Compte personnel de formation : 8 juin 2018 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/02011

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Compte personnel de formation : 8 juin 2018 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/02011
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 17/02011

SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE

C/

X…

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 26 Janvier 2017

RG : F16/00036

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 08 JUIN 2018

APPELANTE :

La SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE, immatriculée

Au RCS de ST ETIENNE sous le n° 797 618 196, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié […]

[…]

représentée par Me Jean-pierre Y… de la SELARL SEDOS CONTENTIEUX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

F… X…

né le […] à SAINT ETIENNE (42)

[…]

représenté par Me Jean-yves Z… de la SCP Y…-Z…, substitué par Me Y… de la SCP Y…-Z…, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Avril 2018

Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

– Elizabeth G…, président

– Laurence BERTHIER, conseiller

– Thomas CASSUTO, conseiller

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 08 Juin 2018 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth G…, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Madame Béatrice X… a été engagée à compter du 12 décembre 2010 par Monsieur Jacques A…, en qualité de vendeuse, coefficient 155, par contrat à durée déterminée, à temps partiel de 22 heures par semaine, en vue de répondre à un accroissement temporaire d’activité. La durée prévue au contrat a été fixée du 12 Décembre 2010 au 5 mars 2011. Le salaire a été fixé à 855,11€ bruts par mois.

Le 4 mars 2011, le contrat s’est poursuivi pour une durée indéterminée aux mêmes conditions de temps partiel et de salaire.

Le 30 mai 2011, un avenant au contrat de travail est signé par l’employeur et Madame X…. L’avenant indique que les fonctions de Madame X… sont désormais des fonctions de vendeuse/livreuse et qu’elle sera amenée à faire des livraisons.

Le 13 novembre 2015, Monsieur A… adressait un courrier à la salariée lui indiquant que la boulangerie serait fermée pour travaux du 16 au 22 novembre 2015 et la dispensait de venir travailler tout en maintenant sa rémunération.

Le 15 novembre 2015, Monsieur A… a cédé son fonds de commerce à Madame B… et à Monsieur C…, co-gérants de la nouvelle SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE.

Le 14 novembre 2015, Madame B… a écrit une note à l’attention de Madame X… lui indiquant qu’elle reprenait la boulangerie et qu’elle « mettait en congés » Madame X…, les 16-17 et 18 novembre 2015, en vue d’un licenciement. Cette mise en congé a été prolongée à trois reprises jusqu’au 31 décembre 2015.

Par courrier du 2 décembre 2015, Madame X… a été convoquée à un entretien préalable fixé le 11 décembre 2015 en vue de son licenciement pour motif économique. Lors de cet entretien, Madame X… a été assistée de Madame Magali GASC, conseiller du salarié. À cette occasion, Madame X… a contesté les motifs qui étaient invoqués, et a émis l’hypothèse que les nouveaux gérants n’avaient nullement l’intention de reprendre les salariées lorsqu’ils ont repris la boulangerie.

Le 28 décembre 2015, Madame B… a prolongé à nouveau le délai de congé de Madame X… «jusqu’à la fin de la procédure de licenciement ».

Par courrier recommandé avec accusé de réception, le 29 décembre 2015, la SARL DE PHILOU ET MARIE a notifié son licenciement à Madame X… dans le cadre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique dans les termes suivants:

«Comme vous le savez, notre structure a été contrainte de mettre en ‘uvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique. Vous étiez visée par ce projet et nous vous avons exposé cette situation au cours de votre entretien préalable qui s’est tenu le 11 décembre 2015.

Nous venons tout juste de reprendre à la mi-novembre 2015 la boulangerie.

Comme vous le savez, la situation de notre structure est très compliquée comme la plupart des confrères dont l’activité a été directement impactée par le très net ralentissement de l’économie.

En plus de la crise nationale généralisée qui a fait perdre du pouvoir d’achat à nos clients, qu’ils soient actifs ou retraités, le secteur de la boulangerie ne cesse de souffrir du fait de la concurrence exacerbée des industriels (type Marie D…, et des petites, moyennes et grandes surfaces. Ceux-ci prennent régulièrement des parts de marchés à des petites structures comme la nôtre. Leur offre de pains s’est en effet élargie et les prix qu’ils pratiquent sont souvent inférieurs aux nôtres, avec leur politique du « offert », ce à quoi les clients sont très sensibles surtout en période de crise.

Nous ne pouvons pas malheureusement lutter contre leur politique commerciale très agressive.

Notre boulangerie doit par ailleurs composer, depuis plusieurs semaines, avec d’importants travaux de voirie. La devanture de la boulangerie est quasiment inaccessible actuellement pour les clients du fait de ces travaux. La destruction et l’absence de trottoir ne facilite pas l’accès à notre magasin. Par ailleurs, les places de stationnement ont bien entendu été supprimées et ce depuis le début des travaux. Cette situation va encore perdurer pendant de longs mois, puisque la fin des travaux prévue initialement à la fin du mois de février 2016, va très certainement être reculée, en raison des nombreux et divers retards pris dans le déroulement des travaux d’après les informations qui ont été portées à notre connaissance par le service de la voirie communale.

Tout cela fait que nos clients habituels, composés à la fois de personnes âgées résidentes du quartier et de la clientèle de passage dans la rue principale, désertent la boulangerie, soit parce qu’il est dangereux et très difficile pour eux d’accéder à notre boulangerie, soit parce qu’ils ne peuvent plus se garer devant notre magasin.

Malheureusement, il n’est pas du tout certain que la clientèle « perdue » revienne une fois les travaux finis, dans notre établissement.

Dans le même temps, nous devons faire face à la perte de 4 marchés de dépôt de pain que nous assurions jusqu’à présent :

Les CRS de La Talaudière,

2 restaurants de la Talaudière,

– Le magasin « Le BIO ».

Cette perte de 4 dépôts de pains représente une diminution importante de notre chiffre d’affaires comme vous pouvez vous en douter.

Cette situation bouleverse totalement le prévisionnel comptable que nous avions établi avant de reprendre la boulangerie. En effet, nous n’avions pas évalué d’une part l’impact sur le chiffre d’affaires des travaux de voirie, d’autre part la perte importante et simultanée de 4 dépôts de pain.

La reprise de l’intégralité du personnel de la boulangerie était en effet conditionné au fait que le volume de chiffre d’affaires ne baisse pas. Ce qui n’est malheureusement pas le cas, et ce, depuis le début de la reprise du fonds de commerce.

Le niveau de nos charges fixes est en effet devenu totalement démesuré au regard du volume actuel d’activité de l’établissement. Les premières traites à rembourser arrivent et notre trésorerie actuelle ne nous permettra pas de pouvoir y faire face.

Nous devons impérativement agir sans plus attendre.

Aujourd’hui, face à ces difficultés économiques, nous avons décidé de nous réorganiser afin d’assurer la pérennité de notre structure.

Ainsi, dans le cadre de notre restructuration, afin d’assurer la pérennité de notre société au regard de nos difficultés économiques, compte tenu de la baisse de la fréquentation de notre magasin et d’une manière générale, de la baisse de notre chiffre d’affaires, nous vous informons que le poste de vendeuse livreuse que vous occupez est supprimé, puisque nous sommes contraints d’adapter le volume de nos charges fixes au volume actuel de notre activité et à notre nouvelle organisation.

Nos recherches de toutes solutions de reclassement sont restées vaines.

Comme nous vous l’avons indiqué lors de notre entretien sus-cité, vous avez la possibilité d’adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle, si vous en remplissez les conditions. -re délai-de réflexioi de 21-jours-gni vous-est imparti -pure nous- faire part- de votre décision d’adhérer ou non à ce contrat s’achèvera le 4 janvier 2016 au soir. En l’absence de réponse de votre part à cette date, ou en cas de refus, cette lettre constituera la notification de votre licenciement pour motif économique.

La date de première présentation de ce courrier à votre domicile constituera le point de départ de votre préavis de 2 mois.

Afin de vous permettre de retrouver au plus vite un poste, nous avons décidé de vous dispenser d’avoir à exécuter ce préavis qui vous sera rémunéré normalement aux dates habituelles de paie.

A l’expiration de ce préavis, nous tiendrons à votre disposition, votre compte, votre certificat de travail et votre attestation chômage.»

C’est dans ces conditions que Madame X… a saisi le Conseil de Prud’hommes le 25 janvier 2016 afin de solliciter :

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

– 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles de l’employeur ;

– 11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

A la barre, Madame X… modifiait ses demandes comme suit ;

– 11 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause économique réelle et sérieuse.

– 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles de la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE ;

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

– Condamner la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE aux entiers dépens de la procédure.

Par jugement du 26 janvier 2017, le Conseil de Prud’hommes de ST ETIENNE a:

– Condamné la SARL LE FOURNIL DE PILOU ET MARIE à verser à Madame X… les sommes suivantes :

– 7.500 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause économique réelle et sérieuse ;

– 1.000 € au titre de l’article 700 du CPC ;

– Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– Mis les dépens à la charge de la SARL LE Fournil de Philou et Marie.

La société LE FOURNIL DE PHILOU et MARIE a régulièrement interjeté appel de cette décision le 17 mars 2017.

Selon conclusions régulièrement notifiées, elle demande à la cour de:

– Réformer le jugement déféré,

– débouter Madame H… de ses demandes.

Selon conclusions régulièrement notifiées, Madame X… demande à la cour de:

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de SAINT-ETIENNE le 26 janvier 2017 en ce qu’il a condamné la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE à payer à Madame Béatrice X… :

– la somme de 7500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– Infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

– Condamner la société SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE à payer à Madame Béatrice X… la somme de 2 500 € net à titre de dommages et intérêts pour non respect des obligations contractuelles de la société SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE.

– Condamner la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE à payer à Madame Béatrice X… la somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2018.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont régulièrement notifiées.

MOTIFS DE LA DECISION

Madame X… soutient que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de difficultés économiques avérées, faute également pour l’employeur d’avoir satisfait à son obligation de reclassement et du fait du non respect de la procédure d’ordre des licenciements.

Elle soutient également que la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE n’a pas respecté les obligations résultant du contrat de travail en procédant avec retard au paiement des salaires et du fait de l’absence d’information sur le droit individuel à la formation.

La SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE soutient que le licenciement économique de Madame X… est justifié par les difficultés économiques rencontrées et que le poste de travail de celle-ci a été supprimé. Elle soutient également qu’aucun reclassement n’était possible et que la procédure des critères d’ordre de licenciement ne trouvait pas à s’appliquer.

La SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE fait valoir que les retards de paiement des salaires sont liés aux difficultés économiques.

Elle soutient enfin que Madame X… ne rapporte pas la preuve d’un préjudice résultant de l’absence d’information sur le droit individuel à la formation acquis par la salariée.

Sur le licenciement économique,

Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement.

Le juge prud’homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu’il effectue dans la mise en ‘uvre de la réorganisation.

Le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement ne lui enlève pas sa nature juridique de licenciement économique.

Le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.

Il résulte de l’article L.1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié.

A défaut, le licenciement n’est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il est de principe que la suppression d’emploi sans suppression de tâches peut être fondée lorsque ces tâches sont confiées à un associé non salarié.

En l’espèce,

La SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE justifie par l’attestation de l’expert comptable du précédent exploitant annexée au contrat de vente que le chiffre d’affaires annuel du fonds de commerce avant acquisition s’élevait à 182.857,40 euros, dont 58.920 euros entre novembre 2014 et janvier 2015. Elle justifie également qu’entre novembre 2015 et janvier 2016, le chiffre d’affaires s’est élevé à 21.000 soit une baisse de 65%.

La lettre de licenciement reproduite ci-dessus fait valoir que plusieurs marchés de fourniture de pain à des entreprises ont été perdus.

Madame X… soutient que les repreneurs du fonds de commerce de Monsieur A… n’ont pas souhaité reprendre ces marchés. Elle produit trois documents manuscrits (pièces intimée n° 15 à 17) qui mentionnent respectivement que «L’HOSPITALET», la SARL PLEIN CHAMP et le Restaurant LA FABRIK BISTROT GOURMAND n’ont pas reçu de proposition commerciale de la part des repreneurs du fonds de commerce de Monsieur A…. Toutefois, ces attestations ne permettent pas d’identifier avec certitude les auteurs de ces documents ainsi que leur qualité. Ces pièces ne sont pas conséquent pas probantes.

La SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE soutient pour sa part que les clients concernés ont profité de la reprise du fonds de commerce pour tenter de négocier avec les repreneurs des conditions plus avantageuses que ceux-ci ne pouvaient concéder.

En toute hypothèse, la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE démontre que la baisse du chiffre d’affaires de 40.000 euros est principalement due à une baisse d’activité étrangère à la perte de quatre marchés représentant 6.000 euros sur un trimestre.

Cette diminution du chiffre d’affaires constitue une réalité. La SARL fait valoir que les travaux de voirie auraient détourné une partie de la clientèle. Dans ces circonstances, c’est en vain que Madame X… argue du fait qu’un parking aurait été maintenu à proximité du fonds de commerce dès lors que la baisse du chiffre d’affaires n’est pas contesté et que cette baisse ne résulte pas d’une faute de l’employeur.

De plus, la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE justifie avoir emprunté des fonds à son fournisseur, la SAS MOULINS Joseph E… afin de pourvoir faire face au coût du licenciement des deux salariées.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que Madame B… co-gérante de la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE a repris les tâches des deux salariées présentent dans l’entreprise au moment de la reprise. Dès lors, la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE était fondée à supprimer deux postes par réattribution des tâches à la cogérante.

Le licenciement pour motif économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le reclassement.

Selon l’article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent correspondant l’un et l’autre à la capacité et à l’expérience du salarié, ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès de celui-ci, sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Le manquement par l’employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l’entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Les offres de reclassement doivent être écrites, précises, concrètes et personnalisées et il appartient à l’employeur, le cas échéant, de dispenser une formation permettant l’adaptation à un nouvel emploi.

Il revient à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté loyalement de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens.

Le licenciement économique d’un salarié ne pouvant intervenir que si le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise ou dans le groupe dont elle relève est impossible, il appartient à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu’un reclassement était impossible.

Seuls les emplois salariés doivent être proposés dans le cadre du reclassement.

En l’espèce, la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE n’appartient à aucun groupe. Elle a pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce constitué par un établissement unique de boulangerie et qui employait au moment de la reprise 2 salariées.

Il résulte de ce qui précède que l’employeur a supprimé deux postes de vendeuses dont les tâches ont été reprises par l’un des cogérants. Dans ces conditions, Madame X… ne démontre pas que son poste de vendeuse n’a pas été supprimé.

La SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE justifie qu’elle a procédé au licenciement des deux salariés et qu’elle n’a procédé à aucune embauche, à l’exception d’un apprenti boulanger pendant une période de 15 jours sur un poste ne relevant pas des compétences de Madame X…. Elle démontre ainsi qu’aucun emploi n’était disponible et que par voie de conséquence le reclassement de Madame X… était impossible.

Sur les critères d’ordre,

Selon l’article L.1233-7 du code du travail, lorsque l’employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l’article L.1233-5 du même code, à savoir :

1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ;

2° l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;

3°la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie, sachant que, sauf accord collectif (ou à un niveau plus élevé) contraire, ces critères sont mis en ‘uvre à l’égard de l’ensemble du personnel au niveau de l’entreprise (et non du seul établissement du ou des salariés concernés)

L’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Toutefois, il est de principe que la mise en ‘uvre de la procédure d’ordre des licenciements ne trouve à s’appliquer que dans l’hypothèse où l’employeur est conduit à supprimer un poste parmi plusieurs de même catégorie. Cette procédure ne trouve pas à s’appliquer lorsque l’ensemble des postes d’une même catégorie est supprimé.

En l’espèce, la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE démontre qu’elle a supprimé les deux postes salariés existant au sein de l’entreprise. En conséquence, la procédure d’ordre des licenciement n’avait pas lieu d’être appliquée.

Madame X… n’est pas fondée en sa demande.

Il résulte de ce qui précède que le licenciement pour motif économique de Madame X… est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Madame X… n’est pas fondée en ses demandes indemnitaires. Elle doit être déboutée par infirmation du jugement.

Sur le manquement aux obligations contractuelles,

Sur le retard de paiement des salaires,

Le paiement du salaire constitue une obligation essentielle découlant du contrat de travail à la charge de l’employeur.

Il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un retard dans le paiement du salaire et d’un préjudice en découlant.

Par ailleurs, le retard de paiement du salaire entraîne au bénéfice du salarié qui ne prend pas acte de la rupture du contrat de travail de ce fait, le paiement d’intérêts moratoires à compter de la mise en demeure sauf pour celui-ci à justifier d’un préjudice distinct.

Il est constant que le fonds de commerce a été cédé par Monsieur A… à la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE à la date du 15 novembre 2015.

Madame X… soutient qu’elle a été payée avec retard. Elle produit la première page de ses relevés bancaires mensuels (pièces intimée n° 11) jusqu’au 6 janvier 2016 mettant en évidence que:

– son salaire de septembre 2015 a été réglé le 12 octobre 2015,

– son salaire d’octobre 2015 a été réglé le 9 novembre 2015,

– son salaire de novembre 2015 a été réglé le 10 décembre 2015,

– son salaire de décembre 2015 a été réglé le 6 janvier 2016.

Ainsi, compte tenu des délais d’encaissement et de date de valeur, les pièces produites ne permettent pas de constater des retards dans les paiements des salaires imputables à la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE.

A titre surabondant, Madame X… ne rapporte pas la preuve d’un préjudice découlant des retards de paiement qu’elle invoque.

Madame X… n’est pas fondée en sa demande. Le jugement sera confirmé de ce chef.

S’agissant du compte individuel formation,

En vertu des articles L.6323-1 et suivants du code du travail, le compte personnel de formation est comptabilisé en heures et mobilisé par la personne, qu’elle soit salariée, à la recherche d’un emploi, travailleur indépendant, membre d’une profession libérale ou d’une profession non salariée ou conjoint collaborateur, afin de suivre, à son initiative, une formation. Le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire. Le refus du titulaire du compte de le mobiliser ne constitue pas une faute.

Les heures de formation inscrites sur le compte demeurent acquises en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d’emploi de son titulaire.

L’article L.6323-8 du code du travail prévoit également que chaque titulaire d’un compte a connaissance du nombre d’heures créditées sur ce compte en accédant à un service dématérialisé gratuit. Ce service dématérialisé donne également des informations sur les formations éligibles et sur les abondements complémentaires susceptibles d’être sollicités.

Il résulte de ces dispositions que le compte personnel de formation suis la personnel à l’occasion de son changement de situation professionnelle et que le titulaire du compte peut prendre connaissance à tout moment de sa situation.

Madame X… soutient que la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE a manqué aux obligations découlant du contrat de travail en ne l’informant pas de ses droits acquis au titre du compte individuel formation.

L’employeur ne conteste pas cette omission mais objecte que Madame X… ne démontre aucun préjudice de ce fait.

Le défaut d’information ne prive pas Madame X… de sa capacité d’accéder à un service dématérialisé d’information sur son compte personnel et de formation.

De plus, le défaut d’information ne prive pas la salariée de son éventuel droit acquis au titre du compte individuel formation et de sa capacité à mobiliser son crédit.

Madame X… ne rapporte pas plus en cause d’appel que devant les premiers juges de l’existence d’un préjudice résultant de ce défaut d’information.

Le jugement sera confirmé

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il apparaît équitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrécouvrables.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE à verser à Madame X… les sommes suivantes:

– 7 5 00 nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause économique réelle et sérieuse,

– 1 000 € au titre de l’article 700 du CPC,

STatuant à nouveau,

DÉBOUTE Madame X… de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DÉBOUTE la SARL LE FOURNIL DE PHILOU ET MARIE et Madame X… de leurs demandes respectives formées en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse à la charge des parties leurs dépens d’appel respectifs.

La GreffièreLa Présidente

Elsa SANCHEZElizabeth G…

 


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