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KG/CH
Société [H] [Y]
C/
Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute-Marne
[T] [J]
Société [9]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
MINUTE N°
N° RG 20/00332 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FRAC
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la HAUTE-MARNE, décision attaquée en date du 30 Juillet 2010, enregistrée sous le n° 20800189
APPELANTE :
Société [H] [Y]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 1]
représentée par Me Anne-Marie LARMANDE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉS :
Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute-Marne
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Mme [P] [U] (Chargée d’audience) en vertu d’un pouvoir général
[T] [J]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Me Guillaume BERNARD de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
Société [9]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 6]
non comparante, non représentée (qui a sollicité une demande de dispense de comparution par courrier en date du 2 février 2023)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [J] a été embauché par la société [H] [Y] (la société) du 11 décembre 1990 au 9 avril 1992 puis du 3 juin au 6 septembre 2002, en qualité de monteur thermique.
Il a souscrit, le 17 août 2006, auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM) de la Haute Marne une déclaration de maladie professionnelle pour des plaques pleurales partiellement calcifiées d’origine abestosique, pathologie reconnue et prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, en application du tableau n° 30 B des maladies professionnelles.
Une indemnité en rente fondée sur un taux d’incapacité permanente partielle de 10% lui a été alors attribuée au titre de la maladie reconnue.
M. [J] a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute Marne qui, par jugement en date du 30 juillet 2010, a :
” – déclaré que la maladie professionnelle dont est atteint M. [T] [J] est due à la faute inexcusable de son employeur, la société Devret [Y], prise en la personne de son représentant légal,
en conséquence,
– fixé au maximum la majoration de la rente prévue à l’article L 452-2 du code de sécurité sociale,
– dit que la majoration de rente devra suivre l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de la victime en cas d’aggravation de son état de santé,
– dit que les sommes ainsi déterminées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,
– condamné la société [H] [Y] prise en la personne de son représentant légal, à verser à une indemnité provisionnelle de deux mille euros au titre des frais irrépétibles,
avant dire droit,
– désigné en qualité d’expert Mme le Docteur [R], expert auprès la cour d’appel de Dijon, demeurant [Adresse 4] qui, après avoir contradictoirement examiné, étudié les dossiers médicaux et s’être fait communiquer tous documents qui lui paraîtraient utiles, aura mission de donner un avis sur l’importance :
des souffrances physiques et morales endurées,
du préjudice esthétique et d’agrément et,
sur le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,
– dit que les frais d’expertise seront pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Marne qui en assurera le recouvrement auprès de l’employeur,
– réservé les frais irrépétibles et les dépens,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.”
Par déclaration enregistrée le 12 août 2010, la société [H] [Y] a relevé appel de cette décision.
Par un arrêt en date du 23 octobre 2014, la cour de céans prononce la radiation de l’affaire du rôle de la Cour.
Par avis de réinscription en date du 19 octobre 2016, la cour de céans a procédé à la réinscription de l’affaire sous le n° RG 16/01216.
Par un arrêt en date du 27 septembre 2018, la cour de céans prononce à nouveau la radiation de l’affaire du rôle de la Cour.
Par avis de réinscription en date du 28 septembre 2020, la cour de céans a procédé à la réinscription de l’affaire sous le n° RG 20/00332.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées reçues à la cour le 12 janvier 2023 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la société [H] [Y] demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer le jugement du 30 juillet 2010 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Châlons-en-Champagne en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
à titre principal,
– constatant que l’exposition à l’amiante n’a pas pu se produire dans son entreprise,
juger qu’elle doit être déclarée hors de cause,
subsidiairement si la Cour devait juger bien-fondé l’action formée à son encontre,
– ordonner l’expertise de ses documents comptables depuis le 16 juillet 1990, date de sa création, jusqu’au 31 août 2002 afin de constater qu’elle n’a pas travaillé l’amiante, puisqu’il n’existe aucun marché passé par elle qui lui aurait fait exécuter un chantier la conduisant à travailler l’amiante,
– juger qu’il n’existe aucune facture démontrant l’achat de matériaux contenant de l’amiante,
– juger qu’elle a fait appel à une entreprise certifiée lorsque la présence d’amiante s’est révélée sur un chantier et qu’il a fallu procéder à l’enlèvement de ce matériau,
– juger qu’elle n’a pas méconnu ses obligations en matière de protection de la santé et la sécurité des salariés,
– juger qu’elle n’a pas commis de faute inexcusable,
– rejeter l’ensemble des demandes de M. [T] [J],
en tout état de cause,
– condamner M. [J] à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique 31 janvier 2023 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, M. [J] demande à la cour de :
à titre liminaire,
– constater la péremption de l’instance d’appel,
en conséquence,
– juger que le jugement déféré à autorité de la chose jugée,
sur le fond,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
en tout état de cause,
– condamner la société [H] [Y] à payer à chacun des ayants droit de M. [J], une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux entiers dépens.
La caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM) de la Haute-Marne n’entend pas formuler d’observations concernant le débat relatif à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et demande de “dire et juger que les conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable seront supportées par la société [H] [Y] y compris en ce qui concerne la majoration maximale des indemnités et leur évolution en fonction du taux d’incapacité permanente partielle retenu en cas d’aggravation de l’état de santé de M. [J]”.
Régulièrement convoqué par lettres recommandées avec accusés de réception en date du 29 septembre 2022, le [9] (la [9]) n’est ni présent ni représenté.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
– Sur la péremption d’instance
M. [J] demande de constater la péremption d’instance puisqu’aucune des parties n’a accompli de diligences entre le 28 septembre 2020 et le 11 janvier 2023.
En vertu de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
En matière de sécurité sociale, la péremption n’est acquise que si des diligences ont été mises à la charge des parties, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Il s’ensuit que la demande visant à voir constater la péremption n’est pas fondée et sera donc rejetée.
– Sur la demande de mise hors de cause de la société [H] [Y]
La société remet en cause le caractère professionnel de la maladie pris en charge par la CPAM en soulevant d’une part, que les travaux susceptibles de provoquer la maladie déclarée ne relèvent pas des activités de la société [H] [Y],et, d’autre part, que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n’est opposable qu’au dernier employeur de M. [J].
Elle demande, à titre subsidiaire, de désigner un expert chargé de l’examen des documents comptables de la société depuis sa création le 16 juillet 1990 jusqu’au 31 août 2002, date de la fin de contrat à durée déterminée de M. [J] afin de déterminer qu’elle n’a jamais exécuté des travaux ou acheter des matériaux contenant de l’amiante.
M. [J] indique qu’il a travaillé pour la société [H] Père et Fils de 1976 à 1978 et de 1982 à 1984 en tant que monteur thermique et a rejoint la société [H] [Y] en 1990, qu’il a effectué des travaux similaires à ceux réalisés au sein de la société [H] Père et Fils et donc a été exposé aux poussières d’amiante.
Il fait valoir qu’il est de jurisprudence constante que si la maladie professionnelle est imputée aux divers employeurs chez lesquels le salarié a été exposé au risque, le salarié peut agir à l’égard d’un seul employeur à partir du moment où l’exposition au risque s’est déroulée dans des conditions constitutives de la faute inexcusable.
Il convient, à titre liminaire, de rappeler qu’en application du principe de l’indépendance des rapports entre, d’une part, la caisse et la victime, d’autre part, la caisse et l’employeur, et enfin, la victime et l’employeur, le caractère définitif à son égard de la décision de prise en charge, par l’organisme social, de la maladie au titre de la législation professionnelle n’interdit pas à l’employeur de contester le caractère professionnel de la maladie, dans le cadre d’un litige l’opposant au salarié et pour se défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable.
Aux termes de l’article L. 461-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Pour bénéficier de la présomption d’imputabilité, trois conditions doivent être réunies :
– la maladie doit figurer dans un tableau de maladies professionnelles,
– le délai de prise en charge prévu au tableau doit être respecté,
– l’exposition au risque du tableau doit être démontrée.
En l’espèce, la notification de prise en charge adressée à M. [J], le 5 janvier 2007, mentionne que la maladie a été prise en charge par la CPAM en tant que maladie inscrite au tableau n° 30 “plaques pleurales”, le certificat initial du 28 décembre 2006 indiquant “plaques pleurales calcifiées d’origine asbestosique associés à des troubles obstructifs” (pièces n° 3 et 4).
Le tableau n° 30 des maladies professionnelles, tel qu’il est annexé à l’article R. 461-3 du code de la sécurité sociale, prévoit notamment l’asbestose, avec un délai de prise en charge de 35 ans ,sous réserve d’une durée d’exposition de 2 ans, aux travaux exposant à l’inhalation de poussières d’amiante, notamment la manipulation et l’utilisation de l’amiante brut dans des opérations de fabrication, la confection de produits contenant de l’amiante, l’application, la destruction ou l’élimination de produits à base d’amiante, des travaux dans des locaux contenant des matériaux à base d’amiante, la conduite de four et des travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l’amiante.
S’agissant de la première condition tenant à la désignation de la maladie, elle est établie par les éléments médicaux susvisées (le certificat médical initial, la déclaration de la maladie professionnelle) ainsi que par le rapport du docteur [R] en date du 17 septembre 2010, et n’est pas contesté par la société.
S’agissant de la condition tenant aux travaux susceptibles de provoquer la pathologie déclarée par M. [J] :
Il est constant que M. [J] exerçait les fonctions de monteur thermique du 11 décembre 1990 au 9 avril 1992 puis du 3 juin au 6 septembre 2002 au sein de la société [H] [Y].
Il résulte de la reconstitution de carrière de M. [J] et de l’enquête administrative menée par la CPAM (pièces n° 1 et 4) que ce dernier travaillait essentiellement sur des fours en tant que monteur thermique et qu’il déclarait que les fonctions exercées au sein de la société [H] étaient les mêmes que celle exercées au sein des sociétés [8] et [H] Père et Fils à savoir “monter des briques réfractaires à chaud et à froid, en contact avec des plaques d’amiante dont on se servait pour éviter la perdition de chaleur, en contact avec les garnitures et la tresse amiantée qui servait de joint, contact avec des plaques en amiante et port de vêtements de protection en amiante (gants, casquettes, tabliers)”.
Des collégues de M. [J] et notamment M. [M] (pièce n° 7) confirment la présence d’amiante sur les chantiers sur lesquels ils étaient amenés à intervenir au côté de M. [J] en précisant “au sein de l’entreprise de fumisterie de [H] Père et Fils auquel à succédé le fils [Y] [H] “. Contrairement à ce que soutient la société, ces témoignages sont probants et citent, pour la plupart, le dirigeant qui a repris la société [H] Père et Fils. Le registre du personnel de la société produit aux débats ( pièce n° 10) est illisible et ne permet pas de soutenir, comme le prétend la société, que les collégues, qui ont témoigné, n’étaient pas au sein de l’entreprise.
Si la société justifie que la société [H] Père et Fils et la société [H] [Y] sont deux entités juridiques différentes, il n’en demeure pas moins que la société a une activité de construction, rénovation et fours industriels comme la société [H] Père et Fils. Compte tenu de son activité, même si elle ne produit pas ou ne transforme pas de l’amiante, les travaux réalisés (soudure, tuyauterie, calorifuage ou dépose des pièces contenant de l’amiante) exposaient M. [J] à l’inhalation de poussières d’amiante.
Elle indique que depuis 1996, elle a l’obligation de faire appel à une société spécialisée pour retirer l’amiante. Or M. [J] a exercé ses fonctions de monteur thermique de 1990 à 1992 au sein de la société.
Ces élèments démontrent que M. [J] a bien été exposé au risque au sein de l’entreprise en procédant, dans le cadre de son travail, à des travaux en tant que monteur thermique, de démontage et de reconstruction de four industriels contenant des matériaux avec de l’amiante et en utilisant des joints d’amiante.
La condition tenant aux travaux susceptibles de provoquer la maladie est remplie.
En ce qui concerne la condition tenant au délai de prise en charge, M. [J] a travaillé pour la société [H] [Y] du 11 décembre 1990 au 9 avril 1992 puis du 3 juin au 6 septembre 2002 et donc a été exposé à l’amiante pendant au moins deux ans.
La date de première constatation médicale est fixée au 19 janvier 2005, soit moins de 35 ans après la fin d’exposition correspondant à la date de fin du contrat de travail, le 6 septembre 2002.
Dès lors, la durée minimale d’exposition au risque de deux ans est démontrée et le délai de prise en charge a été respecté.
Les conditions du tableau n° 30 des maladies professionnelles sont réunies et la prise en charge au titre de la législation aux risques professionnels de la maladie de M. [J] est bien fondée.
Ainsi, la société ne peut se prévaloir que l’instruction de la reconnaissance de la maladie professionnelle par la CPAM aurait dû se faire auprès du dernier employeur alors que la société ne rapporte aucune preuve contraire sur l’imputabilité de la maladie professionnelle de M. [J] au sein de sa société.
La demande de la société [H] [Y] de mise hors de cause est donc rejetée.
Dans ces conditions, la demande de la société [H] [Y] relative à une expertise comptable devient sans objet.
– Sur la faute inexcusable
La société soutient qu’elle n’a pas commis de faute inexcusable puisque ni au niveau de la construction, ni dans le cadre d’opération de démolition, elle n’a eu une activité mettant ses salariés en contact avec l’amiante. Elle précise qu’elle a toujours mis à disposition de son personnel un matériel de protection ne contenant pas d’amiante, et que M. [J] n’apporte pas la preuve du fait qu’elle n’a pas respecté ses obligations en matière de protection de la santé et la sécurité des salariés.
M. [J] fait valoir que la société ne pouvait ignorer le danger auquel il était exposé, peu importe que la maladie soit contractée par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise, dans la mesure où dans ce secteur d’activité, le confinement des locaux entraîne des poussières d’amiante.
Il indique qu’aucune protection effective lui ait été fournie par son employeur, et n’avoir jamais été avisé des dangers qu’il encourait, et qu’une victime exposée au risque chez plusieurs employeur peut agir à l’égard d’un seul, celui chez lequel l’exposition au risque s’est déroulée dans des conditions constitutives de la faute inexcusable.
En application des articles L. 452 -1 du code de la sécurite sociale et L. 4121 -1 et L. 4121 – 2 du code du travail, le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles, a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié ou de la maladie l’affectant.
Il suffit que la faute commise par l’employeur soit une cause nécessaire de l’accident pour que la responsabilité de ce demier soit engagée.
– Sur la conscience du danger :
Il y a lieu de rappeler que celle-ci s’apprécie objectivement en considération de celle qu’un employeur normalement avisé aurait dû avoir, compte tenu notamment de son importance, de son organisation et de la nature de son activité, et qu’elle réside dans la connaissance que cet employeur a eue ou aurait dû avoir du danger généré par son activité pour ses salariés.
Les dangers de l’amiante sont connus de longue date puisque de nombreuses études épidémiologiques réalisées à partir de la fin du 19ème siècle, ont relevé les dangers de ce matériau ; que divers textes législatifs et réglementaires ont accompagné cette prise de conscience, notamment :
– loi du 12 juin 1893 relative à l’hygiène et à la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels dont l’article 3 prévoyait des règlements d’administration publique destinés à déterminer les conditions générales de protection et de salubrité, notamment en ce qui concerne l’aération ou la ventilation et l’évacuation des poussières,
– décret du 20 novembre 1904 pris en application de l’article 3 de la loi précitée dont notamment l’article 6 est relatif à l’évacuation des poussières par « appareil d’élimination efficace »,
– ordonnance du 2 août 1945 faisant référence au cardage, à la filature et au tissage de l’amiante qui a inscrit la fibrose pulmonaire consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante dans le tableau n° 25 consacré aux maladies professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières siliceuses et amiantifères,
– décret du 31 août 1950 qui a instauré le tableau n° 30 des maladies professionnelles consacré à l’asbestose, lequel contenait une liste simplement indicative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie et ne fixait par ailleurs aucun seuil d’exposition en deçà duquel le risque n’existait pas,
– décret n° 77-949 du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d’hygiène applicables dans les établissements ou le personnel est exposé à l’action des poussières d’amiante, qui impose pour tous les établissements utilisant ce matériau des prélèvements réguliers d’atmosphère afin de vérifier que la concentration moyenne en fibres susceptible d’être inhalée ne dépasse pas deux fibres par centimètre cube, des mesures de conditionnement des déchets, la vérification des appareils de protection collective et individuelle, les actions de prévention et information adaptées ainsi qu’un suivi médical.
Eu égard au nombre de ces textes légaux, quelle que soit la pathologie concernée et malgré les incertitudes scientifiques de l’époque, tout entrepreneur avisé était, dès cette époque, informé ou aurait dû être informé de la dangerosité de ce produit et tenu à une attitude de vigilance et de prudence.
La société dont le dirigeant travaillait précédemment dans une société de démolition et de construction de fours et reprenant la même activité impliquant la fabrication et l’entretien par ses salariés sur des installations protégées par des matériaux à base d’amiante et le recours à des produits contenant de l’amiante pour les travaux de soudure et de tuyautage, ne peut sérieusement prétendre qu’elle n’avait pas conscience, entre 1990 et 2002, du risque qu’elle faisait courir à son salarié du fait de l’inhalation de poussières d’amiante.
Ainsi, elle ne peut se prévaloir de l’absence de conscience du danger dès lors qu’à compter de l’embauche de M. [J] en 1990 la dangerosité de l’amiante était clairement identifiée pour la santé comme le rappelle les textes précités.
– Sur les mesures de protection et de prévention :
Il résulte de l’enquête administrative de la CPAM, des déclarations de M. [J] et de ses collégues (pièces n° 4 et 7) qu’aucune mesure particulière de prévention n’a été proposée aux salariés exposés aux poussières d’amiante dans le cadre de leur activité professionnelle.
La société produit aux débats les fiches techniques et la production des factures d’achat de matériel de protection individuel (pièces n° 18 et 19) qui sont insuffissantes à démontrer que des mesures de sécurité ont été mises en place effectivement.
De plus, elles ne concernent pas la période pendant laquelle M. [J] a travaillé.
La société ne démontre nullement avoir respecté les obligations du décret de 1977 qui prévoyait des mesures particulières, telle la vérification au moins une fois par semaine des appareils de protection collective notamment de captage, de filtration et de ventilation, la remise de consignes écrites à toute personne affectée à des travaux susceptibles de l’exposer à l’inhalation de poussières d’amiante ainsi que l’attribution personnelle à chaque salarié d’un équipement respiratoire individuel et de vêtements de protection.
Elle ne rapporte pas la preuve, pendant la période d’exposition, d’un plan de prévention ou la mise en oeuvre d’éventuelles consignes et recommandations données aux salariés concernant leur protection pour ce type de danger.
Il résulte de ces éléments que la société, bien qu’ayant conscience du danger auquel était exposé M. [J], n’a pas pris les mesures de protection et de prévention qui s’imposaient pour préserver la sécurité de son salarié.
En conséquence, la faute inexcusable de la société est retenue.
Le jugement sera donc confirmé.
– Sur les conséquences de la faute inexcusable de l’employeur
M. [J] demande de confirmer le jugement en ce qui concerne la majoration de rente.
Il s’ensuit que la rente due à M. [J] est majorée au taux maximum prévu par la loi.
Le jugement sera confirmé sur ce chef.
– Sur les autres demandes
Il convient de rappeler que la CPAM de la Haute-Marne exercera son action récursoire à l’encontre de la société [H] [Y] et les sommes versées seront récupérées en application des dispositions des articles L.452-2, L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale.
L’expertise médicale ordonnée par les premiers juges a été rendue le 17 septembre 2010 par le docteur [R].
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société et la condamne à verser à M. [J] la somme de 2 000 euros.
La société [H] [Y] supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
Rejette la demande visant à voir constater la péremption d’instance,
Rejette la demande de la société [H] [Y] concernant sa mise hors de cause et d’expertise judiciaire,
Confirme le jugement en date du 30 juillet 2010,
Rappelle qu’une expertise médicale a été rendue le 17 septembre 2010 et qu’il n’a pas été statué sur l’indemnisation des préjudices de M. [J],
Y ajoutant :
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [H] [Y] et la condamne à verser à M. [J] la somme de 2 000 euros,
-Condamne la société [H] [Y] aux dépens d’appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION