Compte personnel de formation : 28 avril 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00872

·

·

Compte personnel de formation : 28 avril 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00872
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

N° RG 20/00872 – 20/00912

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 28 AVRIL 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 16 Janvier 2020

APPELANTE :

Madame [Y] [B]

2 rue l’Abbé Caresme

27400 LOUVIERS

représentée par Me Richard DUVAL de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau de l’EURE

INTIMEE :

SAS CUIR DU VAUDREUIL (CDV)

41 rue des Joncs

27400 HEUDREVILLE SUR EURE

représentée par Me Virginie FAUCHERRE de la SELARL 3A AVOCATS D’AFFAIRES ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 Mars 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère, rédactrice

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 15 Mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 Avril 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 28 Avril 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [Y] [B] a été engagée en qualité d’assistante de direction par la société Cuir du Vaudreuil (la société CDV) par contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 2008.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries de l’habillement du 17 février 1958.

Elle a été licenciée pour motif économique le 27 février 2018.

Par requête du 6 juillet 2018, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers en contestation du licenciement, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 16 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :

-constaté l’absence d’acte de harcèlement moral à l’égard de Mme [B] et jugé que le licenciement économique ne présentait aucun lien avec une quelconque situation de harcèlement moral, par conséquent, l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul, de son indemnité de préavis et des congés payés y afférents,

– jugé que le licenciement pour motif économique de Mme [B] était justifié, et par conséquent, l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de son indemnité de préavis et des congés payés y afférents,

– jugé qu’aucune atteinte n’avait été portée à la vie privée de Mme [B] et l’a en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour sa prétendue violation de sa vie privée,

– jugé que Mme [B] ne démontrait pas l’existence d’un préjudice moral distinct et l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour son prétendu préjudice moral,

– débouté les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et dit que Mme [B], succombant à l’intégralité de ses demandes, devrait supporter les entiers dépens de l’instance.

Mme [B] a interjeté appel de cette décision le 18 février 2020 à 18h46 et 19h23.

Par conclusions remises le 1er mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [B] demande à la cour de réformer la décision entreprise et de condamner la société CDV à lui verser les sommes suivantes :

à titre principal, dommages et intérêts pour licenciement nul : 60 183,36 euros

à titre subsidiaire, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 22 570,38 euros

indemnité compensatrice de préavis : 5 015,64 euros,

indemnité compensatrice de congés payés : 501,56 euros,

indemnité au titre du préjudice moral : 5 000 euros,

indemnité au titre de la violation de vie privée : 5 000 euros,

indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros.

Par conclusions remises le 26 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société CDV demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en conséquence, débouter Mme [B] de l’ensemble de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient pour une bonne administration de la justice de prononcer la jonction des dossiers 20/00872 et 20/00912.

Sur le harcèlement moral

Faisant valoir que les courriers échangés en 2014 avec le gérant de la société CDV démontraient déjà des agissements de harcèlement moral, en ce qu’elle y dénonçait ses emportements et colères à son égard, Mme [B] explique que ceux-ci se sont reproduits au moment de son licenciement économique, ce que confirment d’autres salariés, témoins du dénigrement dont elle pouvait être la cible mais aussi du caractère manipulateur, excessif et impulsif de M. [R], qui, par ailleurs, les faisaient travailler dans des conditions indignes.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l’appui de sa demande, Mme [B] produit les courriers échangés avec M. [R] en 2014 aux termes desquels elle lui reprochait de s’être emporté à l’occasion d’une discussion les opposant sur son véhicule de fonction, courriers auxquels M. [R] a systématiquement répondu dans des termes courtois en contestant les faits tels que présentés par Mme [B], étant par ailleurs relevé qu’il a systématiquement vérifié ses demandes relatives à des rappels de salaires, y compris pour la période antérieure à la cession, et y a fait droit dès lors qu’il les estimait fondées, et ce, dans des proportions non négligeables, étant relevé qu’il n’est pas fait état postérieurement de sommes restant dues.

De même, alors qu’elle lui reprochait, toujours en 2014, à son retour de congé maternité de lui refuser le congé parental sollicité, il est là encore produit une réponse circonstanciée de M. [R] dans des termes courtois, explicitant précisément son positionnement, lequel est conforme à l’avenant relatif au congé parental signé par les parties.

Au-delà de ces courriers qui ne permettent pas en soi d’établir la réalité d’un comportement irrespectueux de M. [R] à l’égard de Mme [B], et alors qu’il n’est produit aucun mail ou courrier relatif à un quelconque différend entre 2014 et 2018, date à laquelle Mme [B] a été informée du projet de licenciement à son encontre, cette dernière produit, pour corroborer la réalité de ces emportements à son égard, plusieurs attestations de salariés faisant état du caractère impulsif de M. et Mme [R].

Ainsi, Mme [D] indique qu’elle peut attester que M. [R] parlait très mal à son personnel en général, qu’il était sanguin, excessif et impulsif, précisant qu’il faisait peur et qu’il lui arrivait de faire pleurer son personnel, ce que confirme Mme [T] qui, ayant travaillé au sein de la société CDV de janvier à octobre 2015 en qualité d’intérimaire, indique avoir pu assister à des scènes de colère de M. et Mme [R], ‘tous deux à s’énerver contre vous et vous demander des choses irréalisables et ce, devant personnel et intérimaires’.

De même, Mme [C] indique avoir constaté que M. et Mme [R] pouvaient avoir un comportement et des attitudes plutôt déplacées, leur langage étant souvent inapproprié pour des dirigeants comme lorsque M. [R] s’était violemment emporté contre un employé devant tout l’atelier, criant et levant les bras au ciel en l’accusant d’être responsable d’une erreur qu’il n’avait pas commise, scène également décrite par Mme [Z] qui précise se souvenir de la date, à savoir le 1er février 2017, tant elle avait été choquée, M. [R], arrivant comme une furie, levant les bras au ciel, criant haut et fort qu’une erreur avait été commise, menaçant les salariés d’une énorme sanction. Elle relate plus généralement qu’il pouvait rentrer dans des états de nervosité aigus, qu’elle en avait parfois peur, précisant l’avoir entendu traiter une salariée de ‘bonne à rien’ parce qu’elle ne parvenait pas à faire une opération.

Enfin, Mme [A], en apprentissage dans un premier temps, indique que les relations se sont dégradées après qu’elle a signé son contrat à durée indéterminée, que M. [R] lui a montré son côté excessif en s’emportant fortement contre tout le monde, criant son prénom et la traitant de ‘nulle’ et ce, parce qu’elle avait mangé avec une collègue qui avait démissionné, notant qu’il savait intimider avec des mots et de l’agressivité, tout en pouvant être très gentil quand cela était de son intérêt.

Si ces attestations sont concordantes quant à la réalité d’un caractère impulsif et excessif de M [R], il n’est cependant fait état d’aucun incident dont aurait été victime Mme [B], sachant qu’elle ne travaillait pas à l’atelier alors que les personnes qui attestent étaient au contraire affectées dans ces ateliers.

Par ailleurs, et si certaines des salariées expliquent avoir entendu M. [R] dénigrer Mme [B], ainsi, notamment Mme [C], elle n’apporte aucun élément plus précis permettant d’apprécier la réalité de ce dénigrement, pas plus que ne le permet le témoignage de Mme [Z] lorsqu’elle indique que M. et Mme [R] discréditaient Mme [B] en permanence, laissant croire à son incapacité à tenir le poste.

En outre, si M. [J] atteste en mars 2019, après avoir fait l’objet d’un avertissement, que Mme [B] était dans le collimateur de la direction depuis fort longtemps pour avoir maintenu des contacts avec l’ancien dirigeant et que Mme [R] avait dit en parlant de son mari ‘il n’en peut plus de [U]’, l’imprécision et l’absence d’éléments plus circonstanciés quant à la tenue de ces propos ne permet pas davantage de retenir la réalité de termes dénigrants à l’égard de Mme [B].

Enfin, et si Mme [Z] se montre un peu plus précise à certains égards, notamment lorsqu’elle indique qu’ils se plaignaient de ce qu’elle avait témoigné contre eux dans le procès les opposant aux époux [O], Mme [R] lui ayant en conséquence confié ne pas avoir confiance en elle et qu’elle n’était pas franche, il doit être relevé que les attestations faites par Mme [B] au profit des époux [O] datent de 2018, postérieurement à son licenciement, et surtout, très postérieurement à la démission de Mme [Z].

Or, outre que la chronologie ainsi rappelée rend peu probants les propos rapportés dans cette attestation, il est en outre justifié par la société CDV que Mme [Z] n’a pas hésité à mentir lors de sa démission en mars 2017, prétendant rejoindre un employeur aux Philippines aux fins d’obtenir la levée de sa clause de non-concurrence alors qu’en réalité elle avait une promesse d’embauche chez un concurrent de la société CDV, situé à Semur en Auxois, sachant qu’il n’est pas contesté que Mme [A] l’y a rejoint peu de temps après.

Bien plus, alors qu’elle explique encore dans son attestation, tout comme Mme [A], avoir travaillé dans des conditions déplorables, étant amenée à travailler sous une chaleur accablante en été et, en hiver, avec des températures atteignant péniblement les 15-16° dans l’atelier avec menaces de M. [R] de couper les fils si les salariés montaient les thermostats à plus de trois dans les toilettes et le réfectoire, et ce, alors que dans le même temps, le bureau de M. [R] était surchauffé, précisant que le bureau d'[Y] était le plus froid car il ne faisait pas plus de 13° et qu’elle l’a souvent vu travailler en gardant son manteau et son écharpe, la société CDV produit de nombreuses attestations qui démontrent, au contraire, que les nouveaux gérants ont tout mis en oeuvre pour améliorer les conditions de travail de leurs salariés.

Ainsi, M. [P], salarié de l’entreprise, outre qu’il indique n’avoir jamais remarqué un manque de respect de la part des gérants à l’égard du personnel, explique que l’atelier a fait l’objet de nombreuses rénovations afin de le rendre plus agréable à vivre.

M. [E], après avoir été employé quelques semaines en 2013, relate, qu’étant revenu faire une visite de courtoisie à ses collègues en 2017, il a été ébahi par l’amélioration des conditions de travail, ce que confirme M. [F], accompagnateur du réseau entreprendre de juin 2012 à juillet 2015, qui expose, que malgré l’état dans lequel le cédant avait laissé l’entreprise aux époux [R], ceux-ci ont redressé l’entreprise de manière remarquable, et que malgré la pression économique, ils ont poursuivi les efforts liés à l’amélioration des conditions de travail, notant qu’elles sont aujourd’hui méconnaissables au vu des investissements réalisés, lesquels sont listés année par année par l’électricien étant intervenu dans les locaux de l’entreprise qui conclut qu’elles ont permis d’assurer le confort des salariés et d’obtenir le Q18, avec cette précision que les factures, pour des montants conséquents, sont produites et permettent de noter que, notamment, les appareils de chauffage ont été l’objet de cette rénovation.

Enfin, d’une manière plus générale, s’il est fait état par les salariés ayant attesté pour Mme [B] d’épisodes de colère de M. [R], elles sont néanmoins à relativiser en ce sens qu’il n’apparaît pas qu’il s’agissait d’une attitude générale.

Ainsi, M. [W], consultant pour la société CDV de juillet 2013 à mars 2016, explique avoir rencontré dans le cadre de sa mission chacun des membres du personnel, et avoir vu pendant près de trois ans le mode de management participatif mis en place par les dirigeants, soucieux de tenir compte des remarques et savoir-faire de chacun. Il indique que Mme [B], en tant que proche collaboratrice de M. et Mme [R] n’était ni mieux, ni moins bien traitée que les autres salariés et semblait, de par ses activités diverses, épanouie dans son travail. Il indique n’avoir jamais assisté ou entendu parler de manifestations ou propos inappropriés ou discourtois de M. ou Mme [R] à l’encontre de membres du personnel.

Il est également produit l’attestation de quatre salariées ayant travaillé avec M. [R] avant qu’il ne reprenne l’entreprise CDV, lesquelles font part de bonnes relations, dans une confiance partagée, Mme [V] précisant qu’il était un responsable humain, à l’écoute de son équipe, toujours d’humeur égale, fiable et honnête.

Enfin, si plusieurs salariés font état du caractère manipulateur de M. [R], ce qui relève de leur appréciation subjective, et que Mme [B] estime que celui-ci ressort de l’attestation de la personne l’ayant suivie dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, force est de constater qu’il résulte uniquement de cette attestation qu’elle a dû réclamer à trois reprises le nombre d’heures obtenues avant décembre 2014 sur le compte personnel de formation avant qu’il ne lui soit indiqué que l’entreprise ne pouvait le lui fournir.

Ainsi, il ne ressort pas de ces différents éléments que Mme [B] aurait été victime de l’ire de M. ou Mme [R], ni qu’ils auraient adopté un comportement agressif systématique au point que chaque salarié en eut été victime, ni davantage que les salariés auraient travaillé dans des conditions déplorables et ce, en étant même contraints de subir ce type de conditions alors qu’il aurait pu en être autrement. Enfin, au regard du peu de force probante qui peut être attachée à l’attestation de Mme [Z], il ne peut être retenu que Mme [B] aurait été l’objet de dénigrement.

Enfin, si M. [I], compagnon de Mme [B], atteste qu’elle a été mise au placard au moment de son retour de congé maternité et que son patron lui a même demandé de ne plus stationner sur le parking de l’entreprise, il s’agit là de propos rapportés qu’il n’a pas constatés et il ne peut donc leur être accordés aucune force probante, étant à nouveau rappelé qu’il n’existe aucun échange relatif à un quelconque différend entre 2014 et 2018, et ce, alors qu’il ressort des courriers échangés à ces dates que Mme [B] n’hésitait pas à faire part de ses désaccords.

Ainsi, Mme [B] ne présente pas d’éléments qui, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral, et ce, même couplé au fait que le compagnon de Mme [B] ait pu constater des problèmes de sommeil et d’angoisses liées à son travail à son retour de congé maternité en 2014 ou à l’arrêt de travail du 9 janvier 2018 faisant état d’un syndrome dépressif pour harcèlement moral, sachant qu’il ressort de l’attestation de son médecin traitant que ce lien n’a été fait qu’au regard des propos tenus par Mme [B].

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande tendant à voir reconnaître l’existence d’un harcèlement moral, et en conséquence de sa demande de dommages et intérêts à ce titre et de nullité du licenciement en découlant.

Sur le licenciement économique

Par courrier du 27 février 2018, la société CDV a notifié à Mme [B] son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

‘(…) La société doit faire face à des difficultés économiques, une réorganisation est nécessaire afin de sauvegarder la compétitivité de la société et du groupe auquel il appartient.

En effet, le chiffre d’affaires de la société est en baisse constante depuis plus de trois ans.

Ainsi, alors qu’il s’élevait à 1 930 087 € hors taxe pour l’année 2015 puis à 1 580 508 euros en 2016, il a atteint 1 334 363 euros en 2017.

En janvier 2018, notre chiffre d’affaires s’est élevé à 103 801 € (contre 225 392 € en janvier 2016 et 108 060 € en février 2017).

Le chiffre d’affaires prévisionnel sur février 2018 s’élèverait à environ 110 000 € (contre 235 636 € en février 2016 et 122 653 € en février 2017).

Pour l’exercice clos au 30 juin 2017, la société CDV a accusé une perte s’élevant à – 112 987 € avec un chiffre d’affaires pour cet exercice s’élevant à 1 266 615 € hors taxe contre 1 875 649 € pour l’exercice clos au 30 juin 2016, soit une baisse de près de 33%.

L’excédent brut d’exploitation s’avère négatif pour l’exercice clos au 30 juin 2017 (- 77 187 €)

Notre trésorerie est extrêmement tendue (27 746 € pour l’exercice clos au 30 juin 2017 contre 226 539€ pour l’exercice clos au 30 juin 2016).

Face à cette situation, nous avons tenté de réduire certains coûts.

Ainsi, nous n’avons procédé au remplacement ni de la chef d’atelier, ni d’une façonnière sur cuir à la suite de leur départ au cours du 1er semestre 2017.

Nous avons également décidé de mettre fin dans les semaines à venir au contrat de prestation de services nous liant avec l’un de nos prestataires externes.

Au cours du 2ème semestre de l’année 2017, la société JLS Consulting, société holding, a emprunté la somme non substantielle de 450 000 € afin de palier à la perte de résultat et de trésorerie de la société CDV.

Cet emprunt a fragilisé la société JLS Consulting.

Alors que le chiffre d’affaires est resté stable, le résultat de la société JLS Consulting a chuté de plus de 90% (16 202 € en 2017 contre 261 673 € en 2016).

L’excédent brut d’exploitation de la société JLS Consulting a également subi une importante baisse (5 232 € en 2017 contre 17 220 € en 2016).

La société Allen ST, autre société du groupe, laquelle n’a que quelques mois d’existence, ne réalise qu’un chiffre d’affaires très minime, couvrant à peine ses charges.

Le résultat de la société GFD (29 512 € en 2017), dernière société du groupe, ne permet malheureusement pas de compenser les difficultés économiques rencontrées par les autres structures.

Ainsi, au vu de ces difficultés économiques et de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société et du groupe auquel elle appartient, nous avons décidé de supprimer votre poste de travail. (…)’.

Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

A titre liminaire, il doit être relevé que l’attestation de l’ancien gérant de la société CDV, M. [O], aux termes de laquelle il s’étonne du licenciement économique intervenu alors qu’il avait laissé l’entreprise avec un chiffre d’affaires en hausse croissante et que le poste d’assistante de direction de Mme [B] se justifie de toute évidence lorsque le chiffre d’affaires est supérieur à 900 000 euros, précisant que la perte du chiffre d’affaires invoqué n’est en soit qu’une variation de celui-ci et que la société CDV est dimensionnée pour réaliser un chiffre d’affaires situé entre 1 000 000 et 1 300 000 euros et que seul le train de vie de ses dirigeants actuels peut peser sur le résultat, est non seulement sans intérêt aux débats dans la mesure où M. [O] n’est plus le gérant de la société CDV depuis 2012 et qu’il n’est donc pas en possession de tous les éléments pouvant lui permettre d’analyser sa situation économique mais surtout, ses conseils et remarques apparaissent particulièrement mal venus au regard des différentes condamnations intervenues à son égard.

Il a en effet été condamné par le tribunal de commerce le 7 mars 2013 à rembourser à la société CDV la somme de 294 527 euros pour l’ensemble des prélèvements indus au titre de l’exercice clos le 31 mars 2012, mais aussi par la chambre civile et commerciale de la cour d’appel de Rouen le 9 avril 2015 à payer à la société JLS consulting la somme de 100 000 euros en raison du dol commis consistant en une absence d’informations quant à un arrêt de commandes de la société LVMH et ce, pour des raisons de qualité ayant entraîné une baisse de confiance de ce client et enfin, par le tribunal correctionnel d’Evreux à six mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir fait usage des fonds de la société pour des achats personnels pour la somme de 20 606 euros.

Aussi, cette attestation n’a aucune force probante et il convient d’examiner les autres pièces produites par les parties.

En l’espèce, il résulte des bilans produits pour chacune des sociétés du groupe que la société CDV a connu une baisse de son chiffre d’affaires constante entre 2015 et 2017, sans qu’il puisse être argué que sa rentabilité aurait été transférée à la société GFD dès lors que, si le chiffre d’affaires de cette société est passé de 476 000 euros en 2016 à 1 159 380 euros en 2017, ses charges ont été augmentées dans des proportions quasi identiques et qu’ainsi, le bénéfice de cette société n’a augmenté que de 15 000 euros, passant de 14 000 euros à 29 000 euros.

En outre, la production des comptes combinés des différentes sociétés du groupe permet de conforter la réalité des difficultés économiques invoquées par la société CDV en ce que le résultat net est resté déficitaire en 2018, et ce, malgré l’augmentation du chiffre d’affaires.

Enfin, les documents produits ne mettent en évidence ni l’existence de charges externes anormales, ni de mouvements de fonds inexpliqués au profit de la société JLS, ni enfin, des prélèvements excessifs par les dirigeants dans la trésorerie de leurs sociétés.

Aussi, il est suffisamment établi par les différents documents comptables produits par la société CDV qu’elle connaissait, ainsi que les sociétés du groupe, des difficultés économiques justifiant un licenciement économique.

Par ailleurs, il résulte des différents registres uniques du personnel, produits pour chacune des sociétés, que le poste de Mme [B] a été supprimé, sans qu’il puisse être utilement argué qu’un poste proposé neuf mois après le licenciement aurait eu pour vocation de remplacer celui de Mme [B], la réalité de la suppression du poste s’appréciant au moment du licenciement, et à tout le moins à une période concomitante.

Au surplus, il doit être relevé que le poste ainsi évoqué était distinct de celui de Mme [B] en ce qu’il comportait essentiellement un aspect comptable.

Enfin, et s’il a effectivement été procédé à l’embauche de deux salariés en juin et septembre 2018 dans la société GFD en qualité de responsable logistique et gestionnaire préparateur de commandes, il apparaît néanmoins que le second n’a été engagé que pour une période de quinze jours et qu’en réalité dès janvier 2019, il n’y avait plus aucun préparateur de commandes au sein de la société alors même que Mme [S] occupait ce poste depuis le 11 avril 2016, conduisant ainsi au contraire à une baisse de l’effectif de la société.

Aussi, la seule embauche d’un responsable logistique, poste distinct de celui de Mme [B], et plus directement accès sur la production et la recherche d’optimisation des coûts, trois mois après son licenciement, dans la société GFD, ne permet pas d’écarter la réalité des difficultés économiques au regard des chiffres précédemment rappelés qui démontrent la fragilité des entreprises constituant le groupe.

Enfin, il doit être noté que si M. [J] atteste que les tâches incombant à Mme [B] ont été confiées à deux autres personnes recrutées après son licenciement, les missions ainsi confiées ne sont pas listées, ni davantage le nom ou la fonction des personnes ainsi recrutées, et ce, alors que M. [J] était encore présent au sein de la société au moment du licenciement. et pouvait donc apporter un témoignage précis.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [B] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes au titre de la rupture.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de la vie privée

Mme [B] soutient qu’un système de vidéo-surveillance a été installé dans les locaux de la société CDV, et plus particulièrement en direction de son poste de travail, et ce, sans que son accord ait été recueilli, aussi, estimant qu’un tel procédé est contraire aux articles 9 du code civil, L. 1221-9 du code du travail et 226-1 du code pénal, elle réclame la condamnation de la société CDV à lui verser des dommages et intérêts pour violation de sa vie privée.

En réponse, sans contester la réalité de ce système de vidéo-surveillance, la société CDV fait valoir qu’il préexistait à la cession de la société, que les salariés en connaissaient l’existence et surtout que Mme [B] ne justifie d’aucun préjudice.

A l’appui de cette demande, Mme [B] produit les courriers échangés en 2014 avec le gérant de la société CDV, lesquels témoignent de l’existence d’une tel système de surveillance mais aussi l’attestation de Mme [Z] qui explique s’être rendue compte, le 21 mars 2017, que la caméra habituellement orientée vers le stock était dirigée sur son bureau et qu’elle était donc surveillée tout comme l’était Mme [B], une caméra étant directement orientée sur sa zone de travail.

Outre qu’il ne peut être accordé force probante à cette attestation comme cela résulte des développements précédents, il n’est en tout état de cause pas explicité, et a fortiori pas justifié, par Mme [B] le préjudice qu’elle aurait subi, puisqu’au contraire, il ressortait même de son courrier de 2014 qu’elle souhaitait que les vidéos puissent être visionnées, ce qui n’avait pu être envisagé compte tenu de l’effacement régulier de celles-ci.

Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour violation de sa vie privée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner Mme [B] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à la société CDV la somme de 500 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Ordonne la jonction des dossiers 20/00872 et 20/00912 ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [Y] [B] à payer à la SAS Cuir du Vaudreuil la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [Y] [B] de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [Y] [B] aux entiers dépens.

La greffièreLa présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x