Compte personnel de formation : 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/02025

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Compte personnel de formation : 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/02025
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ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 708/22

N° RG 19/02025 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SUKX

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

16 Septembre 2019

(RG F18/00178 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme [K] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Loïc RUOL, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S. PRO IMPEC

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me François ROCHET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l’audience publique du 27 Avril 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 06 Avril 2022

EXPOSE DES FAITS

[K] [J] a été embauchée à temps partiel à compter du 17 mai 2010, avec une reprise d’ancienneté au 2 janvier 2001, en qualité d’agent de service, par la société PRO IMPEC.

Elle a fait l’objet de deux avertissements infligés les 13 mai 2011 et 24 février 2014 et motivés, le premier, par l’apposition de graffitis sur les murs d’un local professionnel et le second, par une altercation avec son chef d’équipe.

Elle a enfin été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 novembre 2015 à un entretien le 25 novembre 2015 en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. A l’issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 novembre 2015.

 

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous travaillez pour le compte de notre société sur le site EDF CCG situé à [Localité 4] du lundi au jeudi de 14 heures 30 à 19 heures 45 et le vendredi de 14 heures 30 à 19 heures 30.

Or le lundi 16 Novembre 2015 Monsieur [Z], votre responsable d’agence est venu vous voir sur votre lieu de travail afin de vous informer que suite au départ de plusieurs bungalows sur la base site du CCG nous devions réorganiser votre poste de travail et vous faire intervenir dans la partie bureau au lieu de la partie vestiaire. Il est évident que cela ne modifie en rien votre contrat de travail avenant n°4 du 01/07/2015.

Vous avez formellement refusé cette nouvelle organisation. Monsieur [Z] restant sur ses positions, vous avez alors fait preuve d’insubordination en refusant de prendre en compte ses nouvelles directives d ‘organisation, qui plus est sur un ton très élevé et fortement désinvolte (dérangeant le personnel EDF qui intriguait par vos éclats de voix est sorti de son bureau pour comprendre qui en était à l’origine).

De plus, votre responsable vous a prié à plusieurs reprises de vous calmer mais sans effet. Vous avez également annoncé à votre responsable que « vous n’en resteriez pas là » ce que nous considérons comme une menace.

Nous tenons à vous rappeler, Madame [J] [K] que ce n’est pas la première fois que vous avez un comportement inapproprié sur votre lieu de travail.

En effet en Avril 2011 notre client était à la recherche de la personne ayant fait des graffitis sauvages sur des éléments muraux ou métallisés d’un local professionnel. Après une analyse graphologique comparative du cabinet DELHAYZE il a été démontré que vous en étiez l’auteur. Monsieur [H] [U], responsable d’agence de l’époque, vous a alors reçue entretien le 9 mai 2011 afin de vous exposer les faits qui vous étaient reprochés et suite à cet entretien nous avons notifié votre premier avertissement en date du 13 Mai 2011 par LRAR.

De plus en date du 18 Février 2014 vous avez eu une altercation avec votre chef d’équipe Monsieur [G] [M] et cela même devant le bureau de garde de notre client. L ‘altercation est tellement importante que vos échanges verbaux ont été entendus jusqu’au 3ème étage de ce bâtiment. Suite à cette altercation Monsieur [U], votre supérieur hiérarchique, s’est entretenu avec vous-même et Monsieur [M] afin de vous confronter et d’avoir une explication sur cette altercation. Votre justification était très confuse et non recevable, c’est donc pour cette raison que nous vous avons notifié ce deuxième avertissement en date du 24 Février 2014.

Nous pensions sincèrement que suite à ces deux avertissements vous aviez pris conscience de la nécessité de’ changer définitivement votre comportement.

Nous sommes forcés de constater que ce n’est pas le cas, car vous avez récidivé et cette fois envers votre responsable d’agence, Monsieur [Z] [C].

Vous comprendrez que nous ne pouvons accepter votre comportement qui est extrêmement préjudiciable au bon fonctionnement du service dans lequel vous exercez vos fonctions mais nuit également à l’image de notre société et à nos bonnes relations commerciales avec nos clients.

Votre attitude et votre comportement nous conduisent à vous licencier pour les motifs suivants : Faute grave pour insubordination caractérisée envers vos responsables»

A la date de son licenciement, [K] [J] percevait un salaire mensuel brut moyen de 1382 euros et était assujettie à la convention collective des entreprises de propreté et services associés.

Par requête reçue le 27 janvier 2016, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes afin d’obtenir l’annulation de l’avertissement du 24 février 2014, de faire constater l’illégitimité de son licenciement et d’obtenir le versement d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 16 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a condamné la société à lui verser

– 691 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire

– 69,10 euros au titre des congés payés y afférents

– 2764 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 276,40 euros au titre des congés payés y afférents

– 3087 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec exécution provisoire

et a débouté la salariée du surplus de sa demande.

Le 15 octobre 2019, [K] [J] a interjeté appel partiel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 6 avril 2022, la procédure a été clôturée et l’audience des plaidoiries a été fixée au 27 avril 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 13 janvier 2020, [K] [J] sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris, l’annulation de l’avertissement du 24 février 2014 et la condamnation de la SAS PRO IMPEC au paiement de

– 3000 euros à titre de dommages et intérêts

– 20000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3000 euros pour défaut d’information du D.I.F.

– 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

L’appelante expose que la société lui a infligé un avertissement pour une grave altercation le 18 février 2014 à 15h45 avec [G] [M], un collègue de travail, en face du bureau de [F] [N], que dès le 27 février 2014, par lettre recommandée elle a contesté formellement cet avertissement en relatant précisément les faits et en dénonçant la forme de harcèlement que [G] [M] exerçait sur sa personne, que les explications et les éléments qu’elle produit aux débats permettent de constater que les griefs articulés par la société PRO IMPEC ne sont ni établis ni justifiés, que les premiers juges ont à juste titre estimé que la faute grave qui lui était reprochée n’est pas avérée, qu’elle nie l’insubordination imputée, que comme unique élément probatoire à l’appui de sa thèse, la société verse aux débats une attestation de [C] [Z], qu’en mai 2015, la société PRO IMPEC lui avait adressé une lettre recommandée pour envisager un changement d’affection à la suite de la fermeture du site EDF de [Localité 4], que son employeur cherchait à l’évincer depuis plusieurs années en raison de sa personnalité et de son récent retour d’un congé parental, qu’il ne rapporte aucune preuve de ce qu’il prétend s’être passé le 16 novembre 2015, que la lettre de licenciement ne fait pas état de son compte personnel de formation et des heures déjà acquises par elle au titre du D.I.F. au 31 décembre 2014, que cette situation lui a occasionné un préjudice, qu’elle ne mentionne pas non plus le dispositif relatif à la portabilité de la prévoyance et la possibilité de continuer de profiter du maintien des couvertures complémentaires santé et prévoyance, que cette absence de mention lui porte préjudice.

 

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 7 février 2020, la société PRO IMPEC intimée sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l’appelante à lui verser euros 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

L’intimée soutient que l’appelante a attendu trois ans pour contester l’avertissement en cause, que celle-ci n’a jamais contesté la réalité de l’incident ayant motivé cette sanction, que s’agissant du licenciement, la relation de travail avait été émaillée de nombreux incidents, que la multiplication des faits fautifs justifie la faute grave, que [C] [Z] atteste de la réalité du comportement fautif de la salariée, qu’elle s’est opposée au pouvoir de direction de son employeur et a perturbé le travail du personnel de l’EDF par ses cris, qu’en refusant la nouvelle organisation envisagée par la société, elle a bien fait preuve d’insubordination, qu’elle avait fait l’objet d’avertissements antérieurs pour des faits similaires, que les témoignages produits par l’appelante sont de pure complaisance, que depuis 2015, la lettre de licenciement ne doit plus comporter de mentions portant sur le DIF, que sur le certificat de travail figure la portabilité de la prévoyance.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Attendu en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, sur l’allocation de la somme de 3000 euros pour défaut de mention dans la lettre de licenciement du dispositif relatif à la portabilité de la prévoyance et à la possibilité pour l’appelante de continuer de profiter du maintien des couvertures complémentaires santé et prévoyance, que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties ; que ce chef de demande ne figurant pas dans le dispositif des conclusions de l’appelante, la cour n’en est pas saisie ;

Attendu en application de l’article L1333-2 du code du travail que l’avertissement infligé le 24 février 2014 à l’appelante est motivé par une altercation le 18 février 2014 avec [G] [M], son supérieur hiérarchique, devant le bureau de [F] [N], chargé des prestations immobilières à EDF, ayant donné lieu à des cris audibles jusqu’au troisième étage du bâtiment, la société ayant eu connaissance de cet incident à la suite de l’appel téléphonique puis du courriel du salarié d’EDF ;

Attendu qu’il n’est versé aux débats que le courriel adressé le 18 février 2014 par [F] [N] à [H] [U], responsable de l’agence, dans lequel celui-là lui se plaint d’une grave altercation survenue devant son bureau entre [G] [M] et l’appelante et requiert de ce dernier qu’il règle sans délai et de façon définitive le «problème» ; qu’il ne peut se déduire des termes de ce courriel que l’origine de cet incident soit imputable à l’appelante ; que si celle-ci, dans son courrier de contestation, reconnaît l’existence d’une altercation, elle en attribue la responsabilité à [G] [M] qui l’aurait attendue à l’extérieur de l’entreprise et qui l’aurait suivie ; que la société intimée, dans son courrier en réponse à la contestation soulevée par l’appelante, fait état de la présence à l’incident de témoins sans toutefois les citer ni produire la moindre attestation de l’un d’entre eux ; qu’en l’absence d’élément de preuve de la réalité des faits reprochés à la salariée, ceux-ci ne sont pas caractérisés ; qu’il convient en conséquence d’annuler l’avertissement ;

Attendu que l’avertissement infligé à l’appelante lui a bien occasionné un préjudice qu’il convient d’évaluer à 500 euros ;

Attendu en application de l’article L1234-1 du code du travail qu’il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont un refus de l’appelante de se soumettre à la réorganisation de son poste de travail en faisant preuve de désinvolture envers son responsable et en proférant des menaces, alors qu’elle aurait adopté antérieurement un comportement inapproprié sur son lieu de travail ayant donné lieu à des avertissements les 13 mai 2011 et 24 février 2014 ;

Attendu qu’il résulte des pièces versées aux débats que, le lundi 16 novembre 2015, [C] [Z], responsable de l’agence, a souhaité modifier les conditions de travail de l’appelante ; que ces modifications n’avaient aucun effet sur les différents avenants conclus précédemment puisque la salariée devait uniquement intervenir dans la partie bureau du site où elle était affectée et non plus dans la partie vestiaire ; que la réalité des directives données à l’appelante est établie non seulement par l’attestation du responsable d’agence mais aussi par celle du témoin [T] [D], produite par la salariée, qui rapporte que cette dernière s’était énervée par suite des instructions reçues de son supérieur hiérarchique qui lui aurait demandé d’effectuer un travail supplémentaire ; que le caractère abusif de telles instructions n’est pas démontré ; qu’il résulte par ailleurs de ce témoignage que l’appelante a bien refusé le 16 novembre 2015 d’accomplir la prestation qui lui était demandée ; qu’en revanche il n’est pas démontré que l’énervement dont elle a pu faire preuve et qui est rapporté par le témoin ait consisté en des éclats de voix de l’ampleur décrite dans la lettre de licenciement ni que la salariée ait proféré des menaces envers son supérieur hiérarchique, ces faits n’étant relatés que par [C] [Z] ; que le refus de l’appelante d’exécuter les instructions de son supérieur hiérarchique est donc caractérisé et constitue bien un fait fautif justifiant le licenciement de cette dernière ; qu’en revanche, l’existence de la sanction antérieure de l’avertissement en date du 13 mai 2011 ne saurait conférer aux faits reprochés à l’appelante une gravité suffisante pour rendre impossible son maintien dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;

Attendu qu’il n’existe aucune contestation sur le rappel de salaire dû par suite de la mise à pied conservatoire devenue sans objet, et le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et de l’indemnité conventionnelle de licenciement alloués par les premiers juges dont l’intimée ne conteste que le principe ;

Attendu que l’article L6323-19 du code du travail issu de sa nouvelle rédaction, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, et applicable à la date du licenciement, ne comporte plus l’obligation de mentionner dans la lettre de licenciement les droits du salarié en matière de droit individuel à la formation, substitué par le compte personnel de formation ;

Attendu qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu’elle a dû exposer en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

 

ANNULE l’avertissement en date du 24 février 2014,

CONDAMNE la société PRO IMPEC à verser à [K] [J] 500 euros en réparation du préjudice subi par suite de l’avertissement injustifié,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

CONDAMNE la société PRO IMPEC aux dépens.

LE GREFFIER

N. BERLY

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE

 


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