Compte personnel de formation : 25 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/07205

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Compte personnel de formation : 25 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/07205
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 25 MAI 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/07205 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B52HF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 16/11269

APPELANTE

SAS MORI VENICE BAR prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Virginie LISFRANC-GALESNE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0303

INTIME

Monsieur [P] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Mamadou DIALLO, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [P] [S] a été engagé par la société par actions simplifiée (SAS) Mori Venice Bar, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 mai 2012.

La SAS Mori Venice Bar exploite un restaurant situé dans le 2ème arrondissement de [Localité 5].

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des Hôtels-Cafés-Restaurants, le salarié exerçait les fonctions de plongeur/technicien.

Le 20 avril 2016, le salarié s’est vu notifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse, libellé dans les termes suivants :

« A la suite de l’entretien préalable qui s’est déroulé le 14 avril dernier en présence d’un conseiller du salarié, je suis au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le mardi 5 avril dernier, en plein service, vous avez agressé physiquement et verbalement votre collègue, Monsieur [Y] [V], en venant aux mains à deux reprises. Vous avez ensuite quitté votre poste en refusant de vous expliquer.

Vous n’avez pas au cours de l’entretien ni contesté ni démenti avoir frappé Monsieur [Y] [V].

Tenu d’une obligation de sécurité de résultat envers mon personnel et soucieux de préserver la réputation de l’établissement vis-à-vis de la clientèle, je ne peux accepter que des violences physiques soient commises envers un autre salarié de l’établissement ».

Le 15 novembre 2016, M. [P] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour contester son licenciement.

Le 27 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Commerce, a statué comme suit :

– dit que le licenciement prononcé par la SAS Mori Venice Bar à l’encontre de M. [P] [S] est sans cause réelle et sérieuse

– condamne la SAS Mori Venice Bar à payer à M. [P] [S] les sommes suivantes :

* 11 700 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 700 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonne en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS Mori Venice Bar aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [P] [S], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 1 500 euros

– déboute M. [P] [S] de ses autres demandes

– déboute la SAS Mori Venice Bar de sa demande reconventionnelle

– condamne la SAS Mori Venice Bar aux dépens.

Par déclaration du 31 mai 2018, la SAS Mori Venice Bar a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification le 7 mai 2018.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 28 janvier 2019, aux termes desquelles la SAS Mori Venice Bar demande à la cour d’appel de :

– dire l’appel de la société recevable et bien fondé

– infirmer le jugement entrepris

– constater que M. [P] [S] n’a communiqué aucune pièce à l’appui de ses conclusions devant la cour

– constater que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse

– dire l’appel incident irrecevable

Subsidiairement

– constater que les demandes reconventionnelles ne sont pas fondées

– débouter M. [P] [S] de l’ensemble de ses demandes

– condamner M. [P] [S] à payer à la société Mori la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 30 octobre 2018, aux termes desquelles

M. [P] [S] demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 27 mars 2018

– débouter la SAS Mori Venice Bar de l’ensemble de ses demandes

Statuant à nouveau

Y ajouter

* 1 466 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

* 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de mention du Compte Personne Epargne (CPE)

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– la condamner aux entiers dépens.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 9 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

1-1 Sur le bien fondé du licenciement

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est fait grief au salarié d’avoir agressé verbalement et physiquement l’un de ses collègues de travail. Au soutien de ces allégations, l’employeur verse aux débats plusieurs attestations rédigées en italien et qui avaient été écartées par les premiers juges en l’absence de transcription par un expert assermenté. Cette formalité ayant été accomplie en cause d’appel, il ressort que :

– M. [V] [Y], chef de partie et victime de l’agression déclare : « Le 5 avril 2016, vers 22h45, j’étais en train de préparer la mayonnaise à l’aide du mélangeur planétaire, situé dans la pâtisserie. Quand j’ai terminé la préparation, j’ai déposé le mélangeur sale sur le chariot habituel, où l’on pose les casseroles, bacs, gastronomes, etc…sales. C’est alors qu'[P] commence à crier sur moi, en me disant que ce n’est pas l’endroit pour poser le mélangeur planétaire, et qu’à chaque fois que je l’utilisais je devais le lui amener de suite à la plonge (‘) il a commencé à hausser le ton et m’a invité, de manière agressive, à parler en français (« on n’est pas en Italie »). Après cet échange il a empoigné le planétaire, renversant tout ce qui se trouvait sur le chariot, et s’est dirigé vers la plonge en marmonnant des paroles sur un ton agressif. Quelques minutes après, je me dirige vers le frigo (cellule de refroidissement) pour prendre la mayonnaise, et là, je vois [P] qui vient vers moi et me donne un gros coup d’épaule. Je le regarde et je m’en vais pour ne pas avoir de problème. Peu après (…) il se plante devant moi et me dit des paroles de façon agressive, et même si je n’en comprends pas très bien le français, je voyais son attitude agressive à mon égard. J’ai décidé de lui tourner le dos afin de clôturer cet incident et ne pas avoir de problème ; [P] m’a alors donné deux coup d’épaule afin que je me retourne et qu’on continue la discussion. Je me retourne d’un coup je le vois me faire face ; c’est alors qu’interviennent les collègues afin de nous séparer et calmer la situation » (pièce 1 et 6).

– M. [M] [E], un autre chef de partie, qui est intervenu pour les séparer, atteste : « Je déclare avoir vu, le 5/4/2016, à 22h45, M. [P] hurler et vouloir frapper M.[V] [Y], au point que j’ai dû intervenir afin de séparer les deux parties » (pièces 4 et 6).

– M. [R] [G], chef de partie, indique « Je déclare que le soir du 5 avril 2016, pendant le temps du service, à 22h45, j’ai entendu de gros hurlements du plongeur [P], en provenance de la cuisine du Mori Venice Bar ; je suis allée vite voir ce qui se passait. J’ai alors vu le plongeur [P] crier sur le chef de partie [V] [Y]. J’ai voulu séparer les deux parties, chose qu’avait déjà essayée mon collègue [M] [E]. J’ai demandé à [P] d’arrêter, mais lui, très nerveux continuait de parler avec arrogance à [V] [Y]. C’est alors que le chef [K] [O] est intervenu pour calmer la situation » (pièces 5 et 6).

– le chef M. [K] [O] précise, pour sa part : « Je me trouvais dans mon bureau, en train de travailler sur mon ordinateur, j’ai entendu des hurlements en provenance de la cuisine ; j’y ai trouvé M. [P] qui poussait et bousculait son collègue de travail, [V] [Y]. Malgré mon intervention, M. [P] continuait à être assez nerveux et insistant envers son collègue. En voyant cela, j’ai décidé de parler de cet incident avec mon directeur [L] [C], et nous avons décidé de le suspendre de ses fonctions » (pièces 3 et 6).

Le directeur de l’établissement a, quant à lui, témoigné que ce n’était pas la première fois qu’une altercation survenait entre le salarié et l’un de ses collègues (pièce 2).

L’employeur soutient qu’en tant que garant d’une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés il n’avait pas d’autre choix que de licencier M. [P] [S] dont le comportement présentait un risque pour les autres salariés.

M. [P] [S] répond, qu’après la notification de son licenciement, il a immédiatement écrit à l’employeur pour contester les faits qui lui étaient reprochés (pièce 3). Il ajoute que la mesure de licenciement abusive prise à son encontre s’explique par le fait qu’il existait un surnombre au niveau du personnel de la plonge après le transfert des employés de la brasserie Armani, en travaux, à celle du Mori Venice Bar. Le salarié soutient que si les attestations produites par l’employeur sont convergentes c’est qu’elles ont été rédigées par des collègues de travail qui étaient tous originaires de la même région en Italie et qui étaient logés par le propriétaire de l’établissement, également d’origine italienne.

Mais, la cour retient que le salarié ne produit aucun élément permettant d’accréditer ses affirmations et de contredire les nombreux témoignages versés aux débats par l’employeur, alors qu’il aurait pu se procurer les attestations d’autres salariés, non italien, employés à la plonge, où il existait un surnombre, ou au service.

Il s’en déduit que si l’imprécision des témoignages recueillis ne permet pas de caractériser des agressions verbales, en revanche, les violences physiques à l’encontre d’un de ses collègues de travail sont avérées et constituaient une cause réelle et sérieuse motivant le licenciement de M. [P] [S].

Le jugement déféré sera donc infirmé et M. [P] [S] sera débouté de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1-2 Sur l’irrégularité du licenciement

M. [P] [S] fait valoir qu’alors que la lettre de convocation à l’entretien préalable porte la mention « lettre remise en main propre contre décharge », ce document ne comporte pas sa signature. Il demande, donc à ce que la procédure de licenciement soit dite irrégulière et à ce qu’il lui soit alloué une somme de 1 466 euros.

Cependant, la cour observe que le salarié ne prétend pas, dans ses écritures, que la convocation litigieuse ne lui a pas été remise. En outre, il est produit par l’employeur un exemplaire de ce document signé (pièce 11). Enfin, il n’est pas contesté que le salarié s’est bien présenté à l’entretien préalable, accompagné d’un conseiller extérieur qui l’a assisté pour cette occasion.

Il sera, donc, débouté de sa demande de ce chef.

2/ Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de la mention relative au Compte Personnel Epargne (CPE)

Le salarié observe que la lettre de licenciement ne porte aucune mention sur le Compte Personnel Epargne (CPE), alors qu’elle présentait un caractère obligatoire, il demande, en conséquence, une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La cour suppose qu’en parlant de CPE le salarié fait référence au Compte Personnel de Formation (CPF). Or, depuis la mise en place de ce dispositif qui a succédé au Droit Individuel à la Formation, le 1er janvier 2015, l’employeur n’a plus besoin d’y faire référence dans la lettre de licenciement. M. [P] [S] sera donc débouté de sa demande de ce chef.

3/ Sur les autres demandes

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [P] [S], partie succombante, supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dit l’appel de la SAS Mori Venice Bar recevable,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la SAS Mori Venice Bar de sa demande reconventionnelle,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [P] [S] fondé,

Déboute M. [P] [S] de toutes ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [S] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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