Péremption d’instance : 11 avril 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/01332

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Péremption d’instance : 11 avril 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/01332
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COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

NR/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/01332 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EKVX

Jugement du 16 Mars 2018

Tribunal d’Instance du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 16/001480

ARRET DU 11 AVRIL 2023

APPELANTE :

S.A. CREDIT DU NORD

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-Yves BENOIST substitué par Me Raphaël LASNIER de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20140572

INTIMES :

Madame [N] [W]

née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 7]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/009899 du 13/12/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

Monsieur [H] [T]

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 7]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/009897 du 13/12/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

Représentés par Me Allétia CAVALIER, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 18019

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 14 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 11 avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant offre préalable acceptée le 9 août 2011, M. [H] [T] et Mme [N] [W] ont souscrit auprès de la société Crédit du Nord un prêt d’un montant de 11 000 euros au taux de 5,95%, remboursable en 60 mensualités de 219,11 euros assurance comprise.

Par acte d’huissier du 2 juillet 2014, la société Crédit du Nord a fait assigner M. [H] [T] et Mme [N] [W] devant le tribunal d’instance du Mans, aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 8 077,48 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,95% à compter du 21 janvier 2014 et 646,19 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de 8%, outre la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 mars 2018 tribunal d’instance du Mans a :

– constaté la péremption de l’instance engagée par la SA Crédit du Nord,

– condamné la SA Crédit du Nord à payer à M. [H] [T] et Mme [N] [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SA Crédit du Nord aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe 21 juin 2018, la SA Crédit du Nord a formé appel de ladite décision en critiquant chacune de ses dispositions, intimant M. [H] [T] et Mme [N] [W].

La société Crédit du Nord, M. [H] [T] et Mme [N] [W] ont conclu.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 31 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

– le 17 juillet 2018 pour la SA Crédit du Nord,

– le 14 octobre 2022 pour M.[H] [T] et Mme [N] [W] ,

aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent :

La SA Crédit du Nord demande à la cour de :

– infirmer le jugement critiqué en ce qu’il a constaté la péremption de l’instance engagée par la SA Crédit du Nord et l’a condamnée aux dépens et à payer à M. [H] [T] et Mme [N] [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

– condamner in solidum M. [H] [T] et Mme [N] [W] à lui payer la somme de 8 005,70 euros, outre intérêts échus au 7 novembre 2016, soit 1 322,59 euros, sauf à déduire la somme de 2 521,35 euros versée, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,90% à compter du 7 novembre 2016,

– condamner in solidum M. [H] [T] et Mme [N] [W] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum condamner M. [H] [T] et Mme [N] [W] aux dépens de première instance et d’appel.

M. [H] [T] et Mme [N] [W] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal d’instance du Mans du 16 mars 2018 en toutes ses dispositions,

– déclarer la SA Crédit du Nord irrecevable et en tous cas mal fondée en son appel,

– in limine litis sur la péremption d’instance, juger que la péremption de l’instance est acquise,

– au fond,

* prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la SA Crédit du Nord à défaut pour elle de justifier de la consultation préalable du FICP et enjoindre la SA Crédit du Nord de fournir un nouveau décompte,

* juger que la SA Crédit du Nord a manqué à l’obligation d’information mise à sa charge par l’article L 311-22-2 du code de la consommation et la condamner à leur payer une somme égale aux sommes réclamées par la SA Crédit du Nord, à titre de dommages intérêts,

* leur octroyer les plus larges délais de paiement en application de l’article 1345-5 du code civil, soit un échelonnement de la dette sur vingt quatre mois et juger que les sommes auxquelles ils pourraient être condamnés porteront intérêt au taux légal et que les paiements qui seront effectués seront imputés en priorité sur le capital,

– condamner la SA Crédit du Nord à leur payer la somme de 2 500 euros HT sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SA Crédit du Nord aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

– Sur la péremption de l’instance

Aux termes de l’article 385 du code de procédure civile, l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

Selon l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

Il en résulte que le point de départ du délai de péremption de deux ans est déterminé par la dernière diligence d’une des parties.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le délai de péremption de l’instance introduite par la SA Crédit du Nord devant le tribunal d’instance du Mans a couru à compter du dépôt le 25 février 2015 par M. [T] et Mme [W] de conclusions en défense.

M. [T] et Mme [W] soutiennent qu’aucune diligence de nature à interrompre le délai de péremption n’est intervenue dans le délai de deux ans suivant le dépôt de ces conclusions et concluent que l’instance introduite par la SA Crédit du Nord suivant assignation du 2 juillet 2014 se trouve périmée.

Ils rappellent que l’affaire a fait l’objet d’une radiation le 1er avril 2015, en faisant observer que cette mesure n’est pas interruptive du délai de deux ans de péremption de l’instance.

Ils considèrent, tel le tribunal d’instance dans la décision critiquée, que les conclusions de réinscription de la SA Crédit du Nord du 15 novembre 2016, ne constituent pas une diligence interruptive de péremption, celles-ci ne traduisant pas une volonté de la part de la SA Crédit du Nord de faire avancer le litige puisqu’elles ne répondent pas aux conclusions en défense du 25 février 2015 et notamment au moyen de défense tiré de la déchéance du droit aux intérêts à défaut de consultation préalable du FICP.

Ils relèvent que les conclusions responsives déposées par la SA Crédit du Nord à l’audience du 17 mars 2017 sont tardives comme l’ayant été après l’expiration du délai de péremption.

Cependant, c’est à juste titre que la SA Crédit du Nord a fait observer que la procédure devant le tribunal d’instance étant orale, les parties n’ont pas d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire.

En l’espèce, le tribunal a été saisi, le 15 novembre 2016, par la SA Crédit du Nord d’une demande de rétablissement de l’instance. Cette demande a valeur de diligence interruptive de péremption.

Dès lors l’instance introduite par la SA Crédit du Nord n’est pas périmée et la décision critiquée doit être infirmée.

– Sur l’évocation du fond

Selon l’article 568 du code de procédure civile, lorsque la cour d’appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.

En l’espèce, si la SA Crédit du Nord ne formule pas de demande expresse d’évocation, elle a néanmoins conclu au fond et présenté des demandes au fond.

M. [T] et Mme [W] indiquent que si la cour ne devait pas constater la péremption de l’instance, il conviendra qu’elle étudie leurs moyens de défense au fond contenus dans leurs conclusions.

S’agissant d’une instance engagée depuis le 2 juillet 2014 et les deux parties ayant conclu au fond, la cour estime d’une bonne administration de la justice de donner à l’affaire une solution définitive et d’évoquer en conséquence les points non jugés.

* Sur la déchéance de la SA Crédit du Nord du droit aux intérêts conventionnels

M. [T] et Mme [W] soutiennent qu’ils sont fondés à solliciter de la cour qu’elle prononce la déchéance du droit aux intérêts conventionnels sanctionnant le défaut d’accomplissement par la société Crédit du Nord de son obligation de consultation du FICP avant de conclure le contrat de prêt, en application des dispositions de l’article L 311-9 du code de la consommation, en faisant valoir que la banque ne justifie pas au vu des pièces versées aux débats de cette consultation.

Sur ce :

Le prêt litigieux du 9 août 2011, d’un montant de 11 000 euros, consenti pour une durée de 60 mois à des personnes physiques pour des besoins non professionnels, est soumis aux règles relatives aux crédits à la consommation prévues aux articles L 311-1 à L 311-52 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable au litige.

Selon l’article L 311-9 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L 333-5.

L’article 13 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au FICP prévoit qu’en application de l’article L 333-5 du Code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er doivent, dans les cas de consultation aux fins mentionnées au 1 de l’article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable. Ces établissements doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l’intégrité des informations ainsi collectées.

Le prêteur qui manque à cette obligation prévue par l’article L 311-9 du code de la consommation est, en application de l’article L 311-48 du même code, déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

L’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l’espèce, il convient de constater que la SA Crédit du Nord à laquelle il incombe de rapporter la preuve du respect de l’obligation prévue à l’article L 311-9 du code de la consommation, ne justifie pas par les pièces qu’elle verse aux débats de la consultation du FICP avant que le contrat de prêt ne soit devenu parfait par l’acception de l’offre par M. [T] et par Mme [W] et par sa décision de leur accorder ledit prêt.

La société Crédit du Nord prétend néanmoins que M. [T] et Mme [W] ne peuvent se prévaloir du défaut de consultation du FICP préalable à la conclusion du contrat de prêt, en soutenant que les règlements partiels qu’ils ont effectués postérieurement à l’assignation s’analysent en une confirmation du contrat de prêt par application des dispositions de l’article 1338 du code de procédure civile et en tout cas comme une renonciation de leur part à se prévaloir d’éventuelles irrégularités de celui-ci.

Cependant la nullité du contrat de prêt n’étant pas sollicitée par M. [T] et Mme [W] , les dispositions de l’article 1338 du code civil dans sa version en vigueur à la date de sa conclusion, sont invoquées inutilement par la société Crédit du Nord.

En outre, s’il est possible de renoncer au bénéfice d’une disposition d’ordre public, à condition qu’une telle renonciation soit non équivoque et qu’elle porte sur un droit acquis, la seule circonstance que M. [T] et Mme [W] aient, suite à la sommation de payer la somme de 8 247,10 euros qui leur a été délivrée le 21 janvier 2014 et même après la délivrance de l’assignation, opéré des règlements de 100 à 150 euros par mois entre les mains de l’huissier de justice mandaté par la banque, ne caractérise pas une renonciation tacite et non équivoque de leur part à invoquer devant la juridiction saisie de l’action en paiement le manquement de la banque à une disposition du code de la consommation sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

M. [T] et Mme [W] peuvent donc se prévaloir du manquement de la banque à son obligation prévue à l’article L 311-9 du code de la consommation, pour solliciter l’application à son égard de la sanction prévue à l’article L 311-48 .

Le non respect de la consultation du FICP est la seule cause de déchéance du droit aux intérêts invoquée par M. [T] et Mme [W].

Compte tenu du fait de ce qu’il résulte par ailleurs de la fiche d’information sur les ressources et charges de l’emprunteur produite par la banque, que celle-ci a procédé à une vérification de la solvabilité de M. [T] et de Mme [W] avant l’octroi du prêt litigieux et qu’il n’est pas établi ni même d’ailleurs soutenu que des incidents auraient émaillé le remboursement de prêts antérieurement consentis aux emprunteurs, le préjudice résultant de ce manquement apparaît faible.

La déchéance du droit aux intérêts de la société Crédit du Nord sera ainsi prononcée à compter du mois de février 2013, de sorte que le montant total des intérêts conventionnels concernés par cette déchéance est, selon le tableau d’amortissement et historique du prêt versés aux débats, de 270 euros au 30 septembre 2013.

– Sur le montant de la créance de la SA Crédit du Nord

Selon la SA Crédit du Nord, sa créance à l’égard de M. [T] et de Mme [W] s’élève à 8 005,70 euros en principal, correspondant, suivant relevés de compte mensuels versés aux débats, au montant du capital restant dû au 30 septembre 2013, (7 070,15 euros), majoré des impayés à cette date (935,55 euros), outre les intérêts conventionnels échus au 7 novembre 2016 pour 1 322,59 euros, sauf à déduire la somme de 2 521,35 euros réglée après le 30 septembre 2013, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,95% à compter du 7 novembre 2016.

En raison néanmoins de la déchéance partiel du droit aux intérêts contractuels, il convient de ramener la créance de la banque à la somme de 7 735,70 euros au 30 septembre 2013, soit (7 070,15 + 935,55) – 270 euros

M.[H] [T] et Mme [N] [W], coemprunteurs solidaires, seront condamnés solidairement à payer à la société Crédit du Nord la somme de 7 735,70 euros , avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2014, date de la sommation de payer, sauf à tenir compte des règlements échelonnés postérieurs à cette date (au total 2 521,35 euros au 7 novembre 2016).

La discussion sur la qualification de clause pénale de l’indemnité conventionnelle égale à 8% du capital dû et de son caractère prétendument manifestement excessif est sans objet dès lors que les sommes réclamées par la banque n’incluent pas d’indemnité conventionnelle.

– Sur la demande reconventionnelle de M. [T] et Mme [W]

M. [T] et Mme [W] [W] soutiennent que la société Crédit du Nord a manqué à son obligation d’information prévue par l’article L 311-22-2 du code de la consommation, en ce qu’aucune information ne leur a été donnée suite au premier incident de paiement constaté par celle-ci, quant aux risques encourus à raison des sommes dues en cas de prononcé de la déchéance du terme et à raison des conséquences sur la couverture par l’assurance.

Ils font valoir que cette information était importante puisque les mensualités étaient prélevées sur un compte dont M. [T] était seul titulaire et que si Mme [W] avait été informée de la défaillance du remboursement des échéances par prélèvement sur ce compte, elle aurait pu prendre des mesures pour reprendre les paiements, tandis que s’il avait été informé des risques, M. [T] aurait pu prendre conscience de la situation et de ses conséquences en cas de défaut de régularisation.

Ils soulignent qu’ils n’ont reçu aucune lettre de mise en demeure d’avoir à régulariser les échéances et à reprendre les paiements ou encore prononçant la déchéance du terme, Mme [W] affirmant avoir été informée seulement en décembre 2013 par un huissier de justice de ce que le prêt n’était plus remboursé et que la déchéance du terme avait été prononcée.

Ils ajoutent qu’à défaut d’information dès le premier incident de paiement, ils n’ont pas été mis à même de solliciter la suspension du paiement des échéances devant le tribunal d’instance.

Ils concluent que le manquement de la banque à son obligation d’information leur a nécessairement causé un préjudice, en réparation duquel ils s’estiment fondés à solliciter l’allocation à titre de dommages intérêts d’une somme égale à celles réclamées par le Crédit du Nord.

La société Crédit du Nord fait observer que toutes les informations utiles sur le déroulement du contrat ont bien été données à M. [T] et Mme [W].

Sur ce :

L’article L 311-22-2 du code de la consommation en vigueur au moment de la conclusion du contrat de prêt dispose que ‘dès le premier manquement de l’emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur est tenu d’informer celui-ci des risques qu’il encourt au titre des articles L. 311-24 et L. 311-25 du présent code ainsi que, le cas échéant, au titre de l’article L. 141-3 du code des assurances.’

L’article L 311-24 du code de la consommation auquel renvoie l’article L 311-22-2 sus cité concernant l’information de l’emprunteur, prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

L’article L 141-3 du code des assurances renvoie l’article L 311-22-2 sus cité concernant l’information de l’emprunteur qui prévoit que le souscripteur ne peut exclure un adhérent du bénéfice du contrat d’assurance de groupe que si le lien qui les unit est rompu ou si l’adhérent cesse de payer la prime.

L’exclusion ne peut intervenir qu’au terme d’un délai de quarante jours à compter de l’envoi, par le souscripteur, d’une lettre recommandée de mise en demeure. Cette lettre ne peut être envoyée que dix jours au plus tôt après la date à laquelle les sommes dues doivent être payées.

Lors de la mise en demeure, le souscripteur informe l’adhérent qu’à l’expiration du délai prévu à l’alinéa précédent, le défaut de paiement de la prime est susceptible d’entraîner son exclusion du contrat.

Cette exclusion ne peut faire obstacle, le cas échéant, au versement des prestations acquises en contrepartie des primes ou cotisations versées antérieurement par l’assuré.

En l’espèce, alors qu’il résulte de l’historique des impayés produit par la banque, qu’un premier incident de paiement est intervenu en janvier 2012, que la même année il y en aura un autre au mois de septembre, puis plusieurs début 2013 et en continu depuis juin 2013, le seul document attestant d’une réclamation de la banque aux emprunteurs est la sommation de payer qui leur a été délivrée le 20 janvier 2014, portant sur la somme principale de 8 005,70 euros correspondant au solde restant dû sur le prêt au 30 septembre 2013 après déchéance du terme.

La société Crédit du Nord ne justifie pas avoir adressé à chacun des emprunteurs l’information prévue par l’article L 311-22-2 du code de la consommation avant la délivrance de cette sommation.

Le manquement de la banque à son obligation prescrite par l’article L 311-22-2 du code de la consommation sera dès lors considéré comme établi.

La faute de la banque a fait perdre aux emprunteurs la chance d’éviter les conséquences du prononcé de la déchéance du terme pour défaut de régularisation de l’impayé s’ils avaient été informés au premier incident de paiement des risques encourus.

Le préjudice ainsi subi par M. [T] et Mme [W] sera réparé par l’allocation de la somme de 2 500 euros qui se compensera avec la créance de la banque à leur encontre.

– Sur la demande de délai de paiement

M. [T] et Mme [W] sollicitent sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil que la cour leur accorde un délai de 24 mois pour s’acquitter des sommes qui resteraient dues à la société Crédit du Nord, et qu’elle dise que les sommes porteront intérêts au taux légal et que les paiements qui seront effectués par eux s’imputeront en priorité sur le capital.

Ils font valoir qu’ils sont séparés, qu’ils ont deux enfants à charge, que M. [T] perçoit le RSA à hauteur de 575 euros par mois et que Mme [W] perçoit un revenu mensuel proche du SMIC.

Sur ce :

Il ressort des pièces versées aux débats que les difficultés de règlement du prêt litigieux concernés remontent à courant 2013.

M. [T] et Mme [W] ont déjà bénéficié d’un plan d’apurement entre 2014 et 2016, période durant laquelle ils ont effectué des règlements entre les mains de l’huissier de justice mandaté par la banque.

Ils ont cessé tout règlement depuis mai 2016 et n’indiquent pas dans quelles conditions ils seraient offrant de solder leur dette dans le délai de 24 mois.

Ils ont encore bénéficié de fait de larges délais de paiement depuis l’introduction de cette procédure.

Dans ces conditions, la demande de délai de paiement sera rejetée.

– Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

M. [H] [T] et Mme [N] [W] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la société Crédit du Nord la charge de ses frais irrépétibles.

Il convient également de rejeter la demande de M. [H] [T] et Mme [N] [W] de condamnation de la société Crédit du Nord à payer à Me Cavalier, avocat au barreau du Mans, la somme de 2 500 euros HT en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

– INFIRME le jugement du tribunal d’instance du Mans du 16 mars 2018 ;

Statuant à nouveau,

– DIT que l’instance introduite par la SA Crédit du Nord à l’encontre de M. [H] [T] et de Mme [N] [W] devant le tribunal d’instance du Mans n’est pas périmée ;

Evoquant l’affaire sur les points non jugés au fond, en application de l’article 568 du code de procédure civile,

– PRONONCE la déchéance pour la société Crédit du Nord du droit aux intérêts conventionnels à compter du mois de février 2013, pour manquement à son obligation prévue à l’article L 311-9 du code de la consommation ;

– CONDAMNE en conséquence M.[H] [T] et Mme [N] [W], en leur qualité de coemprunteurs solidaires solidairement à payer à la société Crédit du Nord la somme de 7 735,70 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2014, date de la sommation de payer, sauf à tenir compte des règlements échelonnés postérieurs à cette date (au total 2 521,35 euros au 7 novembre 2016) ;

– ALLOUE à M. [H] [T] et à Mme [N] [W] la somme de 2 500 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement de la banque à son obligation d’information prévue par l’article L 311-22-2 du code de la consommation, qui se compensera avec la créance de la société Crédit du Nord à leur encontre ;

– REJETTE la demande de délai de paiement formée par M.[H] [T] et Mme [N] [W] ;

– CONDAMNE M.[H] [T] et Mme [N] [W] in solidum aux dépens de première instance et d’appel ;

– REJETTE la demande de la société Crédit du Nord fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles ;

– REJETTE la demande de M. [H] [T] et Mme [N] [W] de condamnation de la société Crédit du Nord à payer à Me Cavalier, avocat au barreau du Mans, la somme de 2 500 euros HT en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle ;

– DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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