Péremption d’instance : 28 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/01485

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Péremption d’instance : 28 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/01485
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28 MARS 2023

Arrêt n°

KV/NB/NS

Dossier N° RG 22/01485 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F3GC

S.A. [5]

/

Organisme URSSAF D’AUVERGNE

jugement au fond, origine tribunal de grande instance de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 28 novembre 2019, enregistrée sous le n° 17/00795

Arrêt rendu ce VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI, Greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A. [5]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me DIAS, avocat suppléant Me Xavier PIGNAUD, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

ET :

Organisme URSSAF D’AUVERGNE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Francois FUZET de la SCP HUGUET-BARGE-CAISERMAN-FUZET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

INTIME

Mme VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l’audience publique du 27 Février 2023, tenue en application de l’article 945-1 du code de procédure civile, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE AUVERGNE LIMOUSIN, ci-après dénommée [5], a fait 1’objet d’un contrôle des services de1union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) D’AUVERGNE portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012.

A 1’issue du contrôle, une lettre d’observations mentionnant un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale pour un montant total de 1.377.072 euros a été adressée à la [5] par courrier recommandé du 11 septembre 2013.

En suite des observations formulées en réponse par la [5], l’URSSAF D’AUVERGNE a ramené le montant des régularisations définitives à la somme de 1.373.481 euros, outre majorations de retard.

Suivant mise en demeure du 4 décembre 2013, l’URSSAF D’AUVERGNE a réclamé le paiement de la somme de 1.578.206 euros, majorations incluses, que la [5] a réglée.

Par courrier du 3 janvier 2014, la [5] a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF d’AUVERGNE d’une contestation visant à obtenir l’annu1ation des chefs de redressement n° 2, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18 et 19.

Par décision du 6 novembre 2017, notifiée le 17 novembre 2017, la commission de recours amiable a rejeté cette contestation.

Par lettre recommandée .avec avis de réception expédiée le 22 décembre 2017, la [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du PUY DE DÔME à l’effet de voir invalider certains chefs de redressement.

Selon jugement en date du 28 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de CLERMONT FERRAND, auquel ont été transférées sans formalités à compter du 1er janvier 2019 les affaires relevant jusqu’à cette date de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale du PUY DE DÔME, a :

– constaté que la caisse d’épargne et de prévoyance Auvergne Limousin abandonne sa demande tendant à l’annulation, sur le fond, des chefs de redressement n° 9, 11 et 18 ;

– annulé le chef de redressement n° 7 (‘cotisations – rupture forcée du contrat de travail préavis suite à licenciement pour faute grave’) d’un montant de 8.089 euros ;

– condamné, en conséquence, 1’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’a1locations fami1iales d’Auvergne à restituer la somme de 8.089 euros à la caisse d’épargne et de prévoyance Auvergne Limousin;

– débouté la caisse d’épargne et de prévoyance Auvergne Limousin du surplus de ses emandes ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d’Auvergne et la caisse d’épargne et de prévoyance Auvergne Limousin aux dépens, lesquels seront partagés par moitié entre les parties.

Par déclaration expédiée le 11 décembre 2019, reçue au greffe de la cour le 17 décembre 2019, la [5] a interjeté appel partiel de ce jugement. Cette procédure d’appel a été retirée du rang des affaires en cours par ordonnance de radiation en date du 20 octobre 2020.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 30 décembre 2019, l’URSSAF d’AUVERGNE a également relevé appel partiel de ce jugement.

Par arrêt contradictoire prononcé le 5 avril 2022, la chambre sociale de la cour d’appel de RIOM a :

– infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a annulé le chef de redressement n°7 (‘cotisation-rupture forcée du contrat de travail : préavis suite à licenciement pour faute grave’) d’un montant de 8.089 euros et statuant à nouveau, dit n’y avoir lieu à annuler ce chef de redressement ;

– infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d’Auvergne à restituer la somme de 8.089 euros à la caisse d’épargne et de prévoyance d’Auvergne Limousin au titre de l’annulation du chef de redressement n°7 et statuant à nouveau, dit n’y avoir lieu à restitution de cette somme par l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d’Auvergne ;

– confirmé le jugement entrepris en ses dispositions sur les dépens et les frais de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE AUVERGNE LIMOUSIN aux dépens de l’instance d’appe1 ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La procédure d’appel engagée par la [5] a été réinscrite au rang des affaires en cours par voie de conclusions notifiées le 4 janvier 2022.

L’affaire a été fixée à l’audience de la chambre sociale du 27 février 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions visées le 27 février 2023, oralement soutenues à l’audience, la [5] demande à la cour de :

A titre liminaire :

– réinscrire l’affaire enregistrée initialement sous le numéro 19/02343 au rôle ;

– ordonner la jonction des recours RG 19/02343 et RG 20/00010 interjetés par la [5] et par L’URSSAF D’AUVERGNE à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de CLERMONT FERRAND le 28 novembre 2019 ;

– infirmer partiellement le jugement du tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND du 28 novembre 2019 en ce qu’il a :

débouté la [5] du surplus de ses demandes ;

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné l’URSSAF aux dépens lesquels seront partagés par moitié entre les parties ;

– prendre acte que le jugement précité a constaté que la [5] abandonne sa demande tendant à l’annulation sur le fond des chefs de redressement n° 9,11 et 18 ;

Sur la forme :

– annulé les redressements et les majorations de retard afférentes, relatifs aux :

dépenses de simulation-challenges- données issues de la :

SA [4] (chef de redressement n°15)

société [6] (chef de redressement n°16)

société [8] (chef de redressement n°17)

SA [7] (chef de redressement n°18)

séminaires- données issues de tiers ( données issues du contrôle de la BPCE- chef de redressement n°19)

– ordonné la restitution en sa faveur du règlement effectué portant sur ces points, soit la somme de 50.400 euros, ainsi que les majorations de retard afférentes ;

Sur le fond :

– annuler les redressements, ainsi que les majorations de retard afférentes, relatifs :

aux ‘ avantages tarifaires : prêts immobiliers et prêts à la consommation’, opéré au titre de l’année 2010 s’agissant du taux nominal ( chef de redressement n°10)

aux dépenses de simulation-challenges- données issues de la:

SA [4] ( chef de redressement n°15)

société [6] ( chef de redressement n°16)

société [8] ( chef de redressement n°17)

aux séminaires- données issues de tiers ( données issues du contrôle BPCE), (chef de redressement n°19) ;

– minorer les redressements, ainsi que les majorations de retard afférentes, relatifs aux ‘ avantages tarifaires : prêts immobiliers et prêts à la consommation ( chef de redressement n°10), opéré au titre des :

années 2011 et 2012, s’agissant du taux nominal appliqué aux prêts immobiliers et à la consommation ;

années 2010, 2011 et 2012 s’agissant des frais de dossier ;

– ordonner, le cas échéant, la restitution à la société du règlement effectué portant sur ces différents points, ainsi que les majorations de retard afférentes ;

En tout état de cause :

– condamner l’URSSAF, outre aux dépens, au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêt légal à compter du prononcé de la décision à intervenir.

Par ses dernières écritures visées le 27 février 2023, oralement soutenues à l’audience, l’URSSAF D’AUVERGNE demande à la cour de:

– faire droit à l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– débouter la [5] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’irrecevables et mal fondées ;

In limine litis :

– juger ce que de droit s’agissant du moyen de péremption d’instance soulevé d’office par la cour ;

– confirmer le jugement en date du 28 novembre 2019 en l’ensemble de ses dispositions ;

– condamner la [5], outre aux entiers dépens, à lui payer et porter la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l’audience, pour l’exposé de leurs moyens.

MOTIFS

– Sur la demande de jonction :

Il n’y a pas lieu d’ordonner la jonction des deux procédures d’appel se rapportant au jugement n°19/00480 prononcé le 28 novembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de CLERMONT FERRAND, alors que l’appel formé par l’URSSAF D’AUVERGNE a d’ores et déjà donné lieu au prononcé, en date du 5 avril 2022, d’une décision au fond.

– Sur la péremption :

A l’occasion de l’audience du 28 février 2022 à laquelle a été fixée l’affaire enrôlée dans le cadre de l’appel interjeté par l’URSSAF d’AUVERGNE, la question de la péremption de la procédure d’appel introduite par la [5] a été soulevée d’office et soumise contradictoirement aux débats.

Par application de l’article 377 du code de procédure civile, la radiation prononcée par ordonnance du 20 octobre 2020 a entraîné la suspension de l’instance d’appel.

Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, ‘l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.’

L’article 388 du code de procédure civile dispose : ‘La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit. Le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations.’

Selon l’article 389 du code de procédure civile : ‘La péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir.’.

Aux termes de l’article 390 du code de procédure civile : ‘La péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.’

L’article 392 du même code énonce quant à lui que ‘ l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption. Ce délai continue à courir en cas de suspension de l’instance sauf si celle-ci n’a lieu que pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de ce cas.’

Il résulte de ces dispositions que le point de départ du délai de péremption de deux ans est déterminé par la dernière diligence d’une quelconque partie, et non pas par une décision de radiation qui ne constitue pas une diligence émanant d’une partie.

En cause d’appel, ce délai débute à compter du dépôt de la déclaration d’appel si aucune diligence procédurale n’a été accomplie depuis et un nouveau délai de deux ans recommence à courir à compter de chaque diligence accomplie par l’une ou l’autre des parties.

Au regard de ces principes, c’est à tort que dans son dispositif l’ordonnance de radiation rendue le 20 octobre 2020 énonce que l’affaire pourra être rétablie par l’accomplissement de diligences dans un délai maximum de deux ans à compter de sa notification, alors qu’une décision de radiation ne peut être assimilée à une diligence des parties interruptive du délai de péremption.

En l’espèce, le délai de péremption a commencé à courir le 17 décembre 2019, date de l’enregistrement de la déclaration d’appel, et n’a pas été par la suite interrompu par une diligence quelconque des parties dans le délai de deux ans suivant cette date, les conclusions emportant réinscription de l’affaire au rôle n’ayant été notifiées que le 4 janvier 2022.

Quoiqu’il ne soit pas conforme aux règles applicables en matière d’interruption du délai de péremption, il y a lieu de faire application du dispositif de l’ordonnance de radiation aux parties qui, en raison des termes erronés de la décision qui leur a été notifiée, ont pu se méprendre sur la computation du délai imparti pour se conformer à leurs obligations procédurales.

Dès lors, les conclusions portant réinscription au rôle de l’affaire ayant été notifiées moins de deux ans suivant la notification de l’ordonnance prononçant sa radiation, il n’y a pas lieu de prononcer la péremption d’instance.

– Sur la procédure de contrôle :

Aux termes de l’article R243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable lors du contrôle, ‘ Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle.

Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.’

En application de l’article L114-19 du code de la sécurité sociale, relatif au droit de communication, les inspecteurs du recouvrement peuvent également obtenir auprès de tiers les documents et informations nécessaires pour accomplir leurs missions de contrôle.

L’exercice de ce droit de communication est toutefois encadré par des dispositions légales, dont l’article L114-21 du même code qui dispose que ‘l’organisme ayant usé du droit de communication en application de l’article L. 114-19 est tenu d’informer la personne physique ou morale à l’encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d’une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s’est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande.’

Une circulaire du 21 juillet 2011 régulièrement publiée, opposable aux URSSAF, ajoute que ‘dans le cas où l’information qui a conduit au redressement est issue de la mise en oeuvre du droit de communication, il devra en être fait mention dans la lettre d’observation ou le document de fin de contrôle.

Il ressort en l’espèce de la lettre d’observations datée du 11 septembre 2013 que pour opérer la régularisation des chefs de redressement n°15 à 19 inclus, l’inspecteur du recouvrement s’est appuyé sur des données issues de sociétés membres, au même titre que la [5], du groupe [4], à savoir la SA [4], la société [6], la société [8] et la SA [7].

La [5] fait grief aux inspecteurs du recouvrement d’avoir obtenu ces données au mépris des garanties instituées par l’article L114-21 du code de la sécurité sociale et la circulaire précitée du 21 juillet 2011. Elle relève à cet égard que la lettre d’observations ne fait pas mention de la mise en oeuvre du droit de communication, en sorte que les agents de contrôle, dont les pouvoirs d’investigations ne pouvaient en pareil cas excéder ceux prévus à l’article R243-59 du code de la sécurités sociale, n’étaient pas habilités à obtenir des informations de sociétés tierces.

L’URSSAF D’AUVERGNE s’oppose à cette analyse en faisant valoir que les dispositions prévues à l’article L114-19 du code de la sécurité sociale n’avaient pas à être appliquées à l’occasion du contrôle dont a fait l’objet l’appelante. Elle explique que les sociétés dont sont issus les informations et documents litigieux appartiennent, comme la [5], au groupe [4]. Celui-ci ayant été contrôlé dans le cadre d’un plan de contrôle national, les informations et documents étaient déjà à la disposition des inspecteurs en charge du contrôle qui ont pu les exploiter sans mettre en oeuvre préalablement la procédure relative au droit de communication.

Aux termes de son avis de contrôle en date du 25 février 2013, l’URSSAF D’AUVERGNE a informé la [5] que le contrôle la concernant s’effectuerait’dans le cadre du plan de contrôle national 2013, conformément aux dispositions de l’article L225-1-1 3° quinquies du code de la sécurité sociale.’

L’article L225-1-1 3° quinquies du code de la sécurité sociale prévoit que l’agence centrale des organismes de sécurité sociale est chargée d’initier et de coordonner des actions concertées de contrôle et de recouvrement menées par les organismes de recouvrement. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale peut requérir la participation des organismes de recouvrement à ces actions.

Les dispositions de l’article L225-1-1 du code de la sécurité sociale, relatives aux missions confiées à l’agence centrale des organismes de sécurité sociale sont sans lien direct avec le régime applicable aux pouvoirs d’investigations conférés aux inspecteurs de recouvrement dans le cadre d’un plan de contrôle national intéressant tout ou partie d’un groupe.

L’URSSAF D’AUVERGNE se prévaut des dispositions de l’article L114-12 du code de la sécurité sociale, qui dans sa version applicable lors du contrôle, énonce que ‘ les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, les caisses assurant le service des congés payés et l’institution mentionnée à l’article L. 311-7 du code du travail se communiquent les renseignements qui :

1° Sont nécessaires à l’appréciation de droits ou à l’exécution d’obligations entrant dans le fonctionnement normal du service public dont sont chargés ces organismes ;

2° Sont nécessaires à l’information des personnes sur l’ensemble de leurs droits en cas de partage de la gestion d’une prestation par ces organismes;

3° Sont nécessaires au contrôle, à la justification dans la constitution des droits, notamment à pension de vieillesse et à la justification de la liquidation et du versement des prestations dont sont chargés respectivement ces organismes.’

La loi n°2016-1827 du 23 décembre 2019 a enrichi ces dispositions en incluant expressément à la rédaction du texte, en plus des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale et des caisses assurant le service des congés payés, les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au code, Pôle emploi et les administrations de l’Etat.

Cet enrichissement n’a toutefois pris effet que le 28 décembre 2019, de sorte que lors du contrôle effectué du 15 mars 2013 au 11 septembre 2013, les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale, tels les URSSAF, n’étaient pas inclus dans la liste des organismes autorisés à se communiquer des renseignements.

Certes, les missions et actions des URSSAF s’inscrivent dans les dispositifs de contrôle et de lutte contre la fraude au sens du chapitre IV ter auquel est rattaché l’article L114-12 du code de la sécurité sociale.

Il n’en demeure pas moins que les dispositions qui régissent l’étendue des pouvoirs dévolus aux inspecteurs de recouvrement en charge des contrôles sont d’interprétation stricte, ce dont il résulte que l’URSSAF D’AUVERGNE est mal fondée à arguer d’une extension du champ d’application des dispositions de l’article L114-12 du code de la sécurité sociale, applicables lors du contrôle effectué, au bénéfice des organismes qui n’y sont pas expressément visés, notamment aux organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

En outre, quand bien même les informations et documents consultés et exploités pour aboutir aux chefs de redressement n° 15 à 19 seraient issus de sociétés appartenant au même groupe que la [5], ces sociétés, qui jouissent d’une personnalité morale distincte de celle de la société appelante, ne sont pas débitrices des cotisations et contributions sociales afférentes à l’emploi des salariés de cette dernière. Elles ont donc, vis à vis de la [5] contrôlée, la qualité de tiers.

Il s’en déduit que pour exploiter les documents et informations provenant d’autres sociétés du groupe [4], les inspecteurs du recouvrement étaient tenus de mettre en oeuvre la procédure relative au droit de communication prévue aux articles L114-19 et suivants du code de la sécurité sociale.

La lettre d’observations fait certes apparaître que les chefs de redressements concernés par le moyen de forme découlent des données issues des contrôles de la SA [4], de la société [6], de la SA [8] et de la société [7]. Des indications sont en outre fournies quant à la teneur des documents et informations obtenues via le contrôle d’autres sociétés du groupe.

Il n’est toutefois pas clairement spécifié que les informations ayant conduit au redressement sont issues de la mise en oeuvre du droit de communication.

Ce défaut de mention conduit à considérer qu’il n’a pas été fait application de la procédure relative au droit de communication, ce qu’assume d’ailleurs l’URSSAF, estimant qu’elle n’était pas tenue de la mettre en oeuvre.

Dans le cadre du contrôle de la [5], il n’entrait dès lors pas dans les pouvoirs d’investigations des inspecteurs de recouvrement, tels que définis par l’article R243-59 du code de la sécurité sociale, d’obtenir et d’exploiter les documents et informations issus du contrôle de sociétés tierces, fussent-elles membres du même groupe. En effet, en vertu de ce texte, c’est auprès de l’employeur contrôlé que l’inspecteur du recouvrement doit former la demande de remise des documents nécessaires au contrôle.

Il s’ensuit que par infirmation du jugement entrepris, il y a lieu, motif pris d’une irrégularité dans la procédure de contrôle mise en oeuvre, d’annuler les chefs de redressement n° 15,16,17,18 et 19 visés à la lettre d’observations et les majorations de retard afférentes.

L’URSSAF D’AUVERGNE, qui ne conteste pas le montant de la somme recouvrée en règlement de ces chefs de redressement, sera condamnée à payer à la [5], à titre de remboursement, la somme de 50.400 euros.

– Sur le chef de redressement n°10 de la lettre d’observations : avantages tarifaires prêts immobiliers et prêts à la consommation

Sur les années contrôlées, la [5] a octroyé à ses salariés des avantages tarifaires portant sur le taux de prêts immobiliers ou à la consommation et les frais de dossier afférents à ces prêts.

En vertu de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations, pour le calcul des cotisations sociales, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.

L’article 6 de l’arrêté du 10 décembre 2002, relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, pose le principe que le montant des avantages en nature autres que la nourriture, le logement, la mise à disposition permanente d’un véhicule ou d’outils issus des nouvelles technologies de l’information et de la communication est déterminé dans tous les cas par la valeur réelle.

La circulaire DSS/SDFSS/5B n°2003-07 relative à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale a introduit une tolérance administrative s’agissant de la fourniture gratuite ou à tarif préférentiel dont bénéficient les salariés sur les services réalisés ou vendus par l’entreprise.

Cette circulaire, dont l’opposabilité à l’URSSAF est admise, énonce que ‘ les fournitures de produits et services réalisés par l’entreprise à des conditions préférentielles ne constituent pas des avantages en nature dès lors que leurs réductions tarifaires n’excèdent pas 30% du prix de vente public normal, toutes taxes comprises. L’évaluation doit être effectuée par référence au prix de vente toutes taxes comprises pratiqué par l’employeur pour le même produit ou le même service, à un consommateur non salarié de l’entreprise.’

La circulaire DSS/SDFSS/5B n° 2005-389 du 19 août 2005 précise que lorsque le produit est habituellement commercialisé dans une boutique, la notion de prix public TTC pratiqué par l’employeur s’entend du prix le plus bas pratiqué dans l’année par le cotisant pour une même clientèle.

La [5] conteste en l’espèce la base de détermination de l’assiette du redressement prise en compte par l’URSSAF d’AUVERGNE. Elle estime que pour valoriser les avantages consentis aux salariés relativement aux frais de dossier et taux de crédit, il convient d’apprécier le prix le plus bas réellement pratiqué dans l’année pour une même clientèle, et non celui affiché sur les brochures tarifaires qui ne contiennent que des indications théoriques ne correspondant pas à la réalité des pratiques tarifaires de l’entreprise.

En application des circulaires ministérielles susvisées, la valorisation de ces avantages doit en effet être calculée par comparaison entre les situations des salariés et des clients sur la base de conditions leur étant effectivement appliquées, et non de manière théorique en fonction d’éléments, tels les brochures tarifaires, qui fixent des valeurs en deça desquelles les tarifs réellement pratiqués peuvent être fixés à l’occasion de négociations commerciales.

S’agissant en premier lieu des conditions préférentielles liées aux frais de dossiers, l’analyse par l’organisme de recouvrement de l’avantage a été effectué en retenant le montant des frais de dossiers applicables aux clients tel qu’il est défini sur les brochures tarifaires de chaque année, et non sur le montant moyen des frais de dossiers relevé par l’employeur.

Cette méthode de valorisation de l’avantage est critiquée par la [5] au motif qu’elle méconnaît les principes susvisés, qui impliquent de rechercher le prix le plus bas réellement pratiqué. La société appelante rappelle que les montants des frais de dossiers sont fonction de diverses variables, telles la nature du crédit, le montant emprunté, la durée d’amortissement du prêt etc.. Afin d’éviter un écart trop important entre les frais appliqués aux clients, il est exact que les brochures tarifaires prévoient des montants minimum et maximum. Elle fait cependant valoir que très fréquemment, des tarifs situés en deçà du plancher prévu par les brochures sont négociés.Elle soutient dans ces conditions que le référent à retenir est le tarif moyen réellement facturé à la clientèle, et non le tarif indiqué dans la brochure.

Pour démontrer que les prix théoriques retenus par l’URSSAF sont supérieurs aux tarifs réellement pratiqués à la clientèle, la [5] communique des fichiers Excel dont elle indique qu’ils procèdent de l’ extraction relative aux frais moyens de dossiers de 2010 à 2012.

Ces documents font apparaître, hormis pour les prêts à la consommation consentis en 2012, des montants inférieurs aux prix affichés sur les brochures tarifaires.

Toutefois, comme l’oppose à bon escient l’URSSAF d’AUVERGNE, ces fichiers, au demeurant confectionnés par la société cotisante elle même, sans que puissent être vérifiées l’origine et la véracité des indications chiffrées qu’ils comportent, n’ont été communiqués qu’à l’occasion des débats judiciaires.

Ces pièces doivent être écartées dès lors que le contrôle est clos après la période contradictoire définie à l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et que la société n’a pas, durant cette période, apporté des éléments contraires aux constatations de l’inspecteur, se limitant, dans sa réponse du 9 octobre 2013 à la lettre d’observations dont elle a été destinataire, d’objecter que ‘ au vu des différents documents apportés, la [5] n’est pas en mesure d’apprécier les méthodes de calcul retenues par l’URSSAF’. En conséquence, il conviendrait à tout le moins de justifier des montants de redressement ligne par ligne puis soit d’annuler le redressement opéré ou le ramener à due proportion’

Dans cette réponse évasive, la [5] ne vise pas les documents qu’elle évoque, ni ne développe aucune explication sur les motifs précis de son incompréhension de la méthode de chiffrage appliquée. Aucune critique pertinente et argumentée n’est objectée aux bases de calcul du montant du redressement, relatées de façon claire à la lettre d’observations, laquelle mentionne, distinctement pour chacune des années contrôlées, les bases retenues au titre de chacune des lignes concernées (prêts à la consommation, prêts immobiliers et frais de dossier), la nature des cotisations et contributions rappelées, avec pour chacune d’entre elles indication, des bases prises en compte et plafonnées s’il y a lieu, et les taux respectivement appliqués.

Il résulte de ce qui précède que la cotisante n’a pas produit, lors des opérations de contrôle, les éléments nécessaires à la vérification de l’application de la tolérance administrative d’exclusion de l’assiette de cotisations des réductions tarifaires accordés à ses salariés.

En ce qui concerne l’avantage accordé aux salariés au titre du taux nominal consenti dans le cadre de prêts immobiliers ou de prêts à la consommation, la [5] conteste également la méthode par laquelle les conditions préférentielles octroyées aux salariés ont été valorisées. Elle considère que la comparaison, telle qu’elle a été réalisée, entre les taux appliqués aux salariés et le taux moyen pratiqué pour les clients manque en précision dans la mesure où la typologie du demandeur au crédit a une incidence directe sur la fixation du taux d’emprunt, en sorte que le taux appliqué aux clients salariés ne peut être comparé qu’au taux appliqué à un client non collaborateur qui présente des critères similaires. Elle fait valoir qu’en appliquant une méthode de valorisation fondée sur cette comparaison plus affinée et plus précise, le seuil de tolérance de 30% visé à la circulaire du 7 janvier 2003 n’est atteint que pour 19 salariés, de sorte que le montant total du redressement opéré doit être réduit.

Or il résulte des circulaires ministérielles des 7 janvier 2003 et 19 août 2005 que pour apprécier si les réductions tarifaires accordées par un employeur à ses salariés sur les produits ou services de l’entreprise constituent des avantages en nature excédant la tolérance de 30%, le prix public à comparer au tarif consenti aux salariés s’entend de celui pratiqué par l’entreprise pour ses clients, c’est à dire celui accessible à tout client potentiel, et non seulement celui appliqué préférentiellement à une catégorie de clientèle particulière.

Contrairement à ce que prétend la [5], il n’y a donc pas lieu, pour valoriser l’avantage octroyé à ses salariés sur le taux nominal appliqué, de s’en tenir à une comparaison limitée à une catégorie de clientèle présentant des caractéristiques similaires en ce qui concerne les conditions d’accès au crédit.

Au surplus, comme pour la contestation relative à la méthode de valorisation des avantages consentis au titre des frais de dossier, la cour constate que les éléments apportés, dont la pertinence et la valeur probante sont en toutes hypothèses à juste titre querellées, pour prétendre à l’application d’une autre analyse comparative des taux accordés ont été communiqués postérieurement à la période contradictoire. La [5] n’en a nullement fait état dans sa réponse du 9 octobre 2013 à la lettre d’observations qui lui a été notifiée.

Les contestations élevées par la [5] quant au point de redressement n°10 n’étant pas opérantes au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui, les rejetant, a maintenu ce chef de régularisation.

– Sur les dépens et les frais de l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

En cause d’appel, les mêmes dispositions seront appliquées. Les dépens seront partagés par moitié entre les parties et les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Dit n’y avoir lieu à constater la péremption de l’instance d’appel ;

– Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la [5] de sa demande d’annulation des chefs de redressement n°15, 16,17, 18 et 19 de la lettre d’observations et statuant à nouveau, annule pour vice de forme les chefs de redressement n° 15, 16, 17, 18 et 19 de la lettre d’observations et condamne l’URSSAF D’AUVERGNE à payer à [5] la somme de 50.400 euros à titre de restitution, outre les majorations de retard afférentes ;

– Confirme le jugement entrepris pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

– Condamne la [5] et L’URSSAF D’AUVERGNE aux dépens d’appel qui seront partagés par moitié entre les parties ;

– Rejette les demandes des parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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