Péremption d’instance : 22 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08098

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Péremption d’instance : 22 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08098
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 22 MARS 2023

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08098 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CENL6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Commerce chambre 2 – RG n° F20/09853

APPELANT

Monsieur [P] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Chanel DESSEIGNE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 4 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Philippe MICHEL, Président de chambre

M. Fabrice MORILLO, Conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience M. Philippe MICHEL, Président de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Pauline BOULIN

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée du 18 mai 2006 à effet au 22 mai 2006, M. [Z] a été engagé par l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) la Régie Autonome des Transports Parisiens (la RATP) en qualité d’animateur agent mobile.

Dans le dernier état des relations contractuelles de travail entre les parties, régies par le statut du personnel de la RATP, les instructions générales, notes et accords collectifs qui le complètent, M. [Z] exerçait ses fonctions d’animateur agent mobile sur la ligne 10 du métro.

Parallèlement, M. [Z] était salarié dans plusieurs clubs de tennis.

Il a été arrêté pour maladie, notamment du 15 juin 2011 au 31 août 2011, du 24 novembre 2011 au 8 décembre 2011, du 25 janvier 2012 au 4 mars 2012, du 23 avril 2012 au 11 mai 2012, du 3 juin 2012 au 20 juin 2012 et du 18 septembre 2012 au 14 avril 2013.

À la suite d’une agression verbale à la station [Adresse 5], il a été placé en arrêt pour accident du travail du 21 mai 2014 jusqu’au 19 septembre 2014 inclus.

Il a repris le travail du 20 septembre 2014 à temps partiel pour motif thérapeutique jusqu’au 19 novembre 2014, puis à plein temps du 20 novembre 2014, puis a été de nouveau en arrêt de travail du 19 mars 2015 au 20 avril 2015 pour dépression post traumatique.

La Caisse de coordination des assurances sociales de la RATP (CCAS RATP, caisse d’assurance maladie des salariés de la RATP) a ouvert une enquête sur les arrêts de travail portant sur les périodes du 15 juin 2011 au 31 août 2011, du 24 novembre 2011 au 8 décembre 2011, du 25 janvier 2012 au 4 mars 2012, du 23 avril 2012 au 11 mai 2012, du 3 juin 2012 au 20 juin 2012 et du 18 septembre 2012 au 14 avril 2013, à la suite de laquelle elle a notifié à la RATP et M. [Z], le 11 décembre 2014, sa décision d’invalider les arrêts maladie de M. [Z] au motif que le salarié avait maintenu ses activités professionnelles de moniteur de tennis pendant ceux-ci.

M. [Z] a saisi la commission de recours amiable pour contester cette décision, le 4 janvier 2015.

Son recours ayant été implicitement rejeté, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine le16 février 2015 qui, par jugement du 27 août 2015, l’a débouté de sa demande tendant à l’annulation de la décision de non-validation de ses arrêts maladie prise par la CCAS RATP.

Par arrêt du 8 février 2018, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Par arrêt du 14 mars 2019, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu le 8 février 2018 et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.

Par arrêt du 10 juin 2020, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement entrepris.

Par arrêt du 17 février 2022, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. [Z].

Parallèlement, M. [Z] :

– a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 février 2015, par lettre du 14 janvier 2015,

– a été informé par le directeur de la ligne 10 de sa décision de saisir le conseil de discipline en application de l’article 88 du Statut du personnel, le 23 février 2015,

– a été convoqué, le 9 mars 2015, à une audience préparatoire initialement fixée au 20 mars 2015,

– a été convoqué, le 20 mars 2015, à comparaître à une audience du conseil de discipline fixée au 27 mars 2015,

– a été révoqué pour manquement à l’article 88 du statut du personnel, le 8 avril 2015.

Contestant le bien fondé de sa révocation et estimant ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits durant la relation contractuelle de travail, M. [Z] a saisi conseil de prud’hommes de Paris le 1er juillet 2015 afin de l’entendre, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– Condamner la RATP à lui verser les sommes de :

° 50 000 euros en réparation du préjudice causé par le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,

° 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le harcèlement moral,

A titre principal,

– Dire nulle la révocation du 15 avril 2015,

en conséquence,

– Ordonner sa réintégration sous astreinte, dont le conseil se réservera la liquidation, de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement ordonnant sa réintégration,

– Condamner la RATP à lui verser la somme de 89 457,12 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice résultant de la nullité de la révocation,

A titre subsidiaire,

– Requalifier sa révocation en licenciement abusif,

– Condamner la RATP à lui verser les sommes de :

° 4 969,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

°496,98 euros à titre de congés payés incidents,

° 4 472,85 euros à titre d’indemnité de licenciement,

° 89 457 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 2 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Dire que les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation de ceux-ci,

– Dire que le conseil se réservera la liquidation de l’astreinte.

La RATP a conclu au débouté de M. [Z] et à la condamnation de ce dernier à lui verser les sommes de :

° 18 013,23 euros en remboursement des salaires versés durant les arrêts maladie,

° 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 septembre 2021, le Conseil de prud’hommes de Paris a débouté M.[Z] de l’ensemble de ses demandes, a débouté la RATP de sa demande reconventionnelle et a condamné M. [Z] aux dépens.

Le 30 septembre 2021, M. [Z] a régulièrement interjeté appel de ce jugement notifié le 28 septembre 2021.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 20 juin 2022 , M. [Z] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes sauf en ce qu’il a écarté la péremption d’instance et a rejeté la demande reconventionnelle de la RATP tendant au remboursement des indemnités journalières,

Au titre de l’exécution du contrat de travail,

– Condamner la RATP à lui verser les sommes suivantes :

° 50 000 euros en réparation du préjudice résultant de la violation de l’obligation de sécurité prévue à l’article L.4121-1 du code du travail,

° 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral,

Au titre de la rupture du contrat de travail,

A titre principal

– Dire et juger que la révocation du 15 avril 2015 est nulle,

– Ordonner sa réintégration sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt,

– Ordonner le paiement des salaires et des congés payés depuis la révocation jusqu’à sa réintégration effective,

– Condamner la RATP à lui verser la somme de 89 457, 12 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice résultant de la nullité de la révocation,

A titre subsidiaire

– Requalifier sa révocation en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamner la RATP à lui verser les sommes suivantes :

° 4 969,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 496,98 euros à titre de congés payés incidents,

° 4 472,85 euros à titre d’indemnité de licenciement,

° 89 457 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et en tout état de cause

– Condamner la RATP à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et de 2 400 euros en cause d’appel,

– Condamner la RATP aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 25 mars 2022, la RATP demande à la cour de :

A titre principal,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de la RATP tendant à voir déclarer les demandes de M. [Z] irrecevables du fait de la péremption d’instance,

– Constater la péremption de l’instance prud’homale,

– Déclarer irrecevables l’ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [Z],

A titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Z] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens de l’instance,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre du remboursement des salaires versés pendant les arrêts maladie invalidés et de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner M. [Z] à lui rembourser la somme de 18 013,23 euros au titre des salaires versés pendant les arrêts maladie invalidés et donc indûment perçus et restant dus, à lui payer les sommes de 1 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance, de 1 500 euros au titre de la procédure d’appel et de le condamner aux entiers dépens.

L’instruction a été clôturée le 13 décembre 2022 et l’affaire plaidée à l’audience du 4 janvier 2023.

MOTIFS

EN LA FORME

Sur les notes en délibéré

Aucune des parties n’ayant été autorisée à déposer une note en délibéré, la note du conseil de M. [Z] adressée à la cour le 20 février 2023 et la réponse du conseil de la RATP du 3 mars 2023 ne seront pas prises en considération.

Cette note portant sur un arrêt très récent de la Cour de cassation dont la solution dégagée serait applicable à la présente instance selon l’appelant, la cour tient à préciser qu’elle dispose d’un accès privilégié à la base de données de la Cour de cassation et également à toute la documentation juridique nécessaire à l’appréciation des litiges qui lui sont soumis dans l’état du droit et des évolutions jurisprudentielles les plus récentes dont elle est à même d’apprécier la portée.

Sur la péremption d’instance

Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

La RATP fait valoir que, faute de diligences de M. [Z], l’affaire a été radiée par le conseil de prud’hommes selon une ordonnance notifiée aux parties le 6 décembre 2018, et qui, de l’aveu même de l’appelant, est parvenue à ce dernier le 18 décembre 2018 mais que M. [Z] n’a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de rétablissement de l’affaire que le 23 décembre 2020, soit plus de deux ans après la notification de l’ordonnance de radiation.

M. [Z] réplique avoir reçu la notification de la décision de radiation du 20 juin 2018 par lettre simple du 18 décembre 2018 et avoir adressé sa demande de rétablissement par lettre postée le 18 décembre 2020, soit dans le délai de deux ans, et qu’en tout état de cause, la péremption a été interrompue par la plainte pénale et par sa procédure en matière de sécurité sociale l’ayant amené à saisir deux fois la Cour de cassation.

Cela étant, seul un acte faisant partie de l’instance et ayant pour objet de la continuer peut interrompre le délai de péremption. Ainsi, M. [Z] ne peut utilement se prévaloir d’une interruption du délai de péremption du fait de sa plainte pénale et de sa procédure en matière de sécurité sociale.

Le dossier du conseil de prud’hommes transmis à la cour ne permettant pas de déterminer la date de la notification de la décision de radiation au demandeur, la date du 18 décembre 2018 évoquée par M. [Z] sera retenue.

Comme le rappelle justement M. [Z], l’article 668 du code de procédure civile dispose que, sous réserve de l’article 647-1, la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre.

Il résulte de ce texte que lorsqu’un acte de procédure peut être fait par voie postale, la date de cet acte est celle de son expédition à condition que la lettre soit parvenue à son destinataire.

En l’espèce, M. [Z] produit le récépissé de dépôt de sa lettre recommandée AR daté du 18 décembre 2020. Sa lettre a été nécessairement reçue par le conseil de prud’hommes puisqu’elle a conduit ce dernier à ordonner le rétablissement de l’affaire.

En conséquence, le délai de deux ans de l’article 386 n’était pas expiré à la date de l’expédition de la lettre de M. [Z] de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la péremption de l’instance.

AU FOND

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Sur l’obligation de sécurité

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail :

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

M. [Z] soutient que la RATP a manqué à son obligation de sécurité imposée par ce texte à la suite de l’agression dont il a été victime le 21 mai 2014 lorsqu’il travaillait à la station [Adresse 5] (outrages, insultes et menaces par deux individus dont un dénommé [T] contre lequel il a déposé plainte le 22 mai 2014), d’une part, en s’abstenant de prendre en compte l’attitude de l’agresseur en dépit du caractère précis de sa plainte et celle d’une autre salariée victime quelques mois plus tard du même individu, lequel a continué d’être présent sur la ligne numéro 10 et était, au surplus, en possession de la clé du portillon qui lui permettait d’accéder aux quais en fraudant, et d’autre part, en s’abstenant également de prendre en considération les avis et préconisations du médecin du travail à la suite de cette agression.

La RATP réplique qu’elle mobilise de très importants moyens humains et matériels pour assurer la sécurité de ses agents, qu’elle a respecté à la lettre les préconisations du médecin du travail concernant M. [Z] et qu’elle a pris toutes les mesures en son pouvoir suite à l’agression de cet agent.

Cela étant, il ressort des pièces du dossier que les animateurs agents mobiles reçoivent dès leur embauche une formation en matière de gestion des situations conflictuelles pouvant potentiellement dégénérer, que M. [Z] a bénéficié de cette formation, que les animateurs agents mobiles ont par ailleurs la possibilité de requérir l’intervention d’une équipe de l’unité opérationnelle GPSR à tout moment grâce au dispositif Tetra, que M. [Z] a bénéficié de la formation nécessaire au maniement de ce dispositif radio le 2 décembre 2008, que lors de l’agression du 21 mai 2014, il était en possession de cet équipement comme en témoignent ses propres déclarations faites à la police, que la RATP a sollicité une sécurisation renforcée de la station [Adresse 5] le 19 décembre 2014 pour un passage si possible tous les jours y compris le week-end sur les créneaux de la petite nuit, dans le cadre d’un dossier déjà instruit depuis septembre 2014.

Il apparaît également que l’ensemble du réseau RATP dans les zones accessibles au public est équipé de caméras de vidéo surveillance.

L’ensemble de ces circonstances établit que l’employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour garantir la sécurité de ses agents dès lors que, comme justement rappelé par la RATP, il n’entre pas dans les pouvoirs de l’établissement public d’interdire l’accès au réseau en transport en commun à un individu.

Par ailleurs, les fiches d’affectation fournies par la RATP sur la période s’étalant de la reprise du travail par le salarié après son accident du travail jusqu’à sa révocation, démontrent que l’intéressé a été affecté à la station [Adresse 5] les 5 novembre 2014, 21 novembre et 2 décembre 2014.

Dans l’état des pièces fournies à la cour, le seul avis clair du médecin du travail pour une aptitude sous réserve d’un changement de lieu de travail est celui du 6 novembre 2014.

En conséquence, l’affectation de M. [Z] à la station de [Adresse 5] le 5 novembre 2014 ne peut pas être considérée comme fautive.

Certes, les affectations des 21 novembre et 2 décembre 2014 ne respectent pas les préconisations du médecin du travail.

Mais, M. [Z], qui ne procède que par simples affirmations, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que ces deux rares manquements au caractère particulièrement isolé lui ont causé un préjudice.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de ses demandes de dommages intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon, l’article L.1152-2 du même code, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1152-3 prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application de l’article L.1154-1, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au titre du harcèlement, M. [Z] invoque l’absence de réponse à ses demandes et le non respect des préconisations du médecin du travail de la part de la RATP et la concomitance entre ses contestations et le déclenchement des enquêtes qui ont abouti à sa révocation le 8 avril 2015, date à laquelle la CCAS a mis également un terme à la prise en charge de l’arrêt de travail consécutif à l’accident.

Il soutient également que le comportement de la CCAS à son égard est pareillement constitutif du harcèlement moral dont il a fait l’objet, dès lors que la CCAS est un service de la RATP et qu’il n’a pas fait l’objet d’un traitement régulier de la part de celle-ci.

Il en déduit qu’il a, par conséquent, subi un processus visant à l’écarter et qui a occasionné une détérioration de son état de santé aboutissant à des arrêts de travail.

Mais, le prétendu silence de la RATP à la suite de l’agression de son salarié et le non respect des préconisations du médecin du travail sur deux jours seulement sur une période de sept mois ne caractérisent pas des faits laissant présumer du harcèlement.

Bien qu’étant un service émanant de la RATP, la CCAS RATP n’est pas l’employeur de M. [Z] de sorte que son comportement ne peut être retenu dans l’appréciation d’un éventuel harcèlement à l’égard du salarié. En tout état de cause, les mesures prises par la CCAS RATP pour faire valoir ses droits ne peuvent être considérées comme des faits laissant présumer un harcèlement moral, d’autant que la légitimité de l’action de la CCAS RATP a été reconnue par des décisions de justice en matière de sécurité sociale devenues définitives.

*

* *

Ainsi, au vu de l’ensemble des éléments ci-dessus, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de ses demandes relatives à l’exécution du contrat de travail.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Une révocation sans préavis ni indemnité de rupture s’analyse en un licenciement pour faute grave.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de révocation est ainsi motivée :

‘Monsieur,

Vous avez été engagé le 22 mai 2006 en qualité d’animateur agent mobile, affecté sur la ligne 10.

Une enquête diligentée par la CCAS et transmise le 11 décembre 2014 à votre hiérarchie a mis en lumière les faits suivants :

Pendant vos différents arrêts de travail du 15 juin au 31 août 2011, du 24 novembre au 8 décembre 2011, du 25 janvier au 4 mars 2012, du 23 avril au 11 mai 2012, du 3 juin au 20 juin 2012 et du 18 septembre 2012 au 14 avril 2013, vous avez travaillé au tennis club ‘[Adresse 7]’ situé à [Localité 4] en tant que directeur sportif ainsi qu’au club ASBR de [Localité 6] comme entraîneur de tennis.

Vous avez, pour ces activités, été rémunéré par le tennis club ‘[Adresse 7]’ sans interruption du 1er juin 2012 au 20 décembre 2012 et par le tennis club de [Localité 6] du 1er octobre 2012 au 30 avril 2013.

Or, en vertu de l’article 88 du statut du personnel, le paiement du salaire ou, le cas échéant, de la fraction de salaire est subordonné à l’obligation pour les bénéficiaires d’un congé maladie de s’abstenir de toute activité, rémunérée ou non, sauf autorisation expresse de la RATP.

Le 14 janvier 2015, vous avez été convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception à un entretien préalable qui s’est tenu le 4 février 2015 afin de recueillir vos explications.

Vous avez confirmé avoir plusieurs employeurs, en plus de la RATP et avoir travaillé pour ceux-ci à de multiples reprises alors que vous étiez en arrêt maladie à la RATP.

Vous avez également confirmé ne pas avoir eu l’autorisation expresse de la RATP de travailler durant les arrêts de travail susvisés.

En application du Statut du Personnel, vous avez été informé de la saisine du Conseil de discipline par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 février 2015.

Le Conseil de discipline devant lequel vous avez été convoqué par courrier du 20 mars 2015 s’est tenu le 27 mars 2015.

Suite à l’avis émis par le Conseil de discipline, j’ai décidé de prendre à votre encontre une mesure de révocation pour le motif suivant : exercice d’activités rémunérées non autorisées durant des arrêts maladie caractérisant un manquement à l’article 88 du Statut du Personnel.

Je vous précise que votre révocation prendra effet à la date d’envoi de cette lettre et qu’à cette date vous serez rayé des effectifs de la RATP, sans préavis ni indemnité de rupture.

Vous êtes tenu de vous présenter sous quinzaine au bureau chargé de la gestion des ressources humaines de votre unité pour procéder à la régularisation de votre compte et restituer vos agrès (tenues, clés), ainsi que votre carte de circulation.

Votre reçu pour solde de tout compte, votre attestation Pôle Emploi et votre certificat de travail vous seront adressés dans les meilleurs délais.’

Ainsi, aux termes de cette lettre, la RATP reproche à son salarié d’avoir exercé une activité non autorisée durant ses congés maladie, et rémunérée durant une certaine période, et ce, en violation de l’article 88 statut du personnel de la RATP.

Ces faits sont détaillés dans la décision de la CCAS du 11 décembre 2014 et M. [Z] ne les conteste pas, soulevant, à l’appui de son appel, la prescription des faits, des irrégularités de la procédure disciplinaire entachant la révocation de nullité, la déloyauté de la preuve, l’existence d’une double sanction pour les mêmes faits, l’absence de tout caractère fautif de son comportement, en tout état de cause, l’absence de gravité de la faute et le caractère disproportionné de la sanction.

Sur la prescription

Selon l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

M. [Z] soutient que les faits qui lui sont reprochés portant sur la période de juin à avril 2013 sont prescrits car la CCAS en était parfaitement informée au moins à partir du 10 octobre 2014, comme le démontrent les termes du courrier que la caisse lui a adressé, le 10 octobre 2014 et que la lettre de convocation à l’entretien préalable est datée du 14 janvier 2015. Il ajoute que la lettre de la CCAS du 11 décembre 2014 par laquelle la caisse a décidé de le pointer pour les arrêts de 2011 à 2013 ‘en position de fins de droits et actes non validés par la CCAS ; code 777″ ne constitue pas une enquête, ni la restitution d’une enquête.

Cela étant, comme déjà rappelé ci-dessus, la CCAS RATP n’est pas l’employeur de M. [Z], même s’il s’agit d’un organisme de sécurité sociale lié à celui-ci.

En conséquence, le délai de prescription de l’article L.1332-4 rappelé ci-dessus ne court pas à compter des échanges entre M. [Z] et la CCAS RATP mais à compter de la date de la notification à l’employeur de la décision d’invalidation des arrêts maladie de M. [Z] qui détaille, dans une motivation très précise, les circonstances l’ayant amenée à constater que M. [Z] a exercé une activité rémunérée d’entraîneur de tennis durant ses arrêts maladie, soit le 11 décembre 2014.

Les faits n’étaient donc pas prescrits à la date de l’engagement des poursuites par la lettre de convocation à l’entretien préalable du 14 janvier 2015.

Sur les irrégularités de la procédure disciplinaire

M. [Z] soutient que sa révocation est nulle en raison des nombreuses irrégularités affectant la procédure résultant des faits que :

– l’auteur de la révocation n’était pas régulièrement habilité à la date de la lettre de révocation,

compte-tenu du statut du personnel,

– la lettre de convocation à l’entretien préalable ne mentionne pas explicitement une possibilité de licenciement,

– la convocation devant le conseil de discipline est intervenue plus d’un mois après l’entretien préalable en contradiction avec l’article L. 1332-2 du code du travail,

– la sanction ne pouvait pas prendre effet à la date d’envoi de la lettre de révocation, compte-tenu des dispositions statutaires spécifiques visant la notification comme prise d’effet,

– l’avis du conseil de discipline est irrégulier au regard de l’article 152 du statut du personnel de la RATP, dès lors que seul l’enquêteur rapporteur a signé le procès-verbal, la présidente et l’ensemble des membres ne l’ayant pas signé, et que l’avis du président du conseil de discipline n’est pas mentionné alors que le conseil de discipline s’est mis en départage en ce qui concerne la révocation,

– les dispositions de l’article 160 du statut du personnel faisant obligation de mentionner la proposition de sanction du directeur et les précédents comparables n’ont pas été respectées,

– les dispositions du même article 160 lui permettant de prendre connaissance des pièces de son dossier et d’exercer son droit à récusation n’ont pas été respectées.

Cela étant, la consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une disposition conventionnelle ou d’un règlement intérieur, de donner son avis sur un licenciement envisagé par un employeur constitue une garantie de fond, en sorte que le licenciement prononcé sans que cet organisme n’ait été consulté ne peut avoir de cause réelle et sérieuse.

Constituent également des irrégularités de fond, l’absence de pouvoir de l’auteur de la lettre de rupture du contrat de travail, le non-respect du délai maximum d’un mois pour la notification du licenciement prévu par l’article L.1332-2 du code du travail et l’atteinte au respect du principe du contradictoire au cours de la procédure disciplinaire conventionnelle.

Toutefois, une garantie de fond ne peut pas être confondue avec une garantie de forme dont la violation ne prive pas le licenciement de sa cause réelle et sérieuse mais qui, en application de l’article L.1235-2 du code du travail, ouvre droit à des dommages-intérêts pour procédure irrégulière à condition que le salarié apporte la preuve du préjudice que cette irrégularité lui aurait causé.

Constituent des irrégularités de forme, le non respect du délai minimum imposé à l’employeur pour la notification du licenciement, l’absence de signature par le président du procès-verbal du conseil de discipline, l’absence de communication de l’avis du président du conseil de discipline à l’employeur et l’absence de certaines mentions de la lettre de licenciement.

A) Sur les irrégularités de fond

Sur le pouvoir de l’auteur de la lettre de révocation, M. [Z] rappelle que l’article 152 du statut du personnel dans sa version applicable au présent litige prévoit que les mesures disciplinaires du deuxième degré sont prononcées, après avis du conseil de discipline, par le directeur général.

Il soutient que le chef d’établissement SEM/CLM n’avait pas compétence pour signer la lettre de révocation dès lors que les dispositions du statut du personnel de la RATP antérieures aux modifications des statuts du 7 novembre 2020 n’autorisaient pas de délégation de pouvoir et que ce n’est pas parce qu’un décret de 1959 autorisait le PDG à déléguer ses pouvoirs et sa signature que celui-ci était autorisé par le conseil d’administration de la RATP, seul compétent pour déterminer le statut du personnel, à déléguer ses pouvoirs et ses signatures en matière de discipline.

Cela étant, il résulte des termes mêmes de l’article 8§ i du décret n° 59-1091 du 23 septembre 1959 dans sa version applicable au présent litige que le président-directeur général est compétent, notamment, ‘pour diriger l’ensemble des services, recruter et gérer le personnel dans le cadre du statut de celui-ci’ et qu’il ‘peut déléguer ses pouvoirs et sa signature’. Le terme ‘gérer le personnel’ implique, sauf précision restrictive, compétence en matière disciplinaire et ce, conformément à l’article 152 du statut du personnel.

Contrairement à ce qu’énonce M. [Z], la délégation de signature de pouvoir du président-directeur général n’est pas soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.

Ainsi, la RATP, produit la décision numéro 2011-16 du 20 janvier 2011 portant délégation de pouvoirs du président-directeur général au chef d’établissement SEM/CLM décidant dans son article 1 de donner délégation au chef d’établissement SEM/CLM à l’effet d’exercer les pouvoirs suivants dans ledit établissement,

‘(…)

1.4 : prononcer les mesures disciplinaires du second degré et statuer sur les appels des mesures du premier degré -b) prises dans son établissement.’

Le Directeur du département – chef d’établissement SEM/CML, signataire de la lettre de révocation, avait donc pouvoir pour ce faire.

Sur le délai maximum de notification de la sanction prévu par l’article L.1332-2 du code du travail, il sera rappelé que, lorsque des dispositions conventionnelles imposent qu’une instance disciplinaire statue sur un projet de sanction, le délai d’un mois pour notifier la sanction instauré par ce texte ne court qu’à compter de l’avis rendu par cette instance. Ce report n’est applicable que si, avant l’expiration de ce délai, l’employeur a informé le salarié de sa décision de saisir l’instance disciplinaire en application des règles conventionnelles.

En l’espèce, l’entretien préalable s’est tenu le 4 février 2015 et la lettre notifiant à M. [Z] la saisine du conseil de discipline est du 23 février 2015. L’avis du conseil de discipline est du 27 mars 2015 et la révocation a été notifiée au salarié le 8 avril 2015. Dans tous les cas, le délai de l’article L. 1332-2 du code du travail a été respecté.

En ce qui concerne le respect du contradictoire, M. [Z] fait valoir qu’il n’a pas pu se présenter à l’audience préparatoire du conseil de discipline du 24 mars 2015 et, par voie de conséquence, y être assisté par un délégué du personnel puisqu’il a reçu la convocation à cette audience le jour même de celle-ci. Mais , il doit être relevé que M. [Z] a été régulièrement convoqué à l’audience préparatoire du 20 mars 2015 dès le 9 mars 2015, qu’il en a demandé le report le jour même de l’audience, soit le 20 mars 2015, au motif que le délégué du personnel prévu pour l’assister au conseil de discipline du 27 mars 2015 ne serait pas le même que celui qui l’a assisté lors de l’entretien contradictoire et qu’il a, de ce fait, été reconvoqué pour l’audience préparatoire du 24 mars 2015.

Il résulte de ces éléments que ce n’est que le jour de l’audience préparatoire initialement prévue au 20 mars 2015 que M. [Z] a demandé le report de celle-ci pour un motif qui n’est pas imputable à l’employeur, obligeant ainsi le rapporteur à le reconvoquer à une date nécessairement proche, soit le 24 mars 2015, en raison de la date du 27 mars 2015 fixée pour le conseil de discipline.

L’employeur a donc respecté ses obligations et il appartenait au salarié de faire les diligences qui lui incombaient pour l’audience préparatoire au conseil de discipline.

B) Sur les irrégularités de forme

La lettre du 14 janvier 2015 énonce : ‘Monsieur, nous vous informons par la présente lettre que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au deuxième degré’. Elle est donc régulière en la forme en ce qu’elle informe le salarié qu’il est susceptible d’encourir une des sanctions du deuxième degré qui, selon le statut du personnel de la RATP, peut aller jusqu’à la révocation.

Il est exact que la lettre de révocation du 8 avril 2015 indique : « Je vous précise que votre révocation prendra effet à la date d’envoi de cette lettre’ alors que l’article 6.1 de l’instruction générale 408 dispose que la mesure disciplinaire ne peut intervenir moins d’un jour franc ni plus d’un mois après le jour de la notification, que le procès-verbal de réunion du conseil de discipline n’est pas signé par l’ensemble de ses membres (du moins en ce qui concerne la copie versée à la procédure qui semble incomplète) et que l’avis de la présidente de la commission n’est pas mentionné dans l’avis du conseil de discipline.

Mais, M. [Z] ne démontre pas l’existence d’un préjudice que lui aurait causé ces irrégularités de forme.

Les moyens tirés de la nullité de la révocation pour violation d’une garantie de fond ou irrégularité de la procédure seront donc rejetés.

Sur la faute grave

a) Sur la loyauté de la preuve

M. [Z] soutient que la RATP n’établit pas que sa caisse de sécurité sociale ait procédé à des contrôles réguliers alors qu’elle doit démontrer que la connaissance des faits qu’elle reproche au salarié a été obtenue dans le respect des dispositions réglementaires applicables à la CCAS, que l’absence de tout document précis communiqué dans le cadre de la procédure disciplinaire et devant le conseil de discipline ne permet pas de vérifier que la CCAS aurait respecté les dispositions réglementaires applicables en matière de contrôle.

Il estime, dès lors, que les éléments ont été communiqués à la RATP à la suite d’une procédure irrégulière, violant le secret professionnel et le principe d’impartialité.

Mais, ce moyen invoqué par M. [Z] tend à remettre en cause la régularité du contrôle de la CCAS RATP qui a conduit à la décision du 11 décembre 2014 alors que le recours engagé par le salarié à l’encontre de cette décision a été définitivement rejeté par les juridictions compétentes en matière de sécurité sociale.

Par ailleurs, le statut du personnel de la RATP prévoit que l’employeur maintient le versement du salaire à l’agent placé en arrêt maladie de sorte que la décision de la CCAS en matière de validité d’un arrêt de travail a des conséquences sur le maintien ou non du salaire par l’employeur et que ce dernier est donc légitime à en recevoir communication.

La déloyauté de la preuve avancée par M. [Z] peut pas être retenue et la RATP est fondée à s’appuyer sur les conclusions du 11 décembre 2014 pour établir la faute de son salarié.

b) Sur la double sanction

M. [Z] soutient que sa révocation a pour effet de le sanctionner deux fois pour les mêmes faits en ce que ces derniers ont motivé le refus par la CCAS de valider ses arrêts de travail.

Mais, les sanctions prévues par le code de la sécurité sociale en cas de manquements de l’assuré à l’égard de sa caisse ne peuvent être confondues avec les sanctions prévues par un accord collectif, un règlement intérieur et le code du travail en cas de manquement d’un salarié à l’égard de son employeur.

c) Sur l’absence d’une faute en raison de l’accord des médecins traitants

M. [Z] soutient que l’activité annexe l’un agent RATP qui peut être autorisée comme le prévoit le texte de l’article 88 du statut et du règlement de la caisse CCAS ne signifie pas que l’accord émane de l’employeur, mais du médecin prescripteur qui est seul habilité à apprécier l’opportunité ou le bénéfice que l’agent peut tirer d’une activité professionnelle et qu’il ne peut en être autrement, compte tenu de la confidentialité et du secret médical.

Il ajoute que l’article 88 s’applique au cas où un agent serait amené à exercer une activité inhabituelle pendant un arrêt de travail lorsque la RATP est le seul employeur de cet agent, ce qui n’est pas son cas puisqu’il avait des employeurs multiples depuis longtemps et que la RATP en était informée.

Mais, ce moyen est contraire aux termes mêmes de l’article 88 du statut du personnel de la RATP rédigé comme suit :

‘Le paiement du salaire, ou, le cas échéant de la fraction de salaire, ainsi que la gratuité des soins, sont subordonnés à l’obligation, pour les bénéficiaires d’un congé de maladie de quelque nature que ce soit :

1) de se soumettre aux visites médicales et aux contrôles de la CCAS ;

2) de s’abstenir de toute activité rémunérée ou non sauf autorisation expresse de la RATP ; cette autorisation ne peut être accordée lorsque l’argent perçoit son plein salaire ; l’agent autorisé à exercer une activité secondaire devra faire connaître à la RATP le salaire attaché à cette activité ; la rémunération versée par la RATP sera éventuellement diminuée dans la mesure où le total de ces rémunérations et salaires excéderaient le plein salaire prévu en cas de maladie;

3) accomplir les exercices ou travaux prescrits en vue de favoriser leur éducation de reclassement professionnel.

Tout agent ayant enfreint les prescriptions des alinéas deux et trois peut être déférés au conseil de discipline.’

En effet, selon ces dispositions claires et précises qui ne souffrent d’aucune ambiguïté, l’autorisation d’exercer une activité durant un congé maladie doit être obtenue auprès de la RATP. Et si elle peut être conditionnée à l’accord des médecins traitants du salarié, elle appartient en dernier lieu à l’employeur.

L’article 88 ne distingue pas entre une activité annexe habituelle de l’agent et une activité exceptionnelle et, en conséquence, s’applique au maintien de toute activité durant le congé maladie.

Le fait que M. [Z] ait été autorisé ou non par ses médecins traitants à avoir une activité annexe durant son congé maladie ne concerne que le contentieux de la sécurité sociale et est sans portée dans l’appréciation d’une éventuelle faute du salarié à l’égard de son employeur dans ses obligations nées de l’article 88 du statut.

d) Sur l’absence d’une faute grave en raison du défaut de célérité de l’employeur dans la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire

Rappelant que la faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise au point que le départ de celui-ci doit être immédiat et sans préavis, M. [Z] soutient que la RATP ne peut pas se prévaloir d’une faute grave à son égard en ce qu’elle a eu connaissance des faits reprochés le 11 décembre 2014, l’a convoqué à un entretien qui s’est tenu le 4 février 2015 et à un conseil de discipline qui s’est déroulé le 27 mars 2015, et n’a prononcé sa révocation que le 8 avril 2015.

Mais, il doit être relevé que la RATP a convoqué son salarié à un entretien préalable par lettre du 14 janvier 2015, soit un mois après avoir pris connaissance de la décision du 11 décembre 2014 de la CCAS, délai raisonnable au regard de la période des fêtes de fin d’année, et que le délai de notification de la révocation n’est dû qu’aux contraintes imposées à l’employeur par la procédure disciplinaire conventionnelle instaurant des garanties de fond pour le salarié, notamment l’obligation de recueillir l’avis du conseil de discipline.

e) Sur l’absence d’une faute pour défaut de préjudice et de comportement déloyal du salarié

Comme justement relevé par M. [Z], l’exercice d’une activité pendant la suspension du contrat de travail, même en violation du droit de la sécurité sociale, ne peut constituer une faute de nature à justifier un licenciement que si cela a causé un préjudice à l’employeur. Ce préjudice ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire, en conséquence de l’arrêt, assumé par l’employeur qui assure lui-même le risque maladie de ses salariés.

Pour autant, dans le cas présent, il doit être rappelé que l’article 88 du statut du personnel de la RATP prévoit que le maintien de salaire à la charge de la RATP ne peut conduire l’agent à percevoir une rémunération dépassant un salaire plein et oblige ainsi l’agent qui serait autorisé à exercer une activité secondaire à faire connaître à la RATP le salaire attaché à cette activité, pour que celle-ci soit en mesure de réduire ses versements pour ramener la rémunération du salarié à un salaire plein.

Or, dans le cas présent, le fait pour M. [Z] de ne pas avoir sollicité auprès de la RATP une autorisation d’exercer une activité rémunérée durant ses arrêts maladie (autorisation que, de toute façon, il ne pouvait obtenir en vertu de l’article 88 puisqu’il percevait un salaire à temps plein) et, par voie de conséquence, de ne pas lui avoir déclaré les rémunérations provenant de l’activité annexe exercée durant l’arrêt maladie, a causé un préjudice économique et financier à l’employeur qui a maintenu le versement du plein salaire alors que celui-ci aurait dû être diminué des rémunérations perçues par ailleurs par le salarié.

Par ailleurs, les activités de moniteur de tennis exercées par M. [Z] durant ses arrêts de travail ont été de nature à retarder son rétablissement, compte-tenu des pathologies invoquées à l’appui de ces arrêts (blessure main droite, déchirure ischio-jambier et un traumatisme à l”il gauche, douleurs musculaires, déchirure aux adducteurs, douleurs musculaires, douleurs à l’épaule droite, fatigue au sésamoïde droit…), et comme cela ressort de la lettre du médecin traitant de l’intéressé du 20 décembre 2013 (‘C’est devant les difficultés pécuniaires qu’il a repris ses activités professionnelles plus tôt que son état médical ne l’aurait justifié.’), de telles circonstances s’inscrivant dans un contexte de succession d’arrêts maladie à dates rapprochées (notamment les arrêts maladie du 24 novembre 2011 au 8 décembre 2011, du 25 janvier 2012 au 4 mars 2012, du 23 avril 2012 au 11 mai 2012, du 3 juin 2012 au 20 juin 2012 et du 18 septembre 2012 au 14 avril 2013). La RATP en a donc également subi un préjudice fonctionnel.

La répétition du manquement de M. [Z] sur deux arrêts de travail du 3 juin au 20 juin 2012 et du 18 septembre 2012 au 14 avril 2013 exclut tout comportement fortuit ou involontaire et caractérise au contraire une attitude déloyale du salarié au préjudice de l’employeur.

Un tel comportement de la part du salarié rendait impossible son maintien dans l’établissement public, y compris durant la période d’un préavis.

La faute grave est donc établie.

F) Sur la proportionnalité de la sanction

L’absence d’antécédents disciplinaires de la part de M. [Z] ne diminue pas la gravité de la faute commise.

*

* *

Ainsi, au vu de l’ensemble des éléments ci-dessus, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

Sur la demande reconventionnelle de la RATP

M. [Z] soulève la prescription de l’action de la RATP en répétition de salaires indus ainsi que l’incompétence de la juridiction prud’homale pour une demande qui relève du contentieux de la sécurité sociale.

Cela étant, selon l’article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l’espèce, la date à laquelle la RATP doit être considérée comme ayant connu les faits lui permettant d’exercer son action en répétition de salaire est celle à laquelle le recours de M. [Z] contre la décision de refus de valider ses arrêts de travail qui rend indus les salaires versés par l’employeur sur les périodes concernées, a été définitivement tranché.

L’arrêt de la cour de cassation étant du 17 février 2022, l’action en répétition de salaire de la RATP ne peut être considérée comme prescrite.

Les sommes versées par l’employeur en application d’une garantie conventionnelle de maintien de salaire ont la nature d’un salaire et non de prestations sociales. La juridiction prud’homale est donc compétente pour connaître d’une telle demande.

En tout état de cause, il doit être rappelé que la cour d’appel bénéficie d’une plénitude de juridiction et a compétence pour statuer sur toute demande, indépendamment de la matière, examinée par une juridiction de son ressort territorialement compétente.

La demande de la RATP est fondée en son principe par la décision de la CCAS RATP du 11 décembre 2014 privant d’effet la garantie de maintien de salaire par l’employeur en cas d’arrêt maladie du salarié et en son montant par le bulletin de salaire de juin 2016.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la RATP de sa demande de remboursement de salaire et M. [Z] sera condamné à verser à celle-ci la somme de 18 013,23 euros à ce titre.

Sur les frais non compris dans les dépens

L’équité et les situations respectives des parties commandent de décharger M. [Z], bien que partie perdante, de toute condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la RATP de sa demande au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en première instance et la RATP sera débouté de cette demande à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la RATP de sa demande en remboursement de salaire,

Statuant à nouveau sur ce seul point,

CONDAMNE M. [Z] à verser à la RATP la somme de 18 013,23 euros en remboursement des salaires versés pendant les arrêts maladie invalidés,

Y ajoutant,

DÉBOUTE la RATP de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Z] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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