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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambres sociales
Antenne des Milles
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Chambre 4-2
N° RG 20/05677 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF6G4
Ordonnance n° 2023/M048
APPELANT
Monsieur [H] [V], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Nikolay POLINTCHEV, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.A.S. SIXENSE SOLDATA prise en la personne de son représentant légal en exercice
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
ORDONNANCE D’INCIDENT
Nous, Ursula BOURDON-PICQUOIN, magistrat de la mise en état de la Chambre 4-2 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, assistée de Cyrielle GOUNAUD, Greffier,
Après débats à l’audience du 05 Avril 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l’incident était mis en délibéré, avons rendu le 12 mai 2023, l’ordonnance suivante :
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [H] [V] a été embauché par la société SIXENSE SOLDATA par contrat à durée indéterminée à compter du 2 septembre 2013, en qualité de technicien spécialisé, niveau E, de la convention collective nationale ETAM des travaux publics.
Monsieur [V] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 25 février 2019, le conseil de prud’hommes de Martigues pour voir qualifier sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail de licenciement sans cause réelle et sérieuse et se voir allouer différentes sommes à titre d’indemnités de rupture, de rappel de salaire et d’indemnité pour travail dissimulé.
Par jugement du 10 mars 2020 notifié le 12 mars 2020, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence a ainsi statué’:
– déboute Monsieur [H] [V] de l’ensemble de ses demandes,
– déboute la SA SIXENSE SOLDATA de ses demandes reconventionnelles,
– déboute la SA SIXENSE SOLDATA de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– fixe les entiers dépens à la charge Monsieur [H] [V].
Par déclaration du 23 juin 2020 notifiée par voie électronique, Monsieur [V] a interjeté appel du jugement dont il a sollicité l’infirmation pour chacun des chefs du dispositif.
Le 5 janvier 2023, la société SIXENSE SOLDATA a saisi le conseiller de la mise en état par conclusions d’incident notifiées par voie électronique d’une demande de voir constater la péremption de l’instance.
L’affaire a été fixée à l’audience d’incident du 1er mars 2023 puis renvoyée au 5 avril 2023.
La société SIXENSE SOLDATA demande au conseiller de la mise en état, aux termes de ses conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 24 février 2023, de :
– juger que la péremption de l’instance enrôlée sous le n°20/05677 est acquise depuis le 23 décembre 2022,
– constater en conséquence l’extinction de l’instance d’appel,
– condamner Monsieur [V] aux dépens de l’appel, dont distraction au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE [Localité 3], Avocats associés aux offres de droit.
La société SIXENSE SOLDATA fait valoir que postérieurement aux conclusions de l’appelant déposées par RPVA le 22 septembre 2020 et ses propres écritures du 22 décembre 2020, aucune diligence n’a été accomplie et qu’en application des dispositions des articles 386 et suivants du code de procédure civile, la péremption d’instance devra être constatée. Elle ajoute que Monsieur [V] ne justifie pas avoir communiqué à la cour d’appel de céans un courrier en date du 28 juillet 2022 sollicitant la fixation d’une audience dans son dossier.
Monsieur [V] demande au conseiller de la mise en état, aux termes de ses conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 3 avril 2023 de :
vu les dispositions de l’article 386 du code de procédure civile,
– juger que l’instance enrôlée sous le RG 20/05677 dans le litige qui l’oppose à la société SIXENSE SOLDATA à la suite d’un jugement prononcé par le conseil des prud’hommes d'[Localité 3] le 10 mars 2020 n’est pas acquise en l’état de la demande de fixation de l’affaire pour plaidoirie du 28 juillet 2022,
Vu les dispositions des articles 779, 908, 909 et 912 du code de procédure civile,
– dire et juger que les parties n’ayant plus ni l’initiative ni le choix des diligences à accomplir pour faire progresser l’affaire après l’expiration des délais pour conclure, le délai de péremption a été suspendu depuis le 4 janvier 2021 à minuit (15 jours après la remise au greffe des conclusions des intimés), de sorte que l’instance n’est pas périmée,
Vu les dispositions de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme,
Vu les dispositions des articles 779, 908, 909 et 912 du code de procédure civile,
– rappeler en tant que de besoin que la cour a entièrement conscience de l’état d’engorgement de la juridiction et que c’est la raison pour laquelle, en accord avec l’ordre des Avocats du barreau d’Aix-en-Provence, il a été convenu de ne pas soulever d’office les moyens de la péremption,
– juger qu’en tout état de cause, il serait injuste et disproportionné au regard des droits dont il dispose d’entendre sa cause plaidée dans les conditions d’un procès équitable, conformément à l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme, sous couvert de la péremption d’instance, de refuser de juger ses demandes en appel et de mettre fin au litige par une ordonnance de radiation, alors que du fait de l’engorgement de la cour, le concluant est déjà victime d’un déni de justice, en raison du délai écoulé depuis sa déclaration d’appel du 23 juin 2020, et que le prononcé d’une ordonnance de péremption mettant fin à l’instance aggraverait le préjudice de l’appelant né de ce déni de justice,
– juger qu’il serait de plus fort disproportionné au regard de l’article 6-1 de la CEDH de prononcer la péremption de l’instance dans l’affaire [V] car cela reviendrait à opérer une distinction injustifiée entre les affaires où aucune partie ne soulève le moyen de la péremption et celles où l’une d’entre elles tente de tirer un avantage assis sur l’état d’engorgement de la juridiction, ce qui porte aussi atteinte au principe directeur de la loyauté procédurale,
– dire et juger que le prononcé de la péremption d’instance dans le cas d’espèce reviendrait à violer en toute connaissance de cause les dispositions de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme lui garantissant un droit au procès équitable, soit une procédure équitable et un jugement prononcé dans un délai raisonnable, dès lors qu’il est établi que ce justiciable, régulièrement représenté par son conseil a déposé ses conclusions d’appel dans les délais imposés par l’article 908 du code de procédure civile, que le conseiller de la mise en état, en violation de l’article 912 du même code, s’est abstenu d’inscrire l’affaire à une audience de plaidoirie tout en constatant et inscrivant que « le dossier est en état », et que dans le même temps des affaires plus récentes sont plaidées avec le consentement du même magistrat de la mise en état et sous couvert des pouvoirs qu’il tient de l’article 912 du code de procédure civile,
en conséquence :
– rejeter la demande visant au constat de la péremption de l’instance,
– ordonner le renvoi de l’affaire à la plus prochaine audience des plaidoiries, en rappelant en tant que de besoin que la notification de ses conclusions d’incident a interrompu de plus fort le court de la péremption,
– réserver les dépens.
Monsieur [V] fait valoir que la péremption n’est pas acquise en l’état de sa demande de fixation de l’affaire pour plaidoirie du 28 juillet 2022.
Il ajoute que le conseiller de la mise en état est le seul à détenir le pouvoir de faire progresser l’affaire passé le délai de 15 jours fixé par l’article 912 du code de procédure civile’; qu’à l’expiration des délais pour conclure, la procédure échappe à la maîtrise des parties’; qu’en l’espèce, le conseiller de la mise en état n’a pas fixé l’affaire en plaidoirie en dépit de la mention inscrite en marge du dossier « dossier en état » et de la demande de fixation de l’affaire à l’audience de plaidoiries’la plus proche ; que le délai de péremption a donc été suspendu depuis le 4 janvier 2021 à minuit (15 jours après la remise au greffe des conclusions des intimés)’;
Il expose qu’en tout état de cause, il serait injuste et disproportionné sous couvert de la péremption d’instance de refuser de juger ses demandes en appel et de mettre fin au litige par une ordonnance de radiation au regard des droits à un procès équitable en vertu de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme. Il précise être déjà victime d’un déni de justice en raison du délai écoulé depuis sa déclaration d’appel du 23 juin 2020 du fait de l’engorgement de la cour. Il ajoute que prononcer la péremption de l’instance reviendrait à porte atteinte au principe directeur de la loyauté procédurale en opérant une distinction injustifiée entre les affaires où aucune partie ne soulève le moyen de la péremption et celles où l’une d’entre elles tente de tirer un avantage assis sur l’état d’engorgement de la juridiction.
Les parties ont été entendues en leurs observations à l’audience d’incident du 5 avril 2023 et ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 mai 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
L’article 386 du code de procédure civile dispose que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans.
Constitue une diligence au sens de l’article 386 toute démarche en vue de faire avancer le litige vers sa conclusion.
La péremption en cause d’appel se différencie de la péremption devant le premier degré de juridiction par ses effets. En appel, elle confère au jugement la force de chose jugée même s’il n’a pas été notifié. Le jugement rendu au premier degré ne peut plus faire l’objet d’aucun recours et il devient irrévocable.
Selon l’article 912 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état examine l’affaire dans les quinze jours suivant l’expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces.
Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l’affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l’article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l’avis des avocats.
Dans tous les cas, les dossiers, comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions et numérotées dans l’ordre du bordereau récapitulatif, sont déposés à la cour quinze jours avant la date fixée pour l’audience de plaidoiries.
Monsieur [V] a notifié des conclusions d’appelant par voie électronique le 22 septembre 2020 et la société SIXENSE SOLDATA a communiqué ses conclusions d’intimée par voie électronique le 22 décembre 2020.
Postérieurement au dépôt des écritures de l’intimée en date du 22 décembre 2020, il n’est justifié d’aucune diligence n’a été accomplie par l’une ou l’autre des parties jusqu’à la saisine le 5 janvier 2023 par la société SIXENSE SOLDATA du conseiller de la mise en état aux fins de voir l’instance dite périmée. En effet, le courrier daté du 28 juillet 2022 de demande de fixation de l’affaire pour plaidoirie n’a pas été transmis par voie électronique à la cour. Par ailleurs, la copie produite par l’appelant (adressée au président de la chambre 4.2 et non au «’conseiller de la mise en état’») ne comprend aucun tampon permettant de justifier d’un dépôt dudit courrier au greffe de la cour de céans le 28 juillet 2022 ni un numéro de recommandé attribué par le service postal.
Ensuite, lorsque comme en l’espèce, le conseiller de la mise en état, au terme des échanges de conclusions visés ci-dessus, n’a, en application de l’article 912 du code de procédure civile, ni fixé les dates de clôture de l’instruction et des plaidoiries ni établi un calendrier des échanges, les parties qui, en application de l’article 2 du même code, conduisent l’instance, doivent accomplir des diligences pour faire avancer l’affaire ou obtenir une fixation de la date des débats.
Cette exigence n’est pas remise en cause par l’encombrement éventuel du rôle qui n’a pas en soi pour effet de paralyser toute diligence des parties pour obtenir l’avancement de la procédure.
Le constat de la péremption de l’instance, qui tire les conséquences de l’absence de diligences des parties pendant deux années en vue de voir aboutir le jugement de l’affaire et qui poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que cette instance s’achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable et ne méconnaît donc pas les exigences de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En conséquence, il convient de prononcer la péremption de l’instance d’appel, laquelle était acquise le 23 décembre 2022, et de constater, par application de l’article 390 du code de procédure civile, que la péremption confère au jugement entrepris force de la chose jugée.
Enfin, il convient de condamner Monsieur [V], partie succombante, aux dépens d’appel. 1Il ne sera pas fait à application de l’article 699 du code de procédure civile dès lors que si la représentation est obligatoire en procédure d’appel de décisions prud’homales, le ministère d’avocat ne l’est pas puisque des défenseurs syndicaux peuvent assurer cette représentation.
PAR CES MOTIFS
CONSTATONS la péremption de l’instance,
DECLARONS l’instance éteinte,
DISONS que le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence du 10 mars 2020, rendu entre Monsieur [H] [V] et la société SIXENSE SOLDATA, est définitif,
CONDAMNONS Monsieur [H] [V] aux dépens d’appel.
Fait à [Localité 3], le 12 mai 2023
Le greffier Le magistrat de la mise en état