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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 24 Mars 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/00658 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJTU
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MEAUX RG n° 18/00372
APPELANTE
URSSAF – ILE DE FRANCE
Département du contentieux amiable et judiciaire
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par M. [E] [K] en vertu d’un pouvoir général
INTIMEE
Société [3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Nicolas PORTE, avocat au barreau de PARIS, toque : J108
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Madame Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la l’URSSAF Île-de-France (l’Urssaf) d’un jugement rendu le 9 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Meaux dans un litige l’opposant à la S.A.S.U. [3] (la société).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la société a sollicité de l’Urssaf le remboursement de la somme de 221 711 euros à raison d’une erreur dans ses déclarations au titre des années 2014 à 2016 ; qu’à la suite du refus de l’Urssaf du 15 février 2018 au titre de la seule année 2014 à hauteur de
79 459 euros, et après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale le 6 juin 2018 ; que la commission de recours amiable a rejeté le recours de la société le 25 juin 2018.
Le dossier a été transféré le 1er janvier 2019 au tribunal de grande instance de Meaux.
Par jugement en date du 9 décembre 2019, le tribunal a :
– condamné l’Urssaf à payer à la société la somme de 79 459 euros au titre des cotisations trop perçues du 1er janvier 2014 au 25 décembre 2014 ;
– condamné l’Urssaf à payer à la société la somme de 2 997,50 euros au titre des intérêts de retard ;
– condamné l’Urssaf à payer à la société la somme de 1 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi le tribunal a relevé que le point de départ de la prescription était le paiement des cotisations litigieuses et, dans le cadre du dispositif de réduction des cotisations, le jour où la société pouvait avoir connaissance du montant annuel de la réduction, soit le 31 décembre 2014 au cas d’espèce. S’agissant de la demande en paiement des intérêts, le tribunal a retenu que la société était en droit d’obtenir des intérêts sur le fondement de l’article 1231-6 du code civil mais que la société limitait sa demande à la somme de 2 997,52 euros.
L’Urssaf a interjeté appel de ce jugement le 22 janvier 2020, sans que la date de notification de cette décision ne ressorte des pièces du dossier.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son représentant, l’Urssaf demande à la cour de :
– dire et juger l’Urssaf recevable et bien fondée en son appel et toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Meaux en date du 9 décembre 2019 (RG 18-00372/MX) ;
Statuant à nouveau,
– débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions jugées comme telles, irrecevables ou mal fondées ;
– confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 25 juin 2018 ;
– condamner la société aux dépens.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son conseil, la société demande à la cour de :
A titre principal :
-constater la péremption d’instance ;
En conséquence :
-constater l’extinction de l’instance ;
– en application de l’article 390 du code de procédure civile, la péremption confère au jugement la force de la chose jugée ;
A titre subsidiaire :
-confirmer le jugement rendu par le tribunal et en conséquence :
-annuler la décision de rejet du 3 juillet 2018 relative au remboursement de la somme de 79 459 euros ;
En conséquence :
– condamner l’Urssaf au paiement de la somme de 79 459 euros relative au remboursement lié aux erreurs de calculs de réduction Fillon ;
– condamner l’Urssaf au paiement de la somme de 2 997,52 euros d’intérêts de retard.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 25 janvier 2023 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE :
– Sur la péremption d’instance :
Il résulte des dispositions du décret n°’2018-928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l’article R.’142-22 du code de la sécurité sociale que l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d’appel introduites à partir du 1er janvier 2019 qu’à celles en cours à cette date.
Lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas, au regard de l’article 386 du code de procédure civile, d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Cass., 2e Civ., 17 novembre 1993, n°’92-12807′; Cass. 2e Civ., 6 décembre 2018, n°’17-26202).
La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Cass., 2e Civ., 15 novembre 2012, n°’11-25499).
Il en résulte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.
En l’espèce, la date de première audience fixée par le greffe dans la convocation envoyée le 7 janvier 2021 étant celle du 25 janvier 2023, date à laquelle l’affaire a été retenue et plaidée, aucune péremption d’instance ne saurait être retenue.
– Sur la demande en remboursement des cotisations de l’année 2014 :
La société expose que l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale dispose que la demande de remboursement de cotisations se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle elles ont été acquittées ; que néanmoins la date d’acquittement des cotisations relatives au calcul de la réduction Fillon est spécifique dès lors que leur calcul est annuel depuis le 31 décembre 2010, de sorte que c’est la production de la dernière paie civile qui constitue le fait générateur de la cotisation en cause en application des dispositions de l’article D. 241-9 du code de la sécurité sociale ; qu’il convient de distinguer la date d’exigibilité et celle de la liquidation de la cotisation qui crée l’acquittement de cette dernière ; que le mois de décembre 2014 n’étant pas prescrit lorsqu’elle a formulé sa demande de remboursement (22 décembre 2017), elle pouvait parfaitement revenir sur le mois de décembre 2014 et lui imputer le supplément d’exonération auquel elle avait le droit.
L’Urssaf réplique qu’il résulte de l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale se prescrit par trois ans à compter de la date de règlement desdites cotisations ; que par application de l’article D. 241-8 du code de la sécurité sociale, le montant de la réduction Fillon est calculé chaque mois par anticipation ; que la régularisation s’effectue, en application de l’article D. 241-9 du code de la sécurité sociale, le dernier mois ou le dernier trimestre de chaque année ; qu’ainsi, le montant final de la réduction résulte d’une régularisation qui s’effectue soit en fin d’année soit progressivement à chaque exigibilité, puisque le principe de l’annualisation ne signifie pas que la réduction Fillon n’est appliquée qu’en fin d’année, mais qu’elle est appliquée chaque mois, avec une régularisation progressive ou en fin d’année ; que la demande de la société est prescrite pour la période du 1er janvier au 25 décembre 2014, la prescription de l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale devant s’appliquer strictement conformément à la circulaire ministérielle du 27 janvier 2011 ; qu’il peut être admis de proratiser le montant de la réduction annuelle en fonction du nombre de mois non prescrit.
L’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale dispose que la demande de remboursement de cotisations et contributions sociales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées.
La réduction générale des cotisations prévues à l’article L. 241-13 du même code est un dispositif de réduction dégressive des cotisations patronales de sécurité sociale. Le montant de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque salarié, et pour chaque contrat de travail. Le paragraphe V de cet article prévoit que : Les modalités selon lesquelles les cotisations dues au titre des rémunérations versées au cours d’un mois civil tiennent compte de cette réduction ainsi que les modalités de régularisation du différentiel éventuel entre la somme des montants de la réduction appliquée au cours de l’année et le montant calculé pour l’année sont précisées par décret.
La réduction est donc calculée mensuellement ou trimestriellement par anticipation par l’employeur et recouvrée par l’organisme de sécurité sociale, outre une régularisation annuelle le dernier mois ou le trimestre de l’année civile en cours ou le dernier mois ou trimestre d’emploi en cas de cessation d’emploi, conformément aux articles D. 241-7 et suivants du code de la sécurité sociale.
Au cas particulier, les parties s’opposent sur le point de départ de ce délai de prescription de la demande de remboursement du trop versé au titre de la réduction dite Fillon.
La société soutient que compte tenu de la régularisation annuelle au mois de décembre 2014 de la réduction des cotisations sociales, le point de départ du délai de prescription de trois ans se situe nécessairement à la date de cette régularisation.
Or, la demande de remboursement de l’indu est soumise au délai de prescription de l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale qui prévoit que la demande de remboursement doit être introduite dans le délai de 3 ans suivant la date à laquelle les cotisations indues ont été versées.
Si la cotisante soutient qu’elle ne pouvait agir qu’après avoir eu connaissance du montant exact des cotisations indues, c’est-à-dire après qu’elles ont été définitivement déterminées, soit le dernier mois ou trimestre de l’année civile en cours, ou le dernier mois ou trimestre d’emploi en cas de cessation du contrat de travail, cette circonstance de fait n’est pas de nature à décaler le point de départ du délai de prescription. En effet, à la date à laquelle la société avait la possibilité de déterminer le montant annuel des cotisations, soit au plus tard le 31 décembre de l’année en cours, elle disposait du temps nécessaire pour agir utilement avant l’expiration du délai de prescription.
Enfin, il ressort du courrier du 22 décembre 2017 de l’appelante que l’erreur de calcul de la réduction des cotisations sociales provient de son fait puisqu’elle indique : Or, nous nous sommes aperçus que notre logiciel de paie avait plafonné, à tort, à la durée contractuelle, le SMIC mensuel de nos salariés retenu dans la formule de calcul. L’absence de prise en compte de ces temps travaillés a introduit un déséqulibre dans la formule de calcul du coefficient Fillon pour nos salariés travaillant en atelier. En pratique, les allègements bas salaires ont été fortement minorés au cours des années 2014, 2015 et 2016… Nos salariés en situation de longue maladie bénéficie d’un maintien de leur rémunération assuré par le régime de prévoyance CARPILIG. En pratique, cela se traduit par le passage en paie d’une rubrique spécifique dite ‘indemnité Carpilig’. Or, lorsqu’il est fait application de la formule de calcul de proratisation du SMIC applicable en cas de suspension de travail, cette rubrique n’est pas prise en compte par notre logiciel de paie dans le salaire brut soumis à cotisations. Cette erreur de paramétrage a pour conséquence de minorer le SMIC mensuel retenu dans la formule de calcul et, pas conséquent, de sous-évaluer le montant de la réduction Fillon calculée dans ces situations. Ces deux inexactitudes de calcul sont à l’origine de la demande de remboursement de l’indu et non la régularisation annuelle de la réduction des cotisations sociales. Dans la mesure où l’indu trouve son origine dans le calcul des sommes dues à titre provisionnel et qu’il est le fait d’une erreur de calcul de la part de la société elle-même, celle-ci ne peut valablement prétendre que le point de départ de la prescription se trouve reculé à la date de la régularisation, celle-ci étant en réalité sans incidence sur la connaissance du fondement de l’indu.
Au regard de ces motifs, il convient de constater que le point de départ du délai de la prescription pour réclamer le remboursement de l’indu résultant du calcul inexact de la réduction générale des cotisations de sécurité sociale se situe à la date à laquelle elles ont été payées, nonobstant le fait qu’elle fasse l’objet d’une régularisation en fin de trimestre ou d’année civile.
Il est constant que la société a payé au titre de l’année 2014 la somme totale de 86 682 euros au titre de la cotisation en cause.
Néanmoins, seule la lettre du 22 décembre 2017 était de nature à constituer une interpellation suffisante de nature à mettre en demeure l’Urssaf de rembourser les cotisations trop-payées et interrompre le délai de prescription. L’Urssaf a reçu cette lettre le 26 décembre 2014.
Adressée postérieurement à l’expiration du délai de prescription des cotisations payées antérieurement au 26 décembre 2014 (79 459 €), elle n’a donc pas interrompu la prescription pour la période du 1er janvier au 25 décembre 2014, de sorte que l’Urssaf était en droit de ne restituer que la somme correspondant au mois de décembre payée après le 25 décembre, soit la somme de 7 233 euros.
La décision du premier juge doit être infirmée et la société sera déclarée irrecevable en sa demande.
La société, qui succombe, sera condamnée aux dépens et sa demande en paiement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DIT n’y avoir lieu à péremption de l’instance ;
DÉCLARE recevable l’appel de l’Urssaf d’Île-de-France ;
INFIRME le jugement rendu le 9 décembre 2019 par le tribunal judiciaire de Meaux ;
Et statuant à nouveau,
DÉCLARE la S.A.S.U. [3] irrecevable en sa demande de remboursement et de paiement des intérêts de retard ;
DÉBOUTE la S.A.S.U. [3] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la S.A.S.U. [3] aux dépens.
La greffière La présidente