Your cart is currently empty!
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
ARRET DU 17 MAI 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/09485 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBPY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juin 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 19/01696
APPELANTS :
Monsieur [X] [P]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Vincent CANU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0869
MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE, société d’assurance mutuelle à cotisations fixes
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Vincent CANU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0869
INTIMEE :
S.A.R.L. POMPIN prise en la personne de son représentant légal domicilie en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Hélène HADDAD AJUELOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0172
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport .
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 17 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Par acte sous seing privé en date du 23 avril 1996, les consorts [H] aux droits desquels sont venus Mme [Z] [K] et en dernier lieu les consorts [K], ont donné à bail à la Sarl Pompin des locaux commerciaux situés [Adresse 2], pour une durée de neuf années à compter du 1er août 1995. Le bail a été renouvelé par tacite reconduction.
Par acte du 26 mars 2009, Mme [Z] [K] a donné congé à la société Pompin pour le 30 septembre 2008 en lui offrant le renouvellement du bail moyennant un loyer déplafonné de 45 000 euros par an au principal.
Par jugement du 16 avril 2010, le juge des loyers commerciaux, saisi par Mme [K], a désigné un expert avec pour mission de donner un avis sur la valeur locative des locaux loués, lequel a déposé son rapport le 17 juin 2011.
Par acte extra-judiciaire du 1er août 2011, Mme [K] a notifié à la société Pompin son droit d’option, l’a informée qu’elle refusait le renouvellement du bail et a offert de lui verser l’indemnité d’éviction à laquelle elle pouvait prétendre.
Par acte du 4 novembre 2011, Mme [K] a assigné la Sarl Pompin devant le tribunal de grande instance de Paris en fixation des indemnités d’éviction et d’occupation.
Par ordonnance du 2 mars 2012, le juge de la mise en état a désigné un expert avec pour mission de donner son avis sur le montant de ces indemnités. L’expert a déposé son rapport le 19 mars 2013. La société Pompin était représentée par M. Nicolas Marguerat, avocat.
Par ordonnance du 25 octobre 2013, le juge de la mise en état a ordonné le retrait de la procédure du rôle du tribunal. Mme [Z] [K] a demandé, le 25 juillet 2016, le rétablissement de l’affaire au rôle et par ordonnance du 23 juillet 2018, le juge de la mise en état a déclaré l’instance périmée.
C’est dans ces circonstances que par actes des 6 et 7 février 2019, la société Pompin a assigné M. [P], et l’assureur de celui-ci, la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurance mutuelle en responsabilité civile professionnelle devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 10 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré les demandes de la société Pompin recevables,
– condamné in solidum M. [X] [P] et la société MMA Iard assurance mutuelle à verser à la société Pompin la somme de 122 076,75 euros,
– condamné in solidum M. [X] [P] et la société MMA Iard assurance mutuelle au paiement des dépens et à verser à la société Pompin la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 15 juillet 2020, M. [P] et la société MMA Iard assurance mutuelle ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 8 octobre 2020, M. [X] [P] et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurance mutuelle demandent à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable l’action intentée par la société Pompin comme étant prescrite depuis le 18 décembre 2018,
à titre subsidiaire, sur le fond,
– débouter la société Pompin de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause,
– condamner la société Pompin à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 6 janvier 2021, la Selarl Pompin demande à la cour de :
– infirmer le jugement sauf en ce qui concerne les condamnations prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
statuant à nouveau :
– condamner in solidum M. [P] et la société MMA Iard assurance mutuelle à lui payer la somme de 162 769 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive des obligations contractuelles,
– condamner in solidum M. [P] et la société MMA Iard assurance mutuelle solidairement au paiement de 20 000 euros au titre de la perte d’une chance de bénéficier des dispositions de l’article L.145-28 du code de commerce,
– condamner in solidum M. [P] et la société MMA Iard assurance mutuelle solidairement au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. [P] et la société MMA Iard assurance mutuelle aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcé par ordonnance du 7 février 2023.
SUR CE
Sur la prescription
Le tribunal a jugé l’action de la société Pompin recevable en application de l’article 2225 du code civile aux motifs qu’elle a été exercée dans les cinq ans de la fin de mission de M. [P] dès lors que ce dernier, s’il a informé sa cliente le 17 décembre 2013 qu’il entendait mettre fin au mandat, n’a été déchargé de sa mission qu’en 2016, date à laquelle il a été remplacé par un nouvel avocat, ce en application de l’article 419 du code de procédure civile ayant trait aux procédures avec représentation obligatoire.
Les appelants soulèvent la prescription de l’action en ce que M. [P] a mis un terme à sa mission par courriel du17 décembre 2013 en informant la société Pompin qu’elle devait chercher un autre avocat, cette date constituant le point de départ du délai de la prescription.
La société Pompin répond que le mandat confié à M. [P] n’a pu être rompu valablement le 17 décembre 2013, ce dernier étant encore constitué dans ses intérêts le 14 septembre 2016.
Selon l’article 2225 du code civil, ‘L’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission’.
L’article 419 du code de procédure civile énonce que ‘Le représentant qui entend mettre fin à son mandat n’en est déchargé qu’après avoir informé de son intention son mandant, le juge et la partie adverse.
Lorsque la représentation est obligatoire, l’avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie ou, à défaut, commis par le bâtonnier ou par le représentant de la chambre de discipline’.
Il résulte de ces dispositions que tant qu’il n’est pas remplacé par un nouveau représentant constitué, l’avocat ne peut, lorsque la représentation est obligatoire, se décharger de son mandat de représentation.
Le bulletin de procédure du tribunal de grande instance de Paris du 14 septembre 2016 établit que nonosbtant le courriel de M. [P] du 17 décembre 2013, ce dernier représentait toujours la société Pompin, aucun avocat ne s’étant constitué en ses lieu et place. Seules les conclusions d’intervention volontaire et de reprise d’instance aux fins de voir constater la péremption d’instance formées par la partie adverse le 15 décembre 2016 et l’ordonnance du 23 janvier 2018 mentionnent d’autres avocats assurant la défense des intérêts de la société Pompin.
La mission de l’avocat étant toujours en cours le 14 septembre 2016, l’action en responsabilité exercée par actes des 6 et 7 février 2019 est recevable.
Sur la responsabilité
Sur la faute
Le tribunal a retenu que :
– M. [P], chargé d’une mission de représentation en justice de la société Pompin, était tenu d’accomplir tous les actes et formalités nécessaires à la régularité de forme et de fond de la procédure et devait notamment assurer un suivi rigoureux de l’instance, en particulier en mettant tout en ‘uvre pour éviter son extinction en application des articles 385 et 386 du code de procédure civile,
– en omettant, quel que soit l’état de ses relations avec sa cliente, de contrôler l’écoulement du délai de péremption, d’accomplir au besoin une diligence interruptive et, à tout le moins, d’informer la société Pompin du risque d’extinction de l’instance, M. [P] a commis une faute.
Les appelants contestent tout manquement de M. [P] en ce que :
– l’avocat ne saurait être tenu pour responsable de faits survenus postérieurement à la fin de sa mission intervenue le 17 décembre 2013,
– la société Pompin a gravement manqué à son obligation de bonne foi tout au long de la relation contractuelle, faisant notamment preuve d’inertie à lui communiquer les pièces et le mettant dans l’incapacité d’exercer correctement sa mission au point qu’il a dû y mettre fin,
– M. [P] a averti la société Pompin dans la lettre adressée le 17 décembre 2013 qu’elle devait agir pour obtenir le paiement de l’indemnité d’éviction qui lui était due.
La société Pompin répond que :
– M. [P] a fait preuve de légèreté fautive dans la tentative de rupture du mandat en lui envoyant un simple courriel sans effectuer aucune formalité auprès du tribunal ou de la partie adverse,
– compte tenu de sa mission de conseil et de représentation, M. [P] aurait notamment dû attirer explicitement son attention sur le fait qu’il cessait toute diligence alors qu’il s’est contenté de l’inviter à trouver un successeur, mais également sur la nécessité de constituer un avocat en ses lieu et place,
– M. [P] a commis une faute en n’accomplissant aucune diligence à la suite de l’ordonnance du 25 octobre 2013 afin d’éviter la péremption de l’instance, et en particulier en ne déposant pas de conclusions aux fins de rétablissement d’instance et en n’interpellant pas sa cliente sur la nécessité d’agir et les conséquences en découlant en cas contraire.
L’avocat engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits, à charge pour celui qui l’invoque de démontrer une faute, un lien de causalité et un préjudice.
L’avocat, tenu envers son client à une obligation de diligence et à un devoir de conseil, doit effectuer tous les actes utiles à la défense de ses intérêts, l’informer sur le déroulement de la procédure et le mettre en garde contre les risques encourus.
Dans son courriel du 17 décembre 2013, M. [P], faisant grief à sa cliente de ne pas avoir donné suite à ses multiples relances de demandes de pièces et de ne pas s’être présentée à un rendez-vous, alors que pour sa part il l’a tenue informée de l’évolution du dossier, et constatant que la confiance avec sa cliente est rompue, lui indique qu’il n’entend plus assurer la défense de ses intérêts en lui demandant qu’elle lui communique le nom du confrère qu’elle chargera désormais d’assurer sa représentation.
La circonstance qu’en conséquence de ce courriel l’avocat n’ait effectué aucune démarche auprès de la juridiction ou de la partie adverse pour les informer qu’il se dessaissisait du dossier n’est pas constitutive d’une faute, dès lors que seule la constitution d’un autre avocat en ses lieu et place mettait effectivement fin à sa mission.
Dans son courrier du 30 octobre 2013, M. [P] informe sa cliente de l’ordonnance de retrait du rôle du 25 octobre 2013 en lui précisant qu’il pourra demander, dans les prochains jours, le rétablissement de l’affaire en déposant des conclusions au fond. Il rappelle à sa cliente qu’il doit conclure en ouverture de rapport dans les meilleurs délais pour solliciter la fixation du montant de l’indemnité d’éviction lui revenant, et qu’il est nécessaire qu’elle lui communique les différents devis concernant son déménagement pour l’ensemble des machines afin de chiffrer précisément le montant de l’indemnité d’éviction, tout en soulignant le caractère définitif de la fixation d’une telle indemnité par le tribunal. Il conclut en indiquant à sa cliente ‘J’attends donc que vous me transmettiez par retour votre position avec votre chiffrage et les pièces sollicitées afin de me permettre de demander le rétablissement de la procédure et de conclure en ouverture de rapport’.
Outre que ce courrier n’informe pas la société Pompin de l’impérieuse nécessité de déposer des conclusions dans le délai de deux ans sous peine de voir acquise la péremption d’instance, il appartenait à l’avocat dont la mission se poursuivait jusqu’à la constitution d’un confrère en ses lieu et place, et ce nonobstant le caractère réitéré de ses demandes antérieurement à ce courriel et l’inertie de sa cliente, d’effectuer toutes diligences utiles à la défense de ses intérêts en déposant des écritures au fond aux fins de reprise d’instance, au besoin en formulant une demande d’indemnité d’éviction conforme aux conclusions de l’expert.
Le manquement de l’avocat à son devoir de conseil et à son obligation de diligence est donc caractérisé.
La faute alléguée de sa cliente, qui n’est pas de nature à exclure sa propre faute, relève de l’appréciation du lien de causalité.
Sur le préjudice et le lien de causalité :
Le tribunal a retenu que :
– en vertu de l’article L 145-14 du code de commerce, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement,
– l’expert a fixé le montant de l’indemnité d’éviction à la somme de 145 152 euros en cas de perte du fonds de commerce et à 162 769 euros dans l’hypothèse de son transfert,
– même si l’expert reconnait la possibilité d’un transfert du fonds, il doit être considéré la probabilité d’un débat entre les parties portant sur les différents éléments qui composent ladite indemnité, en sorte que la perte de chance pour la société Pompin de voir fixer à son bénéfice une indemnité d’éviction à hauteur de 162 769 euros est de 75%,
– la demande présentée sur le fondement de l’article L.145-28 du code de commerce n’est pas fondée, la société Pompin se trouvant toujours dans les lieux et ne pouvant légitimement soutenir avoir été empêchée de rechercher de nouveaux locaux.
Les appelants vont valoir que :
– le lien de causalité n’est pas établi, l’action étant prescrite depuis le 18 juillet 2018 alors que la mission de l’avocat s’est achevée le 17 décembre 2013 et la société Pompin étant seule responsable de la péremption de l’instance et de la perte de chance d’obtenir une indemnité d’éviction puisqu’avant même que M. [P] ne mette fin à sa mission, elle ne donnait aucune instruction, ne suivait aucun de ses conseils, ne se présentait pas aux rendez-vous et ne réglait pas ses honoraires, et qu’elle n’a désigné aucun avocat pour lui succéder,
– l’indemnité d’éviction n’est payée à la société locataire que lorsqu’elle restitue les locaux au bailleur et la société Pompin exploite encore les locaux loués qui constituent toujours son siège social, en sorte qu’il est très vraisemblable qu’un nouveau bail a été conclu entre les parties,
– la société Pompin ne fournit pas les éléments de nature à justifier de son préjudice réel compte tenu de la poursuite de son activité dans les lieux loués.
La société Pompin soutient que :
– du fait de la péremption de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction, l’action en paiement de celle-ci se trouve prescrite,
– l’expert a fixé cette indemnité à 162 769 euros en cas de transfert de fonds de commerce, somme qui correspond à son préjudice dans la mesure où le juge intérime quasi systématiquement les conclusions d’expertise en ce domaine et où elle exerce une activité de commerce de prêt à porter en gros, qui au contraire d’un commerce de détail, est transférable sans que cela entraine la disparition du fonds, en sorte que la réduction du quantum du préjudice de 25% opérée par les premiers juges est injustifiée,
– elle ne bénéficie plus de la protection de l’article L.145-28 du code de commerce aux termes duquel le locataire qui peut prétendre à une indemnité d’éviction ne peut pas être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue, est donc occupante sans droit ni titre des locaux, fait l’objet d’une procédure d’expulsion et se trouve contrainte de transférer son fonds de commerce et de rechercher de nouveaux locaux, sans pouvoir disposer des fonds que constitue l’indemnité d’éviction, en sorte que la perte de chance de pouvoir bénéficier de ces dispositions légales lui a causé un préjudice de 20 000 euros.
Le dommage causé par la faute de l’avocat ayant fait perdre à son client le bénéfice de la voie de droit envisagée ne peut consister qu’en une perte de chance, définie comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.
Il appartient à l’appelante d’apporter la preuve que la perte de chance est réelle et sérieuse et si une perte de chance même faible est indemnisable, la perte de chance doit être raisonnable et avoir un minimum de consistance.
Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, le juge du fond doit reconstituer fictivement le procès manqué par la faute de l’avocat, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats.
La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Le défaut de diligence de l’avocat durant le délai de deux ans à compter de l’ordonnance de retrait du rôle du 25 octobre 2013, est à l’origine de la péremption d’instance constatée par ordonnance du 23 juillet 2018 et a privé sa cliente de la chance de voir statuer sur le bien fondé de sa demande en fixation d’indemnité d’éviction, à laquelle elle pouvait prétendre en application de l’article L.145-14 du code de commerce, l’action étant désormais prescrite en application de l’article L.145-60 du même code.
Le rapport d’expertise judiciaire déposé le 8 mars 2013 relève la difficulté pour la société Pompin de trouver rapidement des locaux d’activité compte tenu de leur disparition progressive dans l’arrondissement, tout en soulignant la possibilité du transfert de fonds de commerce, dès lors que la clientèle n’est pas issue uniquement du secteur considéré mais aussi d’autres arrondissements voire de la proche banlieue. Il retient que l’indemnité d’éviction doit être fixée, dans l’hypothèse d’une perte de fonds de commerce à 145 152 euros, et en cas de transfert de fonds de commerce à 162 769 euros, l’indemnité d’occupation devant être évaluée à 33 358 euros à compter du 1er octobre 2009.
Les juges, qui auraient eu à statuer sur la demande de la société Pompin de fixation de l’indemnité d’éviction en réouverture du rapport lui auraient nécessairement alloué une indemnité d’éviction, peu important qu’elle occupe encore les lieux, l’article L.145-28 du code de commerce prévoyant que jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction le locataire a droit au maintien dans les lieux.
La circonstance que la société Pompin, qui établit avoir fait l’objet d’une procédure en expulsion par la bailleresse en référé par acte du 15 novembre 2018 puis au fond par acte du 6 mars 2020, soit encore dans les lieux sans qu’il soit justifié qu’elle bénéficie d’un nouveau bail, n’est pas de nature à exclure la réparation de son préjudice de perte de chance d’obtenir une indemnité d’éviction si la péremption d’instance et la prescription de l’action en paiement d’une telle indemnité avaient été évitées.
Au vu des débats qui auraient pu avoir lieu entre les parties, quant à la perte ou au transfert du fonds de commerce en l’état des conclusions de l’expert, les premiers juges ont à bon droit retenu une perte de chance de 75% d’obtenir une indemnité d’éviction en cas de transfert de fonds de commerce, soit une somme de 122 076,75 euros.
Cependant, le défaut de production par la société Pompin des pièces en dépit des demandes réitérées de son conseil, l’absence de règlement des honoraires de ce dernier et le défaut de désignation d’un autre avocat pour assurer la défense de ses intérêts en lieu et place de M. [P] durant trois ans, ladite société n’ayant mandaté un autre avocat qu’en décembre 2016, une fois qu’elle a été assignée aux fins de constat de la péremption d’instance alors qu’elle avait été expressément invitée à le faire dès le 13 décembre 2013 et que son avocat l’avait informée de la nécessité de conclure en ouverture de rapport dans les meilleurs délais, démontrent le désintéressement de la société Pompin de son dossier et constituent une négligence fautive de sa part. Cette faute a contribué à son préjudice à une proportion qu’il convient d’évaluer à 50% compte tenu de son ignorance de la péremption d’instance encourue.
Le préjudice de la société Pompin au titre de l’indemnité d’éviction est donc de 61 038,37 euros (122 076,75 x 50%).
La société Pompin occupant toujours les lieux et ne justifiant pas en avoir été effectivement expulsée, ni avoir été empêchée de rechercher d’autres locaux, ne démontre aucun préjudice de perte de chance de bénéficier des dispositions protectrices de l’article L.145-28 du code de commerce aux termes desquelles aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue.
Il convient en conséquence de condamner in solidum M. [P] et la société MMA Iard assurance mutuelle à payer à la Selarl Pompin la somme de 61 038,37 euros, en infirmation du jugement.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Les appelants échouant en leurs prétentions sont condamnés in solidum aux dépens d’appel etau paiement d’une indemnité de procédure de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné in solidum M. [X] [P] et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurance mutuelle à verser à la Selarl Pompin la somme de 122 076,75 euros,
Statuant de nouveau,
Condamne in solidum M. [X] [P] et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurance mutuelle à payer à la Selarl Pompin la somme de 61 038,37 euros en réparation de son préjudice,
Condamne in solidum M. [X] [P] et la société d’assurance mutuelle MMA assurance mutuelle à payer à la Selarl Pompin une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [X] [P] et société d’assurance mutuelle MMA assurance mutuelle aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,