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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 24 MAI 2022 à
Me Philippe [T]
la SCP LAVAL – FIRKOWSKI
AD
ARRÊT du : 24 MAI 2022
MINUTE N° : – 22
N° RG 19/03942 – N° Portalis DBVN-V-B7D-GCPW
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 21 Novembre 2019 – Section : COMMERCE
APPELANT :
Monsieur [B] [P]
né le 30 Juillet 1966 à TOURS (37000)
Les Quatre Vents
45270 QUIERS SUR BEZONDE
représenté par Me Philippe POULIN, avocat au barreau de MONTARGIS
ET
INTIMÉES :
SA AXA FRANCE IARD agissant en la personne de son représentant légal domicilié
en cette qualité au siège social
313 Terrasses de l’Arche
92727 NANTERRE CEDEX
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Isabelle OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS
SA AXA FRANCE VIE agissant en la personne de son représentant légal domicilié
en cette qualité au siège social
313 Terrasse de l’Arche
92727 NANTERRE CEDEX
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Isabelle OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture : 15 février 2022
Audience publique du 08 Mars 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l’absence d’opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 24 Mai 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [B] [P] a été engagé le 26 août 1991 par la compagnie d’assurances UAP, d’abord en qualité de conseiller épargne prévoyance puis de chargé de clientèle et animateur.
A la suite de la fusion entre les compagnies UAP et AXA, le contrat de travail de M. [B] [P] a été transféré à la SA AXA France à compter de l’année 1997 et celui-ci a occupé des fonctions de responsable de clientèle.
Le 16 novembre 2016, M. [B] [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 novembre 2016.
Le 12 décembre 2016, la SA AXA France a invité M. [B] [P] à faire savoir s’il souhaitait la réunion du conseil prévu par la convention collective de travail des échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d’assurances du 13 novembre 1967.
M. [B] [P] a sollicité la réunion du conseil, laquelle s’est tenue le 5 janvier 2017.
Le 11 janvier 2017, M. [B] [P] a été licencié pour cause réelle et sérieuse, l’employeur lui faisant grief d’avoir déclaré à tort un déplacement effectué le 14 mai 2016 comme ayant un objet professionnel et s’être fait rembourser des frais kilométriques et des frais de restauration.
Le 6 juillet 2018, M. [B] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Montargis aux fins de voir juger le licenciement dont il a été l’objet sans cause réelle et sérieuse, et d’obtenir diverses sommes au titre de la rupture et du harcèlement moral dont il aurait été victime.
Par jugement du 21 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Montargis, section commerce, a :
Débouté M. [B] [P] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamné M. [B] [P] aux entiers dépens.
M. [B] [P] a interjeté appel de cette décision le 23 décembre 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions remises au greffe par voie électronique le 23 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [B] [P] demande à la cour de :
Dire et juger tant recevable que bien fondé l’appel interjeté par M. [B] [P] à l’encontre du jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Montargis le 21 novembre 2019,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [B] [P] de l’intégralité de ses demandes,
Statuant à nouveau,
Constater le harcèlement dont M. [B] [P] a fait l’objet,
Constater la commission du délit de rappel d’une sanction disciplinaire amnistiée par les SA AXA France IARD et AXA France Vie,
Constater l’incapacité de la Société AXA à lui fournir les éléments de vérification des opérations de production de mars 2017,
Dire et juger le licenciement de M. [B] [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Condamner solidairement les sociétés SA AXA France IARD et AXA France Vie et à payer à M. [B] [P] les sommes de :
238 806 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de fourniture des éléments nécessaires à la vérification de la rémunération des opérations de production du mois de mars 2017,
500 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans la transmission de l’attestation DIF au 31 décembre 2014,
– Condamner solidairement les sociétés SA AXA France IARD et AXA France Vie à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner solidairement les sociétés SA AXA France IARD et AXA France Vie aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 14 février 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles les SA AXA France IARD et SA AXA France Vie, relevant appel incident, demandent à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris,
Et en conséquence,
Débouter M. [B] [P] de ses moyens d’appel ainsi que de ses conclusions,
Faire droit aux écritures de la Société concluante,
Et en conséquence,
Confirmer toutes les dispositions du jugement de première instance, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle,
Y ajoutant,
Faire droit à l’appel incident de la société concluante, et infirmant le jugement entrepris de ce seul chef
Condamner M. [B] [P] à lui verser la somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et atteinte injustifiée à la réputation de l’entreprise,
Condamner M. [B] [P] à payer à la société AXA France la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d’appel,
Condamner M. [B] [P] aux entiers dépens
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l’appui de sa demande, M. [B] [P] invoque les faits suivants (conclusions, p. 25 à 28) :
– « Aussi, M. [P] qui était rattaché à l’inspection de Montargis dont les locaux sont situés rue Jean Jaurès, on pouvait aisément disposer de l’accès aux locaux de l’inspection pour pouvoir y travailler et y disposer d’une connexion internet performante, alors que habitant à Quiers sur Bezonde, la connexion internet n’était pas des plus fiables, ce qui ne pouvait qu’ajouter au temps passé sur l’exécution des tâches, alors que d’autres de ses collègues (certains ayant également des problèmes de connexion) disposaient des clés » (conclusions, p. 25).
M. [B] [P] est domicilié à Quiers sur Bezonde (Loiret). Il ne ressort d’aucune des pièces qu’il verse aux débats que la connexion du lieu de son domicile n’était pas fiable ;
– « De même, nombre de dysfonctionnements sont apparus sur les programmes et applications mis à la disposition de M. [P] comme de ses collègues, tant en ce qui concerne la gestion des dossiers des clients avec parfois des prélèvements en double au détriment des clients qui se tournaient vers leur interlocuteur direct M. [P] qui se rapprochait du service compétent pour obtenir la passation des écritures en adéquation avec les opérations sur les contrats » (conclusions, p. 25).
M. [B] [P] ne précise pas, dans ses conclusions, les pièces sur lesquelles il fonde cette allégation. Aucune des pièces qu’il produit n’est de nature à en établir la matérialité.
– « C’est sans compter sur les missions confiées dans le cadre de l’identification des contrats non réglés dite opération O CONNOR qui nécessitait un temps important pour une faible rémunération » (conclusions, p. 25).
M. [B] [P] ne précise pas, dans ses conclusions, les pièces sur lesquelles il fonde cette allégation. Sa pièce 43, dont l’intitulé est « Ma loyauté et mon professionnalisme / AXA Déloyauté Classeur bleu » et qui fait référence à un courriel du 20 avril 2015 relatif à la « nécessité de se mobiliser pour l’opération O CONNOR » est dénuée de toute valeur probante.
– « Concernant les relevés d’opérations de production, alors que la Société AXA prétend ne pas conserver les éléments nécessaires à leur établissement, alors qu’ils sont déterminants pour établir les bulletins de salaire et qu’elle se devait donc de conserver sur le même temps que la durée de la prescription des salaires, à savoir trois ans en application des dispositions de l’article L. 3245-1 du Code du Travail pour le salaire de mars 2017, ce qui contraint aujourd’hui M. [P], en parallèle, à formuler une demande de dommages et intérêts à ce titre à défaut d’autres éléments » (conclusions, p. 25).
Contrairement à ce que soutient M. [B] [P], les SA AXA France IARD et SA AXA France Vie ont produit, dans le cadre du présent litige, les relevés d’opérations de production litigieux (pièces n° 16, 19 et 19 bis) et, en tout cas, les éléments lui permettant de vérifier les modalités de calcul de la part variable de sa rémunération. Ce fait n’est pas établi. Il y a lieu de débouter M. [B] [P] de la demande de dommages-intérêts qu’il forme au titre de l’absence de fourniture des éléments nécessaires à la vérification de la rémunération des opérations de production du mois de mars 2017. Le jugement est confirmé de ce chef.
– « La société AXA n’a cessé jusqu’en 2018 de transmettre les feuilles de reprises de commission et les feuilles d’avis d’échéances jusqu’au 07 juillet 2017 alors que M. [P] n’était plus en fonction (pièces [T] 27 à 30)» (conclusions, p. 26).
M. [B] [P] verse aux débats deux courriers qui lui ont été adressés respectivement les 8 juin 2017 et 6 avril 2017 (pièces 29 d et 30) par la SA AXA France IARD afin de l’informer de l’arrivée à terme de contrats souscrits par ses clients. L’envoi de ces documents, qui procède d’une erreur administrative, ne peut être utilement invoqué à l’appui de sa demande au titre du harcèlement moral puisque ces courriers sont postérieurs à la cessation des relations contractuelles.
– « Il sera rappelé à ce titre l’accident vasculaire cérébral dont il a été victime sur le lieu de travail en novembre 2013 auquel les conditions de travail ne sont pas étrangères, même si celui-ci n’a pas été reconnu comme accident de travail. M. [P] n’a pas calculé un délai de 30 jours pour reprendre son travail qui lui plaisait pour mettre AXA en faute et la décharger de la planification de sa non visite de reprise à quelques jours près. Il d’ailleurs contesté cette décision et ce n’est pas par un coup de marteau sur le genou par un médecin généraliste qu’on en déduit que les lésions indiquées sur le certificat médical du 12/11/2013 n’ont pas de lien de causalité direct et exclusif avec l’activité professionnelle de l’assuré. Après une telle alerte, sa volonté de travail l’a emporté pour se rétablir et comme toujours donner le meilleur de lui-même pour AXA, mais là aussi AXA n’a pas plus pris de précaution pour sa santé (pièce 72 M° [T]), en ne le soumettant à aucune visite médicale entre le 15/05/2013 et le 9/06/2016 contrevenant à son obligation légale et contractuelle et qui figure sur son contrat de travail !!!! Il convient de rappeler que d’une part le contrat de travail de M. [P] prévoyait une visite médicale du travail annuelle, qu’il n’en a pas eu pendant trois, et que cela aurait manifestement été le moment de l’y soumettre à la fin de son arrêt maladie » (conclusions, p. 26 et 27).
– « Ce harcèlement s’est poursuivi dans ces dysfonctionnements lorsqu’il a été demandé à M. [P], à la suite de son licenciement, de rembourser ses prêts par courrier du 08 février 2017, alors que les documents de fin de contrat lui ont été transmis par courrier du 12 mars 2017, et qu’à la date du 08 février 2017, M. [P] n’avait pas encore perçu son indemnité de licenciement »(conclusions, p. 27).
– « Ses clients n’ont pas non plus, été avisés de la cessation de ses fonctions par la société AXA, puisqu’il [ M. [B] [P] ] n’a cessé de recevoir des courriers et des appels téléphoniques de ceux-ci jusqu’en août 2018, alors qu’il était hospitalisé à cette période » (conclusions, p. 27).
M. [B] [P] verse aux débats (pièce 29 b) une lettre adressée le 16 juin 2017 à Mme [L] [P] par la SA AXA France Vie afin de l’informer que M. [B] [P] avait cessé ses fonctions au sein de la société. Il en ressort que l’employeur a bien informé ses clients de son départ de l’entreprise. Les courriers que le salarié verse aux débats résultent non pas de l’employeur mais d’erreurs de clients qui ont continué à écrire à leur ancien conseiller (notamment pièce 29 a). En tout état de cause, M. [B] [P] n’est pas fondé à invoquer à l’appui d’une demande de harcèlement moral formée devant la juridiction prud’homale des faits postérieurs à la cessation des relations contractuelles.
A l’exception des faits que la cour a considérés comme non établis, les éléments allégués par M. [B] [P] laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Contrairement à ce que soutiennent les SA AXA France IARD et SA AXA France Vie, il importe peu que le salarié n’ait pas informé sa hiérarchie, au cours de la relation de travail, qu’il avait subi des faits de harcèlement moral et n’ait pas saisi le CHSCT à cette fin.
Il ressort des pièces médicales produites que M. [B] [P] a été victime le 12 novembre 2013 d’un accident vasculaire cérébral, lequel n’a pas été reconnu par la CPAM comme étant un accident du travail (pièce n° 24 du dossier employeur). La durée de l’arrêt de travail étant inférieure à 30 jours, les SA AXA France IARD et SA AXA France Vie n’étaient pas tenues d’organiser de visite de reprise. Il ne ressort d’aucun élément du dossier que cet accident vasculaire cérébral serait en lien avec les conditions de travail de M. [B] [P].
En revanche, il ressort de la fiche d’aptitude médicale du 9 juin 2016 (pièces n° 2 et 72 du dossier du salarié, identiques) que M. [B] [P] n’a bénéficié d’aucun examen par la médecine du travail entre le 15 mai 2013 et le 9 juin 2016. Ce faisant, l’employeur a manqué à ses obligations. Cependant, il ne résulte d’aucun élément du dossier que cette carence de l’employeur procéderait d’un harcèlement moral.
Il ressort des courriers adressés le 8 février 2017 par la SA AXA France à M. [B] [P] (pièces n° 28 du dossier du salarié) que celui-ci a souscrit deux prêts au personnel, les actes de prêt prévoyant l’exigibilité immédiate de la dette en cas de cessation des fonctions, pour quelque cause que ce soit. Ces modalités sont conformes à l’accord collectif sur les prêts au personnel (pièce n° 20 du dossier de l’employeur). La demande faite au salarié de rembourser ces prêts par anticipation, les courriers litigieux précisant que la créance du prêteur n’est exigible qu’au 12 mars 2017, est conforme aux stipulations des contrats de prêt et est exclusive de tout harcèlement moral.
L’employeur rapporte donc la preuve que les faits invoqués par le salarié sont étrangers à tout harcèlement moral. Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de débouter M. [B] [P] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement du 11 janvier 2017, qui fixe les limites du litige, énonce :
« Il apparaît que vous avez déclaré un déplacement comme étant professionnel le 14 mai 2016 et que vous vous êtes fait rembourser des frais kilométriques et des frais de restauration, cela sur le compte professionnel, alors que le déplacement avait un but privé. Ces faits constituent une fraude aux frais professionnels […]».
A titre liminaire, il y a lieu de relever que cette lettre ne contient aucune référence à une sanction précédemment infligée à M. [B] [P]. Ce dernier ne tire aucune conséquence procédurale de la référence, dans les conclusions de son adversaire, à des sanctions disciplinaires qui auraient été amnistiées. Outre qu’il n’appartient pas à la présente juridiction de constater l’existence d’un délit, il y a lieu de retenir que les effets de l’aministie sont restreints à l’effacement du caractère délictuel de l’infraction commise. Par suite, l’employeur, dans le cadre d’un litige prud’homal, peut invoquer des comportements anciens du salarié, quand bien même les sanctions auxquelles ils auraient donné lieu ont été effacées par une loi d’amnistie.
S’agissant des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, l’employeur rapporte la preuve d’avoir remboursé, à la demande de M. [B] [P], des frais de déplacement de 328,03 euros afférents à un trajet aller-retour de 786 km effectué le 14 mai 2016 par le salarié au moyen de son véhicule personnel entre son domicile de Quiers sur Bezonde (Loiret) et Bretteville l’Orgueilleuse et Courseulles sur Mer situées dans le Calvados (pièce n° 1).
L’employeur justifie également qu’il remboursé à M. [B] [P] des frais de restauration de 164,70 euros afférents à une facture de trois repas pris le 14 mai 2016 dans le restaurant La Crémaillère de Courseulles sur Mer (pièces n° 2 et 3).
Par un écrit du 25 octobre 2016 revêtu de leur deux signatures, M. et Mme [W], domiciliés à Bretteville l’Orgueilleuse, indiquent avoir été invités par M. [B] [P] le 14 mai 2016 au restaurant La Crémaillère de Courseulles sur Mer. Ils précisent que cette invitation n’avait pas de caractère professionnel mais un caractère familial, l’épouse de M. [P] étant présente (pièce n° 4).
Cet écrit, peu important qu’il ne s’agisse pas d’une attestation conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, emporte la conviction de la cour.
Il est constant que M. et Mme [W] sont les oncle et tante de l’épouse de M. [P]. Il importe peu qu’ils soient également clients de la SA AXA France dès lors qu’ils ont indiqué, dans l’écrit précité, que leur rencontre le 14 mai 2016 avec M. [B] [P] avait un caractère privé. A titre surabondant, il y a lieu de relever que l’allégation du salarié selon laquelle cinq jours après sa visite, M. et Mme [W] auraient procédé à un rachat partiel de contrats ne repose sur aucune pièce.
Il y a lieu de considérer qu’en demandant à son employeur, sous le couvert de frais professionnels, des dépenses n’ayant aucun lien avec son activité pour le compte de la SA AXA France, M. [B] [P] a méconnu les obligations découlant de son contrat de travail.
Il importe peu que l’employeur ait, dans un premier temps, remboursé les sommes demandées par le salarié avant d’en contester le bien-fondé, après avoir effectué un contrôle.
En dépit de la grande ancienneté du salarié – 25 ans -, des bons résultats obtenus par celui-ci au cours de sa carrière et de la satisfaction sur son travail exprimée par plusieurs clients, la fraude commise par le salarié justifie la mesure de licenciement prononcée par l’employeur.
Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Il y a lieu de débouter M. [B] [P] de ses demandes au titre de la rupture.
Sur la demande dommages-intérêts au titre du retard dans la transmission de l’attestation DIF
M. [B] [P] sollicite des dommages-intérêts en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le retard apporté dans la remise de l’attestation DIF établie le 31 décembre 2014.
La pièce litigieuse est versée aux débats par les SA AXA France IARD et SA AXA France Vie (pièce n° 27).
La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, entrée en vigueur le 1er janvier 2015, a instauré le compte personnel de formation (CPF), qui a remplacé le droit individuel à la formation (DIF).
Ainsi que le mentionne l’attestation, les heures acquises au titre de l’ancien DIF doivent être transférées sur le CPF avant le 31 décembre 2020. Il incombait donc à M. [B] [P] de se rendre sur son espace personnel afin de reporter les heures acquises au titre du DIF – 120 heures – et non utilisées.
Il ne résulte d’aucune pièce du dossier que M. [B] [P] n’aurait pas été destinataire en temps et heure de cette attestation ou que celle-ci n’était pas disponible sur son espace personnel. Il n’est pas davantage établi qu’elle n’était pas jointe au courrier adressé à son avocat le 15 mai 2018.
Il ne ressort d’aucun élément du débat que l’employeur n’aurait pas respecté l’obligation qui lui était faite de mentionner sur les bulletins de paie de décembre 2014 ou janvier 2015 les heures acquises au titre du DIF.
En tout état de cause, M. [B] [P] ne justifie pas du préjudice qu’il invoque.
Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de le débouter de sa demande de dommages-intérêts.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et atteinte injustifiée à la réputation de l’entreprise
Il ne ressort pas des éléments du dossier que M. [B] [P] aurait abusé de son droit d’agir en justice.
Les SA AXA France IARD et SA AXA France Vie ne rapportent pas la preuve du préjudice qu’elles invoquent.
Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de les débouter de leur demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner M. [B] [P], partie perdante, aux dépens l’instance d’appel.
Il y a lieu de condamner M. [B] [P] à payer à la SA AXA France la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de le débouter de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu, entre les parties, le 21 novembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Montargis ;
Condamne M. [B] [P] à payer à la SA AXA France la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne M. [B] [P] aux dépens de l’instance d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID