Péremption d’instance : 4 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02467

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Péremption d’instance : 4 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02467
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MHD/LD

ARRET N° 242

N° RG 21/02467

N° Portalis DBV5-V-B7F-GK7J

PÔLE EMPLOI NOUVELLE AQUITAINE

C/

[O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 04 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 juillet 2021 rendu par le tribunal judiciaire de NIORT

APPELANTE :

PÔLE EMPLOI NOUVELLE AQUITAINE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie TRAPU de la SAS AVODES, avocat au barreau des DEUX-SÈVRES

INTIMÉ :

Monsieur [D] [O]

né le 05 Janvier 1980 à [Localité 5] (72)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS

GREFFIER, lors de la mise à disposition : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [D] [O] a été inscrit comme demandeur d’emploi le 12 janvier 2015 et a perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi à compter du 24 février 2015.

Après enquête auprès de la MSA, le service prévention des fraudes de Pôle Emploi a découvert que M. [O] avait omis de déclarer l’exercice d’un emploi salarié chez plusieurs employeurs entre mars 2015 et janvier 2017. Pôle Emploi a calculé le trop perçu au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi à la somme de 9 546,90 euros. M. [O] n’a pas réagi à deux réclamations notifiées le 25 septembre 2017 et le 27 octobre 2017 et, après mise en demeure du 1er décembre 2017, a effectué six remboursements partiels aboutissant à un solde de trop perçu d’un montant de 8 873 euros, frais de mise en demeure inclus.

De même d’autres vérifications ont abouti au calcul d’un trop perçu de 1 222,95 euros sur la période écoulée entre mai 2015 et février 2016. M. [O] n’a pas réagi à deux réclamations notifiées le 17 novembre 2017 puis le 19 décembre 2017 et une mise en demeure du 23 janvier 2018 est restée sans effet, le solde du trop perçu s’élevant à 1 227,80 euros frais de mise en demeure inclus.

Le 16 mai 2018 Pôle Emploi a émis une contrainte d’un montant de 10 779,55 euros en principal signifiée le 29 mai 2018 à M. [O] qui y a formé opposition par courrier enregistré le 7 juin 2018 au tribunal de grande instance de Niort et le 20 juin 2018 au tribunal d’instance de Bressuire.

Pôle Emploi n’ayant pas constitué avocat l’instance a été radiée par ordonnance du 18 octobre 2018 puis réenrôlée le 25 septembre 2020.

Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Niort a notamment :

* déclaré recevable l’opposition à contrainte formée par M. [O], qui en suspend l’exécution ;

* constaté la péremption d’instance ;

* laissé les dépens à la charge de Pôle Emploi.

Vu l’appel régulièrement interjeté par Pôle Emploi ;

Vu la signification faite le 26 octobre 2021 à la personne de M. [O] par Pôle Emploi de la déclaration d’appel, de l’assignation à comparaître devant la cour d’appel de Poitiers et des conclusions d’appel ;

Vu les conclusions transmises au greffe de la cour le 29 octobre 2021 aux termes desquelles Pôle Emploi demande notamment à la cour :

* d’infirmer la décision déférée,

* de juger que la péremption d’instance n’était pas acquise au 25 septembre 2020, date de sa constitution devant le tribunal judiciaire de Niort,

* en conséquence, de juger l’opposition de M. [O] irrecevable et en tout état de cause de la déclarer mal fondée tant en fait qu’en droit, de juger la contrainte bien fondée et de condamner M. [O] à payer à Pôle Emploi la somme de 10 100,80 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, majorés de 5 points à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivant la décision à intervenir, de dire y avoir lieu à anatocisme et de condamner M. [O] à ce titre ainsi qu’au paiement de la somme de 1 000 euros au titre au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu l’absence de constitution de M. [O] justifiant de statuer par arrêt réputé contradictoire ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 7 février 2023 ;

SUR CE :

Sur la péremption d’instance :

Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans.

Les premiers juges ont rappelé que l’instance avait été introduite le 7 juin 2018 par l’opposition à contrainte formée par M. [O], que par lettre recommandée avec accusé réception du 20 juillet 2018 les parties avaient été convoquées à la conférence avec invitation à constituer avocat, que l’affaire avait été radiée par ordonnance du juge de la mise en état en date du 18 octobre 2018 au motif de l’absence de constitution de Pôle Emploi, que Pôle Emploi avait constitué avocat le 25 septembre 2020 et fait signifier des conclusions de réenrôlement le 14 octobre 2020. Ils ont ensuite retenu que le point de départ du délai de péremption n’était pas l’ordonnance de radiation du juge de la mise en état mais la convocation des parties à la conférence avec invitation à constituer avocat, soit la lettre recommandée avec accusé réception du 18 juillet 2018. Ils en ont conclu que la constitution d’avocat de Pôle Emploi était ainsi tardive car intervenue postérieurement à la péremption d’instance.

Pôle Emploi critique cette analyse en faisant valoir que le dossier a été créé devant le tribunal d’instance de Bressuire et appelé à l’audience du 9 septembre 2018, aucune constitution n’étant à ce stade exigée, que Pôle Emploi a comparu à l’audience au cours de laquelle il lui a été indiqué que le seuil de compétence rationae materiae de 10 000 euros étant dépassé l’instance allait être renvoyée devant le tribunal de grande instance de Niort, que Pôle Emploi n’a ensuite pas été destinataire d’un courrier et encore moins d’une lettre recommandée avec accusé réception le convoquant à une audience de conférence et lui enjoignant de se constituer, qu’en revanche Pôle Emploi a bien été informé de la décision de radiation en date du 18 octobre 2018 laquelle seule peut constituer le point de départ de la péremption de deux ans, qu’ainsi l’instance n’était pas frappée de péremption lorsqu’est intervenue sa constitution le 25 septembre 2020.

Dès lors que la décision de radiation du 18 octobre 2018 a été motivée par l’absence de constitution de Pôle Emploi elle a implicitement prescrit cette constitution à peine de péremption et il s’en déduit que la constitution postérieure de Pôle Emploi a régularisé la situation, dans le délai de deux ans et que l’instance n’était pas alors éteinte.

En conséquence la cour réforme la décision déférée sur la péremption.

Sur la recevabilité de l’opposition à contrainte :

Aux termes de l’article R 5426-22 du code du travail le débiteur peut former opposition dans les 15 jours de la notification de la contrainte, par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec accusé réception adressée à ce secrétariat.

En l’espèce la contrainte a été signifiée à la personne de M. [O] par acte d’huissier de justice en date du 29 mai 2018 énonçant que le débiteur pouvait y former opposition par inscription au secrétariat du tribunal de grande instance de Niort dans le délai de 15 jours à compter de la signification. Les formalités à accomplir pour faire opposition n’ont pas été autrement précisées.

Or la pièce 27 communiquée par Pôle Emploi établit que le courrier de M. [O] portant opposition à la contrainte a été réceptionné le 7 juin 2018 au tribunal de grande instance de Niort.

Il s’en déduit que l’opposition a été effectuée dans le délai de 15 jours imparti.

Pôle Emploi, tout en rappelant les termes de l’article R 5426-22 du code du travail lequel vise une opposition formalisée par inscription au greffe au par lettre recommandée avec accusé réception, soutient que l’opposition est nulle faute d’avoir été faite par acte d’avocat. Or la signification de contrainte ne précisait pas les modalités requises pour faire opposition ce qui conduit à juger recevable l’opposition reçue ou inscrite au greffe du tribunal de grande instance de Niort le 7 juin 2018 soit dans le délai de 15 jours.

Sur le bien fondé de l’opposition à contrainte :

M. [O] n’a pas contesté le trop perçu et la créance est établie par les pièces versées aux débats. En conséquence la contrainte est bien fondée.

En formant opposition M. [O] a exposé avoir ‘fait un dossier à la Banque de France’ et a justifié bénéficier d’un plan de surendettement.

Pôle Emploi remarque exactement que l’ordonnance du juge d’instance du tribunal d’instance de Bressuire en date du 2 août 2016 et arrêtant le plan de surendettement de M. [O] n’intègre pas ses deux créances et le remboursement de l’indu litigieux. Toutefois c’est en 2017 donc postérieurement au plan de surendettement que le trop perçu a été vérifié et réclamé.

Pôle Emploi souligne à juste titre que M. [O] a bénéficié d’allocations indues tout en exerçant un emploi rémunéré.

En conséquence la cour confirme la contrainte et condamne M. [O] à son paiement outre intérêts au taux légal et anatocisme.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [O] qui succombe sera condamné aux entiers dépens.

Nonobstant l’issue de l’appel, l’équité et les circonstances économiques ne commandent pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme la décision déférée en ce qu’elle a jugé que l’instance était frappée de péremption et statuant à nouveau :

Juge que la péremption n’était pas acquise quand Pôle Emploi s’est constitué devant le tribunal judiciaire de Niort ;

Juge l’opposition de M. [O] recevable mais mal fondée ;

Valide la contrainte et condamne M. [O] à payer la somme principale de 10 974,14 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure majoré de 5 points passé le délai de deux mois en application de l’article L 313-3 du code monétaire et financier et à payer la somme de 194,06 euros au titre des frais d’huissier de justice ;

Ordonne l’anatocisme ;

Déboute Pôle Emploi du surplus de ses prétentions ;

Condamne M. [O] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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