Péremption d’instance : 14 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01580

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Péremption d’instance : 14 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01580
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14 MARS 2023

Arrêt n°

SN/NB/NS

Dossier N° RG 20/01580 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FPN5

S.A.R.L. E.G.N PROPRETE

/

[S] [J]

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de clermont ferrand, décision attaquée en date du 06 octobre 2020, enregistrée sous le n° 20/00046

Arrêt rendu ce QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier et de Mme Jeanne BELCOUR, greffier stagiaire en préaffectation, lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI greffier lors du prononcé

ENTRE :

S.A.R.L. E.G.N PROPRETE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Thierry GESSET de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de MONTLUCON

APPELANTE

ET :

Mme [S] [J]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric NURY avocat de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/009910 du 27/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

INTIMEE

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l’audience publique du 16 janvier 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] [J] a été embauchée par la société Egn Propreté en qualité d’agent d’entretien qualification As1, par :

– un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 10 au 23 août 2015 conclu au motif d’un ‘remplacement temporaire ayant pour origine remplacement surcroît de travail’

– un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 18 mars au 18 octobre 2016 conclu au motif d’un ‘remplacement surcroît de travail’.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Le 27 juillet 2016, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand pour obtenir la requalification de chaque CDD en CDI, le paiement de deux indemnités de requalification, de deux indemnités pour rupture abusive du contrat et des dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire.

Le 11 avril 2017, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand a ordonné la radiation de l’instance. L’affaire a ensuite été réinscrite au rôle le 10 février 2020 à la demande du salarié.

Par jugement du 6 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand a :

– dit que l’instance introduite par Mme [J] n’est pas prescrite ;

– jugé recevables et bien fondées les demandes formées par Mme [J];

– dit qu’il y a lieu à requalifier le contrat de travail pour une durée indéterminée ;

– dit que la rupture du contrat de travail est irrégulière et que le licenciement est abusif ;

En conséquence,

– condamné la Sarl Egn Propreté à payer à la salariée les sommes de :

– 1.495,46 euros à titre d’indemnité de requalification ;

– 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

– 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire ;

– 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté le surplus des demandes ;

– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire pour les condamnations qui ne sont pas de droit ;

– débouté l’employeur de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné l’employeur aux dépens.

La Sarl Egn Propreté a interjeté appel de ce jugement le 6 novembre 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 4 février 2021 par la sarl Egn Propreté ;

Vu les conclusions notifiées à la cour le 21 avril 2021 par Mme [J];

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 19 décembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la Sarl Egn Propreté conclut à la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de :

In limine litis :

– constater la péremption de l’instance introduite le 27 juillet 2016 à son encontre par la salariée ;

– dire que les conclusions de reprise d’instance du 10 février 2020, de réinscription du rôle n’ont pas interrompu ledit délai de péremption qui doit donc s’appliquer ;

– juger que l’action entreprise par l’assignation en date du 10 avril 2020 et le dépôt des conclusions du 10 février 2020 sont prescrits sur le fondement de l’article L. 1471-1 du code du travail ;

– déclarer irrecevables les demandes formées par la salariée ;

A titre subsidiaire, sur le fond :

– constater que les contrats de travail du 13 au 25 août 2015 et du 18 mars au 16 octobre 2016, conclus à durée déterminée, sont parfaitement valables et réguliers ;

En conséquence,

– débouter la salariée de ses demandes d’indemnité de requalification de contrat, de dommages et intérêts pour rupture abusive et pour non-respect du repos hebdomadaire ;

– condamner la salariée à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, Mme [J] demande à la cour :

– de débouter la société E.G.N Propreté de toutes ses demandes, fins et conclusions

– de confirmer le jugement en toutes ses dispositions

Y ajoutant

– de condamner la société E.G.N Propreté à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures mais qu’en revanche, elle ne statue pas sur des prétentions indéterminées, trop générales ou non personnalisées, ou non efficientes, notamment celles qui relèvent d’une reprise superfétatoire, dans le dispositif des conclusions d’une partie, de l’argumentaire (ou des moyens) contenu dans les motifs.

Sur la péremption de l’instance :

Selon les dispositions de l’article R1452-8 du code du travail dans sa version antérieure au 1er août 2016 : ‘En matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction’.

En l’espèce, la partie appelante soutient que l’instance se trouve prescrite, faute pour Mme [S] [J] d’avoir accompli dans le délai de deux ans les diligences expressément mises à sa charge par l’ordonnance de radiation du 11 avril 2017.

Il est constant que, suite à la décision de radiation du 11 avril 2017, Mme [S] [J] a déposé de nouvelles conclusions et sollicité la réinscription de l’affaire au rôle le 10 février 2020.

La décision de radiation du 11 avril 2017 est rédigée ainsi : ‘Le conseil des prud’hommes constate le défaut de diligence du demandeur à l’audience de ce jour, son dossier n’étant pas en état d’être plaidé alors qu’il s’est engagé à transmettre ses pièces et notes avant le 31 décembre 2016.

Ordonne en conséquence la radiation de l’affaire et son retrait du rôle des affaires en cours.

Dit qu’en application des dispositions de l’article 383 du code de procédure civile, l’affaire ne sera rétablie que sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation, c’est-à-dire lorsqu’elle sera en état d’être jugée”.

Contrairement à ce que soutient la société E.G.N Propreté, cette décision ne met expressément aucune diligence à la charge de Mme [S] [J].

En conséquence et par application des dispositions susvisées, l’instance n’est pas périmée.

Après avoir dit dans ses motifs que l’instance n’est pas périmée, les premiers juges ont omis de reprendre cette prétention dans le dispositif du jugement de sorte qu’il convient de réparer cette omission de statuer.

Sur la prescription des demandes :

La société E.G.N Propreté soutient que, par le fait de la péremption d’instance, aucun acte interruptif de prescription de l’action en requalification n’est intervenu dans le délai de deux ans fixé par l’article L1471-1 du code du travail et que les demandes sont prescrites.

Cependant, il résulte des motifs ci-dessus que l’instance n’est pas périmée.

De ce fait, le délai de prescription a été valablement interrompu par la saisine du conseil des prud’hommes intervenue le 27 juillet 2016.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, déclare les demandes de Mme [S] [J] recevables.

Sur la demande de requalification en CDI du CDD conclu le 10 août 2015 :

Selon les dispositions de l’article L1242-2 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 : ‘Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d’un salarié en cas :

a) D’absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe ;

e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (…)’

Selon l’article L1242-12 du code du travail : ‘Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.’

Au soutien de sa demande de requalification, Mme [S] [J] fait valoir que le CDD conclu le 10 août 2015 ne satisfait pas aux exigences de l’article L1242-12 du code du travail dans la mesure où il mentionne deux motifs de recours imprécis puisque le nom du salarié remplacé n’y figure pas et qu’il vise à la fois le remplacement temporaire et l’accroissement temporaire.

La société E.G.N Propreté répond que le CDD du 10 août 2015, comme celui du 18 mars 2016, ont été conclus au motif d’un surcroît temporaire d’activité lié à l’entretien de l’hôtel du Relais des Puys situé à [Localité 5] durant la période touristique et non pas pour remplacer un salarié absent de sorte qu’il n’y avait pas lieu de mentionner le nom de ce dernier dans le contrat de travail.

L’article 2 du CDD signé entre les parties le 10 août 2015 est rédigé ainsi : ‘Le présent contrat est conclu pour un remplacement temporaire ayant pour origine remplacement surcroît de travail’.

Cet article, qui mêle à la fois le remplacement d’un salarié et le surcroît d’activité, ne constitue pas l’énoncé d’une définition précise du motif de recours au CDD.

Par conséquent et en application des dispositions de l’article L1242-12 du code du travail, le CDD signé le 10 août 2015 doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Selon l’article L1245-2 du code du travail, lorsque le conseil des prud’hommes fait droit à la demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il accorde à ce dernier une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieur à un mois de salaire.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, condamne la société E.G.N Propreté à payer à Mme [S] [J] la somme de 1495,46 euros à titre d’indemnité de requalification.

Dans le dispositif de ses conclusions, le salarié développe également des moyens relatifs à la requalification en CDI du CDD conclu le 18 mars 2016 et à la condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité de requalification.

Cependant, les premiers juges ont rejeté ces demandes et le dispositif des conclusions de Mme [S] [J] en cause d’appel ne comporte aucune demande de réformation du jugement sur ce point.

Par conséquent et en application des dispositions de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile selon lequel la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, la cour n’est pas saisie de ces demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail :

Dès lors que le contrat à durée indéterminée issu de la requalification prononcée ci-dessus a été rompu sans lettre de licenciement contenant l’énonciation des motifs de licenciement comme exigé par l’article L1232-6 du code du travail, cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mme [J] a droit aux indemnités de rupture prévues en pareille hypothèse.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse accordé par les premiers juges n’étant pas discuté, la cour confirme également le jugement de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire :

Selon l’article L3132-1 du code du travail : ‘Il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine’.

En application de l’article L3132-2 du même code, le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien.

Selon l’article L3132-3 du code du travail : ‘Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche’.

La charge de la preuve du respect du temps de repos incombe à l’employeur.

En l’espèce, Mme [S] [J] fait valoir qu’elle a été amenée à travailler plus de six jours consécutifs, comme le confirment ces plannings.

La société E.G.N Propreté répond que, le 9 juin 2016, elle a ‘précisé à Madame [J] que pour le mois d’avril 2016, où elle avait eu 5 jours de repos, les trois jours de repos manquants à récupérer ont été reportés sur le mois de mai où elle a pris 13 jours de repos’.

Il ressort des plannings de travail de Mme [S] [J] que cette dernière a travaillé sans aucun repos hebdomadaire entre le mardi 5 avril 2016 et le vendredi 22 avril 2016 puis entre le dimanche 24 avril 2016 et le dimanche 1er mai 2016.

Le manquement de l’employeur à son obligation de respect du temps de repos hebdomadaire est ainsi établi et il importe peu que la salariée ait pu bénéficier le mois suivant des jours de repos non pris au mois d’avril.

En conséquence la cour confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société E.G.N Propreté à payer à Mme [S] [J] la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la société E.G.N Propreté supportera la charge des dépens de première instance et d’appel, ces derniers étant recouvrés conformément à la Loi sur l’aide juridique.

Mme [S] [J] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale en cause d’appel, sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

DIT que l’instance n’est pas périmée ;

CONDAMNE la société E.G.N Propreté aux dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à la Loi sur l’aide juridique ;

REJETTE la demande formée par Mme [S] [J] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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