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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 17 MARS 2023
N° 2023/101
Rôle N° RG 19/07749 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIF2
[A] [T]
C/
SNC [K]
Copie exécutoire délivrée
le : 17 mars 2023
à :
Me Rachel VERT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 330)
Me Grégoire MANSUY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 122)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 07 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00932.
APPELANT
Monsieur [A] [T], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Rachel VERT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SNC [K], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Grégoire MANSUY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Stéphanie LEGRAND, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2023
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [A] [T] a été embauché par la société [K] par contrat à durée indéterminée en date du 13 mars 2004 en qualité de coiffeur, coefficient 185, niveau 8 de la convention collective nationale de la coiffure, moyennant un salaire brut mensuel de 1’359,53 euros.
La date d’ancienneté a été fixée au 9 décembre 2003 en raison d’un précédent contrat de travail à durée déterminée.
Le 2 octobre 2004, Monsieur [T] a été victime d’un accident du travail et placé en arrêt de travail du 2 au 8 octobre 2004.
Le 8 juillet 2005, Monsieur [T] a été à nouveau placé en arrêt de travail.
La date de consolidation a été fixée par le médecin de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône au 8 juillet 2005.
Le 2 août 2005, la CPAM des Bouches-du-Rhône a refusé la prise en charge des nouvelles lésions déclarées par un certificat médical du 25 juillet 2005.
Le médecin du travail a émis, le 24 octobre 2005, un avis d’inaptitude du salarié à son poste de travail.
Par lettre remise en main propre le 4 novembre 2005, Monsieur [T] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement prévu le 12 novembre 2005.
Par courrier du 4 novembre 2005, la société [K] a informé le salarié de l’impossibilité de son reclassement.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 novembre 2005, Monsieur [T] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Monsieur [T] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 7 février 2006, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence pour contester son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Par décision du 11 décembre 2008, le conseil de prud’hommes a ordonné le retrait du rôle de l’affaire.
Le 6 octobre 2016, l’affaire a été réinscrite au rôle.
Par jugement du 7 mars 2019 notifié le 12 avril 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section commerce, a ainsi statué’:
constate la péremption de l’instance en l’absence de diligences de Monsieur [T] pendant près de 10 ans,
déclare éteinte l’instance introduite par Monsieur [T],
dit qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamne Monsieur [T] aux entiers dépens.
Par déclaration du 11 mai 2019 notifiée par voie électronique, Monsieur [T] a interjeté appel du jugement dont il a sollicité l’annulation ou l’infirmation pour chacun des chefs de son dispositif à l’exception des dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 29 septembre 2021, Monsieur [A] [T], appelant, demande à la cour de’:
vu les dispositions de l’article R1452-8 du code du travail,
vu les dispositions de l’article 45 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016,
dire et juger que l’instance devant le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence a été introduite suivant saisine du 7 février 2006,
dire et juger les dispositions du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 inapplicables à ladite instance,
réformer en conséquence le jugement entrepris en ce qu’il a constaté l’instance éteinte et l’a, consécutivement, débouté de l’intégralité de ses demandes,
vu les dispositions des articles R241-51 (anciens) du code du travail,
dire et juger que le licenciement prononcé à son encontre a été prononcé à la suite d’une visite unique de reprise, en contravention avec les dispositions légales,
prononcer la nullité du licenciement prononcé à son encontre,
condamner la société SNC [K] à lui payer les sommes suivantes :
– 691,80 euros nets au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,
– 1’729,49 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 36’628,72 euros nets au titre des dommages intérêts venant réparer le préjudice subi résultant de la nullité du licenciement,
vu les dispositions de l’article L4121-1 du code du travail,
vu les dispositions de l’article R4224-5 du code du travail,
dire et juger que la société SNC [K] a failli à son obligation de sécurité «’résultat »,
dire et juger que l’inaptitude physique objectivée à son endroit revêt une cause professionnelle,
dire et juger que l’inaptitude physique et son licenciement pour inaptitude physique trouvent leur cause dans le comportement fautif de l’employeur,
dire et juger en conséquence que le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
condamner la société SNC [K] à lui payer les sommes suivantes :
– 691,80 euros nets au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,
– 1’729,49 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 36’628,72 euros nets au titre des dommages intérêts venant réparer le préjudice subi résultant de la nullité du licenciement,
subsidiairement,
dire et juger que la société SNC [K] a failli à son obligation de sécurité résultat,
condamner en conséquence la SNC [K] au paiement de la somme de 32’628,72 euros nets à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte de son emploi,
vu les dispositions de l’article L1226-10 du code du travail,
dire et juger que la société SC [K] a failli son obligation de reclassement,
en conséquence,
vu les dispositions de l’article L1226-15 du code du travail,
condamner la SNC [K] au paiement de la somme de 32’628,72 euros nets à titre de dommages intérêts venant sanctionner l’absence de de cause réelle et sérieuse du licenciement,
débouter la SNC [K] de l’ensemble de ses demandes de condamnations formulées à son encontre,
condamner la SNC [K] au paiement de la somme de 3’500,00 euros au titre des frais irrépétibles, outre sa condamnation aux entiers dépens de procédure, dont distraction faite en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’appui de son recours, l’appelant fait valoir en substance que :
les premiers juges ont fait application des nouvelles règles en matière de péremption d’instance édictées par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016, applicable à compter du 1er août 2016, qui n’ont pas de caractère rétroactif et ne peuvent concerner une instance introduite avant cette date’;
la visite du 10 octobre 2015 devant être qualifiée de visite de pré-reprise, l’inaptitude a été prononcée sur le fondement d’une visite de reprise unique en violation des dispositions de l’article R.241-51-1 du code du travail rendant le licenciement nul’;
son inaptitude physique est la conséquence des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat’;
l’accident du travail résulte de conditions de travail dangereuses que la société ne pouvait ignorer’;
à tout le moins, l’accident du travail a participé de manière déterminante à son inaptitude physique’;
l’employeur a par ailleurs manqué à son obligation de reclassement.
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 30 septembre 2019, la société [K] demande à la cour, au visa des articles 383 alinéa 2, 386 du code de procédure civile et du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, de’:
confirmer le jugement rendu le 7 mars 2019 par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence en toutes ses dispositions,
constater la péremption de l’instance, en l’absence de diligences de Monsieur [T] pendant près de 10 ans,
constater que l’instance est éteinte,
débouter Monsieur [T] de sa demande à ce titre,
subsidiairement, au fond,
débouter Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre reconventionnel,
condamner Monsieur [T] au paiement d’une indemnité de 3’000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.
La société intimée réplique que’:
la durée exceptionnelle de 8 années sans diligence de Monsieur [T] commande que la péremption soit retenue même en l’absence de diligences particulières mises à sa charge par la décision de retrait du rôle’;
les dispositions du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, publié le 25 mai 2016, sont applicables à la demande de remise au rôle formalisée par le demandeur le 4 octobre 2016, postérieurement à l’entrée en vigueur du décret, soit postérieurement au 1er août 2016′;
le licenciement a été prononcé en suite de deux visites médicales successives, qualifiées de visites de reprise par le médecin du travail, dont l’objet était de vérifier l’aptitude du salarié à son poste’;
le demandeur n’établit aucune violation par la société de son obligation de sécurité’;
l’inaptitude est sans lien avec l’accident du travail’du 2 octobre 2004′;
le licenciement ne résulte ni de l’accident du travail, ni d’une éventuelle violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat’;
elle n’a pas manqué à son obligation de reclassement.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 26 décembre 2022, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 25 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la péremption de l’instance :
Aux termes de l’article R. 1452-8 du code du travail, texte abrogé depuis le 1er août 2016 par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 mais applicable au litige, le conseil de prud’hommes ayant été saisi le 7 février 2006, en matière prud’homale l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
Aux termes de l’article 382 du code de procédure civile, le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée.
Selon l’article 383 du code de procédure civile, le retrait du rôle est une mesure d’administration judiciaire. A moins que la péremption de l’instance ne soit acquise, l’affaire est rétablie à la demande de l’une des parties.
Aux termes de l’article 377 du code de procédure civile, en dehors des cas où la loi le prévoit, l’instance est suspendue par la décision qui ordonne le retrait du rôle de l’affaire.
Il résulte de ces textes que lorsque la décision de retrait du rôle n’impose aux parties aucune diligence particulière autre que celle nécessaire à la réinscription de l’affaire, le délai de péremption ne court pas pendant la période au cours de laquelle l’instance est suspendue.
En l’espèce, l’instance introduite le 7 février 2006 par Monsieur [A] [T] a fait l’objet d’une décision de retrait du rôle prononcée à l’audience du 11 décembre 2008.
Aux termes de cette décision, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence a «’ordonné le retrait du rôle de la présente instance qui pourra être rétablie par simple requête de l’une des parties conformément aux dispositions de l’article 386 du code de procédure civile’». Il n’a été mis à la charge des parties aucune diligence particulière.
Il s’ensuit que le délai de péremption n’a pas couru. Par conséquent, l’instance n’était pas périmée lorsque Monsieur [T] a demandé la remise au rôle de son affaire par lettre enregistrée par le greffe le 6 octobre 2016.
Il y a lieu par conséquent, par voie d’infirmation du jugement entrepris, de dire que la péremption de l’instance n’est pas acquise et que les demandes de Monsieur [T] sont recevables.
Sur la nullité du licenciement’:
En vertu de l’article R.241-51-1 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude du salarié à son poste de travail qu’après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l’entreprise et deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires mentionnés à l’article R. 241-52.
Le médecin du travail peut, avant d’émettre son avis, consulter le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d”uvre. Les motifs de son avis doivent être consignés dans le dossier médical du salarié.
Après vérifications, le médecin du travail a effectué deux examens médicaux les 10 et 24 octobre 2005. Il a à chaque fois coché la case «’Reprise’» en ajoutant de manière manuscrite pour la visite du 10 octobre 2005 la mention «’Première visite’».
Dès lors, le constat d’inaptitude s’est bien fait en deux temps par deux examens médicaux.
La demande de nullité du licenciement est par conséquent rejetée, ainsi que les demandes financières afférentes.
Sur l’origine de l’inaptitude’:
Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Les juges du fond ont obligation de rechercher eux-mêmes l’existence de ce lien de causalité et la connaissance qu’avait l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie et, conformément au principe de l’autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale ne sont pas liés par la décision d’un organisme de sécurité sociale.
La recherche doit être faite dès qu’un tel lien est invoqué par le salarié au soutien de ses demandes d’indemnités sur le fondement de l’article L.1226-14.
Enfin, l’appréciation de la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’inaptitude au moment du licenciement relève du pouvoir souverain des juges du fond.
En l’espèce, il ne fait pas débat que l’accident du 2 octobre 2004 a été reconnu et pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
La déclaration d’accident du travail du 4 octobre 2004 établi par le gérant, Monsieur [G] [K], fait état le 2 octobre 2004 à 9h00 d’une «’chute dans les deux premières marches de l’escalier’», et mentionne comme siège des lésions’: «’cheville gauche + fessiers’» et nature des lésions’: «’hématomes’».
Le certificat médical initial d’accident du travail du 2 octobre 2004 établi par le centre hospitalier du [3] fait les constatations suivantes’: «’Le 02/10/04 à 9h35 Contusions multiples ‘ Dermabrasion, cheville gauche traumatisme crânien sans perte de connaissance hématome de la fesse gauche traumatisme du talon gauche’» et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 8 octobre 2014. Les certificats médicaux de prolongation font état d’une reprise du travail le 9 octobre 2004 et d’une poursuite des soins continue jusqu’au 8 juillet 2005, date à laquelle le salarié est à nouveau placé en arrêt de travail.
Le compte-rendu de la radiographie du rachis lombaire du 8 octobre 2004 mentionne un «’bilan de lombalgies suite à un traumatisme’» et conclut dans les termes suivants’: «’Trouble statique frontal essentiellement avec pincements discaux droits T12-LI, L1-L2 et gauche en L4-L5, postérieur et latéral gauche LS-S1.
Aspect très légèrement trapézoïdal du corps vertébral de T11 de face > évoquant la possibilité d’un micro tassement au dépend du plateau inférieure gauche.’»
Le certificat médical du 8 octobre 2004 évoque un «’trauma lombaire’», celui du 30 octobre 2004 une «’chute rachis dorso lombaire’», celui du 26 novembre 2004 un «’tassement vertébral’», du 21 mars 2005 une «’douleur dorso-lombaire nocturne’», du 20 avril 2005 une «’volumineuse hernie discale D12L1 ‘ Protrusion discale L4-L5’», du 30 juin 2005 une «’hernie discale D12 L1 / Protrusion L4 L5 ‘ douleurs membres inférieurs’».
Dans un courrier du 2 mai 2005 adressé à des confrères, le docteur [H], neurochirurgien, indique’: «’Je vois ce jour en consultation Monsieur [A] [T], 35 ans, en A.T depuis le 24 octobre 2004 à la suite d’une chute dans un escalier. Il souffre aujourd’hui de lombalgies basses associées à des douleurs de la charnière dorso-lombaire. Il décrit une lombosciatique bilatérale irradiant jusqu’aux deux pieds de manière symétrique. Il continue à travailler tout en restant en soins d’A.T., mais il ressent une aggravation. Il n’a pas d’antécédent préoccupant. Monsieur [T] n’a jamais eu de problèmes rachidiens jusqu’au 2 octobre dernier où sur le lieu de son travail il a posé le problème d’une chute de 2 mètres avec un choc dorsal direct suivi de polytraumatisme. Il s’est plaint d’une douleur thoracique droite et de lésions des chevilles. Par la suite, il s’est plaint de douleurs dorsales’; il est difficile de dire à quand remontent les douleurs des membres inférieurs, le tout nécessitant la prise de médicaments quotidiens. Il n’a pas d’antécédent médical chirurgical particulier. (‘)’»’;
Le 8 juillet 2005, Monsieur [T] a été à nouveau placé en arrêt de travail de manière continue jusqu’à la rupture. Les certificats médicaux des 8 et 25 juillet 2005 font état d’une «’lombalgie invalidante avec volumineuse H discale D12 L1 et protrusion discale L3 L4 avec sciatalgie bilatérale’».
La date de consolidation a été fixée par le médecin de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône au 8 juillet 2005.
Le 2 août 2005, la CPAM des Bouches-du-Rhône a refusé la prise en charge des nouvelles lésions déclarées par un certificat médical du 25 juillet 2005. Suite à la contestation de l’assuré, une expertise a été organisée qui a retenu le 6 octobre 2005 que les lésions décrites sur le certificat médical de prolongation du 25 juillet 2005, à savoir des «’lombalgies invalidantes avec sciatalgie bilatérale’», n’étaient pas une conséquence directe et exclusive de l’accident de travail du 2 octobre 2004 et confirmé la date de consolidation de l’état de santé de Monsieur [T] au 8 juillet 2005.
Le médecin du travail a émis lors de la deuxième visite de reprise organisée le 24 octobre 2005 un avis d’inaptitude du salarié à son poste de travail dans les termes suivants’: «’inapte à son poste. Eviter la station debout prolongée. Apte à un travail de bureau ».
Dans un certificat médical du 8 novembre 2005, le docteur [V] [W] indique’: «’Je soussigné Docteur [N] [W], certifie avoir examiné Monsieur [T] [A], âgé de 35 ans. Il a été victime d’un accident du travail avec chute d’une hauteur de 2 mètres le 2 octobre 2004.
La radiographie initiale montrait une fracture des apophyses transverses en lombaire. Compte tenu de la persistance et de la ré aggravation des dorsalgies avec irradiation à type de brûlures et de décharges dans les deux membres inférieurs, un scanner et une I.R.M ont été réalisés secondairement, montrant une hernie discale médiane, en D12-L1 tout à fait concordante avec la symptomatologie clinique.
Les neurochirurgiens consultés n’ont pas retenu d’indication chirurgicale.
Actuellement, la symptomatologie douloureuse persiste au niveau rachidien et des membres inférieurs. L’intensité de la douleur varie entre 6 et 9/10 sur l’échelle numérique. L’examen clinique retrouve une raideur rachidienne importante au niveau dorsal et lombaire. L’examen neurologique ne montre pas d’anomalie significative.
Cet état de santé me semble directement en rapport avec l’accident du travail. A mon sens, il ne permet pas une reprise des activités professionnelles.
Sur le plan thérapeutique nous avons proposé un traitement antalgique par SKENAN et de prendre l’avis du docteur [O], psychiatre, pour la prise en charge d’un éventuel syndrome dépressif réactionnel’».
L’employeur, qui conteste toute origine professionnelle de l’inaptitude, verse aux débats des attestations évoquant des problèmes de dos antérieurs du salarié liés notamment à un accident de moto. Dans une attestation du 11 juillet 2012, Monsieur [X] [S], salarié du salon de coiffure, affirme que Monsieur [T] lui aurait dit faire «’beaucoup de sport quand il était en Italie et que cela lui avait créé des problèmes au dos. Je crois qu’il faisait du culturisme et qui lavai eu un accident de moto’». Monsieur [Y] [L], retraité et client, indique également dans une attestation du 15 juin 2017 que Monsieur [T] lui aurait dit un jour avoir eu un grave accident de moto lorsqu’il exerçait sa profession de coiffeur à Savona en Italie.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’inaptitude de Monsieur [T] à son poste, empêchant la station debout prolongée en raison de problèmes lombaires invalidants, si elle n’est pas une conséquence exclusive de l’accident de travail du 2 octobre 2004, avait au moins partiellement pour origine celui-ci.
Par contre, le salarié ayant repris son poste de travail le 9 octobre 2004 jusqu’au 8 juillet 2005, il n’est pas suffisamment établi que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Monsieur [T] ne peut par conséquent bénéficier des dispositions spécifiques des articles L.1226-14 et suivants du code du travail.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement’:
Il est constant que si l’inaptitude médicalement constatée d’un salarié trouve son origine dans un ou plusieurs manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, le licenciement intervenu pour inaptitude et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse.
De l’article L. 230-2, I et II du code du travail devenu L. 4121-1 et L. 4121-2 dudit code, il résulte que l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail de l’homme.
L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des salariés.
L’inaptitude physique ne peut en effet légitimer un licenciement lorsqu’elle résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation générale de sécurité.
La reconnaissance de l’origine professionnelle de l’accident du travail du 2 octobre 2004 ne permet pas de retenir de facto une violation par l’employeur de son obligation de sécurité.
Monsieur [T] expose avoir chuté en arrière dans le salon de coiffure au travers de la trappe donnant accès au sous-sol et être retombé deux mètres plus bas sur le dos. Il précise que la trappe ne bénéficiait d’aucune protection, que les marches de l’escalier, particulièrement abruptes, menant au sous-sol n’étaient par ailleurs pas sécurisées.
Il produit aux débats les pièces suivantes’:
une attestation du 31 mars 2009 émanant de Monsieur [M] [Z], directeur d’une école de dressage, indiquant’: «’Depuis les années 1980, je me rendais au salon de coiffure [K], [Adresse 5]. Une seule fois, j’ai eu besoin de me rendre aux toilettes pendant la coupe de cheveux. Le coiffeur m’a prévenu que l’escalier qui menait au sous-sol, là où se trouvait les toilettes était extrêmement dangereux et m’a conseillé de descendre à reculon car le risque de glisser sur les marches irrégulière et avec une forte pente vers le bas, était très grand. Il n’y avait pas de trappe de protection de l’escalier ni de main courante. J’ai donc suivi les conseils du coiffeur mais même en ce faisant j’ai dû faire très attention pour ne pas glisser’»’;
une attestation non datée émanant de Monsieur [B] [J], chauffeur PL et «’parent éloigné’» de l’appelant indiquant’: «’Lorsque Mr [T] travaillait au salon de coiffure Sanmartino à [Localité 2] Rur Espariat. J’ai eu l’opportunité d’aller me faire couper les cheveux et ainsi demander les toilettes celles-ci étaient au sous-sol. Pour y accéder il fallait emprunter des escaliers glissants et dangereux il n’y avait aucune main courante ni trappe de sécurité’».
L’employeur conteste tout manquement à son obligation de sécurité et pointe une description fantaisiste de l’accident n’ayant pas de rapport particulier avec une prétendue dangerosité de l’escalier.
Il produit des photographies non datées mettant en évidence un escalier carrelé situé dans un angle du salon de coiffure dans le prolongement d’un comptoir menant à un sous-sol avec deux rampes d’escalier installées sur le mur et trois spots au plafond.
Il communique également plusieurs attestations.
Dans une attestation du 26 octobre 2006, Monsieur [X] [S], salarié du salon de coiffure, indique notamment que «’Mr [T] [A] était en équilibre précaire (un pied sur le palier, l’autre sur la première marche ou la deuxième marche de l’escalier). Il a alors probablement glisse et chutte sur les premières marches. Lorsque je me suis approché de lui il s’est relevé et semblait souffrir de la cheville. Mais ne souhaitant pas appeler les secours je l’ai accompagne avec mon scooter au service des urgences de l’hopital d'[Localité 2]’». Dans une seconde attestation du 11 juillet 2012, Monsieur [S] décrit l’escalier comme «’pas confortable mais surtout pas dangereux’».
Dans une attestation du 13 novembre 2006, Monsieur [U] dit avoir exploité le salon de coiffure jusqu’en avril 1981 et n’avoir «’jamais eu de problème de sécurité dans le magasin’».
Dans une attestation du 30 octobre 2006, Monsieur [D], retraité, expose qu’il avait rendez-vous dans le salon de coiffure et se trouvait dans un fauteuil lorsqu’il a «’entendu le bruit d’une chute, Monsieur [A] [T] ayant probablement glissé sur la première ou deuxième marche de l’escalier qui conduit aux toilettes. Je me souviens que sa tête dépassait le niveau de la banque qui sépare le salon de l’accès de cet escalier. Un de ses collègues de travail est venu l’aider à se relever et ce collègue est resté au niveau du plancher du salon’».
Dans une attestation du 12 juillet 2012, Monsieur [I], salarié du salon de coiffure, dit avoir «’constaté à plusieurs reprises que Mr [T] se plaignais du dos et, cela bien avant sa chute, je savais donc que ce monsieur avait des douleurs dorsales car il me l’avait confirmé, sans que je sache l’origine de ces douleurs’». Il ajoute’: «’En outre, j’utilise l’escalier régulièrement mais celui-ci ne me parait pas plus dangereux que ça, malgré son étroitesse ».
Force est de constater au regard de ces éléments que la description du lieu de l’accident faite par Monsieur [T] ne concorde pas avec les photographies produites par l’employeur, qui ne sont pas datées. Celles-ci mettent en effet en évidence l’absence de toute trappe, la présence de deux rampes d’accès et un éclairage suffisant et il n’est pas possible de vérifier si des travaux ont été effectués après l’accident.
Néanmoins, il est observé que la configuration des lieux est, au regard des photographies, particulièrement dangereuse dans la mesure où l’escalier est collé au comptoir où se trouve l’agenda de prise de rendez-vous et qu’un mauvais positionnement de la personne située derrière le comptoir est susceptible d’entraîner sa chute en arrière dans l’escalier menant au sous-sol.
Il s’ensuit que l’employeur n’avait donc pas pris en octobre 2004 toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés et a donc manqué à son obligation de sécurité.
Ce manquement de l’employeur à son obligation de sécurité a participé directement à l’inaptitude du salarié, même s’il n’en est pas la cause unique ou même déterminante.
Le licenciement est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture’:
Sur l’indemnité spéciale de licenciement’:
Il a été jugé que Monsieur [T] ne pouvait bénéficier des dispositions spécifiques des articles L.1226-14 et suivants du code du travail.
Il sera donc débouté de sa demande d’indemnité spéciale de licenciement.
Sur l’indemnité de préavis’:
Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d’une indemnité pour un préavis qu’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter en raison d’une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il est octroyé à Monsieur [T] une indemnité de préavis fixée à 1’729,49 euros, somme non contestée en son quantum par l’employeur.
Sur les dommages intérêts venant réparer le préjudice subi résultant de la nullité du licenciement’:
Le licenciement ayant été déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse et non nul, Monsieur [T] sera débouté de sa demande de dommages intérêts venant réparer le préjudice subi résultant de la nullité du licenciement.
Sur les demandes accessoires :
Faute d’indication, dans les dossiers fournis par les parties et dans celui envoyé par le conseil des prud’hommes, de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation, les créances salariales objets de la demande initiale ont été connus de la société lors de la tentative de conciliation du 13 avril 2006, qui est donc, pour ces créances, la date de départ des intérêts légaux.
Il y a lieu d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner la société [K] aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [T] la somme de 1’600,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau,
DIT que la péremption de l’instance n’est pas acquise et que les demandes de Monsieur [A] [T] sont recevables,
DEBOUTE Monsieur [A] [T] de sa demande de nullité du licenciement et des demandes financières afférentes,
DIT que le licenciement dont Monsieur [A] [T] a fait l’objet de la part de la société [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société [K] à verser à Monsieur [A] [T] les sommes de 1 729,49 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2006, date de l’audience de conciliation valant mise en demeure,
DEBOUTE Monsieur [A] [T] de ses autres demandes,
CONDAMNE la société [K] aux dépens de première instance et d’appel,
CONDAMNE la société [K] à payer à Monsieur [A] [T] la somme de 1’600,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la société [K] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président