Your cart is currently empty!
10 MAI 2022
Arrêt n°
CHR/SB/NS
Dossier N° RG 19/02093 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FJ5V
S.A.S. GROUPE PAVONIS SANTE
/
[J] [C] épouse [O]
Arrêt rendu ce DIX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Claude VICARD, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
S.A.S. GROUPE PAVONIS SANTE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
Mme [J] [C] épouse [O]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Isabelle CATCEL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
INTIMEE
Après avoir entendu Mr RUIN, président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 07 Mars 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS GROUPE PAVONIS SANTÉ, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 453.432.437, a son siège social à Paris (75116). Elle assure l’exploitation de divers Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) dont l’EHPAD « [9] » sis à [Adresse 7], et l’EHPAD « [8] », sis à [Adresse 11].
Madame [J] [C] épouse [O], née le 11 mars 1967, a été embauchée par la société GROUPE PAVONIS SANTÉ (SAS PAVONIS VICHY-CUSSET) à compter du 1er avril 2016, en qualité d’agent de service hôtelier (ASH, employée coefficient 208), suivant contrat de travail à durée indéterminée, à temps plein. Le contrat de travail mentionne que la salariée exercera ses fonctions au sein de l’EHPAD [9] à [Localité 6] (03), ou dans les autres établissements situés dans un rayon de 5 kilomètres. La convention collective nationale applicable est celle de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002 et son annexe du 10 décembre 2002 concernant les établissements privés accueillant des personnes âgées (IDCC 2264).
Madame [J] [O] a suivi, entre novembre 2016 et mars 2018, une formation à l’effet de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Accompagnant Educatif et Social (DEAES) auprès de l’Institut de Travail Social Région Auvergne (ITSRA).
Madame [J] [O] a demandé le remboursement par l’employeur de ses frais de déplacements et frais de repas afférents au suivi de la formation précitée. La société GROUPE PAVONIS SANTÉ n’a pas fait droit, en tout cas en intégralité, à cette demande.
Le 13 mars 2019, Madame [O] a saisi le conseil de prud’hommes de VICHY aux fins notamment de voir la société GROUPE PAVONIS SANTÉ condamner à lui verser diverses sommes en remboursement de ses frais de déplacement et de repas.
L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 13 mai 2019 (convocation notifiée au défendeur employeur le 14 mars 2019) et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire en date du 30 septembre 2019 (audience du 17 juin 2019), le conseil de prud’hommes de VICHY a :
– condamné la société GROUPE PAVONIS SANTÉ à payer et porter à Madame [C] épouse [O] les sommes suivantes:
* 813,20 euros au titre des frais de repas,
* 3.038,99 euros au titre des frais de déplacement ;
– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande introductive d’instance ;
– condamné la société GROUPE PAVONIS SANTÉ à payer à Madame [O] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– débouté la société GROUPE PAVONIS SANTÉ de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné la société GROUPE PAVONIS SANTÉ aux entiers dépens ;
– prononcé l’exécution provisoire de la présente décision.
Le 28 octobre 2019, la société GROUPE PAVONIS SANTÉ a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 2 octobre 2019.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 24 août 2020 par la société GROUPE PAVONIS SANTÉ,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 1er septembre 2020 par Madame [O],
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 7 février 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, la société GROUPE PAVONIS SANTÉ demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’elle a été condamnée à payer à Madame [O] les sommes de 812,20 euros au titre des frais repas, 3.038,99 euros au titre des frais de déplacement, 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens et, statuant à nouveau de :
– Débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes et de son appel incident ;
A titre principal :
– Constater l’inopposabilité des demandes de Madame [O] à la société GROUPE PAVONIS SANTE ;
– Débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions les déclarer irrecevables et mal fondées,
– Reconnaître fautive l’attitude de Madame [O] à l’égard de la société GROUPE PAVONIS SANTE et, à ce titre, la condamner au versement de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du Code de procédure civile ainsi qu’au paiement d’une amende civile ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour venait à considérer qu’il incombe à la société GROUPE PAVONIS SANTE de supporter les frais de déplacement de Madame [O], limiter à la somme de 2.306,80 euros le montant des frais de transport à lui verser ;
En tout état de cause :
– Condamner Madame [O] à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner Madame [O] aux entiers dépens.
La société GROUPE PAVONIS SANTÉ soutient tout d’abord que, contrairement aux affirmations de Madame [O], elle n’a pas souscrit l’engagement de prendre à sa charge ses frais de déplacement et de repas se rapportant à la formation DEAES en lieu et place de l’organisme collecteur paritaire agréé (OPCA) ACTALIANS dont elle relève. Elle précise en effet qu’eu égard aux dispositions de l’article L.6323-20 du Code du travail, il appartient à l’OPCA de rembourser ces frais car la formation suivie par Madame [O] s’est déroulée en alternance dans le cadre d’un contrat de professionnalisation.
La société GROUPE PAVONIS SANTÉ soutient ensuite que si la cour devait faire droit aux demandes en remboursement des frais de la salariée, celle-ci devrait nécessairement justifier des frais qu’elle a exposés en produisant des documents à mêmes de les prouver. Or, elle affirme que les pièces sur lesquelles la salariée justifie de ses frais de repas constituent des faux en écriture. Dès lors, elle avance que ces pièces doivent être écartées. Par conséquent, ne justifiant jamais de ses frais de repas, la salariée devra être déboutée de ses demandes en remboursement.
Concernant les frais de déplacement, l’employeur avance qu’en vertu de la convention collective de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002, leur prise en charge est réservée aux seuls représentants du personnel et se limite aux déplacements nécessaires pour les réunions organisées par l’employeur et non pour les formations réalisées à l’initiative du salarié en dehors de son temps de travail. Elle en déduit qu’elle n’est pas tenue à la prise en charge des frais de transport de Madame [O]. Elle souligne ensuite le fait que si la Cour venait à considérer qu’il incombait à l’employeur de supporter les frais de trajet de l’intimée,
cette prise en charge devrait nécessairement se limiter aux montants prévus au barème d’ACTALIANS.
La société GROUPE PAVONIS SANTÉ soutient que la demande de la salariée en remboursement de ses frais de repas est abusive. Elle argue que la salariée a produit, au soutien de sa demande, des faux en écriture, dès lors cette dernière a manifestement cherché à lui nuire. La société GROUPE PAVONIS SANTÉ affirme qu’il s’agit d’un abus et sollicite le versement d’une somme sur le fondement des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile
Dans ses dernières écritures, Madame [O] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GROUPE PAVONIS SANTÉ aux dépens ainsi qu’à lui verser une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, d’infirmer le jugement entrepris pour le surplus et, statuant à nouveau, de:
– condamner la société GROUPE PAVONIS SANTÉ à lui verser la somme de 1.372,40 euros au titre de ses frais de repas ;
– condamner la société GROUPE PAVONIS SANTÉ à lui verser la somme de 4.654,56 euros, à Madame [O], au titre de ses frais de déplacement ;
– dire et juger que ces condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la demande introductive d’instance ;
– y ajoutant, condamner la société GROUPE PAVONIS SANTE aux entiers dépens ;
– condamner la Société GROUPE PAVONIS SANTÉ à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamner la société GROUPE PAVONIS SANTE , aux entiers dépens.
Madame [O] soutient dans un premier temps que le litige en présence est régi par les règles de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013. Or, en vertu des dispositions de cet accord, l’employeur est tenu de procéder au remboursement des frais annexes des salariés qui en font l’avance.
Elle précise que l’employeur et la salariée ont signé une demande de prise en charge auprès d’ACTALIANS. De plus, ACTALIANS a remboursé à l’employeur des sommes au titre des frais de transport, de reversement, de pédagogie et des frais divers de la salariée.
Elle soutient produire des lettres dans lesquelles elle réitère ses demandes de remboursement de frais à l’employeur.
Madame [O] soutient ainsi que l’employeur était tenu de rembourser lesdits frais de transport et de repas et qu’il s’agit de frais professionnels et souligne le fait que cela est d’autant plus justifié que l’OPCA (ACTALIANS) avait versé des frais de transport et des frais divers à la société GROUPE PAVONIS SANTÉ.
Elle ajoute produire les justificatifs de ses frais de repas et soutient que l’employeur fait preuve de mauvaise foi quand il prétend que les notes de restaurants qu’elle verse aux débats seraient des faux en écriture. En effet, elle affirme que si la même écriture apparaît sur toutes les notes c’est qu’elles sont émises par le même restaurateur.
Madame [O] sollicite enfin le remboursement de ses frais de repas et de ses frais de déplacement.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
Le compte personnel de formation, composante du compte personnel d’activité, a remplacé le DIF (Droit Individuel à la Formation) depuis le 1er janvier 2015.
Le compte personnel de formation permet à son titulaire, à sa seule initiative, de suivre des formations qui y sont éligibles en vue de maintenir son niveau de qualification ou d’accéder à un niveau de qualification supérieur.
Le compte personnel de formation, désormais comptabilisé en euros depuis le 1er janvier 2019, et non plus en heures, suit le salarié tout au long de sa carrière professionnelle. Les heures inscrites au compte personnel de formation, y compris les heures acquises au titre du droit individuel à la formation (DIF), au 31 décembre 2018 sont converties en euros sur la base d’un forfait de 15 euros par heure.
La gestion du compte personnel de formation est assurée par la Caisse des dépôts et consignations et non par l’employeur.
Le compte personnel de formation est directement piloté par son titulaire via un portail internet gratuit. Après avoir créé son profil sécurisé, chaque salarié peut consulter son solde d’heures inscrites sur son compte, s’informer sur les formations éligibles, effectuer sa demande de formation puis la payer.
Le salarié qui entend mobiliser son compte personnel de formation en vue de suivre une formation en dehors de son temps de travail n’a pas à en informer son employeur, encore moins à obtenir son autorisation.
Lorsqu’elles sont suivies en tout ou partie pendant le temps de travail, le salarié doit demander l’accord préalable de l’employeur sur le contenu et le calendrier de la formation et l’employeur lui notifie sa réponse dans des délais déterminés par décret. L’absence de réponse de l’employeur vaut acceptation.
Si le salarié mobilise son compte personnel de formation pour suivre une formation qui se déroule en tout ou partie pendant son temps de travail, les heures qu’il consacre à la formation pendant son temps de travail constituent du temps de travail effectif et donnent lieu à un maintien de rémunération par l’employeur.
Selon l’article L. 6323-20 du code du travail (version en vigueur depuis 2019), les frais pédagogiques et les frais liés à la validation des compétences et des connaissances afférents à la formation du salarié qui mobilise son compte personnel de formation sont pris en charge par l’OPCA. Par dérogation, les frais pédagogiques et les frais liés à la validation des compétences et des connaissances afférents à la formation suivie dans le cadre du projet de transition professionnelle sont pris en charge par la commission paritaire interprofessionnelle régionale.
Aux termes de l’article L. 6323-20 du code du travail en ses dispositions applicables en 2017 et 2018 :
‘I. – Les frais pédagogiques et les frais annexes afférents à la formation du salarié qui mobilise son compte personnel de formation, pendant son temps de travail ou hors temps de travail, sont pris en charge par l’employeur lorsque celui-ci, en vertu d’un accord d’entreprise conclu sur le fondement de l’article L. 6331-10, consacre au moins 0,2 % du montant des rémunérations versées pendant l’année de référence au financement du compte personnel de formation de ses salariés et à son abondement.
En l’absence d’accord mentionné au premier alinéa du présent I, les frais de formation du salarié qui mobilise son compte sont pris en charge, selon des modalités déterminées par décret, par l’organisme collecteur paritaire agréé pour collecter la contribution mentionnée…
II. – Lorsque le salarié mobilise son compte personnel de formation à l’occasion d’un congé individuel de formation, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels prend en charge le financement des frais pédagogiques associés au congé individuel de formation, selon les modalités déterminées au 4° de l’article L. 6332-21.
III. – Les prises en charge mentionnées au présent article se font dans la limite du nombre d’heures inscrites sur le compte personnel de formation du salarié.
Toutefois, afin de favoriser la mise en ‘uvre du compte personnel de formation, le conseil d’administration des organismes collecteurs paritaires agréés peut décider de financer l’abondement du compte personnel de formation des salariés, avec la contribution relative au compte personnel de formation, dans des conditions définies par celui-ci’
Aux termes de l’article L. 6323-20 du code du travail en ses dispositions applicables en 2015 et 2016 :
‘I. – Les frais pédagogiques et les frais annexes afférents à la formation du salarié qui mobilise son compte personnel de formation, pendant son temps de travail ou hors temps de travail, sont pris en charge par l’employeur lorsque celui-ci, en vertu d’un accord d’entreprise conclu sur le fondement de l’article L. 6331-10, consacre au moins 0,2 % du montant des rémunérations versées pendant l’année de référence au financement du compte personnel de formation de ses salariés et à son abondement.
En l’absence d’accord mentionné au premier alinéa du présent I, les frais de formation du salarié qui mobilise son compte sont pris en charge, selon des modalités déterminées par décret, par l’organisme collecteur paritaire agréé pour collecter la contribution mentionnée…
II. – Lorsque le salarié mobilise son compte personnel de formation à l’occasion d’un congé individuel de formation, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels prend en charge le financement des frais pédagogiques associés au congé individuel de formation, selon les modalités déterminées au 4° de l’article L. 6332-21.
III. – Les prises en charge mentionnées au présent article se font dans la limite du nombre d’heures inscrites sur le compte personnel de formation du salarié.’
Depuis le 1er janvier 2019, selon l’article D. 6323-5 du code du travail, les frais pédagogiques et les frais liés à la validation des compétences et des connaissances afférents à l’une des actions de formation suivie par le salarié, pendant son temps de travail ou hors temps de travail, sont pris en charge par la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre des fonds affectés à la prise en charge du compte personnel de formation.
Selon les dispositions de l’article R. 6323-5 du code du travail applicables du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018, les frais pédagogiques et les frais annexes, composés des frais de transport, de repas, et d’hébergement occasionnés par la formation suivie par le salarié qui mobilise son compte personnel de formation, pendant son temps de travail ou hors temps de travail, sont pris en charge par l’organisme collecteur paritaire agréé, ou par l’employeur lorsque celui-ci a conclu un accord d’entreprise sur le fondement de l’article L. 6331-10, dans le cadre des fonds affectés à la prise en charge du compte personnel de formation.
Le sigle OPCA signifie organisme paritaire collecteur agréé. Il s’agit d’un organisme de l’État chargé de collecter les obligations financières des entreprises pour la formation professionnelle ou l’alternance. Les sommes collectées servent à financer les formations des salariés. Les OPCA sont également chargés de gérer les contributions obligatoires des entreprises au titre de la formation professionnelle.
ACTALIANS, anciennement appelé OCPA PL, est l’OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé) des Professions Libérales, des établissements de l’Hospitalisation privée et de l’Enseignement privé. Il est agréé par l’Etat pour collecter et gérer les contributions des entreprises de ces secteurs, et agir en faveur du développement de la formation professionnelle continue. Il prend en charge toutes les formations éligibles au compte personnel de formation.
En l’espèce, le contrat de travail liant Madame [J] [C] épouse [O] à la société GROUPE PAVONIS SANTÉ est un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, et non un contrat de professionnalisation, ou un type de contrat de travail prévoyant une action ou une obligation de formation spécifique à la charge de l’employeur.
Madame [J] [C] épouse [O] et l’employeur ont rempli et signé un formulaire de demande préalable de prise en charge de la formation de la salariée au diplôme d’État de ‘accompagnant éducatif et social’ (DEAES), via l’organisme ACTALIANS, en mentionnant notamment :
– l’ITSRA comme organisme de formation ;
– une formation se déroulant du 24 novembre 2016 au 29 mars 2018 ;
– un coût total facturé de 5.722,50 euros par l’ITSRA ;
– une formation se déroulant pendant le temps de travail ;
– une demande de financement au coût réel pour les frais pédagogiques et les salaires, un financement au barème pour les frais annexes ;
– un salaire mensuel brut de référence de 1.680 euros ;
– un compte personnel de formation mobilisé avec l’accord de son employeur ;
– un solde d’heures de DIF de 10 heures et un nombre de 655 heures abondées par l’entreprise.
Il n’est pas contesté que cette demande de formation a fait l’objet d’un accord préalable de financement de la part d’ACTALIANS.
Le 10 novembre 2016, l’employeur a signé avec l’ITSRA (Institut de Travail Social Région Auvergne situé à [Localité 5]) une convention de formation concernant Madame [J] [C] épouse [O] pour assurer la formation de cette salariée en vue de la préparation du diplôme d’État de ‘accompagnant éducatif et social’. Cette convention est signée pour une durée de 18 mois (24 novembre 2016 au 31 mars 2018) et comprend 525 heures de formation théorique en centre de formation, 4 semaines de stage pratique (140 heures hors établissement employeur) et 700 heures chez l’employeur sous la responsabilité du tuteur désigné par l’EHPAD « [9] ».
Par courrier daté du 8 février 2017, ACTALIANS a indiqué à l’employeur que la formation demandée serait prise en charge au titre du compte personnel de formation de Madame [O] à hauteur de 5.722,50 euros pour les frais pédagogiques (coût directement réglé à l’ITSRA) et à hauteur de 5.722,50 euros pour les salaires.
Le mode d’emploi diffusé par ACTALIANS pour les règles de prise en charge 2018 mentionne que s’agissant des frais annexes, lorsqu’il sont pris en charge au barème, le sont sur la base suivante : 15 euros pour le déjeuner, 85 euros pour la nuitée, 0,25 euros par kilomètre à partir du lieu d’entreprise pour le transport.
L’ITSRA a attesté que Madame [O] avait suivi la formation au diplôme d’État de ‘accompagnant éducatif et social’ entre le 24 novembre 2016 et le 29 mars 2018.
Le 28 mars 2018, ACTALIANS a accusé réception de la demande de remboursement de la société PAVONIS d’un montant de 4.730,60 euros au titre de la rémunération versée à Madame [O] pendant les heures de formation ITSRA. L’employeur ne formulait alors aucune autre demande de remboursement, notamment pour des coûts pédagogiques, frais de transport ou frais de repas.
Par courrier recommandé daté du 13 juillet 2018, Madame [O] a mis en demeure son employeur de lui rembourser ses frais de transport et de repas afférents au suivi de la formation ITSRA. La salariée a réitéré cette demande par courrier daté du 19 juin 2018.
S’agissant de la formation DEAES susvisée effectivement suivie par Madame [O] entre novembre 2016 et mars 2018, l’employeur a donné son accord pour que cette formation se déroule pendant le temps de travail et a signé une convention de formation avec l’ITSRA, mais, au regard des seules pièces versées aux débats, il ne s’est jamais engagé formellement à prendre à sa charge les frais annexes (transport, repas, hébergement) afférents à cette formation.
Dans le cadre de la mobilisation de son compte personnel de formation par la salariée, l’employeur n’était pas légalement tenu de prendre en charge les frais de transport et de repas, cette situation ne pouvant être assimilée à celle de la formation suivie sur demande de l’employeur, notamment dans le cadre d’un plan de développement des compétences, ou à celles résultant d’un congé individuel formation, d’un contrat de professionnalisation ou autres formules de ce type.
La convention collective nationale applicable ne prévoit rien s’agissant d’une éventuelle prise en charge par l’employeur des frais de transport et de repas du salarié dans le cadre d’une formation suivie par mise en oeuvre du compte personnel de formation. Le premier juge ne pouvait fonder sa décision sur un article de cette convention collective prévoyant une prise en charge par l’employeur des frais de trajet engagés par les représentants du personnel pour se rendre à des réunions dans le cadre de l’exercice de leur délégation.
Il n’est pas justifié en l’espèce, en tout cas au sens des articles L. 6323-20, D. 6323-5 ou R. 6323-5, d’un accord d’entreprise conclu sur le fondement de l’article L. 6331-10 par la société GROUPE PAVONIS SANTÉ.
L’article 31 de l’ANI du 14 décembre 2013 relatif à la formation professionnelle mentionne que le financement des actions mises en oeuvre au titre du compte personnel de formation relève de l’OPCA compétent (ou du FPSPP), ou éventuellement de l’employeur mais seulement dans les cas d’abondement prévus par le présent accord et lorsque l’entreprise choisit d’assumer elle-même le financement du compte personnel de formation de ses salariés en application d’un accord d’entreprise ou de branche, ces dernières conditions relatives à l’existence d’un accord collectif spécifique n’étant pas remplies en l’espèce.
Selon une jurisprudence constante, les frais que le salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise doivent être remboursés par l’employeur sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition, d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d’autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC.
La formation DEAES suivie par Madame [O] entre novembre 2016 et mars 2018 au sein de l’ITSRA à [Localité 5] se déroulait pendant le temps de travail. Les heures consacrées à la formation pendant le temps de travail constituent un temps de travail effectif et donnent lieu au maintien de la rémunération du salarié. Toutefois, les frais de transport et de repas afférents au suivi d’une formation professionnelle, se déroulant pendant le temps de travail, dans le cadre de la mise en oeuvre de son compte personnel de formation par le salarié, ne constituent pas des frais exposé pour les besoins de l’exécution du contrat de travail et dans l’intérêt de l’employeur.
Madame [O] produit un extrait (ou une capture d’écran), en date du 17 juin 2019, du portail de son compte personnel de formation qui fait apparaître que les sommes suivantes ont été versées par l’OPCA ACTALIANS à l’établissement de [Localité 10]-[Localité 6] de la société GROUPE PAVONIS SANTÉ au titre de la formation DEAES suivie par la salariée auprès de l’ITSRA (montant total de 12.153,20 euros) :
– 3.915, 60 euros au titre des coûts pédagogiques ;
– 4.208,23 euros au titre des reversements de rémunération ;
– 3.313 euros au titre des frais de transport ;
– 716,37 euros au titre des frais divers.
Madame [O] affirme qu’elle n’a rien perçu au titre des frais de transports et frais de repas ou divers qu’elle a engagés ou qui ont été remboursés par l’OPCA ACTALIANS à l’employeur. La société
GROUPE PAVONIS SANTÉ est totalement taisante sur les sommes reçues de l’OPCA à ce titre.
Il sera considéré que la société GROUPE PAVONIS SANTÉ a reçu une somme de 4.029,37 euros de l’OPCA au titre des frais de transport et frais divers engagés par Madame [O] dans le cadre de la formation précitée.
Bien que rejetant toute obligation de prise en charge des frais de transport et de repas, l’employeur reconnaît dans ses écritures qu’il a viré une somme de 553,05 euros (justificatif produit) à Madame [O] au titre des frais de transports et frais de repas engagés, en novembre et décembre 2016, par la salariée dans le cadre de la formation précitée. L’employeur admet ainsi a minima qu’il devait verser à la salariée, sur demande explicite et motivée de celle-ci, tout ou partie des sommes remboursées à la société GROUPE PAVONIS SANTÉ au titre des frais de transports et frais de repas, ou frais divers.
Les pièces produites par Madame [O] démontre qu’elle a suivi 73 journées complètes de formation auprès de l’ITSRA et engagées dans ce cadre des frais de repas (1 par jour) et de transport (140 kilomètres aller et retour entre le lieu de travail à [Localité 6] et le lieu de formation à [Localité 5]).
Les observations de l’employeur sur les anomalies de forme et le caractère non probant, voire sur l’existence de faux, des justificatifs produits par la salariée sont totalement infondées et inopérantes.
Vu le barème de remboursement de l’OPCA (cf demande préalable de financement au barème pour les frais annexes), les dépenses justifiées par Madame [O] correspondent à un potentiel de remboursement par ACTALIANS de 2.555 euros (140 x 0,25 x 73) au titre des frais de transport et de 1.095 euros (73 x 15) au titre des frais de repas, soit un montant inférieur à celui reçu par la société GROUPE PAVONIS SANTÉ, au titre des frais de transport et frais divers engagés par Madame [O] dans le cadre de la formation précitée, de la part de l’OPCA.
En conséquence, la société GROUPE PAVONIS SANTÉ sera condamnée à verser, en derniers ou quittance, à Madame [J] [C] épouse [O] une somme de 2.555 euros au titre des frais de transport et une somme de 1.095 euros au titre des frais de repas. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile : ‘Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être
condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.’
En première instance comme en appel, il n’est pas démontré que Madame [J] [C] épouse [O] ait agi dans une intention dilatoire ou fait dégénérer en abus l’exercice de son droit d’ester en justice et que la société GROUPE PAVONIS SANTÉ ait subi dans ce cadre un préjudice ouvrant droit à réparation. En conséquence, l’appelante sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
La société GROUPE PAVONIS SANTÉ, qui succombe au principal en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à verser à Madame [J] [C] épouse [O] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Réformant, condamne la société GROUPE PAVONIS SANTÉ à verser, en derniers ou quittance, à Madame [J] [C] épouse [O] une somme de 2.555 euros au titre des frais de transport ou de déplacement engagés par la salariée dans le cadre de la formation suivie auprès de l’ITSRA à [Localité 5] ;
– Réformant, condamne la société GROUPE PAVONIS SANTÉ à verser, en derniers ou quittance, à Madame [J] [C] épouse [O] une somme de 1.095 euros au titre des frais de repas engagés par la salariée dans le cadre de la formation suivie auprès de l’ITSRA à [Localité 5] ;
– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
– Y ajoutant, condamne la société GROUPE PAVONIS SANTÉ à verser à Madame [J] [C] épouse [O] une
somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– Condamne la société GROUPE PAVONIS SANTÉ aux dépens d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN