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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 23 MARS 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/04602 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFMKG
Décision déférée à la cour :
Jugement du 17 février 2022-Juge de l’exécution de Meaux-RG n° 21/04161
APPELANT
Monsieur [H] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Edouard GAVAUDAN de la SELARL GAVAUDAN, avocat au barreau de MEAUX
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/009486 du 08/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
SA INTRUM DEBT FINANCE AG, société anonyme, dont le siège social se situe à [Adresse 5] ‘ SUISSE, immatriculée au RCS de ZUG, SUISSE
N° CH-020.3.020.910-7, représentée par INTRUM CORPORATE, SAS au capital de 26.155.000 €, inscrite au RCS de NANTERRE sous le n°797.546.769, dont le siège social est [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège : Venant aux droits de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, SA dont le siège social est, [Adresse 1] suite à un contrat de cession de portefeuille de créances entre BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et INTRUM DEBT FINANCE AG, en date du 18 décembre 2018.
Représentée par Me Vanessa CHADEFAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E1565
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon jugement contradictoire du 30 mai 2002, signifié le 15 juillet 2002, le tribunal d’instance de Coulommiers a notamment condamné M. [H] [V] à payer à la société Cetelem diverses sommes dont celle de 10.912,23 euros, avec intérêts au taux contractuel de 10,38% l’an à compter du 27 novembre 2001.
Le 3 juin 2020, M. [V] a reçu signification d’une cession de créance en date du 18 décembre 2018 au profit de la société Intrum Debt Finance AG (ci-après société Intrum) et d’un commandement de payer aux fins de saisie-vente.
Suivant procès-verbal du 2 juillet 2021, la société Intrum Justitia Debt Finance AG, venant aux droits de la société BNP Paribas Personal Finance, a fait pratiquer à l’encontre de M. [V] une saisie-attribution entre les mains de la Banque Postale, pour avoir paiement de la somme totale de 24.963,81 euros.
Par assignation en date du 28 septembre 2021, M. [V] a fait citer la société Intrum devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux aux fins d’annulation du commandement et de la saisie-attribution.
Par jugement du 17 février 2022, le juge de l’exécution a :
débouté M. [V] de sa demande tendant à ce que l’acquisition de la prescription du titre exécutoire soit constatée,
constaté la caducité de la saisie-attribution pratiquée le 2 juillet 2021 entre les mains de la Banque Postale,
débouté M. [V] de sa demande tendant à ce que la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente soit ordonnée,
condamné Intrum au paiement d’une somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens,
débouté les parties de toutes autres demandes.
Par déclaration du 27 février 2022, M. [V] a formé appel partiel de ce jugement.
Par conclusions n°2 en date du 25 janvier 2023, M. [H] [V] demande à la cour d’appel de :
infirmer le jugement du 17 février 2022,
Statuant à nouveau,
constater l’acquisition de la prescription du jugement du 30 mai 2002,
déclarer nul le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 3 juin 2020,
condamner Intrum Justitia Debt Finance AG au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il fait valoir qu’en application de l’article L.114-4 du code des procédures civiles d’exécution et de la loi du 17 juin 2008, le titre exécutoire apparaît prescrit faute d’acte interruptif de prescription antérieur au 17 juin 2018 ; que la procédure de saisie des rémunérations ayant fait l’objet d’une radiation en mai 2011 et se trouvant périmée depuis mai 2013 en application des articles 386 et suivants du code de procédure civile, l’effet interruptif de prescription résultant de la saisine de la juridiction est non avenue ; que le dernier acte interruptif de prescription est la saisie-attribution du 18 février 2004, de sorte que la créance est prescrite depuis le 18 février 2014.
Il ajoute que le créancier avait un délai de deux mois à compter de la publication au Bodacc pour contester la décision de la commission de surendettement qui a prononcé l’effacement de ses dettes le 7 février 2019 et que cette décision est donc définitive, de sorte que la créance d’un montant de 24.963,81 euros est éteinte en application de l’article L.741-3 du code de la consommation.
Enfin, il soutient que la saisie-attribution du 6 [2] juillet 2021 ne lui a pas été dénoncée de sorte qu’elle est caduque en application de l’article R.211-3 du code des procédures civiles d’exécution, et que la saisie-attribution du 16 septembre 2019 qui lui avait été dénoncée et qu’il avait contestée utilement auprès de l’huissier portait sur une créance de 2.647,21 euros mentionnée dans l’état des créances du plan de rétablissement personnel et effacée par la commission de surendettement dans sa décision du 7 février 2019.
Par conclusions n°2 en date du 1er février 2023, la SA Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la SA BNP Paribas Personal Finance, demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il l’a condamnée au versement d’une somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
condamner M. [V] au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur la prescription, elle fait valoir que le délai de dix ans court à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; qu’une requête en saisie des rémunérations a été déposée le 10 juin 2010, ce qui a interrompu la prescription, s’agissant d’une mesure d’exécution, peu important que la procédure ait ensuite été radiée en mai 2011 ; qu’en effet, selon la jurisprudence constante, la radiation est sans effet sur la poursuite de l’interruption découlant de l’introduction de l’instance ; que la requête du 10 juin 2010 ayant interrompu la prescription de dix ans, le commandement du 3 juin 2020 est régulier, de même que la saisie-attribution du 2 juillet 2020.
Elle indique qu’elle ne conteste pas ne pas avoir dénoncé la saisie-attribution du 2 juillet 2020 dans la mesure où celle-ci était infructueuse, de sorte que c’est à juste titre que le premier juge l’a déclarée caduque.
Sur le prétendu effacement des dettes, elle explique que la dette objet de la présente procédure n’a pas été déclarée dans le cadre de la procédure de surendettement ; que l’effacement de la dette et le procès-verbal de saisie-attribution du 16 septembre 2019 concernent une autre créance de la société Intrum Debt Finance AG venant aux droits de la société Sogéfinancement et non aux droits de BNP Paribas Personal Finance en vertu d’une autre décision de justice ; que M. [V] ne justifie pas de la publication au Bodacc de la décision de la commission de surendettement ; que le délai de deux mois pour contester s’applique aux créanciers dont les créances ont été arrêtées à la date de la décision de la commission et qui n’ont pas été touchés par la lettre recommandée de notification de la décision de rétablissement personnel, mais non pas aux créanciers dont les créances n’ont pas été déclarées, étant rappelé que le débiteur a une obligation de bonne foi et doit déclarer l’intégralité de son actif et de son passif.
Par message RPVA adressé aux parties le 24 février 2023, la cour a demandé à l’appelant de justifier de la publication au Bodacc de la décision de rétablissement personnel de la commission de surendettement.
M. [V] a adressé le justificatif demandé par le RPVA le 6 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est constant que la saisie-attribution du 2 juillet 2021 n’a pas été dénoncée au débiteur de sorte qu’elle est caduque. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a constaté la caducité de la saisie-attribution.
Sur la prescription
Il résulte de l’article L.114-4 du code des procédures civiles d’exécution que l’exécution des décisions de justice ne peut être poursuivie que pendant dix ans.
Ce délai de dix ans, issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile, court à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi, en application de l’article 26 II de cette loi.
L’exécution du jugement du 30 mai 2002 devait donc être poursuivie avant le 20 juin 2018.
Il résulte des articles 2241 et 2244 du code civil que la prescription est interrompue notamment par une demande en justice ou un acte d’exécution forcée.
En l’espèce, le créancier justifie d’une requête en saisie des rémunérations datée du 10 juin 2010 ayant donné lieu à une convocation en audience de conciliation du 10 novembre 2010. Cette demande a bien interrompu la prescription, et ce jusqu’à l’extinction de la procédure de saisie des rémunérations en application de l’article 2242 du code civil.
Il est constant que cette procédure a fait l’objet d’une radiation en mai 2011, ce qui ne met toutefois pas fin à l’instance.
Il résulte d’ailleurs de la jurisprudence de la Cour de cassation (1ère civ, 10 avril 2013, n°12-18.193) que la radiation de l’affaire est sans effet sur la poursuite de l’interruption de la prescription par l’introduction de l’instance.
Aux termes de l’article 2243 du code civil, l’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.
C’est en vain que M. [V] invoque la péremption de l’instance en ce qu’aucun acte de procédure n’aurait été accompli par les parties pendant les deux années qui ont suivi la décision de radiation de mai 2011. En effet, il n’appartient pas au juge de l’exécution, ni à la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, de constater la péremption d’une autre instance, et M. [V] ne produit aucune décision constatant la péremption d’instance et n’en allègue d’ailleurs pas.
A défaut de justifier d’une décision constatant la péremption ou le désistement ou rejetant la requête, M. [V] ne peut valablement prétendre que l’effet interruptif de la requête du 10 juin 2010 serait non avenu.
La prescription a donc été interrompue à compter du 10 juin 2010 et suspendue pendant toute la durée de l’instance, dont l’extinction n’est pas établie.
Dès lors, le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 3 juin 2020 a nécessairement été délivré dans le délai. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté la prescription du titre exécutoire.
Sur l’extinction de la créance
L’article L.741-2 du code de la consommation dispose : « En l’absence de contestation dans les conditions prévues à l’article L. 741-4, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l’effacement de toutes les dettes, professionnelles et non professionnelles, du débiteur, arrêtées à la date de la décision de la commission, à l’exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques. »
Aux termes de l’article L741-3 du même code, les créances dont les titulaires n’ont pas été avisés de la décision imposée par la commission et n’ont pas contesté cette décision dans le délai fixé par décret mentionné à l’article L. 741-4 sont éteintes.
Selon l’article L741-4, une partie peut contester devant le juge des contentieux de la protection, dans un délai fixé par décret, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission.
L’article R741-1 dispose, en ses alinéas 1 et 2 :
« Lorsque la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, cette décision est notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Cette lettre mentionne les dispositions de l’article L. 741-4. Elle indique que la décision peut être contestée par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au secrétariat de la commission dans un délai de trente jours à compter de sa notification. Cette lettre précise que cette déclaration indique les nom, prénoms et adresse de son auteur, la décision contestée ainsi que les motifs de la contestation. La déclaration est signée par son auteur. »
L’article R.741-2 dispose :
« La commission procède à des mesures de publicité pour permettre aux créanciers qui n’ont pas été avisés de sa décision de former un recours devant le juge des contentieux de la protection.
Les titulaires de créances disposent d’un délai de deux mois à compter de cette publicité pour exercer leur recours. »
En l’espèce, M. [V] justifie d’une décision de la commission de surendettement des particuliers de la Seine et Marne en date du 8 février 2019 imposant une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Un créancier a contesté cette mesure devant le tribunal d’instance de Meaux mais il s’est désisté. Le désistement d’instance et d’action a été constaté par décision du 24 mai 2019.
Il est constant que la créance de la société Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la société BNP Paribas Personal Finance, n’a pas été déclarée par le débiteur à la commission de surendettement, de sorte ce créancier n’était pas partie à la procédure et n’a donc pas reçu notification de la décision de rétablissement personnel. Le tableau des créances fait mention de la société Intrum Justicia (ex Sogéfinancement), de sorte qu’il ne s’agit pas de la même créance.
Pour autant, au vu des dispositions précitées, il est faux de dire que l’extinction des créances résultant de l’article L741-3 du code de la consommation, ne concerne pas la société Intrum en ce qu’elle ne vise pas les créances non déclarées : toutes les créances sont éteintes dès lors qu’il n’y a pas de contestation dans le délai de deux mois suivant la publication au Bodacc de la décision de la commission, même si elles n’ont pas été déclarées.
M. [V] apporte la preuve de la publication au Bodacc de la décision de rétablissement personnel de la commission de surendettement. Cette publication a été faite le 26 février 2019.
Il est constant qu’aucun recours n’a été exercé par la société Intrum dans le délai de deux mois suivant cette publication, de sorte que sa créance est éteinte.
La société Intrum n’étant plus titulaire d’une créance depuis le 26 avril 2019, le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 3 juin 2020 est nul.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande de nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente, et d’annuler ce commandement.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu de la présente décision, il convient de confirmer la condamnation de la société Intrum, partie perdante, aux dépens et au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Intrum sera également condamnée aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelant.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement rendu le 17 février 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux en ce qu’il a débouté M. [H] [V] de sa demande tendant à ce que la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente soit ordonnée,
Statuant à nouveau sur ce seul chef,
ANNULE le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 3 juin 2020 par la société Intrum Justitia Debt Finance AG, venant aux droits de la société BNP Paribas Personal Finance, à M. [H] [V],
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la société BNP Paribas Personal Finance, à payer à M. [H] [V] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la société BNP Paribas Personal Finance, aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
Le greffier, Le président,