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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 13 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 18/03923 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NYOO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 12 juin 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 16/05204
APPELANTE :
SARL AGRAPH’ARCHITECTURE, société en redressement judiciaire, ayant pour commissaire à l’exécution au plan la SELAS OCMJ, prise en la personne de Me [L] [X]
RCS de [Localité 5] sn°452 259 872
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Rémy LEVY, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
SCI [Adresse 9]
prise en la personne de son représentant légal, M. [P] [Y], domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [H] [T], exerçant sous l’enseigne ART-DECO
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non représenté – signification remise à étude le 17 septembre 2018
INTERVENANTE :
SELAS OCMJ, représentée par Me [L] [X], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SARL AGRAPH’ARCHITECTURE
[Adresse 11]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Non représentée – signification remise à domicile le 10 avril 2019
Ordonnance de clôture du 18 janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 février 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
M. Fabrice DURAND, conseiller
qui en ont délibéré.
En présence de Mme Stéphanie JEAN-PHILIPPE, avocate stagiaire (PPI)
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
– rendu par défaut ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
La SCI [Adresse 9] est propriétaire d’une maison d’habitation située à [Adresse 10].
En vue de la création de quatre logements à usage de location, outre cinq places de garage, elle a confié la complète maîtrise d”uvre de la rénovation à la société Agraph’Architecture suivant un contrat signé le 21 janvier 2008. L’opération consistait en une mise au confort (électricité, peinture, isolation des murs, fenêtres, plafonds) et en la création d’une ouverture dans une cloison de la cuisine.
Monsieur [H] [T], exerçant sous l’enseigne « Art Deco », a été chargé des travaux de peinture.
Les marchés ont été signés début 2009, la DROC date du 2 juin 2009 et la réception a été prononcée sans réserve le 28 mai 2010.
Divers désordres sont apparus très rapidement, consistant en des fissures, des volets mal peints qui s’écaillent, une infiltration dans le garage provenant du coin de la douche et en l’affaissement du plancher de la salle de bains de l’appartement du 1er étage.
Le locataire en place le 10 juillet 2010 a quitté les lieux le 10 septembre 2010 suite à l’apparition des désordres.
Monsieur [Y], représentant légal de la SCI de l’Avenue, a reçu une subvention de l’ANAH à hauteur de 80 000 euros. Compte tenu de l’état de l’appartement litigieux (un seul sur les quatre), l’agence immobilière à vocation sociale qui gère ces biens a refusé de remettre ces biens en location.
Par ordonnance du 4 avril 2013, Monsieur [B] a été désigné en qualité d’expert, lequel a déposé son rapport au mois de février 2015.
Par actes d’huissier des 18 et 19 août 2016, la SCI [Adresse 9] a assigné la société Agraph’Architecture et Monsieur [T], exerçant sous l’enseigne « Art Deco », devant le tribunal de grande instance de Montpellier.
Par jugement contradictoire du 12 juin 2018, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
– condamné [H] [T], exerçant sous l’enseigne « Art Déco », à payer à la SCI [Adresse 9] la somme de 2 078,47 euros au titre des travaux de réparation des volets ;
– condamné la société Agraph’Architecture à payer à la SCI [Adresse 9] :
– la somme de 13 597,10 euros toutes taxes comprises au titre de la réparation des fissures des cloisons et du défaut d’étanchéité de la douche ;
– la somme de 20 000 euros au titre du préjudice locatif ;
– condamné in solidum [H] [T], exerçant sous l’enseigne « Art Déco », et la société Agraph’Architecture à payer à la SCI [Adresse 9] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum [H] [T], exerçant sous l’enseigne « Art Déco », et la société Agraph’Architecture aux dépens, en ce compris les frais d’expertise ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement à l’exception de la condamnation fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Le 26 juillet 2018, la SARL Agraph’Architecture a interjeté appel du jugement à l’encontre de Monsieur [T] exerçant sous l’enseigne « Art Deco » et de la SCI de l’Avenue.
Monsieur [T] exerçant sous l’enseigne « Art Deco » n’a pas constitué avocat.
La SARL Agraph’Architecture a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 26 février 2019.
Le mandataire judiciaire, la SELAS OCMJ, représentée par Maître [X] a été appelé en la cause le 10 avril 2019 mais n’a pas constitué avocat.
Par requête remise au greffe le 7 février 2022, réitérée par conclusions remises au greffe le 25 février 2022, la SCI [Adresse 9] a demandé au conseiller de la mise en état de constater la péremption de l’instance et de statuer ce que de droit sur les dépens.
Le 7 avril 2022, le conseiller de la mise en état a rendu une ordonnance de rejet de la requête en péremption d’instance.
Vu les dernières conclusions de la SARL Agraph’Architecture remises au greffe le 18 novembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de la SCI de l’Avenue remises au greffe le 4 mai 2022 ;
MOTIFS DE L’ARRÊT :
En l’espèce, l’expert a relevé trois types de désordres :
– litige n° 1 : étanchéité de la douche
– litige n° 2 : cloquage de la peinture sur les volets
– litige n° 3 : fissures des cloisons
Il expose :
“- Le défaut d’étanchéité de la douche est une conséquence du litige n°3. En effet, le défaut de portance du plancher a également engendré le décollement de l’étanchéité.
– Le cloquage de la peinture sur les volets a plusieurs causes qui sont imputables au peintre : la nature de la peinture n’était probablement pas compatible avec le support ou absence de préparation du support ou sous-couche. Par ailleurs, la peinture n’était pas adaptée aux ultra violets.
– Les fissures des cloisons sont dues à des efforts de flexion qui résultent du fait que les « vieilles cloisons » du bâtiment existant n’ont pas supporté les différentes phases de travaux voir les transferts de charge dans le cadre des aménagements. Ce désordre est imputable à la société Agraph’Architecture qui n’a pas sollicité, ni effectué une mission Diagnostic (défaut de conseil). Par ailleurs, ce désordre est en partie imputable à la SCI de l’Avenue qui n’a pas donné les informations nécessaires à son Moe sur l’état initial de l’ouvrage (défaut de moyens).”
D’une part, il n’est pas contestable que le cloquage de la peinture des volets est imputable à Monsieur [T], exerçant sous l’enseigne « Art Déco », chargé des travaux de peinture.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [T] à payer à la SCI [Adresse 9] la somme de 2 078,47 euros TTC, telle qu’évaluée par l’expert, au titre des travaux de reprise.
D’autre part, s’agissant des litiges n° 1 et 3, le premier étant une conséquence du troisième, l’architecte conteste la nature décennale des désordres constatés par l’expert.
Ce dernier a d’abord indiqué que les désordres n’étaient pas apparents à la réception, ce qui n’est pas contesté par les parties.
Puis, l’expert a exposé que l’origine du litige résidait dans l’existence d’une poutre moisée reprenant la charge du plancher avec son cloisonnement qui avait été modifié par les travaux.
Il indique que selon la SCI de [Adresse 9], cette poutre s’était affaissée puis cassée il y a environ 50 ans et avait fait l’objet d’un renfort métallique, ce dernier étant cependant insuffisant pour reprendre les charges du plancher, des cloisons et des charges d’exploitations.
Si l’expert expose que la poutre moisée était atteinte d’un défaut structurel de nature décennale, il conclu cependant que les désordres en résultant, à savoir les fissures et le défaut d’étanchéité de la douche, ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination, ajoutant que les désordres ne présentaient pas de risques pour la sécurité des personnes ou des occupants ou pour le bien immobilier.
En l’espèce, force est de constater qu’aucun arrêté portant interdiction d’habiter ou arrêté de péril n’est intervenu, nonobstant les craintes de certains locataires de voir les désordres s’aggraver.
Par conséquent, les dispositions de l’article 1792 du code civil n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce, seule la responsabilité contractuelle de l’architecte étant susceptible d’être engagée, le jugement étant infirmé de ce chef.
En l’espèce, la SARL Agraph’Architecture était investie, aux termes du contrat d’architecte du 21 janvier 2008, d’une mission complète allant de l’avant projet sommaire à l’assistance aux opérations de réception.
Si la SARL Agraph’Architecture expose que l’opération consistait en une mise au confort, il résulte cependant du contrat d’architecte pour études préliminaires que le maître d’ouvrage envisageait la restructuration complète de la maison d’habitation, la transformation de la remise attenante aux fins de création de stationnements et de circulations nécessaires à l’accessibilité des logements futurs et les transformations de l’existant, intérieures et extérieures, nécessaires au fonctionnement de l’ensemble.
L’expert retient la responsabilité de l’architecte, indiquant que le défaut de portance du plancher bas du R+1 lui a échappé.
Si l’expert expose que le défaut de moisage des poutres, à l’origine des désordres, n’était pas généralisé sur le plancher du R+1 mais était très localisé, ajoutant qu’il fallait l’oeil d’un spécialiste structure pour identifier cette faiblesse, il appartenait cependant à l’architecte, avant d’engager les travaux de restructuration, de s’intéresser à la structure du bâtiment, a fortiori s’agissant d’un bâtiment avec des aménagements existants très anciens de plus de 100 ans et de procéder soit à la vérification de l’état des supports, soit de solliciter du maître de l’ouvrage ou d’ordonner l’intervention d’un BET Structures ou d’un contrôleur technique.
En tout état de cause, la circonstance évoquée par l’expert selon laquelle la SCI de l’Avenue avait connaissance des renforts déjà mis en place dans le plancher il y a 50 ans, connaissance contestée par ailleurs par le maître de l’ouvrage, n’est pas de nature à exonérer l’architecte, en sa qualité de professionnel, de son obligation de procéder à un contrôle de la structure du bâtiment avant d’engager la restructuration complète de ce dernier et, le cas échéant, de conseiller au maître de l’ouvrage l’intervention d’un contrôleur technique ou d’un BET structure.
Par conséquent, en l’absence d’éléments au dossier établissant que la SCI de l’Avenue, profane, aurait eu connaissance d’une faiblesse structurelle de la poutre et de la circonstance que le renfort métallique posé il y a 50 ans était insuffisant pour reprendre les charges du plancher, des cloisons et des charges d’exploitation, la responsabilité de l’architecte est totale, sans qu’il y ait lieu de procéder à un partage de responsabilité.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Agraph’Architecture à payer à la SCI [Adresse 9] la somme de 13 597,10 euros TTC au titre de la réparation des fissures des cloisons et du défaut d’étanchéité de la douche, étant relevé que ce montant n’est contesté par aucune des parties.
S’agissant enfin des pertes locatives, il ressort du courrier de l’AIVS de l’Hérault en date du 11 juillet 2013 et d’un contrat de location du 15 avril 2016 que l’appartement litigieux n’a pas été loué à compter du mois de janvier 2013, et n’a pu être reloué qu’à partir du mois d’avril 2016.
Sur la base d’une valeur locative de 750 euros par mois évalué par l’expert et correspondant au loyer payé par la locataire, Madame [O], depuis 2016, la SARL Agraph’Architecture sera condamnée à payer à la SCI [Adresse 9] une somme de 20 000 euros au titre des pertes locatives pour la période juillet 2013-avril 2016, le jugement étant confirmé de ce chef.
Enfin, en l’absence d’éléments établissant que l’architecte aurait abusivement exercé son droit d’appel, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a retenu la responsabilité décennale de l’architecte ;
Statuant à nouveau,
Dit que la SARL Agraph’Architecture a engagé sa responsabilité contractuelle ;
Déboute la SCI [Adresse 9] de sa demande de dommages et intérêts;
Condamne la SARL Agraph’Architecture à payer à la SCI [Adresse 9] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel ;
Condamne in solidum la SARL Agraph’Architecture et Monsieur [H] [T] aux entiers dépens d’appel ;
Déclare la présente décision opposable à la SELAS OCMJ, représentée par Maître [L] [X], mandataire judiciaire de la SARL Agraph’Architecture.
La greffière, Le président,