Your cart is currently empty!
ARRET N°
du 11 avril 2023
R.G : N° RG 22/01976 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FIBU
[Z]
S.C.I. WARCICO
S.A.S. ARDICO INTERMARCHE
c/
[O]
[O]
[O]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 11 AVRIL 2023
APPELANTS :
d’une ordonnance du juge de la mise en état rendue le 08 novembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARLEVILLE MEZIERES
Monsieur [H] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître HARIR avocat au barreau des Ardennes
S.C.I. WARCICO
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître HARIR avocat au barreau des Ardennes
S.A.S. ARDICO INTERMARCHE
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître HARIR avocat au barreau des Ardennes
INTIMES :
Monsieur [T] [V] [O]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représenté par Me Sylvie RIOU-JACQUES de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES
Monsieur [R] [X] [O]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représenté par Me Sylvie RIOU-JACQUES de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES
Monsieur [K] [P] [O]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Sylvie RIOU-JACQUES de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Florence MATHIEU, conseiller
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé ;
DEBATS :
A l’audience publique du 06 mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 avril 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Suivant deux actes notariés de maître [C], en date du 9 octobre 2006, Madame [I] [Y], Monsieur [K] [O], Monsieur [R] [O] et Monsieur [T] [O] se sont engagés à vendre à la SA Ardico, représentée par Monsieur [H] [Z], Président du conseil d’administration avec faculté de substitution au profit de l’acquéreur, deux ensembles de terrains sur la commune de [Localité 8] (08).
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 mai 2014, Maître [C] a informé les consorts [O] (Madame [Y] étant décédée) que la société Ardico entendait solliciter la réalisation des deux ventes sous compromis.
Les consorts [O] ont répondu que les compromis sont caducs depuis l’expiration du délai offert pour la réalisation des conditions suspensives en 2009.
Un procès-verbal de carence a été établi par le notaire le 5 mars 2015 suite à l’absence de réponse à la sommation de présenter pour procéder à la régularisation de la vente.
Par exploits d’huissier en date des 13 et 18 mai 2015, la société ARDICO a fait attraire Monsieur [T] [O], Monsieur [R] [O] et Monsieur [K] [O] devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, devenu tribunal judiciaire, au visa des dispositions des articles 1583, 1584 et 1589 du Code civil, aux fins notamment de faire procéder judiciairement à la réalisation de la vente conformément au compromis de vente du 9 octobre 2006.
La société Ardico s’est partiellement désistée de ses demandes par voie de conclusion notifiées le 19 janvier 2021, développant qu’il lui était apparu en cours de procédure que si jusqu’en 2014, la construction était encore possible, tout projet de construction d’un centre commercial sur les parcelles objet du compromis était à ce jour totalement anéanti’; en imputant la faute aux consorts [O] elle a maintenu une demande indemnitaire au titre des préjudices subis. Lors de ces conclusions du 19 janvier 2021 sont intervenus volontairement à l’instance la société Warcico et monsieur [H] [Z]
Par voie de conclusions d’incident en date du 6 décembre 2021, complétées le 4 juillet 2022, les consorts [O] ont demandé au juge chargé de la mise en état de constater la péremption de l’instance engagée par la SA Ardico et son représentant, les dernières conclusions signifiées au fond du 8 novembre 2019 se limitant à réitérer des conclusions du 19 décembre 2017 sans faire progresser l’affaire, et ne constituant ainsi pas une diligence interruptive d’instance.
Par ordonnance en date du 8 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a rendu la décision suivante’:
Disons que l’instance, inscrite au répertoire général du tribunal de céans sous le numéro 15/01114 initiée par la SA Ardico à l’encontre de Monsieur [K] [O], Monsieur [R] [O] et Monsieur [T] [O] et à laquelle sont intervenus volontairement la SCI Warcico et Monsieur [H] [Z], est périmée,
Condamnons la SA Ardico à payer à Monsieur [K] [O], Monsieur [R] [O] et Monsieur [T] [O], la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la SA Ardico aux dépens de l’instance avec distraction au profit de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats aux offres de droit.
Rejetons les demandes plus amples ou contraires des parties,
Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.
Par déclaration en date du 22 novembre 2022, M. [H] [Z], la SCI Warcico et la SAS Ardico ont interjeté appel de l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 8 novembre 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 6 janvier 2023, M. [H] [Z], la SCI Warcico et SAS Ardico, appelants, demandent à la cour au visa des articles 386 et suivants du code de procédure civile d’infirmer l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières le 8 novembre 2022, statuant à nouveau de’:
Déclarer l’instance engagée par la société ARDICO non périmée et donc non éteinte ;
Par conséquent,
Débouter les consorts [O] de l’ensemble de leurs demandes ;
Condamner conjointement et solidairement Monsieur [K] [O], Monsieur [R] [O] et Monsieur [T] [O] à payer à la SA Ardico, la SCI Warcico et Monsieur [H] [Z] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée en retardant de manière dilatoire l’issue de la présente procédure;
Condamner conjointement et solidairement Monsieur [K] [O], Monsieur [R] [O] et Monsieur [T] [O] à payer à la SA Ardico, la SCI Warcico et Monsieur [H] [Z] la somme de 7.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La SA Ardico, fait valoir que les conclusions du 8 novembre 2019 et celles du 19 décembre 2017 ne sont pas identiques en ce que les conclusions les plus récentes comportent une demande supplémentaire relative à une demande de dommages et intérêts, ce qui constitue une diligence interruptive du délai de prescription.
Ils ajoutent que les consorts [O] sont de surcroît de mauvaise foi et que cet incident est dilatoire dans la mesure où entre 2017 et 2019 se sont tenus des pourparlers entre les parties, retracés dans le RPVA, et que seul l’échec de ces pourparlers les ont conduits à reprendre des conclusions le 9 novembre 2019, similaires quant à leurs demandes principales à celles du 19 décembre 2017.
Ils ajoutent également que même si les conclusions sont identiques aux précédentes, elles interrompent le délai de péremption dès lors qu’il s’agit de conclusions au fond par laquelle la partie démontre sa volonté de parvenir à la solution du litige et au prononcé d’une décision de condamnation. (arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 15 mai 2012)
Aux termes de leurs dernières conclusions d’intimés en date du 6 février 2023, les consorts [O] demandent à la cour de confirmer, en toutes ses dispositions, l’ordonnance du 8 novembre 2022, y ajoutant, de condamner, in solidum, les sociétés Ardico et Warcico, et Monsieur [H] [Z] à payer à Messieurs [T], [R] et [K] [O] une indemnité d’un montant de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour, et aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel, dont distraction au profit de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, Avocats aux offres de droit.
Les concluants affirment que les moyens soulevés sont les mêmes qu’en première instance et que le juge de premier instance a, à juste titre, constaté au visa des articles 386 à 389 du Code de Procédure Civile qu’aucun acte n’avait été de nature à faire progresser l’instance et à amener la procédure jusqu’à sa conclusion (Cass Civ 3, 20/12/1994)’; que cette constatation doit se faire sans appréciation de la bonne ou mauvaise foi des uns ou des autres’et relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui, examinent,en considération des éléments de l’espèce, la volonté qui dicte les démarches constatées’; que notamment la prétendue demande additionnelle des appelants qui ne vise que des dommages et intérêts pour procédure abusive, n’ajoute rien à l’instance dès lors que la teneur des pourparlers n’a pas été évoquée, que la société ARDICO n’a pas demandé la fixation de l’affaire au motif de la rupture de ceux-ci et s’est bornée en 2019 à signifier des conclusions dont la teneur était identique aux précédentes, puis, en janvier 2021, de signifier des conclusions de désistement partiel.
MOTIFS
La SAS Ardico,a saisi le tribunal en mai 2015 de demandes dirigées contre les consorts [O] et visant à faire procéder judiciairement à la vente de terrains sous compromis de vente depuis 2006.
Dans leurs dernières conclusions du 19 janvier 2021, les appelants se sont désistés de leur demande principale expliquant qu’il leur était apparu que tout projet de construction d’un centre commercial sur ces parcelles était désormais totalement anéanti, que plus aucune implantation n’était autorisée mais ils entendent maintenir leur demande d’indemnisation au titre des préjudices subis liés l’absence de réalisation de la vente à une date où le projet était réalisable.
Les consorts [O] leur opposent la péremption de l’instance depuis le 8 novembre 2019.
Le régime de la péremption est posé aux articles 386 à 389 du code civil et permet à chaque partie de se prévaloir du défaut de diligence pendant un délai de 2 ans.
Il en découle que pour échapper au couperet de la péremption d’instance il ne suffit pas que l’une des parties manifeste l’intention de s’intéresser au procès mais il faut en réalité que, sur le terrain, de façon objective, les initiatives procédurales réalisent une avancée concrète vers la solution du litige, donne une impulsion processuelle.
A défaut, des démarches procédurales, si régulières soient-elles, dont notamment des demandes successives de renvois qui ne sont pas de nature à faire progresser l’affaire,’ne peuvent accéder au rang de diligences interruptives, au sens de l’article 386 du code de procédure civile.
En l’espèce par voie de conclusions d’incident en date du 6 décembre 2021, complétées le 4 juillet 2022, les consorts [O] ont demandé au juge chargé de la mise en état de constater la péremption de l’instance engagée par la SA Ardico et son représentant au motif d’une interruption de l’instance depuis plus de deux depuis les dernières conclusions datées du 19 décembre 2017 dans la mesure où celles du 8 novembre 2019 se limitent à réitérer celles du 19 décembre 2017 sans faire progresser l’affaire, et ne constituent donc pas une diligence interruptive d’instance.
Le litige s’inscrit dès lors dans la qualification possible ou non, d’acte de diligence au sens de l’article 386 du code de procédure civile des conclusions du 8 novembre 2019.
La cour constate alors que dans leurs conclusions signifiées le 8 novembre 2019 les demandeurs à l’instance ne reprennent pas dans leur dispositif, exactement leurs dernières conclusions du 19 décembre 2017 visant à voir ordonner la réalisation de la vente des terrains et à obtenir une indemnisation journalière au titre d’une perte de chance d’exploiter, puisqu’ils y ajoutent une demande de dommages et intérêts de 5 000 euros pour résistance abusive et injustifiée.
Par ailleurs le corps des conclusions du 8 novembre 2019 se distingue de celui du 19 décembre 2017 en ce que pour tenir compte de cette demande nouvelle, la SAS Ardico rajoute un paragraphe de 4 lignes inséré dans les 3 pages de développement du chapitre «Sur l’indemnisation du préjudice subi par la société Ardico’» ainsi présenté «’dès lors, outre l’indemnisation de son préjudice, la société Ardeco entend également solliciter une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée des consorts [O]’»,
Le «’dès lors’outre » fait nécessairement référence au développement précédent dans ce chapitre qui développe la faute qu’elle reproche aux consorts [O] et qui la mettant dans l’impossibilité de solliciter les autorisations administratives nécessaires à l’avancement du projet a pour conséquence de lui occasionner un préjudice de perte de chance d’exploiter, mais dont elle entend en tirer des conséquences supplémentaires.
Certes aucun fait nouveau n’est décrit pour justifier cette demande indemnitaire supplémentaire, notamment n’est pas expressément visée la rupture fautive de pourparlers en cours dont se prévaut l’appelant, mais il n’apparaît pas moins que l’appréciation de la gravité et des conséquences d’une faute fondée sur un reproche de résistance abusive à la conclusion d’un contrat, n’est pas figée et évolue avec le temps qui passe et le comportement de l’auteur de celle-ci.
Ainsi la nouvelle demande vise à obtenir réparation d’un préjudice distinct de la perte de chance d’exploitation, et en lien avec la poursuite dans le temps et depuis tout au moins les dernières conclusions du 17 novembre 2017, de la faute reprochée aux consorts [O] et consistant à refuser de régulariser la vente.
Elle révèle ainsi une intention de son auteur de faire avancer l’affaire vers son dénouement et de confronter son adversaire à de nouvelles conséquences possibles de son positionnement.
Elle ne permet donc pas de considérer que les conclusions du 8 novembre 2019 sont la simple réitération de celles du 19 décembre 2017.
En conséquence l’ordonnance du juge de la mise en état est infirmée en ce qu’elle conclut à la péremption de l’instance depuis le 8 novembre 2019.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du 8 novembre 2022,
Déboute les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.
Le greffier La présidente