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N° RG 21/01215 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KZBE
C3
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL GABARRA GUIEU PRUD’HOMME – AVOCATS
Me Cyrielle DELBE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023
Appel d’un Jugement (N° R.G. 16/00968)
rendu par le Tribunal judiciaire de GAP
en date du 25 janvier 2021
suivant déclaration d’appel du 09 Mars 2021
APPELANT :
M. [V] [U]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Valérie GABARRA de la SELARL GABARRA GUIEU PRUD’HOMME – AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.A. MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la Sté GE MONEY BANK, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Cyrielle DELBE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me François VERRIELE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
Assistées lors des débats de Mme Anne Burel, Greffier
DÉBATS :
A l’audience publique du 6 février 2023 , Mme Clerc a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon offre préalable sous seing privé acceptée le 16 octobre 2006, la société GE Money Bank désormais dénommée My Money Bank (ci-après désignée dans l’arrêt «’la Banque’») a accordé à M. [V] [U] et son épouse Mme [H] [P] un prêt immobilier n°1020718 926 5 d’un montant de 220.064€ , destiné à financer l’acquisition d’un appartement en l’état futur d’achèvement à [Localité 5] dans le cadre du programme immobilier de défiscalisation développé par la société Apollonia (acquisition de biens immobiliers à visée locative permettant de bénéficier du régime fiscal des loueurs en meublé non professionnels).
Ce prêt était garanti par le cautionnement de la SACCEF devenue CEGC.
M. et Mme [U], comme de nombreux autres emprunteurs, se sont constitués partie civile en novembre 2009 dans l’instruction ouverte au tribunal de grande instance de Marseille (devenu depuis tribunal judiciaire) à l’encontre notamment de la société Apollonia pour faux, usage de faux et escroquerie.
Ils ont (également comme de nombreux autres emprunteurs) assigné la société Apollonia, la Banque, des notaires et d’autres établissements financiers devant ce même tribunal en responsabilité et indemnisation de leur préjudice en lien avec la surévaluation des biens vendus et des financements excessifs qui ont pu être accordés.
Les échéances du prêt n’étant plus remboursées à partir de mai 2010, la Banque, après mises en demeure préalables, a prononcé la déchéance du terme le 27 août 2010.
Le 21 avril 2011, la Banque a reçu au titre de l’assurance décès du prêt souscrite par Mme [U] un capital de 59.593,03€, à la suite de son décès survenu le 3 octobre 2008, qui a été imputé sur les échéances impayées.
Suivant acte extrajudiciaire du 23 août 2012, la Banque a assigné M. [U] en paiement devant le tribunal de grande instance de Gap’; par acte du 22 mars 2013, elle a assigné devant le même tribunal et aux mêmes fins, M. [U] en sa qualité de représentant légal de ses deux enfants mineures [G] et [X] [U] (venant aux droits de leur mère).
Par ordonnance du 20 novembre 2013, le juge de la mise en état a débouté M. [U] de son incident de connexité au profit du tribunal civil de Marseille et a ordonné le sursis à statuer dans l’attente d’une décision irrévocable sur la plainte pénale déposées par les emprunteurs auprès du doyen des juges d’instruction de Marseille.
La présente cour, par arrêt du 10 novembre 2014, a confirmé le rejet de l’exception de connexité et a infirmé cette ordonnance du chef du sursis à statuer.
Parallélement à cette instance, la cour de céans par un arrêt du 22 mai 2018 a validé l’hypothèque judiciaire provisoire inscrite par la Banque sur le bien immobilier de [Localité 5] financé par le prêt litigieux .
Par jugement contradictoire du 25 janvier 2021, le tribunal précité de Gap, devenu tribunal judiciaire a’:
rejeté le moyen tiré de la péremption de l’instance ainsi que les fins de non-recevoir soulevées par le défendeur,
rejeté la demande de sursis à statuer,
condamné M. [U] à payer à la Banque la somme principale de 176.971,94 €, outre intérêts conventionnels capitalisés à compter du 6 août 2012 dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,
débouté la Banque de sa demande en paiement dirigée contre [G] et [X] [U],
dit qu’il appartiendra au tribunal judiciaire de Marseille, juridiction saisie en premier lieu, de connaître de l’action en responsabilité dirigée par M. [U] contre la Banque,
condamné M. [U] aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné l’exécution provisoire du jugement pour le tout.
Par déclaration déposée le 9 mars 2021, M. [U] a relevé appel des dispositions du jugement l’ayant débouté de ses demandes et ayant rejeté le moyen tiré de la péremption d’instance et la demande de sursis à statuer, l’ayant condamné à payer à la Banque
la somme de 176.971,894 € outre intérêts conventionnels capitalisés à compter du 6 août 2012, l’ayant condamné au paiement de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ayant ordonné l’exécution provisoire.
Dans ses uniques conclusions déposées le 9 juin 2021, sur le fondement des articles 1108 et suivants, 1134 alinéa 3, 1147, 1382 et suivants, 1536 et suivants, 2222 du code civil, 9, 11,15, 31, 32-1, 138, 312,423 et suivants, 700 du code de procédure civile, L.121-21 et suivants, L.137-2 et suivants, L.312-7 et suivants, L.313-1 et suivants du code de la consommation, 6-1 de la CEDH,L 214-42-1 et suivants, L 519-1 et suivants du code monétaire et financier, 10 du décret du 26 novembre 1971, M. [U] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré sur les points ici contestés et statuant à nouveau,
ordonner qu’il soit sursis à statuer sur l’instance l’opposant à la Banque jusqu’à l’issue de la procédure pénale en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille,
débouter purement et simplement la Banque de l’ensemble de ses fins et conclusions contraires,
juger avant dire droit que la Banque devra en tout état de cause produire aux débats l’ensemble des historiques de comptes du prêt sur l’intégralité de la période concernée,
juger qu’à défaut de production par la CEGC et la Banque de ces éléments, la «’CEGC’» doit en l’état être purement et simplement déboutée de l’ensemble de ses demandes comme prescrites,
constater que la Banque ne rapporte pas la preuve de la non-cession du prêt qu’elle lui a accordé,
constater la titrisation de ses créances par la Banque,
constater que la Banque ne produit pas le récapitulatif des créances cédées par voie de titrisation,
en conséquence,
constater que la Banque n’a pas d’intérêt à agir, la déclarer irrecevable,
la débouter de ses demandes, fins et conclusions,
prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Banque pour violation des délais Scrivener comme eu égard à l’inexactitude du taux effectif global,
constater que la créance de la Banque n’est ni liquide, ni certaine ni exigible,
juger que la Banque n’a pas respecté son obligation de mise en garde,
en toute occurrence,
dire n’y avoir lieu à exécution provisoire,
condamner la Banque à lui régler une somme de 180.000 € à titre de dommages et intérêts, assortie de l’intérêt au taux légal à la date de l’assignation, et ordonner compensation de cette créance avec celle alléguée de la Banque,
infirmer la décision déférée en ce qu’elle ordonne la capitalisation des intérêts,
débouter la Banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires ou complémentaires,
condamner la Banque à lui verser une somme de 3.000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL Gabarra Guieu et Prudhomme , sur son affirmation de droit.
Dans ses dernières conclusions n°2 déposées le 19 octobre 2022, la Banque sollicite que la cour’:
confirme le jugement en ce qu’il a’débouté M. [U]’:
de l’ensemble de ses demandes et prétentions sur une péremption d’instance, ses fins de non-recevoir sur la prescription, un défaut d’intérêt à agir au titre d’une titrisation et cession de créance et sa demande de sursis à statuer,
de sa demande de déchéance des intérêts au titre d’un manquement au formalisme Scrivener des articles L. 312-7 et suivants du code de la consommation,
de sa demande de déchéance des intérêts au titre d’une irrégularité du TEG,
à titre principal
confirme le jugement déféré qui a condamné M. [U] à lui payer au titre du prêt n° 1020 718 926 5 la somme de 176.971,94 €, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 6 août 2012,
à titre subsidiaire, si les échéances des 25 mai, 25 juin et 25 juillet 2010 étaient jugées prescrites,
condamne M. [U] à lui à payer au titre du prêt n°1020 718 926 5 la somme de 173.281,88 €, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 6 août 2012,
en tout état de cause,
confirme le jugement en ce qu’il a’:
ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts au motif qu’il appartient au tribunal judiciaire de Marseille, juridiction saisie en premier lieu, de connaître de l’action en responsabilité dirigée par celui-ci à son encontre,
condamné M.[U] à payer à la Banque 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance,
condamne M. [U] à lui payer en appel une indemnité de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
le condamne aux dépens d’appel qui seront recouvrés par Me Cyrielle Delbe dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2023.
MOTIFS
Il est important de rappeler que la cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes, qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif, et que les «’demandes’» tendant à voir «’constater’» ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour, en étant de même des «’demandes’» tendant à voir «’dire et juger’» lorsque celles ci développent en réalité des moyens.
La cour n’a pas à statuer sur l’exécution provisoire prononcée par les premiers juges, le contentieux sur l’exécution provisoire relevant de la seule compétence du premier président ou du conseiller de la mise en état selon l’état d’avancement de la procédure.
Par ailleurs, le jugement querellé est devenu définitif en ses dispositions ayant rejeté la demande de péremption d’instance, et débouté la Banque de ses demandes à l’encontre de [G] et [X] [U], ces points n’étant pas critiqués en appel.
Sur la recevabilité de l’action en paiement de la Banque
Au soutien de sa demande relative à «’la prescription des demandes de la CEGC’» comme dite au dispositif de ses dernières conclusions d’appel (qu’il faut entendre comme prescription de l’action en paiement de la Banque), M. [U] ne présente aucun fait, comme le lui impose l’article 9 du code de procédure civile, et ne vise aucune pièce dans ses conclusions comme le prescrit l’article 954 du code de procédure civile.
Il se limite à développer dans ses motifs l’applicabilité au litige de la presciption biennale de l’article L.137-2 du code de la consommation (dans sa version applicable au litige) sans développer les faits caractérisant la prescription alléguée.
Pour autant, en défense, la Banque motive en fait et en droit sa demande de confirmation du jugement déféré ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription par référence aux dispositions de l’article L.110-4 du code de commerce après avoir retenu la qualité de commerçant de M. [U] pour lui refuser le bénéfice des dispositions de l’article L.137-2 du code de la consommation.
C’est par de justes motifs, que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu qu’en application de l’article 2224 du code civil, le délai de prescription applicable à la demande en paiement de la Banque, était de cinq ans et courait à compter de la déchéance du terme, prononcée par la banque par courrier du 27 août 2010, de sorte que l’action, introduite par acte d’huissier de justice du 23 août 2012 n’était pas prescrite.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l’intérêt à agir de la Banque
M. [U] affirme que la Banque a cédé par titrisation la créance qu’elle détient à son encontre.
Alors qu’il lui appartient conformément à l’article 9 du code de procédure civile ne prouver cette titrisation, sans qu’il soit fondé à dénoncer un renversement de la charge de la preuve, il procède par simples affirmations non étayées par des offres de preuve’; il ne saurait dès lors reprocher à la Banque de ne pas produire le récapitulatif des créances cédées par voie de titrisation, la Banque qui conteste avoir procédé à une telle titrisation, étant dans l’impossibilité de produire une preuve négative.
Le jugement est dès lors confirmé sur le rejet de cette fin de non-recevoir.
Sur le sursis à statuer
M. [U] soutient que le sursis à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille est nécessaire pour une bonne administration et un bon fonctionnement de la justice et à titre de préservation de l’ordre public en exposant qu’il n’est pas concevable qu’une décision judiciaire puisse rendre recouvrable une créance issue d’une escroquerie et qu’il n’est pas contestable qu’il existe un risque de contrariété grave entre l’action en paiement initiée à son encontre par la Banque pouvant aboutir à une décision de condamnation et l’action publique éventuelle exercée par le parquet de Marseille contre la Banque, l’existence de deux décisions incompatibles étant constitutive d’un déni de justice ouvrant la voie d’un pourvoi en cassation’; or lorsqu’il sera éventuellement fondé à se pourvoir en cassation (si la procédure pénale donne lieu à une condamnation pénale contre la Banque pour recel) il aura été exécuté en paiement par la Banque et son pourvoi sera vain.
Il considère par ailleurs que la décision de sursis à statuer ne portera pas atteinte aux intérêts de la Banque.
Les protestations de la Banque quant au bien fondé de cette demande de sursis à statuer doivent être retenues, sauf à relever que ses développements sur l’article 132 du code de procédure civile sont sans objet dans le cadre du présent litige, M. [U] ne fondant pas sa demande de sursis à statuer sur ce texte en cause d’appel, tout comme il ne sollicite le sursis à statuer que dans l’attente de l’issue de l’action pénale en cours, comme dit au dispositif de ses conclusions qui scelle l’étendue de la saisine de la cour.
Etant rappelé que la décision de suspendre l’instance relève du pouvoir discrétionnaire conféré au juge en vue d’une bonne administration de la justice, il est retenu que la Banque (et pas davantage la caution CEGC) ne sont ou n’ont pas été mises en cause dans le cadre de l’information ouverte au tribunal judiciaire de Marseille, la Banque ayant toujours son statut de partie civile depuis le 17 décembre 2009 tandis que sa salariée mise en examen n’est pas renvoyée devant le tribunal correctionnel, comme ne l’est pas davantage son intermédiaire en opération de banque (IOB), la société French Riviera Invest (FRI). Dès lors, la décision pénale définitive qui interviendra dans un délai qu’il est impossible d’évaluer à ce jour, sera sans incidence sur la présente instance.
Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer et le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts de la Banque
M. [U] qui conclut que le code de la consommation est applicable au prêt soutient que cette déchéance est encourue du chef du non-respect des articles L.121-1, L.121-23, L.121-24 et L.121-16 mais également pour violation des dispositions des articles L.312-7 et L.312-10, l’offre de prêt ne lui ayant pas été envoyée par la Poste et le délai de 10 jours entre sa réception et son acceptation n’ayant pas été respecté, et encore que le taux effectif global (TEG) est affecté d’irrégularités.
La Banque dénonce l’inapplicabilité des dispositions du code de la consommation au prêt litigieux’en retenant en substance que M. [U] a le statut de loueur en meublé professionnel ; à considérer ces dispositions applicables, elle s’oppose à la demande de déchéance du droit aux intérêts la disant atteinte par la prescription et mal fondée.’
Il est rappelé en tant que de besoin, que la déchéance des intérêts, invoquée comme moyen de défense au fond à une demande en paiement, est imprescriptible’; tel est le cas en l’espèce, M. [U] ne formulant pas cette demande à titre reconventionnel.
En outre, la Banque n’a pas repris au dispositif de ses dernières conclusions d’appel sa demande de prescription, de sorte que la cour n’en est pas saisie conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, étant au surplus relevé que le premier juge n’avait pas été non plus saisi d’une telle prétention.
S’agissant de l’applicabilité au litige du code de la consommation, il résulte de l’article L.312-3, 2°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 applicable au litige, que sont exclus du champ d’application du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la consommation relatif au crédit immobilier, les prêts destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.
Il s’en déduit que l’emprunteur qui souscrit un prêt destiné à financer une activité professionnelle ne saurait bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation.
Pour autant, quand bien même le prêt revêt une nature professionnelle, les parties conservent la faculté de se soumettre volontairement aux dispositions du code de la consommation.
Or, il est vérifié à l’examen de l’offre de prêt signée par M. [U], que les parties ont entendu soumettre le prêt immobilier aux dispositions du code de la consommation’; ainsi, y figurent clairement les mentions suivantes’:
en page 1 : «’offre de prêt immobilier (artL.312-7 et L.312-8 du code de la consommation)’»,
en page 6′: «’rappel des dispositions du code de la consommation’; cette offre sera périmée le 31ème jour de sa réception par le bénéficiaire sauf prorogation de ce délai par la banque. En cas de non réalisation du crédit, seront dus les frais d’étude visés par l’article L. 312-14 du code de la consommation et plafonnés conformément aux décrets d’application de ce texte (suivent ensuite l’énoncé des articles L.312-4 alinéa 2, L.312-5, et L.312-10 du code de la consommation)’»
Dés lors, cette soumission volontaire de l’offre de prêt aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier n’implique pas de rechercher si le prêt litigieux a été souscrit pour financer une activité professionnelle.
S’agissant de la régularité de l’offre de prêt, les articles L.121-23, L.121-24 et L. 121-26 tels que visés par l’appelant dans son argumentaire figurent à la section III ancienne du code de la consommation qui traite du démarchage et qui s’applique selon l’article L.121-21 à quiconque pratique ou fait pratiquer le démarcharge (‘) pour l’achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d’achat de biens ou la fourniture de services’; M. [U] est en conséquence mal fondé à exciper d’une quelconque violation de ces textes par la Banque dès lors qu’ils ne sont pas applicables au prêt immobilier litigieux.
Ensuite, M. [U] ne peut pas utilement solliciter la déchéance du droit aux intérêts pour violation des dispositions de l’article L.312-10 du même code alors même que la sanction de l’inobservation du délai de réflexion est la nullité qu’il ne demande pas.
Il a par ailleurs signé l’offre de prêt comportant la mention selon laquelle il reconnaissait avoir reçu l’offre par voie postale’; dès lors, il ne peut se prévaloir d’une violation de l’article L.312-7 précité.
Enfin, s’agissant du TEG, M. [U] soutient qu’il est erroné car ne prenant pas en compte les commissions de l’intermédiaire, la société Apollonia (alors que l’IOB était la société’FRI) comme prescrit par l’article L.313-1 du code de la consommation.
Alors que la charge de la preuve du caractère erroné du TEG incombe à l’emprunteur, M. [U] s’abstient de justifier qu’il a payé des frais de commission d’intermédiaire lesquels ne figureraient pas dans le calcul du TEG du prêt’; il résulte de plus fort de l’offre de prêt que ces frais étaient inexistants'(cf en page 4 «’incidence en taux des frais de mandat de recherche de capitaux’: néant’») ; dès lors, celui-ci n’encourt aucune irrégularité de ce chef.
M. [U] est en conséquence débouté de sa demande de déchéance du droit aux intérêts’ et le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur la créance de la Banque
La condamnation prononcée à l’encontre de M. [U] à payer la somme de 176.971,94€ avec intérêts au taux conventionnel courant depuis le 6 août 2012, date de l’arrêté de compte de la créance, est confirmée en ce qu’il ne discute pas plus en appel qu’en première instance le quantum de cette créance en son principal qui est certain, liquide et exigible’; toutefois, la disposition du jugement déféré ordonnant la capitalisation des intérêts conventionnels est infirmée au regard des dispositions de l’article L. 312-23 du code de la consommation.
Sur la responsabilité de la Banque
Au soutien de sa réclamation de dommages et intérêts, M.[U] dénonce que la Banque était informée des conditions illicites dans lesquelles le prêt a été souscrit, mais encore que la Banque a manqué à son égard à son obligation de mise en garde’; il proteste contre la décision des premiers juges ayant écarté sa prétention indemnitaire au visa de l’article 100 du code de procédure civile, en soutenant qu’il n’existe pas de litispendance dès lors que ses demandes formulées dans le cadre de l’instance civile devant le tribunal judiciaire de Marseille sont distinctes de sa réclamation de dommages et intérêts formulée dans le cadre du présent litige du chef du devoir de mise en garde.
Ce qui doit être admis, l’instance civile marseillaise impliquant non seulement la Banque mais également la société Apollonia, les notaires instrumentaires et d’autres établissements bancaires, à l’encontre desquels M. [U] réclame réparation de son préjudice du chef de l’opération immobilière de défiscalisation via l’allocation de dommages et intérêts, celui-ci ayant toutefois réservé et chiffré sa demande indemnitaire spécifiquement fondée sur le devoir de mise en garde dans l’instance actuelle.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a retenu la litispendance à l’égard de la demande indemnitaire de M. [U] fondée sur le non-respect de l’obligation de mise en garde par la Banque.
M. [U], quoique soutenant dans le corps de ses conclusions le caractère illicite du prêt au motif, en substance,que la Banque était informée des agissements de la société Apollonia lors de la présentation des dossiers de financement destinés à dissimuler aux organismes prêteurs la situation des emprunteurs potentiels, n’ a pas repris au dispositif desdites conclusions ce chef de prétention de sorte que la cour n’en est pas saisie, celui-ci demandant uniquement à voir juger que la Banque n’a pas respecté son obligation de mise en garde.
Il résulte de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, qu’un établissement de crédit est tenu, lors de la conclusion d’un contrat de prêt, à un devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur non averti, au regard des capacités financières de celui-ci et des risques de l’endettement né de l’octroi du prêt. Le préjudice de l’emprunteur non averti consécutif au manquement d’un établissement de crédit à son devoir de mise en garde consiste dans la perte de la chance de renoncer au prêt.
Ainsi, l’établissement de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde dès lors qu’au moment de la conclusion du prêt, il existe tout à la fois un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt et que l’emprunteur est un client non averti’; dès lors qu’il apparaît qu’au jour de sa conclusion le prêt était adapté aux facultés financières de l’emprunteur et au risque d’endettement résultant de ce prêt, l’établissement bancaire n’est plus tenu d’un devoir de mise en garde, la qualification d’emprunteur averti ou non étant alors indifférente.
Au moment de la souscription du prêt de 220.064€, M. [U] (ainsi que son épouse) a indiqué dans la fiche «’demande de prêt immobilier’» (signée des deux emprunteurs) disposer d’un revenu mensuel de 4.556€, de revenus locatifs de 440€ précisant que son épouse percevait un salaire mensuel de 1.552€’; il faisait état de charges mensuelles de remboursement de 1.611€ et d’avoirs financiers de l’ordre de 33.685€.
Ainsi les mensualités du prêt litigieux (premier palier de 24 mois’: 820,50€’, puis 1230,02€/mois) étaient adaptées aux facultés financières de M. [U] dont le reste à vivre mensuel avec son épouse co-empruntrice, représentait près de 4.900€’, de sorte que l’octroi de ce prêt ne présentait pas un risque d’endettement excessif, sans qu’il y ait lieu de rechercher si M. [U] était ou pas un emprunteur averti.
En l’absence d’anomalies apparentes dans la déclaration patrimoniale de l’emprunteur, la Banque n’était pas tenue de procéder à des vérifications voire à des investigations ; la circonstance que M. [U] a occulté à la Banque au moment de la régularisation du prêt litigieux l’existence de six autres prêts souscrits auprès d’autres établissements bancaires dans le cadre du même programme Apollonia procède de sa seule responsabilité, cette déloyauté dans l’information portée à la connaissance de la Banque quant à sa situation financière, ne l’autorisant pas à reprocher à celle-ci un manquement à son devoir de mise en garde.
M. [U] n’est pas non plus fondé à soutenir qu’il n’aurait jamais eu de contact avec elle pour solliciter le prêt au motif que c’était la société Apollonia qui transmettait à celle-ci les affaires (dossiers de prêt)’et que la Banque est responsable de ses intermédiaires en opérations de banque, la société Apollonia et la société French Riviera Invest (FRI), alors même son seul intermédiaire en opérations de banque était la société FRI , et qu’une fois encore, en l’absence d’anomalie apparente, la Banque était légitime à se fier aux informations recueillies auprès de M. [U] par cet intermédiaire (FRI), et n’était pas tenue d’entrer en contact avec M. [U].
Sans plus ample discussion, la demande en paiement de dommages et intérêts de M. [U] fondée sur le non-respect du devoir de mise en garde est rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie succombante, M. [U] est condamné aux dépens d’appel avec droit de recouvrement et conserve ses frais irrépétibles exposés devant la cour’; il doit verser une indemnité de procédure à la Banque en cause d’appel.
Les dispositions du jugement déféré du chef de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens sont par ailleurs confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a’:
condamné M. [V] [U] à payer à la Banque la somme principale de 176.971,94 €, outre intérêts conventionnels capitalisés à compter du 6 août 2012 dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,
dit qu’il appartiendra au tribunal judiciaire de Marseille, juridiction saisie en premier lieu, de connaître de l’action en responsabilité dirigée par M. [U] contre la Banque,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,
Condamne M. [V] [U] à payer à la Banque la somme principale de 176.971,94 €, outre intérêts conventionnels à compter du 6 août 2012,
Déboute la société My Money Bank , nouvelle dénomination de GE Money Bank, de sa demande de capitalisation des intérêts conventionnels,
Dit l’absence de litispendance entre l’instance en responsabilité pendante devant le tribunal judiciaire de Marseille et la demande de dommages et intérêts de M. [V] [U] fondée sur le non-respect de l’obligation de mise en garde présentée dans le cadre de la présente instance,
Déboute M. [V] [U] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le non-respect de l’obligation de mise en garde par la société My Money Bank, nouvelle dénomination de GE Money Bank,
Condamne M. [V] [U] à verser à la société My Money Bank, nouvelle dénomination de GE Money Bank, une indemnité de procédure d’appel de 3.000€,
Déboute M. [V] [U] de sa demande présentée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] [U] aux dépens d’appel avec recouvrement conformément aux dispositions de l’artcile 699 du code de procédure civile par Me Cyrielle Delbe.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT