Péremption d’instance : 22 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/02799

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Péremption d’instance : 22 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/02799
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9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/02799 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RTL3

Société [16]

C/

URSSAF [Localité 6]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur [M] [K] lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Janvier 2023

devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 06 Décembre 2017

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BREST

Références : 21600025

****

APPELANTE :

La Société [16]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

[Localité 12]

représentée par Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Géraldine CASINI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

L’UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D’ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 6]

[Adresse 15]

[Adresse 17]

[Localité 1]

représentée par Madame [R] [D] en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires ‘[3]’, opéré par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales [Localité 6] (l’URSSAF) sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et portant sur les dix établissements de la société [16] (la société), il lui a été notifié une lettre d’observations du 18 août 2014 portant sur seize chefs de redressement pour un montant total de 2 483 134 euros.

Par lettre du 15 septembre 2014, la société a formulé ses observations sur le chef de redressement n° 15 ‘réduction Fillon : règles générales’, soulevant un défaut d’information au motif que l’anomalie relative au calcul de la réduction générale des cotisations aurait dû être signalée par l’organisme lors de la réception de la [7] et sollicitant, après recalcul, un crédit d’un montant de 61 551 euros.

En réponse, par lettre du 3 octobre 2014, les inspecteurs ont maintenu les redressements notifiés dans la lettre d’observations pour un montant de 2 485 646 euros. Contestant cette réponse, la société a saisi, par lettre datée du 17 octobre 2014, la commission de recours amiable de l’organisme.

L’URSSAF a notifié dix mises en demeure du 8 décembre 2014 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d’observations et des majorations de retard y afférentes, pour des montants de :

– 59 778 euros pour l’établissement de [22] ;

– 91 897 euros pour l’établissement de [Localité 11] ;

– 92 969 euros pour l’établissement d'[Localité 9] ;

– 64 862 euros pour l’établissement d'[Localité 8] ;

– 73 524 euros pour l’établissement de [Localité 10] ;

– 101 074 euros pour l’établissement de [Localité 19] ;

– 110 520 euros pour l’établissement d'[Localité 14] ;

– 139 039 euros pour l’établissement de [Localité 5] ;

– 142 377 euros pour l’établissement de [Localité 20] ;

– 1 950 152 euros pour l’établissement de [Localité 12].

Par décision du 29 octobre 2015, la commission de recours amiable a rejeté les demandes de la société et maintenu les redressements critiqués.

Le 12 janvier 2016, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest qui, par jugement du 6 décembre 2017, a :

– validé le redressement effectué pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 ;

– condamné la société à verser à l’URSSAF la somme de 2 066 969,40 euros ;

– dit que chaque partie prendre en charge ses frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration adressée le 29 décembre 2017, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 12 décembre 2017. Appelée à l’audience du 29 janvier 2020, cette affaire a fait l’objet d’une radiation par mention au dossier.

Le 9 février 2021, la société a sollicité sa réinscription au rang des affaires en cours.

Par ses écritures n° 2 parvenues au greffe par le RPVA le 24 août 2022 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :

A titre principal,

– in limine litis, de débouter l’URSSAF de sa demande de péremption d’instance ;

– d’infirmer le jugement entrepris ;

A titre subsidiaire,

– de déclarer l’irrecevabilité de la demande de l’URSSAF au titre du redressement intervenu pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 pour un montant de 2 066 969,40 euros, par application de l’article L. 622-24 alinéa 4 et L. 624-1 du code de commerce ;

– de déclarer que les dispositions légales applicables et la jurisprudence relative à l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale n’ont pas été respectées en l’espèce par l’URSSAF ;

– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

En toute hypothèse,

– de déclarer irrecevables les demandes formulées par l’URSSAF et débouter l’URSSAF de sa demande de 2 066 969,40 euros ;

– d’annuler la lettre d’observations du 18 août 2014, les mises en demeure du 8 décembre 2014 ainsi que tous les actes subséquents afférents ;

– de condamner l’URSSAF à payer à la société une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures parvenues au greffe le 6 janvier 2023 auxquelles s’est référé et qu’a développées son représentant à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :

A titre principal,

– constater la péremption d’instance ;

A titre subsidiaire, si la péremption est considérée non acquise,

– débouter la société de sa demande d’irrecevabilité, par application des articles L. 622-24 et L. 624-1 du code de commerce, de la demande de validation de la procédure de contrôle ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a validé le redressement effectué

pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 ;

Y ajoutant,

– condamner la société au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société aux éventuels dépens ;

– la débouter de toutes ses autres demandes ou prétentions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

Le conseil du cotisant a été invité à adresser en cours de délibéré le jugement d’homologation du plan, demande à laquelle il a été satisfait le 17 février 2023. L’URSSAF a adressé une note en délibéré le 1er mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la péremption d’instance

La société a interjeté appel le 29 décembre 2017 du jugement du 6 décembre 2017 du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Elle a fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde) par jugement du 30 avril 2018 du tribunal de commerce de Paris qui a désigné deux administrateurs avec mission de surveiller et un mandataire judiciaire.

Le 9 avril 2019 le greffier a convoqué les parties à l’audience de la cour d’appel de Rennes pour qu’il soit statué, à l’audience du 29 janvier 2020, sur l’appel interjeté contre le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale. Il est indiqué sur la convocation adressée au conseil de l’appelante :

« Je vous rappelle que la cour souhaite, dans un souci de bonne administration de la justice, disposer de vos conclusions ou observations écrites au moins 15 jours avant la date d’audience ».

Par jugement du 16 juillet 2019, le tribunal de commerce a homologué le plan de sauvegarde.

L’audience du 29 janvier 2020, en l’absence de comparution du conseil de l’appelante, sa demande de renvoi ayant été refusé, l’affaire a fait l’objet d’une radiation par mention au dossier, avec la précision que le rétablissement était subordonné au dépôt de ses conclusions.

Cette décision a été notifiée aux parties par lettre du 30 janvier 2020.

Par demande postée le 10 février 2021, le conseil de la société a demandé le rétablissement de l’affaire au rang des procédures en cours et a fait parvenir ses conclusions le 1er mars 2021.

Sur ce :

Selon l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. Toutefois, selon l’article 392 du même code, l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.

Si l’article 369 du code de procédure civile attache un effet interruptif seulement au jugement qui prononce la sauvegarde, le règlement judiciaire ou la liquidation des biens dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, il convient de combiner ces dispositions avec celles du code de commerce qui permettent de préciser les cas « d’interruption ou d’interdiction » de certaines actions, ainsi que la situation des instances en cours et les modalités de poursuite.

L’article L. 622-21 du code de commerce précise que le jugement d’ouverture « interrompt » ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Cet effet s’applique aussi bien en cas de sauvegarde que de redressement judiciaire (C. com., art. L. 631-14) qu’en cas de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 641-3).

L’instance a donc été interrompue dès l’ouverture de la procédure collective et ce à compter du 30 avril 2018.

L’instance interrompue doit être reprise sur l’initiative du créancier, qui doit produire à la juridiction saisie une copie de la déclaration de créance.

Le mandataire judiciaire doit être mis en cause, ainsi que l’administrateur s’il a pour mission d’assister le débiteur ou le commissaire à l’exécution du plan.

En l’espèce l’URSSAF a bien déclaré sa créance à la procédure collective, laquelle, s’agissant d’une instance en cours a été contestée par la cotisante.

Si dans l’ignorance de l’existence de cette procédure dans laquelle il a été tenu, le magistrat chargé d’instruire l’affaire n’a pas rendu d’ordonnance constatant l’interruption d’instance, force est bien de constater que depuis le 16 juillet 2019, par l’effet de l’homologation du plan la société est à nouveau in bonis et que les causes d’interruption de l’instance ont cessé depuis lors.

Aucun acte n’ayant été accompli par les parties dans cette procédure, de son interruption au jour de l’homologation du plan, il n’y a pas lieu de rechercher ceux qui sont non avenus et les conséquences qu’il conviendrait d’en tirer.

La règle selon laquelle le point de départ du délai de deux ans est subordonné à une injonction du juge n’est applicable que lorsqu’il existe un texte spécial. Faute de disposition particulière, la péremption biennale est encourue selon le droit commun (Cass. 3e civ., 27 octobre 2004, pourvoi n° 03-13.724).

L’article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, applicable aux instances devant la cour par renvoi de l’article R. 142-30 du même code ayant été abrogé par le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, entré en vigueur le 1er janvier 2019,

depuis le 1er janvier 2019 sont applicables les dispositions non modifiées de l’article R. 142-11 du même code qui énonce que devant la cour d’appel la procédure est sans représentation obligatoire. Il s’en déduit que la procédure est orale.

Selon l’article 17 III du dit décret, les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

Les dispositions de l’article R. 142-10-10, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 ne sont applicables qu’en première instance.

Il importe donc peu qu’aucune diligence n’ait été mise par le juge à la charge d’une partie (Cass. 2e civ., 25 mars 2021, n° 19-21.401).

Le délai de péremption a donc commencé à courir en l’espèce le 17 juillet 2019 mais a été suspendu à compter de la date de l’avis de fixation des débats.

A compter du 9 avril 2019, les parties n’avaient plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l’instance, de sorte que le délai de péremption se trouvait suspendu (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n°15-26.083) pour un temps qui n’a expiré que lorsque l’appelant, qui n’a pas comparu à l’audience, a été avisé de la mesure de radiation.

A compter de celle-ci, un nouveau délai de deux ans a couru (2e Civ., 15 mai 2014, pourvoi n° 13-17.294).

L’appelant est donc bien fondé, pour s’opposer à l’exception de péremption qui lui est opposée, à faire valoir que le nouveau délai de deux ans n’ayant commencé à courir qu’à compter de la décision de radiation, celle-ci n’est pas acquise au regard des conclusions qu’il a adressées à une date qui ne peut être déterminée mais que la cour a reçues le 1er mars 2021.

Dès lors qu’il a respecté, par le dépôt de ses conclusions les obligations qui avaient été mises à sa charge, l’exception de péremption est mal fondée. Elle sera rejetée en conséquence.

2. Sur la recevabilité de la demande

La société fait valoir que l’URSSAF est irrecevable à demander sa condamnation à lui verser une somme de 2 066 69,40 euros du fait de la procédure de sauvegarde intervenue, des dispositions de l’article L 622-24, alinéa 4, du code de commerce et de la production qui a été effectuée par l’URSSAF dans le cadre de cette procédure de sauvegarde concernant les redressements intervenus pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Elle indique que la contrainte qui a été émise le 3 juillet 2018 a fait l’objet d’une annulation du fait des jugements de désistement rendus par le tribunal de grande instance de Brest du 6 novembre 2019 et du 17 décembre 2020 (pièces 15 et 16).

Toutefois, comme le souligne elle-même l’appelante, selon l’article L 622-24 alinéa 4 du code de commerce l’établissement définitif de la créance des organismes sociaux qui n’ont pas fait l’objet d’un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel et si leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l’article L. 624-1, à peine de forclusion, c’est sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours.

La circonstance que l’URSSAF a renoncé à poursuivre le recouvrement de sa créance par le titre exécutoire que constitue la contrainte n’implique pas qu’elle a renoncé à sa créance, le désistement d’instance n’impliquant pas, sauf à le démontrer, le désistement d’action, lequel n’est au surplus pas allégué.

En l’espèce, la créance a été régulièrement déclarée. La présente instance peut seulement avoir pour conséquence la constatation de la créance et la fixation de son montant, non la condamnation du débiteur même si le créancier demandeur a sollicité du juge cette condamnation (Cass. com., 4 avril 2006, pourvoi n° 05-10.416).

Une fois la créance fixée, il appartient au créancier d’en demander au juge commissaire l’inscription sur l’état du passif vérifié.

La demande sera déclarée recevable en conséquence.

3. Sur la demande de nullité du redressement et de la procédure de contrôle

L’appelante fait valoir que la lettre d’observations ne répond pas aux exigences légales (article 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable) et jurisprudentielles et s’appuie sur les arrêts rendus par la Cour de cassation en pour rappeler que le contenu des observations de l’agent de contrôle ne doit pas être imprécis et que l’employeur doit être en mesure de connaître les causes, les périodes, les bases ainsi que le montant des redressements opérés.

Elle reprend à titre d’exemple, le point 1 de la lettre d’observations :

« Constatations

Lors de la vérification, il a été constaté que la société ne plafonnait pas, pour le calcul de la CSG CRDS à 4 fois la valeur du plafond de la sécurité sociale les rémunérations sur lesquelles l’abattement pour frais professionnels s’applique.

Les salariés concernés sont : Messieurs [E], [H] B, [H] JG et [H] JP.

Base 2011 : 6.508 euros

Base 2012 : 6.052 euros,

Base 2013 : 6.660 euros.

Elle fait valoir que les inspecteurs n’indiquent pas le détail du calcul retenu par salarié et par année, ce qui l’empêche de connaître l’étendue de ses obligations.

Toujours à titre d’exemple, elle reprend le point 2 de la lettre d’observations :

« Constatations,

Lors de la vérification, il a été constaté que la réduction salariale était calculée sur le montant de la rémunération des heures supplémentaires avant l’abattement pour frais professionnels d’où le redressement qui en résulte ».

Elle reproche aux inspecteurs de n’indiquer ni la liste des salariés concernés ni le détail des bases régularisées par salarié, ce qui ne permet pas ainsi à la société de connaître l’étendue de ses obligations.

Il convient toutefois de relever que les inspecteurs ont rappelé, s’agissant du point 1, les textes applicables et la méthode de calcul de la réduction représentative de frais professionnels forfaitaires, et pour chaque année concernée ont indiqué les bases (CSG CRDS régime général), l’assiette, le taux et le montant redressé, soit respectivement 521 euros, 484 euros et 533 euros.

S’agissant du point 2 (loi TEPA – réduction salariale – déduction forfaitaire spécifique), les inspecteurs ont également rappelé les textes applicables et la méthode de calcul pour la réduction des cotisations salariales de sécurité sociale dans le cadre de la loi du 21 août 2007 instaurant des dispositions sociales favorisant l’accomplissement d’heures supplémentaires, lorsqu’il est fait application de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels.

Ils ont ensuite indiqué, par année redressée et par établissement l’assiette plafonnée et le taux plafond appliqué, ainsi que le montant de redressement.

La jurisprudence constante de la Cour de cassation n’exige pas que la lettre d’observations fournisse des indications détaillées sur chacun des chefs de redressement ou sur leur mode de calcul (2e Civ., 20 juin 2007, pourvoi n° 06-16.227 ; 2e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-10.327) ; il n’y a pas lieu davantage d’indiquer le nombre de salariés concernés par chaque chef de redressement (2e Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n° 15-22.146).

Force est bien de relever, en l’état des mentions de cette lettre d’observations sur ces deux chefs de redressement, que le cotisant a été suffisamment informé des omissions et erreurs qui lui sont reprochées, ainsi que des bases du redressement proposé, et mis en mesure de répondre (2e Civ., 11 mars 2010, pourvoi n° 09-10.860, 9 juillet 2015), ce qu’il a fait le 29 septembre 2016.

A supposer que ces demandes soient recevables alors qu’elle n’a saisi la commission de recours amiable d’une contestation que relativement au point 15 de la lettre d’observations, les griefs de la société ne sont pas fondés.

En revanche relativement au point 15 de la lettre d’observations, concernant les réductions Fillon, la société est bien fondée à faire valoir qu’elle ne peut pas comprendre le mode de calcul ayant conduit à la régularisation en l’absence d’indications suffisantes.

S’il est exact que les inspecteurs ont rappelé les dispositions applicables et les documents justificatifs que l’employeur doit produire, force est de relever qu’au titre de leur constatation, ils se sont bornés à indiquer : « Les réductions Fillon, en raison d’erreurs de paramétrage, sont erronées sur les trois années contrôlées ».

Les erreurs de paramétrage qui auraient été commises ne sont pas indiquées et rien ne permet d’affirmer qu’à la lettre d’observations aurait été jointe une annexe permettant au cotisant de connaître la méthode de calcul employée.

Rien ne permet non plus d’affirmer, comme le soutient l’URSSAF, que le redressement relatif à la réduction Fillon a été chiffré après validation de la formule de calcul par la société elle-même.

Dès lors, si l’agent de contrôle n’est pas tenu de préciser le détail des calculs effectués pour chaque chef de redressement, il a l’obligation, avant la clôture de son rapport, de porter à la connaissance de l’employeur, pour provoquer éventuellement les explications de celui-ci, les omissions ou erreurs qui ont été relevées, ainsi que la nature, le mode de calcul et le montant des redressements proposés. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Il s’ensuit que la société est bien fondée à demander l’annulation de ce chef de redressement. Cette annulation, limité à un chef de redressement, ne peut avoir pour effet d’emporter l’annulation des redressements non contestés devant la commission de recours amiable.

Il résulte de la combinaison des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que le cotisant qui conteste un redressement peut, à l’occasion de son recours juridictionnel, invoquer d’autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, dès lors qu’ils concernent les chefs de redressement préalablement contestés. (2ème Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-18.078).

Il s’ensuit que le jugement entrepris doit être infirmé partiellement.

Il sera confirmé en ce qu’il a validé le redressement, sauf en ce qui concerne le point 15 « Réduction FILLON : règles générales » qui sera annulé.

Il sera infirmé en ce qu’il a condamné la société à verser à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales [Localité 6] la somme de 2 066 969,40 euros.

De la créance de l’URSSAF doivent être déduites les cotisations et contributions sociales résultant du redressement opéré point 15 et annulé.

La créance à fixer au passif s’établit donc comme suit:

Etablissement

montant initial du redressement

Montant du redressement annulé

montant dû

2011

2012

2013

BREST

124.803,00

3.479,00

45.249,00

74.564,00

1.511,00

[Adresse 13]

1.711.773,00

413.037,00

687.012,00

554.706,00

57.018,00

[Localité 11]

81.335,00

13.880,00

22.636,00

39.035,00

5.784,00

[Localité 14]

96.380,00

35.247,00

27.795,00

29.307,00

4.031,00

[Localité 9]

82.073,00

17.959,00

28.444,00

32.850,00

2.820,00

[Localité 21]

52.488,00

13.155,00

20.614,00

15.829,00

2.890,00

[Localité 10]

65.389,00

9.180,00

22.078,00

32.417,00

1.714,00

[Localité 20]

124.122,00

39.598,00

42.411,00

28.827,00

13.286,00

[Localité 18]

87.086,00

38.408,00

35.488,00

8.756,00

4.434,00

[Localité 8]

57.685,00

6.936,00

21.139,00

26.266,00

3.344,00

2.483.134,00

96.832,00

Soit une créance de 96 832 euros en cotisations et contributions sociales.

Les parties seront invitées à s’expliquer sur le moyen relevé d’office tiré de l’application des dispositions de L. 243-5 alinéa 7 du code de commerce selon lequel en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire, les pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus par le redevable à la date du jugement d’ouverture sont remis, sauf si le passif déclaré résulte en tout ou partie du constat de l’infraction mentionnée à l’article L. 8221-1 du code du travail, selon les modalités précisées au dispositif.

L’équité ne commande pas d’allouer à quiconque d’indemnité pour ses frais de procédure.

Les instances en cours au moment de l’ouverture d’une procédure collective tendant uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, dont celle au titre des dépens, il s’ensuit que la cour ne peut condamner à paiement et doit se limiter à la fixer au passif (3e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n° 19-18.437).

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Rejette l’exception de péremption d’instance ;

Déclare l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales [Localité 6] recevable en ses demandes :

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest du 6 décembre 2017 en ce qu’il a validé le redressement, sauf en ce qui concerne le point « 15. Réduction FILLON : règles générales » ;

Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société à verser à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales [Localité 6] la somme de 2 066 969,40 euros ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Annule le redressement point « 15.  Réduction FILLON : règles générales » ;

Fixe la créance de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales [Localité 6] en cotisations et contributions sociales à la somme de 96 832 euros ;

Invite les parties à conclure s’il y a lieu sur la remise des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018, seront fixés au passif de la procédure collective ;

Ordonne la radiation de l’affaire ;

Dit qu’elle sera reprise, à la demande de la partie la plus diligente, sur le dépôt de ses conclusions, pour qu’il soit statué, s’il y a lieu, sur la remise des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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