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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 17 Mars 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/05697 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B75KF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 18/00971
APPELANTE
CPAM 94 – VAL DE MARNE
Division du contentieux
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
L’INSTITUT [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0304 substitué par Me Stefania VALMACHINO, avocat au barreau de PARIS, toque : GO162
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 03 mars 2023 et prorogé au 17 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la CPAM du Val-de-Marne (la caisse) d’un jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil, dans un litige l’opposant à l’Institut [5] (la société).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que, le 23 février 2018, M. [Y] [R], salarié de la société en qualité de technicien de l’information et des communications, a été victime d’un accident du travail ; que la déclaration d’accident du travail complétée par la société le 23 février 2018, sur les circonstances détaillée de l’accident, mentionne : “la victime déclare : il rangeait des ramettes de papier, il a été pris d’une vive douleur au bras droit”, le siège des lésions étant “la nuque, haut du dos, épaule et bras droit” et la nature des lésions “douleur + fourmillements”; que le certificat médical initial établi le 23 février 2018 fait état d’une “lésion coiffe des rotateurs droit” et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 3 mars 2018; que, par courrier du 26 mars 2018, la caisse a informé la société que sa décision relative au caractère professionnel de l’accident ne pouvait être arrêtée dans le délai réglementaire de trente jours de l’article R.441-10 du code de la sécurité sociale et qu’un délai complémentaire d’instruction lui était nécessaire; que, par courrier du 30 avril 2018, la caisse a informé la société que l’instruction du dossier était terminée, que la décision sur le caractère professionnel de l’accident interviendra le 18 mai 2018 et que la société avait la possibilité de venir consulter les pièces du dossier; que, par courrier du 22 mai 2018, la caisse a notifié à la société sa décision de prise en charge de l’accident du 23 février 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels, son courrier reproduisant les mentions suivantes : “En effet, vous avez été informé du fait qu’une instruction contradictoire avait été menée par questionnaire et/ou enquête. Les éléments recueillis permettent d’établir que l’accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail conformément aux dispositions de l’article L.411-1 du CSS”; qu’après vaine saisine de la commission de recours amiable de la caisse, la société a saisi, le 29 août 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val de Marne ; que, par jugement du 15 avril 2019, le tribunal de grande instance de Créteil a accueilli la demande présentée par la société et dit que la décision, prise par la caisse le 22 mai 2018, portant reconnaissance du caractère professionnel de l’accident survenu le 23 février 2018 au préjudice de M. [Y] [R], est inopposable à la société ; que le jugement a été notifié à la caisse le 30 avril 2019, laquelle en a interjeté appel par courrier recommandé avec avis de réception du 25 mai 2019.
Aux termes de ses conclusions déposées à l’audience et développées oralement par son avocat, la caisse demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
– constater que la péremption d’instance n’est pas acquise,
– réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil,
et statuant à nouveau,
– déclarer opposable à la société la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l’accident dont M. [R] a été victime le 23 février 2018 ainsi que de l’ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de cet accident,
en conséquence,
– débouter la société de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société aux dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées à l’audience et développées oralement par son avocat, la société demande à la cour de :
– dire la caisse irrecevable et mal fondée en son appel,
– débouter la caisse de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 15 avril 2019 en toutes ses dispositions,
In limine litis, sur la péremption d’instance d’appel :
– dire et juger que la caisse n’a effectué aucune diligence de nature à faire avancer l’instance dans le délai de deux ans imparti par l’article 386 du code de procédure civile,
– prononcer la péremption d’instance d’appel, sur le fondement de l’article 386 du code de procédure civile,
A défaut, sur la confirmation du jugement entrepris :
A titre principal, sur l’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident déclaré au titre de la législation professionnelle :
– dire que la caisse ne prouve pas avoir satisfait aux disposistions de l’article R.441-11 du code de la sécurité sociale, à son obligation d’instruction et d’information dans sa rédaction applicable à l’époque des faits,
– en conséquence, déclarer la décision de prise en charge de l’accident du 23 février 2018 de M. [R] et ses conséquences, inopposables à la société,
A titre subsidiaire, sur l’inopposabilité des décisions de prise en charge des arrêts et soins au titre de l’accident déclaré :
– constater une rupture dans la continuité des soins et symptômes à compter du 8 mars 2018,
-en conséquence, déclarer inopposables les décisions de prise en charge des soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l’accident déclaré à compter du 8 mars 2018 à la société,
A titre infiniment subsidiaire, sur la demande d’expertise médicale sur le fondement de l’article R.142-16 et suivants du code de la sécurité sociale,
– faire droit à la demande d’expertise sollicitée,
– désigner tel expert, avec pour mission :
– informer la société, la caisse, particulièrement son service médical, de la date de réalisation de l’expertise pour permettre la production des pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
– se faire remettre l’entier dossier médical du salarié par la caisse, particulièrement par son service médical ou par le médecin traitant du salarié,
– dire quels sont les arrêts prescrits en relation causale directe et suffisante avec l’accident pris en charge,
– rechercher s’il existe un état pathologique préexistant à l’accident,
– fixer une date de consolidation,
– et toutes autres instructions que le tribunal jugera utiles,
– dire et juger que la société accepte de consigner la somme de 500 euros à titre d’avance sur les honoraires et frais de l’expert, la société s’engageant à prendre à sa charge l’ensemble des frais d’expertise, quelle que soit l’issue du litige,
– suivant les résultats de l’expertise judiciaire, déclarer inopposables à la société les décisions de prise en charge des arrêts imputés à tort sur son compte employeur au titre de l’accident du 23 février 2018 déclaré.
En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 3 janvier 2023 pour l’exposé des moyens développés et soutenus à l’audience.
SUR CE,
La péremption d’instance
Il résulte des dispositions du décret n°2018- 928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l’article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, que l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d’appel initiées à partir du 1er janvier 2019 qu’à celles en cours à cette date.
Lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas, au regard de l’article 386 du code de procédure civile, d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire.(Civ. 2, 17 novembre 1993; n°92 -12807; 6 décembre 2018; n°17-26202).
La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Civ. 2, 15 novembre 2012; n° 11- 25499).
Il en résulte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.
En l’espèce, la date de première audience fixée par le greffe dans la convocation du 9 octobre 2020 est celle du 19 janvier 2022. L’affaire ayant été plaidée à l’audience du 3 janvier 2023 à l’occasion de laquelle les parties ont déposé leurs conclusions et leurs pièces, aucune péremption d’instance ne saurait être retenue.
Sur l’obligation d’information de la caisse
La caisse expose que si elle a adressé à l’employeur une lettre l’informant de la nécessité de recourir à un délai complémentaire d’instruction, ce délai n’avait pour objet que l’obtention de l’avis du médecin conseil de la caisse interrogé pour vérifier la relation de cause à effet entre la lésion déclarée et l’accident survenu le 23 février 2018, la caisse n’ayant mené aucune mesure d’instruction au sens de l’article R.441-11 du code de la sécurité sociale. Elle ajoute que la société a été invitée à consulter les pièces du dossier de son salarié, ce qu’elle n’a pas fait. La caisse conclut qu’elle n’a pas manqué à son obligation d’information, la seule mention d’une instruction contradictoire menée par questionnaire ou enquête dans son courrier de prise en charge du 22 mai 2018 ne résultant que d’une simple erreur de plume dans la reprise d’une phrase “type”.
La société réplique que la caisse lui ayant notifiée, le 26 mars 2018, la mise en oeuvre d’un délai complémentaire d’instruction, l’a avisée, dans sa lettre du 30 avril 2018, que l’instruction du dossier était terminée, et lui a bien spécifiée, dans son courrier de prise en charge du 22 mai 2018, qu’une instruction contradictoire avait été menée par questionnaire et/ou enquête. La société soutient que, dès lors que la caisse avait décidé de diligenter une instruction et procéder à sa clôture, elle ne pouvait prendre sa décision qu’après avoir envoyé un questionnaire à l’employeur et au salarié ou procédé à une enquête auprès d’eux. La société fait valoir que la caisse disposait de l’avis de son médecin conseil dès le 7 mars 2018 permettant une prise en charge d’emblée et que le délai complémentaire n’a ainsi pas été motivé par l’attente de l’avis de ce médecin, mais par la volonté de procéder à une mesure d’instruction, le courrier de prise en charge de la caisse ne comportant aucune erreur de plume. La société soutient qu’elle a été privée, en l’absence de tout questionnaire, de son droit à contribuer à l’enquête en critiquant éventuellement les éléments recueillis, de sorte que la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle lui est inopposable.
Aux termes de l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse primaire d’assurance maladie envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.
Aux termes de l’article R. 441-14, alinéa 1, du même code, dans sa rédaction issue de ce décret, la caisse doit informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire.
Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque la décision de la caisse de prolonger le délai pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie ne résulte pas de la nécessité de l’envoi d’un questionnaire ou de la réalisation d’une enquête, la caisse est seulement tenue d’informer les parties en temps utile du report de sa décision et de les informer, une fois l’examen de la déclaration achevé, de la faculté pour elles de consulter le dossier (2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi n° 20-14.152).
Par courrier du 26 mars 2018, la caisse a informé la société que sa décision relative au caractère professionnel de l’accident ne pouvait être arrêtée dans le délai réglementaire de trente jours de l’article R.441-10 du code de la sécurité sociale et qu’un délai complémentaire d’instruction lui était nécessaire (pièce caisse n°13).
Par ailleurs, la société n’a assorti la déclaration d’accident du travail d’aucune réserve.
Par conséquent, la caisse n’était pas tenue d’envoyer un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ni de procéder à une enquête auprès de l’employeur et de la salariée.
Il est constant qu’aucun questionnaire n’a été envoyé par la caisse à l’employeur et à la victime, la caisse justifiant que la période d’instruction complémentaire avait pour seul objet de recueillir la décision de son médecin conseil sur l’imputabilité des lésions à l’accident. Si celui-ci a rendu un avis positif le 7 mars 2018 (pièce caisse n°18), la caisse a pu en avoir effectivement connaissance postérieurement à l’envoi de son courrier du 26 mars 2018.
Il est rappelé que, par courrier du 30 avril 2018, la caisse a informé l’employeur de la possibilité qui lui était offerte de consulter les pièces du dossier qu’elle avait constitué préalablement à sa prise de décision fixée le 18 mai suivant (pièce caisse n°14).
Par conséquent, l’employeur ayant été informé des différentes étapes de la procédure d’instruction de la déclaration d’accident du travail, la caisse a rempli son devoir d’information, la société ne pouvant pas tirer argument de la reproduction par erreur de la formule type : “En effet, vous avez été informé du fait qu’une instruction contradictoire avait été menée par questionnaire et/ou enquête. Les éléments recueillis permettent d’établir que l’accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail conformément aux dispositions de l’article L.411-1 du CSS”, dans le courrier de la caisse du 22 mai 2018 (pièce caisse n°12), qui ne lui a causé aucun grief, la société, qui n’a pas entendu consulter le dossier et qui procède par voie d’affirmations, ne pouvant sérieusement soutenir que la caisse avait voulu diligenter une mesure d’instruction au sens de l’article R.411-11 du code de la sécurité sociale.
Aussi, la caisse n’étant pas tenue d’envoyer un questionnaire ou de procéder à une enquête, a respecté son obligation d’information sans méconnaître les dispositions de l’article R.411-11 du code de la sécurité sociale, de sorte que c’est à tort que le tribunal a décidé que la décision de prise en charge de l’accident du 23 février 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels était inopposable à la société.
Sur la durée des soins et arrêts de travail
La caisse rappelle que la présomption d’imputabilité de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident jusqu’à la date de consolidation de l’état de santé de la victime et que les pièces produites suffisent à établir une continuité des symptômes et des soins prouvant à elle seule l’imputabilité au travail des lésions ayant donné lieu aux soins et arrêts de travail prescrits à l’assuré à compter du 23 février 2018, la société n’apportant aucun élément de nature à attester que les lésions de son salarié auraient une cause totalement étrangère à son travail ou qu’il existerait un état pathologique antérieur ou indépendant évoluant pour son propre compte et sur lequel le travail n’aurait joué aucun rôle. La caisse s’oppose à la demande d’expertise médicale de la société, eu égard à la continuité de symptômes et de soins, l’avis positif du médecin conseil sur la prise en charge des arrêts de travail en lien avec l’accident initial et la faculté laissée à la société de procéder à un contrôle médical ou une contre-visite, le médecin conseil de la caisse ayant justifié la prise en charge de l’acromioplastie déclarée à titre de nouvelle lésion par certificat médical du 23 mai 2018.
La société fait valoir que si la présomption d’imputabilité au travail de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale s’applique à l’ensemble des prestations délivrées jusqu’à la complète guérison ou la consolidation de l’état de santé du salarié, elle ne joue que s’il existe une continuité de symptomes et de soins qu’il appartient à la caisse de démontrer. La société fait valoir qu’alors que le certificat médical initial évoque “une lésion de la coiffe des rotateurs”, le certificat médical de prolongation du 8 mars 2018 mentionne de nouvelles lésions : “traumatisme épaule droite, mobilités réduites et douloureuses. IRM : Arthropathie acromio-claviculaire congestive du sus épineux, bursite sous acromiale deltoïdienne”. Soulignant que l’acromioplastie, qui apparaît sur la quasi-totalité des certificats médicaux postérieurs et ayant donné lieu à une intervention chirurgicale, correspond, non à une lésion provoquée par un geste, mais à un état d’évolution pathologique lente et progressive, la société soutient que les arrêts dont le salarié a bénéficié postérieurement au 8 mars 2018 ne sont pas liés à son accident du travail, mais à une pathologie évoluant pour son propre compte et qu’il existe une rupture dans la continuité des symptômes pris en charge au titre de l’accident déclaré par le salarié à compter du 8 mars 2018 qui détruit la présomption d’imputabilité. La société oppose, à titre subsidiaire, que sa demande d’expertise est justifiée eu égard à la justification d’un état antérieur sans lien avec l’accident du 23 février 2018.
Il résulte de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors, comme en l’espèce, qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, à savoir celle que les soins et arrêts contestés sont totalement étrangers au travail.
Dès lors qu’une maladie professionnelle ou un accident du travail est établi, la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts subséquents trouve à s’appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.
La matérialité de l’accident du travail du 23 février 2018 n’est pas contestée.
La caisse produit le certificat médical initial du 23 février 2018, et les certificats de prolongation d’arrêts de travail du 2 mars 2018, 8 mars 2018, 20 mars 2018, 24 avril 2018, 23 mai 2018, 20 juin 2018, 30 juillet 2018, 30 août 2018 et 2 octobre 2018, justifiant ainsi d’une continuité des arrêts de travail de sorte que la société ne peut se prévaloir de la seule absence de continuité des symptômes et des soins pour écarter la présomption d’imputabilité des lésions à l’accident du travail initial.
En revanche, il appartient à l’employeur, qui conteste la présomption d’imputabilité à l’accident du travail initial des lésions constatées le 8 mars 2018 de justifier d’une cause totalement étrangère au travail, étant précisé qu’une mesure d’expertise judiciaire ne peut être ordonnée que s’il existe des éléments suffisants rendant nécessaire et utile une telle mesure, qui ne peut avoir pour objet de pallier la carence d’une partie à rapporter la preuve qui lui incombe.
Il résulte de l’avis médical établi par le docteur [C] le 1er mars 2019 (pièce société n°17) que l’accident du 23 février 2018 a consisté en un geste de faible cinétique en l’absence de chute, de contusion, de choc; que le diagnostic de tendinopathie du susépineux mentionné dans le certificat médical de prolongation du 8 mars 2018 corrobore l’existence d’un étant antérieur inflammatoire ; qu’il s’agit d’un processus physiologique lent et progressif et non d’un phénomène brutal comme c’est le cas dans un accident de travail ; que la notion d’arthropathie acromioclaviculaire indiquée dans ce certificat et son traitement chirurgical-acromioplastie- corroborent l’existence d’un état antérieur dégénératif sans lien direct et exclusif avec le fait allégué du 23 février 2018 ; que les deux lésions “tendinopathie du susépineux” et “arthropathie acromioclaviculaire” n’ont pas été considérées par la CPAM comme des lésions nouvelles, laissant ainsi apparaître leur ancienneté ; que le traitement chirurgical nécessaire à la résolution du conflit sous-acromial corrobore l’état dégénératif de l’épaule droite et que seule une expertise médicale judiciaire permettrait de connaître la réalité des pathologies concernées et de différencier ce qui est imputable à l’accident du travail et ce qui est imputable à un état antérieur.
Mais, à supposer l’existence d’un état antérieur consistant en une tendinopathie inflammatoire et un processus dégénératif lié à une arthropathie, il est relevé que cet antérieur a pu être dolorisé ou révélé du fait de l’accident du travail, ce que reconnaît le docteur [C] en ce qu’il indique que cet état antérieur a pu être rendu douloureux temporairement par le geste du 23 février 2018.
En revanche, le docteur [C] ne donne aucun élément de nature à laisser supposer qu’à compter du 8 mars 2018, cet état antérieur aurait continué à évoluer pour son propre compte sans lien avec l’accident du travail initial.
Par conséquent, la demande d’expertise formulée par la société, qui ne repose sur aucun commencement de preuve, sera rejetée.
Aussi, il convient de dire opposables à la société la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident du travail dont M. [Y] [R] a été victime le 23 février 2018 et l’ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de cet accident.
Partie succombante, la société sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
REJETTE l’exception de péremption d’instance,
DECLARE l’appel recevable,
INFIRME le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DIT opposables à l’Institut [5] la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident du travail dont M. [Y] [R] a été victime le 23 février 2018 et l’ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de cet accident,
CONDAMNE l’Institut [5] aux dépens d’appel.
La greffière La présidente