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AFFAIRE : N° RG 21/00343 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FQI2
Code Aff. :
ARRÊT N° AP
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Saint-Pierre (Réunion) en date du 02 Février 2021, rg n° F 20/00082
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 19 MAI 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. MOQUETTE 2000
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Isabelle Mercier-Barraco, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion et Me Cyril Tragin, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ :
Monsieur [X] [F] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Lénaïg Labouré de la Selarl Ker Avocats, avocat au barreau de Saint-Pierre de la Réunion
Clôture : 6 décembre 2022
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mars 2022 en audience publique, devant Aurélie Police, conseillère chargée d’instruire l’affaire, assistée de Delphine Grondin, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 19 mai 2022 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président :Alain Lacour
Conseiller:Laurent Calbo
Conseiller :Aurélie Police
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 19 mai 2022
* *
*
LA COUR :
Exposé du litige :
M. [E] a été engagé à compter du 17 avril 2017 en contrat unique d’insertion ‘ contrat initiative emploi pour une durée déterminée par la société Moquette 2000, en qualité d’ouvrier polyvalent poseur, avant d’être embauché en contrat à durée indéterminée le 18 avril 2018 en qualité de responsable de pose.
M. [E] a été licencié le 29 novembre 2019 pour faute grave.
Se prévalant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, à l’obligation de formation professionnelle et aux dispositions conventionnelles, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre notamment de demandes indemnitaires et de remise du document unique d’évaluation des risques et des documents de fin de contrat.
Par jugement réputé contradictoire du 2 février 2021, le conseil de prud’hommes a fixé le salaire de M. [E] à 2 610,28 euros brut, dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Moquette 2000 à lui payer :
– 912,47 euros brut au titre de la mise à pied conservatoire
– 91,20 euros brut au titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire,
– 9 135,98 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 610,28 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 261,03 euros brut au titre de congés payés sur l’indemnité de préavis,
– 1 685,81 euros brut au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 300 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles,
– 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour la remise tardive de l’attestation Pôle emploi,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La remise des documents de fin de droit, certificat de travail et solde de tout compte, a en outre été ordonnée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dès le quinzième jour de la notification du jugement. M. [E] a été débouté du surplus de ses demandes.
La société Moquette 2000 a interjeté appel du jugement par déclaration du 23 février 2021 ;
Par ordonnance de référé du 11 mai 2021, le premier président de la cour d’appel a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement et a dit n’y avoir lieu à consignation.
Vu les dernières conclusions transmises le 21 août 2021 par la société Moquette 2000
Vu les dernières conclusions transmises le 23 septembre 2021 par M. [E] ;
La clôture a été prononcée par ordonnance du 6 décembre 2021.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce :
Sur le licenciement pour faute grave
Vu l’article L.1232-1 du code du travail ;
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :
« Nous vous informons que nous avons, en dépit de vos explications, décidé de vous licencier pour faute grave pour le motif suivant : non respect répété des procédures ayant entraîné de nombreux dysfonctionnements et terni l’image de la société.
Nous vous rappelons les raisons, exposées lors de l’entretien préalable, qui nous amènent à cette décision :
Utilisation abusive du véhicule de service
En vertu de l’article 11 de votre contrat de travail, vous disposez d’un véhicule de service : « La mise à disposition de ce véhicule est réservée à un usage strictement professionnel ». Le véhicule de service doit donc rester au sein des locaux de l’entreprise à chaque fin de journée de travail, sauf autorisation expresse.
Il s’avère que vous ne respectez pas cette obligation contractuelle et ce malgré les nombreuses demandes émanant de votre hiérarchie et de vos collègues :
– les 27 et 29 novembre 2018, nous vous avions personnellement demandé de laisser le véhicule au magasin ;
– le 29 juillet 2019, nous vous demandions des explications sur la non remise du véhicule ;
– le 10 septembre 2019, un chargé de clientèle nous signalait que vous ne respectiez pas les consignes malgré de multiples relances ;
– le 23 octobre 2019, le coordinateur chantier nous informait que votre véhicule de service n’était que rarement laissé au magasin après le retour de chantier, ce qui ne lui permettait pas d’effectuer les contrôles d’entretien et de sécurité ;
– le 13 novembre 2019, un chargé de clientèle et un membre de la direction vous rappelaient, en vain, que le camion devait être déposé au magasin à la fin de votre journée de travail.
En dépit de toutes ces demandes, vous avez persisté à utiliser le véhicule de service en dehors de vos horaires de travail à des fins personnelles, en violation des règles internes à l’entreprise et des stipulations de votre contrat de travail.
Votre insubordination a contraint la direction à louer un véhicule afin d’effectuer des livraisons, occasionnant ainsi des frais anormaux.
Non respect de la procédure de gestion des contraventions
Le 20 septembre 2019, nous avons reçu un avis de contravention majorée pour le véhicule de service immatriculé [Immatriculation 4] que vous utilisez.
La Chargée Relation Clientèle vous avait informé de la réception de la première contravention, laquelle a disparu de son bureau peu après. Vous lui avez déclaré faire le nécessaire pour le règlement de l’amende. Or, malgré ses relances, vous ne lui avez pas retourné la contravention ni les justificatifs de paiement, de sorte qu’elle n’a pas été mis en mesure, comme la loi l’impose, de désigner l’auteur de l’infraction.
Ne respectant pas la procédure interne pourtant communiquée à l’ensemble du personnel, vous avez encore agi à votre guise. Ce comportement fautif a eu des répercussions sur la société qui a reçu une contravention majorée, ainsi qu’une contravention pour non désignation.
Retours irréguliers des marchandises
Il est impératif pour la bonne gestion de l’activité que les marchandises non utilisées soient rapportées au dépôt le jour même de la fin du chantier. Nous vous avons dû vous rappeler à plusieurs reprises que les marchandises et documents relatifs à la gestion de chantiers doivent être déposés au magasin après chaque journée de travail.
Or, il s’avère que vous ne respectez pas ces règles. Le retour des marchandises dont vous avez la responsabilité ainsi que vos dossiers de réception de chantier sont rendus en retard. Cela fausse les stocks et entraîne une mauvaise gestion des suivis de dossiers pour vos collègues chargés de la clientèle.
La violation de toutes ces procédures et votre légèreté à les appliquer impactent fortement la société qui a constaté la disparition de nombreuses marchandises de ses stocks.
Non respect du planning de pose
Le 19 septembre 2019, vous vous êtes rendu chez un client sans vérifier au préalable le planning de pose. La procédure, que vous connaissez pourtant, impose de s’assurer de la préparation du dossier de pose et du paiement du client avant toute intervention. Ce comportement inacceptable renvoie à une image d’amateurisme de la société.
Manquements professionnels chez les clients
Vous vous étiez engagé, dans votre contrat de travail, à représenter l’entreprise « au mieux de ses intérêts et conformément à son image commerciale ».
Or, le 4 septembre 2019, un client nous a fait part de son mécontentement et a mis en cause votre gestion du chantier en énumérant de nombreux manquements :
– évaluation erronée des besoins du chantier ;
– incohérence entre la quantité commandée et celle livrée ;
– erreur relative à la prise des mesures ;
– absence d’explications au client ;
– retard sur le planning de pose.
De surcroît, des malfaçons ont été constatées sur deux de vos chantiers. Les clients ayant engagé des recours contre la société, ont exprimé leur insatisfaction et ont mis en cause votre professionnalisme.
Ces faits traduisent une négligence fautive dans la réalisation de vos missions de « responsable de pose ». Par votre attitude non professionnelle, vous avez engagé la responsabilité de la société et terni sa réputation.
Insubordination
Le vendredi 15 novembre 2019, des salariés constataient l’absence de la scie DEWALT que vous utilisez quotidiennement et une scie Makita.
Le lundi 18 novembre 2019, la Direction vous a sommé de restituer les matériels ce que vous avez fermement refusé en prétendant que les machines étaient « en réparation ». Sur un ton insolent et volontairement provocateur, vous avez refusé d’indiquer à l’employeur le « lieu de réparation » de ces matériels. En outre, votre insubordination s’est accompagnée d’un chantage inacceptable puisque vous avez affirmé que le retour des matériels de l’entreprise dépendrait de l’issue de la procédure disciplinaire engagée à votre encontre.
Ces mensonges n’étaient que des prétextes pour nuire à l’entreprise. Ce n’est qu’à réception de notre courrier RAR et notre courriel de mise en demeure reçu par vos soins le 20 novembre 2019, que vous avez pris conscience de la gravité de votre comportement et avez daigné restituer ces matériels indispensables à notre activité le jeudi 21 novembre 2019.
Votre comportement est totalement inadmissible : l’absence de la machine DEWALT a perturbé le bon fonctionnement de l’activité et les découpes des plinthes sur le chantier d’un client n’ont pas pu être réalisées, la scie DEWALT que vous aviez dans votre camion étant la seule à couper les plinthes de recouvrement. La société a dû pallier votre comportement fautif en louant une scie similaire afin d’honorer ses engagements auprès des clients pour la période du 18 au 21 novembre 2019.
Savoir-être
Vous avez un comportement récurrent visant à intimider vos collègues de travail de sexe féminin en tenant des propos virulents à leur égard. Or, le lieu de travail doit rester un espace sûr et aucun salarié ne doit se sentir menacé ou agressé verbalement par ses collègues.
Votre indiscipline persistante et vos comportements fautifs mettent en cause la bonne marche de l’activité. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible. ».
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l’employeur ne caractérisent pas une faute grave, il doivent rechercher si ces faits n’en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
M. [E] soulève tout d’abord la prescription des griefs relatifs à l’utilisation du véhicule de service et aux manquements professionnels chez les clients.
La société considère quant à elle que la prescription ne peut être acquise dans la mesure où le comportement fautif du salarié a persisté.
Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
La société verse aux débats des échanges de messages téléphoniques entre M. [E] et une tierce personne qui lui demande de laisser le camion au magasin. Ces messages datent de novembre 2018 puis du 29 juillet, sans précision quant à l’année.
Dans un courriel du 10 septembre 2019, M. [D], chargé de clientèle, indique également avoir rappelé à plusieurs occasions à M. [E] de laisser le camion au magasin mais que ce dernier ne tenait pas compte des recommandations.
Enfin, dans un courriel du 23 octobre 2019, M. [J], coordinateur chantier, précise que : « M. [E] doit normalement laisser le camion, à son retour du chantier au dépôt, se qu’il fait rarement, cela entraîne des complications pour effectuer ces contrôles d’entretien et de sécurité », sans précision quant à la date du dernier défaut de retour du véhicule.
Il convient toutefois de constater que si les pièces permettent d’établir une utilisation régulière et sans autorisation du véhicule mis à disposition uniquement pour les besoins du service, aucun élément ne permet de démontrer que cette utilisation abusive a perduré dans le délai de deux mois précédant l’engagement des poursuites disciplinaires.
De même, les courriels de Mme [Z] et des consorts [Y], se plaignant de l’absence de suivi du chantier par M. [E] et des erreurs commises dans la prise de métré, datent du 9 août et du 4 septembre 2019, soit plus de deux mois avant l’engagement des poursuites.
Ainsi, il y a lieu de dire ces griefs prescrits et ne pouvant justifier l’engagement de poursuites disciplinaires.
En ce qui concerne le grief relatif aux retours irréguliers de marchandises, M. [D], chargé de clientèle, et M. [K], chargé de préparation de commande, se sont tous deux émus auprès de la direction de la société, par courriels des 10 et 12 septembre 2019, de l’absence de retour par M. [E] des marchandises le soir après la pose, occasionnant des dysfonctionnements de gestion de celles-ci.
Il convient toutefois de constater que la société ne démontre pas avoir informé préalablement le salarié de la nécessité de déposer les marchandises chaque soir, à l’issue du chantier. Ces agissements ne sauraient dès lors être invoqués au soutien du licenciement.
En ce qui concerne l’absence de vérification préalable du planning de pose, M. [E] relève à raison que le protocole de suivi administratif n’est pas signé et qu’il n’est pas démontré qu’il en ait eu connaissance.
En ce qui concerne le grief relatif à l’absence de savoir-être, il apparaît que la société ne justifie d’aucun élément.
En ce qui concerne le grief relatif à la procédure de gestion des contraventions, il est constant que la société a été destinataire d’un avis de contravention relatif à un excès de vitesse commis par M. [E]. Si la société ne démontre pas que cette contravention serait demeurée impayée, il apparaît en revanche que la société a été verbalisée pour non-dénonciation du conducteur. En effet, depuis la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, le responsable légal doit désigner, dans un délai de 45 jours, le salarié auteur de l’infraction.
Or, dans un courriel du 20 septembre 2019 adressé à la direction, Mme [I], chargée relation clientèle, indique : « Nous venons de recevoir un avis de contravention majoré concernant une infraction pour excès de vitesse le 17/06/2019 à 12h07 avec le véhicule IVECO [Immatriculation 4] (sens [Localité 6]/[Localité 5]).
Je me permets de revenir vers vous pour vous donné l’historique.
A la réception du premier avis début juillet, j’ai voulu procéder à la dénonciation de M. [E] [X], mais d’après ses dires et d’après notre planning de pose, les 2 équipes de pose, se trouvaient dans le nord (sur le chantier Air Austral). Il semblait alors étrange de recevoir cette contravention.
[X] devait faire le point avec les autres poseurs afin d’éclaircir la situation et savoir qui nous devions dénoncer et me tenir informé.
En attente de son retour, j’ai laissé cet avis de contravention dans la bannière, pendant mes 2 jours de formation hebdomadaires, au Greta (mercredi et jeudi).
A mon retour, le vendredi, l’avis n’était plus dans la bannière, j’ai alors demandé à [X] ce qu’il en était et il m’a alors dit qu’il était allé faire le nécessaire lui-même et que cela était traité.
Je lui ai alors demandé à plusieurs reprises qu’il me fournisse un justificatif et qu’il me retourne l’avis. Je n’ai malheureusement jamais eu de retour de sa part.
J’ai aujourd’hui même contacté [X] pour l’informé de la situation. Il m’a répondu qu’il me rapporterait le justificatif dès lundi. »
Au vu du récit des faits, M. [E] ne peut sérieusement reprocher à la société de ne pas avoir gardé une copie de l’avis de contravention, dès lors qu’il a lui-même pris possession de l’original sans en avertir sa hiérarchie.
En outre, il est inexact de dire que la société pouvait en tout état de cause procéder à la dénonciation de l’auteur de l’infraction, la communication du numéro de l’avis de contravention étant indispensable à l’identification du responsable légal destinataire du dit avis.
Ainsi, en ne déférant pas aux demandes réitérées de la société tendant à se voir remettre l’avis de contravention, M. [E] a commis une faute, d’autant que la société a subi un préjudice financier, étant verbalisée pour non dénonciation de l’auteur de l’infraction.
Enfin, en ce qui concerne le grief relatif à l’insubordination, il apparaît que la société ne reproche pas à M. [E] la disparition de deux scies mais son refus de les rapporter dès mise en demeure de le faire.
M. [E] ne conteste pas avoir emporté à son domicile les deux scies objet du litige, mais l’explique par la nécessité d’apporter des réparations à ces matériels. Dans son courrier du 21 novembre 2019, M. [E] conteste avoir refusé de les rendre mais affirme que ces machines étaient en réparation et qu’il entendait les restituer le 26 novembre suivant, jour de son entretien.
Pour autant, il ressort des pièces versées aux débats que par courrier du 18 novembre 2019, la société a mis en demeure M. [E] de restituer sans délai les deux scies à coupe d’onglet et à délignage et que par courriel du 20 novembre 2019, la société a de nouveau sommé son salarié de les restituer immédiatement, précisant que ce dernier aurait refusé à plusieurs reprises.
M. [E], qui ne justifie d’aucune réparation des outils ‘ M. [A], poseur indépendant attestant quant à lui du bon fonctionnement de la scie à onglet circulaire Dewalt ‘ et, en conséquence, d’aucune impossibilité de déférer immédiatement aux sommations de son employeur, a fait ‘uvre de refus injustifiés et a obligé la société à recourir à la location d’une scie du 18 au 21 novembre 2019, ainsi que cela est justifié par la facture de la société Enduit de Bourbon, ce qui a occasionné un préjudice financier à la société.
Le refus de remise de l’avis de contravention et de restitution de deux scies, emportées sans accord préalable de son employeur, sont constitutifs de fautes de la part du salarié mais de tels faits ne rendaient pas impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis, de sorte que la faute grave sera requalifiée en faute simple.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement étant justifié par une faute simple.
Sur les conséquences du licenciement
Compte tenu de la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple, M. [E] peut prétendre à une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis et au rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire.
En revanche, M. [E] ne peut valablement solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
‘Sur la détermination du salaire de référence
Vu l’article R. 1234-4 du code du travail ;
En l’espèce, M. [E] considère que le salaire de référence à retenir pour déterminer le montant des indemnités qui lui sont dues, doit correspondre à sa rémunération brute mensuelle qu’il évalue à la somme de 2 610,28 euros, sans plus d’explications quant aux modalités de calcul. Il reproche en revanche à l’employeur de retenir un salaire reconstitué de 1 977,05 euros pour les mois de mars et avril 2019, considérant qu’il s’agit uniquement du salaire de base.
Pour déterminer le salaire de référence, la société retient les douze dernières rémunérations brutes perçues préalablement à la rupture du contrat de travail, l’évaluant à la somme de 2 293,75 euros.
Il est constant que M. [E] a été en arrêt maladie du 25 février au 13 avril 2019 et qu’il a perçu des indemnités journalières durant cette période. Il résulte des bulletins de paie et des attestations d’indemnités journalières que la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, formule la plus avantageuse pour le salarié, s’élève à la somme de 2 276,08 euros. En retenant un salaire reconstitué de 1 977,05 euros pour les mois de mars et avril 2019 et un salaire de référence de 2 293,75 euros bruts, la société prend en compte un salaire de référence plus favorable au salarié.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement sur ce point et de fixer le salaire de référence à hauteur de 2 293,75 euros.
‘Sur l’indemnité de licenciement
Vu les articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail ;
M. [E] qui avait une ancienneté de 2 ans et 7 mois d’ancienneté à la date du licenciement a droit à une indemnité de licenciement, laquelle calculée conformément aux dispositions précitées, en considération du salaire de référence de 2 293,75 euros, est de 1 481,38 euros [(2 293,75/4 x2) + (2 293,75/4 x 7/12)].
‘Sur le rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire
Il est constant que conserve son droit à rémunération pendant la période de mise à pied prononcée à titre conservatoire le salarié dont le licenciement n’est pas consécutif à une faute grave.
Ainsi, il convient d’accorder à M. [E] la somme de 912,47 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire et de 91,24 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.
‘Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Vu l’article L. 1234-1 du code du travail ;
Il n’est pas contesté que le salarié bénéficie d’une reprise d’ancienneté au titre de son premier contrat et d’une ancienneté de 2 ans et 7 mois.
En conséquence, M. [E] peut prétendre, contrairement à ce qui a été retenu par le conseil de prud’hommes, à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire bruts, soit la somme de 4 587,50 euros, outre 458,75 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la remise de documents de fin de contrat
Il convient de faire droit à la demande de M. [E] et de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il ordonne la remise de documents de fin de contrat conformes à la présente décision.
Il n’y a en revanche pas lieu d’assortir cette obligation de faire d’une astreinte, à défaut d’allégations le justifiant.
Sur la remise tardive de l’attestation Pôle emploi
Selon l’article R. 1234-9 du code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.
Les documents de fin de contrat, dont l’attestation Pôle emploi, sont des documents quérables et non portables. La seule obligation de l’employeur est donc de tenir ces documents à la disposition du salarié et de l’en informer, sans avoir à lui envoyer. C’est au salarié qui réclame des dommages et intérêts pour un retard dans leur délivrance de justifier qu’il les a réclamés et qu’il s’est heurté à l’inertie ou au refus de l’employeur.
En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement, il est indiqué que : « Nous tenons à votre disposition un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi, ainsi que les salaires et indemnités qui vous sont dus. ». M. [E] justifie uniquement avoir sollicité l’envoi de l’attestation Pôle emploi dans un courrier du 30 décembre 2019, alors que la société justifie avoir remis le dit document en main propre du salarié le 16 décembre 2019.
Le jugement sera donc également infirmé de ce chef et M. [E] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement aux obligations conventionnelles
L’article L. 911-7 III du code de la sécurité sociale dispose que l’employeur assure au minimum la moitié du financement de la couverture collective à adhésion obligatoire des salariés en matière de remboursement complémentaire des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.
M. [E] ne conteste pas que l’employeur a souscrit un contrat collectif de prévoyance pour l’ensemble du personnel, mais se prévaut de la convention collective nationale du négoce de l’ameublement du 31 mai 1995 et de l’accord du 30 juin 2015, étendu par arrêté du 18 décembre 2015, qui prévoient que les salariés relevant de cette convention collective, ce qui est le cas en l’espèce, bénéficient d’une complémentaire santé dont les cotisations sont réparties à hauteur de 60 % à la charge de l’employeur et de 40 % à la charge du salarié.
La société ne conteste pas avoir limité sa prise en charge à la moitié des cotisations dues à ce titre, sans s’expliquer sur l’application de la convention collective.
Il est donc établi que l’employeur n’a pas appliqué loyalement la convention collective sur ce point, ce qui a laissé à la charge du salarié une part trop importante de cotisations, et lui a nécessairement occasionné un préjudice.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société à payer à M. [E] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat
Le salarié demande à être indemnisé eu égard aux manquements de l’employeur à ses obligations, se prévalant de l’accident du travail survenu le 25 février 2019 ayant justifié un arrêt jusqu’au 13 avril 2019. M. [E] soutient que la société a continué ensuite à se montrer négligente à l’égard de son obligation d’assurer la sécurité de ses salariés.
La société soulève l’irrecevabilité de la demande, considérant que la présente juridiction n’est pas compétente pour accorder une indemnisation au titre de la réparation d’un accident du travail qui résulterait d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Sous couvert d’une demande indemnitaire, M. [E] sollicite en réalité l’indemnisation d’une faute inexcusable de l’employeur, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, qui serait à l’origine de l’accident du travail du 25 février 2019.
M. [E] n’ayant toutefois pas agi en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur en suite de l’accident du travail du 25 février 2019 devant la juridiction de sécurité sociale, la demande indemnitaire formée à ce titre dans le cadre de la présente instance est irrecevable.
M. [E] fonde également et plus largement sa demande indemnitaire sur le manquement persistant de l’employeur à son obligation, à défaut d’édition du document unique d’évaluation des risques, de formation des salariés sur la sécurité et de remise aux salariés des équipements de protection nécessaires.
La société considère que son manquement n’est pas démontré.
Il apparaît en effet que M. [E] fait uniquement référence à la défectuosité des machines dans son courrier du 21 novembre 2019, à l’issue des deux mises en demeure de la part de l’employeur de restitution des dites machines, et alors que la procédure disciplinaire était engagée.
Il y a lieu de constater que la preuve d’un prétendu manquement de la part de l’employeur à son obligation de sécurité n’est pas rapportée. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de formation
M. [E] indique n’avoir jamais bénéficié de formations et n’avoir jamais été informé de son droit à formations, n’ayant pas bénéficié d’entretiens annuels. Il reproche également à l’employeur de ne pas avoir versé les cotisations liées à la formation professionnelle.
Le conseil de prud’hommes retient à raison, dans des motifs que la cour s’approprie, qu’il appartient au salarié de prendre l’initiative de mobiliser un compte personnel de formation et de demander à son employeur de suivre une formation, et ce, en application des dispositions de l’article L. 6323-2 du code du travail. M. [E] n’apporte pas la preuve d’une telle demande et du refus subséquent de l’employeur.
Aucune disposition légale n’impose à l’employeur d’apporter une information particulière au salarié à propos de son droit à formation.
En outre, M. [E] ne démontre pas que la contribution de l’employeur à la formation professionnelle, prévue par les articles L. 6331-1 et L. 6331-3 du code du travail, n’est pas incluse dans les « autres cotisations dues par l’employeur » apparaissant dans les bulletins de paie et acquittées par la société.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement ;
Infirme le jugement rendu le 2 février 2021 par le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre sauf en ce qu’il a :
– condamné la société Moquette 2000 à payer à M. [E] les sommes de 912,47 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire et de 91,24 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– ordonné à la société Moquette 2000 la remise des documents de fin de contrat conformes,
– condamné la société Moquette 2000 à payer à M. [E] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles,
– débouté M. [E] de ses demande de dommages-intérêts pour manquement de la société Moquette 2000 à son obligation de sécurité et à son obligation de formation ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit que le licenciement de M. [E] est justifié par une faute simple ;
Fixe le salaire de référence à hauteur de 2 293,75 euros ;
Condamne la société Moquette 2000 à payer à M. [E] les sommes de :
– 1 481,38 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 4 587,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 458,75 euros au titre des congés payés afférents ;
Déboute M. [E] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute M. [E] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive de l’attestation Pôle emploi ;
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Moquette 2000 aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le président