport le 29 mai 2016.
Un nouvel expert a par la suite été désigné qui a déposé son rapport le 27 septembre 2017.
Par jugement en date du 6 mai 2018, le tribunal de Hussein-Dey a validé les rapports d’expertise et enjoint à la société Numidis de payer à la société BEG Ingénierie la somme de 16 505 091, 67 dinars algériens et 2 000 000 de dinars pour le préjudice causé.
Par arrêt du 5 décembre 2018, la cour d’appel d’Alger a confirmé le jugement.
Parallèlement, par requête en date du 29 décembre 2013, la société BEG Ingénierie a demandé au tribunal de Hussein-Dey la condamnation de la société Numidis à lui payer la somme de 35 581 euros correspondant à un dépassement d’honoraires ainsi que 10 % de ceux restant exigibles à la date de résiliation du contrat et des dommages et intérêts.
Par jugement du 27 avril 2014, le tribunal de Hussein-Dey s’est déclaré incompétent territorialement pour statuer sur le litige au profit du tribunal de grande instance de Paris.
Par arrêt en date du 23 novembre 2014, la cour d’appel d’Alger a confirmé le jugement.
Le litige a finalement été porté devant le tribunal de commerce de Paris devant lequel la société Numidis a soulevé la péremption de l’instance.
Par jugement du 14 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Numidis de ses exceptions de péremption d’instance et de litispendance.
Par jugement du 4 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Numidis de sa demande d’irrecevabilité et ordonné un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel.
Par arrêt du 8 mars 2021, rectifié le 6 septembre 2021, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du 14 juin 2018.
Par jugement du 17 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :
– condamne la société de droit algérien Numidis à payer à la SA BEG Ingénierie les sommes de 90 713, 70 euros et de 2 952 580, 08 DZD, outre les intérêts moratoires à compter, pour chaque facture respective, d’un délai de 15 jours décompté à partir de sa date d’émission, calculés sur la base de l’article L.441-6 du code de commerce, à savoir le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage et capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, à compter du 18 octobre 2016, déboutant pour le surplus ;
– condamne la société de droit algérien Numidis à payer à la SA BEG Ingénierie la somme de 160 euros au titre de l’indemnité de recouvrement ;
– déboute la société de droit algérien Numidis de sa demande reconventionnelle ;
– condamne la société de droit algérien Numidis aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 146, 33 euros dont 23, 96 euros de TVA ;
– condamne la société de droit algérien Numidis à payer à la SA BEG Ingénierie la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie ;
– rejette les demandes des parties autres, plus amples ou contraires.
Par déclaration en date du 30 mai 2022, la société Numidis a interjeté appel des jugements du 4 avril 2019 et 17 février 2022.
Par requête en date du 28 juillet 2022, la société BEG Ingénierie a, en application de l’article 924 du code de procédure civile, demandé au premier président que soit fixé le jour auquel l’affaire sera appelée par priorité.
Par ordonnance en date du 29 juillet 2022, l’affaire a été fixée à l’audience du 17 novembre 2022.
En application de l’article 922 du code de procédure civile, la société BEG Ingénierie a remis par voie électronique le 12 octobre 2022 une copie de l’assignation au greffe.
A l’audience du 17 novembre 2022, le conseil de la société Numidis a contesté la régularité de la notification de l’assignation et le dossier a été renvoyé à l’audience du 15décembre 2022.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, la société Numidis demande à la cour de :
Juger irrégulière la notification de l’assignation pour plaider à jour fixe,
Renvoyer le dossier devant le conseiller de la mise en état pour suivre le circuit normal.
Au fond :
Réformer le jugement du 4 avril 2019,
Statuer à nouveau,
Dire irrecevable l’action engagée par la société BEG Ingénierie devant le tribunal de commerce de Paris.
En conséquence :
Juger qu’il n’y a pas lieu à statuer sur l’appel interjeté contre le jugement rendu 17 février 2022, devenu sans objet,
Condamner la société BEG Ingénierie au paiement de la somme de 18 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
A défaut :
Statuer sur l’appel interjeté contre le jugement rendu 17 février 2022 :
Le réformer en ce qu’il a condamné la société Numidis à payer à la société BEG Ingénierie :
– les sommes de 90 713,70 euros et de 2 952 580,08 DZD outre les intérêts moratoires à compter, pour chaque facture respective, d’un délai de 15 jours décompté à partir de sa date d’émission, calculés sur la base de l’article L.441-6 du code du commerce, à savoir le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage et capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, à compter du 18 octobre 2016,
– la somme de 160 euros au titre de l’indemnité de recouvrement,
Condamné la société de droit algérien Numidis Spa aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 146, 33 euros dont 23,96 euros de TVA,
Condamné la société de droit algérien Numidis Spa à payer à la SA BEG Ingénierie la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, débouter la société BEG Ingénierie de ses demandes,
Le confirmer en ce qu’il a débouté la société BEG Ingénierie de sa demande en paiement des factures n°2012-06-0006 du 21 juin 2012 pour un montant de 1 299 250,99 DZD, n°2012-06-0008 du 21 juin 2012 pour un montant de 35 581,00 euros et la facture du 1er juillet 2013 de M. [T], au titre d’une expertise aux frais avancés par la société BEG Ingénierie,
Débouter la société BEG Ingénierie de son appel incident,
La condamner au paiement de la somme de 18 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7décembre 2022, la société BEG Ingénierie demande à la cour de :
A titre liminaire,
Dire et juger que l’exception de procédure invoquée, pour la première fois, par la société Numidis, oralement à la barre à l’audience de plaidoiries du 17 novembre 2022, n’a pas été soulevée in limine litis et est par conséquent irrecevable ;
Dire et juger qu’en toutes hypothèses la société BEG Ingénierie a démontré la régularité de l’assignation délivrée ;
Dire et juger que la société Numidis s’est régulièrement constituée sur l’assignation à jour fixe de sorte qu’elle a couvert une éventuelle irrégularité et en toutes hypothèses a pu valablement défendre au fond de sorte qu’elle ne justifie d’aucun grief.
En conséquent,
Déclarer irrecevables les demandes formées par la société Numidis sur une prétendue irrecevabilité de l’assignation à jour fixe et la débouter de sa demande de renvoi devant le conseiller de la mise en état.
Sur le jugement rendu le 4 avril 2019,
Dire et juger que le tribunal de commerce de Paris dans son jugement rendu le 14 juin 2018 et la cour d’appel de Paris dans son arrêt rendu le 8 mars 2021 et rectifié le 6 septembre 2021 se sont déjà prononcés sur les prétendues irrecevabilités soulevées par la société Numidis (sursis à statuer, loi applicable, litispendance et connexité) et ont rejeté ce moyen ;
A titre surabondant,
Dire et juger que la société BEG Ingénierie s’est désistée des demandes présentées au titre des 5 factures en cause puisqu’elles ont fait l’objet d’une condamnation de la société Numidis par les juridictions algériennes ;
Dire et juger que les autres factures, objet de la présente procédure, ne font l’objet d’aucune demande devant les juridictions algériennes ;
Par conséquent,
Confirmer le jugement rendu le 4 avril 2019 en ce qu’il a débouté la société Numidis de sa demande d’irrecevabilité.
Sur le jugement rendu le 17 février 2022,
Sur la confirmation partielle du jugement déféré pour les chefs de condamnation ci-dessous repris :
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a légitimement condamné la société Numidis à payer à la société BEG Ingénierie la somme de 90 713,70 euros et de 2 952 580,08 DZD outre les intérêts moratoires à compter pour chaque facture respective, d’un délai de 15 jours décompté à partir de sa date d’émission, calculés sur la base de l’article L.441-6 du code de commerce, à savoir le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage et capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, à compter du 18 octobre 2016 ;
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a légitimement condamné la société Numidis à payer à la société BEG Ingénierie la somme de 160 euros au titre de l’indemnité de recouvrement ;
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a légitimement condamné la société Numidis aux entiers dépens ;
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a légitimement condamné la société Numidis à payer à la société BEG Ingénierie la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Numidis de sa demande reconventionnelle en ce qu’elle est injustifiée et infondée ;
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire sans constitution de garantie ;
Sur l’infirmation partielle du jugement déféré pour les chefs de condamnation ci-dessous repris:
Infirmer le jugement rendu le 17 février 2022 en ce qu’il a débouté la société BEG Ingénierie des demandes de condamnations présentées au titre des factures n° 2012-06-006 du 21 juin 2012 pour un montant de 1 299 250,99 DZD et n° 2012-06-0008 du 21 juin 2012 pour un montant de 35 581 euros et la somme de 647 460, 34 DZD au titre de la TVA ainsi que la facture du 1er juillet 2013 de M. [T] pour un montant de 20 989,80 euros TTC ;
Statuant à nouveau :
Condamner la société Numidis à payer à la société BEG Ingénierie la somme de 35581 euros et la somme de 647 460,34 DZD au titre de la TVA pour la facture n° 2012-06-0008 du 21 juin 2012, ainsi que la somme de 1 299 250,99 DZD au titre de la facture n° 2012-06-006 du 21 juin 2012 et la somme de 20 989,80 euros TTC pour les honoraires de M. [T], outre les intérêts moratoires à compter pour chaque facture respective, d’un délai de 15 jours décompté à partir de sa date d’émission, calculés sur la base de l’article L.441-6 du code de commerce, à savoir le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage et capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, à compter du 18 octobre 2016 ;
Confirmer la condamnation de la société Numidis à payer à la société BEG Ingénierie la somme de 120 euros (3 factures x 40 euros) au titre de l’indemnité de recouvrement ;
En toutes hypothèses,
Condamner la société Numidis à verser à la société BEG Ingénierie la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Numidis aux entiers dépens qui comprendront l’intégralité des frais d’huissier exposés par la société BEG Ingénierie et seront recouvrés par Me Bernabé au visa de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la régularité de la notification de l’assignation pour plaider à jour fixe et la demande de renvoi de l’affaire devant le conseiller de la mise en état
Moyens des parties
La société Numidis soutient que la notification de l’assignation pour plaider à jour fixe qui a été effectuée par voie postale est irrégulière puisqu’elle n’est pas prévue par le protocole franco-algérien et que le dossier doit être renvoyé devant le conseiller de la mise en état pour suivre la procédure normale.
Selon la société BEG Ingénierie, la demande de la société Numidis, qui s’analyse en une exception de procédure, est irrecevable, comme n’ayant pas été soulevée avant toute défense au fond, l’assignation délivrée est régulière et la société Numidis qui a constitué avocat et pu valablement défendre au fond ne justifie d’aucun grief.
Réponse de la cour
Aux termes de l’article 920 du code de procédure civile, ‘l’appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé.
Copies de la requête, de l’ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d’appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d’appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l’article 919, sont joints à l’assignation.’
Selon l’article 922 du code de procédure civile, la cour est saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe. Cette remise doit être faite avant la date fixée pour l’audience, faute de quoi la déclaration sera caduque.
Selon l’article 923 du code de procédure civile, le jour de l’audience, le président s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense. Le cas échéant, il ordonne sa réassignation.
Aux termes de l’article 924 du code de procédure civile, la requête aux fins de fixation d’un jour d’audience peut être présentée dans un délai de deux mois à compter de la déclaration d’appel par l’intimé qui a constitué avocat.
Selon l’article 925 du code de procédure civile, en cas de nécessité, le président de la chambre peut renvoyer l’affaire devant le conseiller de la mise en état.
En l’espèce, la société Numidis soutient que l’assignation pour plaider à jour fixe ne lui a pas été notifiée régulièrement et que l’affaire doit être renvoyée devant le conseiller de la mise en état.
Cette demande qui ne tend qu’à la réorientation de l’affaire devant le conseiller de la mise en état ne saurait s’analyser en une exception de procédure au sens de l’article 73 du code de procédure civile.
Dès lors, elle est recevable, nonobstant le fait qu’elle n’ait pas été soulevée avant toute défense au fond.
La société Numidis soutient que la notification de l’assignation ne pouvait être effectuée par voie postale dès lors que le protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 ne le prévoit pas.
Selon l’article 684 du code de procédure civile, l’acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l’étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement européen ou un traité international autorise l’huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l’Etat de destination.
Selon l’article 21 du Protocole judiciaire entre la France et l’Algérie du 28 août 1962, ‘les actes judiciaires et extrajudiciaires, tant en matière civile et commerciale qu’en matière pénale, destinés à des personnes résidant sur le territoire de l’un des deux pays seront transmis directement par l’autorité compétente au parquet dans le ressort duquel se trouve le destinataire de l’acte.’
En l’espèce, la société BEG Ingénierie justifie avoir transmis, par acte d’huissier du 15 septembre 2022, l’assignation pour plaider à jour fixe au tribunal d’Hussein-Dey en application de l’article 684 du code de procédure civile, en vue de sa notification à la société Numidis, [Adresse 6], à [Localité 3], ainsi qu’une copie certifiée conforme de l’acte par lettre recommandée avec accusé de réception en application de l’article 686 du code de procédure civile.
Contrairement à ce que soutient la société Numidis, la société BEG Ingénierie ne s’est donc pas contentée d’une notification par voie postale mais a également transmis l’acte au parquet du tribunal d’Hussein-Dey (pièces n°51 et 52 de la société BEG Ingénierie).
En tout état de cause, dans le cadre de la procédure à jour fixe, il convient uniquement de s’assurer, conformément aux dispositions susvisées, qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense, l’affaire pouvant également être renvoyée devant le conseiller de la mise en état en cas de nécessité.
En l’espèce, force est de constater que la société Numidis, qui a remis au greffe ses premières conclusions au fond le 28 octobre 2022, était représentée à l’audience du 17 novembre 2022. Le dossier a été renvoyé par la cour au 15 décembre 2022 et la société Numidis a de nouveau conclu les 25 novembre et 13 décembre 2022.
Dès lors, la société Numidis a pu préparer sa défense et il n’est pas nécessaire que l’affaire soit renvoyée devant le conseiller de la mise état, étant observé qu’elle ne précise pas les raisons pour lesquelles ce renvoi serait nécessaire, se contentant d’affirmer que la notification de l’assignation à son égard n’est pas régulière.
La demande de la société Numidis aux fins de voir le dossier renvoyé devant le juge de la mise en état sera rejetée.
Sur la recevabilité de l’action de la société BEG Ingénierie
Moyens des parties
La société Numidis soutient que les juridictions algériennes ont été saisies de la totalité du litige, que la société BEG Ingénierie ne s’est pas désistée de toutes les demandes concernant les factures dont le paiement lui a été accordé par les juridictions algériennes et qu’elle est irrecevable à formuler les mêmes demandes devant les juridictions françaises.
En réplique, la société BEG Ingénierie fait valoir que, par jugement du 14 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris a rejeté l’ensemble des exceptions soulevées par la sociét Numidis, décision confirmée par la cour d’appel de Paris, qu’elle s’est désistée de ses demandes pour 5 factures de 2011 pour lesquelles elle a obtenu une condamnation des juridictions algériennes mais que, pour les autres factures, objets de la présente procédure, elle n’a formé aucune demande devant les juridictions algériennes.
Réponse de la cour
Le tribunal de commerce de Paris, dans son jugement du 14 juin 2018, confirmé par arrêt en date du 8 mars 2021, ne s’est pas prononcé sur l’irrecevabilité tirée de l’autorité de la chose jugée, dont il n’était pas saisi, et a uniquement statué sur la péremption de l’instance et l’exception de litispendance, qui ont été rejetées.
Dès lors, il appartient à la cour, saisie de l’appel du jugement du 4 avril 2019, de statuer sur la recevabilité de l’action de la société BEG Ingénierie au regard des décisions rendues par les juridictions algériennes.
Dans le cadre du présent litige, la cour constate que les demandes formées par la société BEG Ingénierie portent sur les 7 factures suivantes :
– facture n° 2012-06-002/003 du 20 juin 2012 pour un montant de 899 481, 46 DZD ;
– facture n°2012-06-0004/0005/0027 du 20 juin 2012 pour un montant de 69 615 euros assorti de la TVA de 17% pour un montant de 1 266 770, 23 DZD ;
– facture n°2012-06-0006 du 21 juin 2012 pour un montant de 1 299 250, 99 DZD ;
– facture n° 2012-06-0008 du 21 juin 2012 pour un montant de 35 581 euros ;
– facture n° 2015-01-0007/0009/0011 du 9 janvier 2015 pour un montant de 12 852 euros assorti de la TVA de 17% pour un montant de 233 865, 27 DZD ;
– facture n° 2015-01-0008/0010/0012 du 9 janvier 2015 pour un montant de 284 046, 75 DZD ;
– facture du 1er juillet 2013 de M. [T] au titre d’une expertise aux frais avancés de la société BEG Ingénierie.
Dans son jugement du 6 mai 2018, confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Alger du 5 décembre 2018, le tribunal de Hussein-Dey a enjoint à la société Numidis de payer à la société BEG Ingénierie la somme de 16 505 091, 67 dinars algériens correspondant à la facture n°0004/0005/0006-2011-11 du 17 novembre 2011d’un montant de 3 164 059, 58 dinars, la facture n° 004/005/006-2011-11 du 17 novembre 2011 d’un montant de 537 890, 12 dinars, la facture n° 0009/0004/0013/0005/0014/0006-2011-7 d’un montant de 9 251 435, 08 dinars, la facture n° 0009/0004/0013/0005/0014/0006-07/2011 d’un montant de 1 572 743, 96 dinars, la facture n° 0007/0008/0009-2011-11 du 17 novembre 2011 d’un montant de 1 798 962, 93 dinars ( pages 14 et 15 du jugement et page 12 de l’arrêt).
Dès lors, les condamnations prononcées contre la société Numidis par les juridictions algériennes portent sur des factures différentes de celles objets du présent litige.
Si pour ces dernières correspondant à la fin des travaux supplémentaires et à un complément d’honoraires, la société BEG Ingénierie a effectivement saisi dans un premier temps les juridictions algériennes (pièce n° 8 de la société BEG Ingénierie), force est de constater que celles-ci ne se sont pas prononcées, se déclarant incompétentes au profit du tribunal judiciaire de Paris.
En conséquence, le jugement du 4 avril 2019 sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’irrecevabilité formée par la société Numidis.
Sur le bien-fondé de la demande en paiement de la société BEG Ingénierie
Moyens des parties
La société BEG Ingénierie soutient que plusieurs factures ne lui ont pas été réglées alors qu’elle a exécuté ses obligations contractuelles, qu’elle a également droit à l’indemnisation prévue par l’article 7-3 du contrat correspondant à 10 % des honoraires demeurant exigibles à la date de prise d’effet de la résiliation, c’est-à-dire le 16 mai 2013, que la société Numidis ne lui a notifié aucun grief à réception des factures et que l’exception d’inexécution est infondée.
Selon la société Numidis, elle a contesté les factures litigieuses et les premiers juges se sont référés à un contrat qui ne la lie pas en ce qui concerne l’indemnité de 10 % des honoraires exigibles.
Réponse de la cour
Aux termes de l’ article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
La facture n°2012-06-0002/003 du 20 juin 2012 d’un montant de 899, 481, 46 DZD correspond au suivi de la phase de gestion des travaux sur 18 mois (pièce n°13 de la société BEG Ingénierie).
La facture n°2012-06-0004/0005/0027 du 20 juin 2012 d’un montant de 69 615 euros correspond à la remise au maître d’ouvrage de l’avant projet sommaire, de l’avant projet définitif, et au suivi de la phase gestion des travaux sur 18 mois (pièce n°14 de la société BEG Ingénierie).
La facture n° 2015-01-0007 du 9 janvier 2015 d’un montant de 12 852 euros correspond à la réception définitive des travaux et à la présentation des décomptes définitifs des travaux des entreprises. (pièce n°17 de la société BEG Ingénierie)
La facture n° 2015-01-0008/0010/0012 d’un montant de 284 046, 75 DZD correspond à la réception définitive des travaux (pièce n°18 de la société BEG Ingénierie).
Il résulte des éléments versés aux débats par la société BEG Ingénierie (pièces n° 2, 21, 24, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 37, 38, 39) que les prestations prévues au contrat du 19 mars 2010 ont bien été réalisées par le maître d’oeuvre, les travaux ayant été terminés et réceptionnés.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Numidis à payer à la société BEG Ingénierie le montant de ces factures.
Il sera également confirmé en ce qu’il a condamné la société Numidis à payer à la société BEG Ingénierie l’indemnité de 10 % au titre des honoraires exigibles à la date de prise d’effet de la résiliation, l’article 7-3 du contrat conclu par les parties le 19 mars 2010 le prévoyant, les premiers juges ayant mentionné par erreur un contrat étranger au litige qui comporte le même article, étant observé que la société Numidis ne soutient pas que le contrat effectivement conclu par les parties n’aurait pas vocation à s’appliquer aux factures litigieuses.
La facture n°2012-06-006 du 21 juin 2012 d’un montant de 1 299 250, 99 DZD mentionne qu’elle est relative à un ‘dépassement d’honoraires’, la cour constatant qu’elle ne précise pas à quelles prestations elle correspond (pièce n°15 de la société BEG Ingénierie).
La facture n° 2012-06-008 du 21 juin 2012 d’un montant de 35 581 euros correspond également à un dépassement d’honoraires, l’annexe de celle-ci précisant qu’il s’agit d’un dépassement de 7 mois du suivi de la durée des travaux pour le site ‘Mostaganem’ et un dépassement de 6 mois pour le site ‘Ain Defla'(pièce n° 16 de la société BEG Ingénierie).
La cour constate, comme les premiers juges, que ces factures précisent que le dépassement d’honoraires est dû en application de l’article 6-2 du contrat du 19 mars 2010 alors que celui-ci est relatif au ‘calendrier prévisionnel’.
Si l’article 3.2.2 du contrat prévoit que ‘ Toute extension des missions confiées au Maître d’oeuvre non prévue au présent contrat, donnera lieu à des honoraires supplémentaires d’un montant à convenir entre les parties par voie d’avenants’ et que ‘toute modification dans la consistance du programme demandée par le Maître d’ouvrage ayant pour effet de nécessiter la reprise partielle ou totale des études, délais supplémentaires des travaux ou des vérifications, donneront lieu au versement d’honoraires complémentaires à BEG Ingénierie, au prorata du temps passé en plus des honoraires de base convenus aux présentes sur la phase concernée’ et l’article 3-2-3 qu ‘En cas de prolongement ou d’interruption de la mission confiée à BEG Ingénierie, les parties se rapprocheront pour étudier en commun une éventuelle compensation financière couvrant les dépenses complémentaires engagées par BEG Ingénierie’, force est de constater qu’il n’est versé aux débats aucun élément pouvant justifier d’un accord des parties sur une extension ou un prolongement de la mission, et partant sur des honoraires supplémentaires, étant observé que le fait que la société Numidis a accusé réception des factures est manifestement insuffisant pour démontrer qu’elles correspondent à des prestations complémentaires réalisées et acceptées par le maître de l’ouvrage.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société BEG Ingénierie de ce chef.
Il sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande au titre des frais de l’expertise amiable de M. [T] pour les mêmes motifs que ceux des premiers juges, que la cour adopte, aucune pièce complémentaire n’étant versée en cause d’appel sur ce point par la société BEG Ingénierie.
Sur les autres demandes
La cour constate que la société Numidis ne demande pas, dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation du jugement du 17 février 2022 en ce qu’il rejette sa demande reconventionnelle de condamnation de la société BEG Ingénierie à lui payer la somme de 1 055 680, 11 euros au titre de la remise en état des appareils refroidissement et que ce chef du dispositif est en conséquence définitif.
Le jugement du 17 février 2022 sera confirmé sur la condamnation aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En cause d’appel, la société Numidis sera condamnée aux dépens et à payer la somme de 5 000 euros à la société BEG Ingénierie.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de la société Numidis aux fins que l’affaire soit renvoyée devant le conseiller de la mise état,
Confirme le jugement en date du 4 avril 2019 en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Confirme le jugement du 17 février 2022 en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société Numidis aux dépens, avec distraction au profit de Me Bernabé en application de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Numidis à payer la somme de 5 000 euros à la société BEG Ingénierie sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société Numidis sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,