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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUIN 2022
N° 2022/
AL
Rôle N°19/17649
N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFSS
S.C.P. BTSG2, prise en la personne de Me [C] [D], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL FGS
Association UNEDIC AGS CGEA DE MARSEILLE
C/
[V] [W]
Copie exécutoire délivrée
le : 30/06/2022
à :
– Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
– Me France CHAMPOUSSIN, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 11 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01002.
APPELANTES
S.C.P. BTSG2, prise en la personne de Me [C] [D], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL FGS, sise 51, rue Maréchal Joffre – 06000 NICE
défaillante
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE MARSEILLE sise 10 Place de la Joliette, Les Docks, Atrium, 10.5 – 13567 MARSEILLE
représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [V] [W], demeurant 102 avenue de la Lanterne – 06200 NICE
représenté par Me France CHAMPOUSSIN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.
ARRÊT
défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Par contrat à durée indéterminée du 3 février 2009, M. [V] [W] a été embauché par la société FGS en qualité de préparateur de sandwichs, pizzas, plats chauds, pâtisserie, desserts, et en qualité de vendeur, en tant que de besoin.
Par courrier électronique du 10 mars 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 5 avril, à l’issue duquel il a été licencié pour motif économique, par lettre recommandée du 17 avril 2018.
Contestant le bien-fondé de cette rupture, et se plaignant du défaut de paiement de jours fériés travaillés, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice, par requête reçue au greffe le 19 novembre 2018, à l’effet d’obtenir le paiement des sommes suivantes :
– 15 759,08 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 818,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 1 662,01 euros au titre des jours fériés travaillés et non rémunérés,
– 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 1 725 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du défaut d’information relative au nombre d’heures acquises au titre du droit individuel à la formation,
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Nice a estimé que le licenciement de M. [W] était dénué de cause réelle et sérieuse, et a condamné la société FGS à lui verser les sommes suivantes :
– 15 759,08 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 818,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 1 662,01 euros au titre des jours fériés travaillés et non rémunérés,
– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société FGS a également été condamnée à remettre au salarié ses documents sociaux de fin de contrat, ainsi qu’aux dépens. Le surplus des demandes des parties a été rejeté.
Par déclaration au greffe du 19 novembre 2019, M. [V] [W] a relevé appel de cette décision.
La société FGS ayant été placée en redressement judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de Nice du 18 mars 2021, la société BTSG², en sa qualité de mandataire judiciaire de ladite société, a été appelée en cause, de même que la délégation régionale du sud-est de l’Unedic AGS.
L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées le 17 août 2020, M. [V] [W] expose :
– sur le solde de tout compte,
– qu’il n’a pas signé ce document, qui se trouve dès lors dépourvu de son effet libératoire,
– que la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par la société FGS doit donc être rejetée,
– sur la cause de son licenciement,
– que l’employeur ne démontre pas la réalité du motif économique de son licenciement,
– qu’il ne lui a pas proposé le poste de serveur de glace,
– que son poste n’a pas réellement été supprimé, le café restaurant exploité par la société FGS ayant rouvert,
– sur le préjudice subi du fait de la perte de son emploi,
– qu’il a travaillé du mois de juin au mois d’août 2018,
– que, depuis lors, il n’a pas retrouvé d’emploi,
– sur ses congés payés,
– que l’employeur a déduit 24 jours du solde de ses congés payés, au mois d’avril 2018, sans justification,
– que la somme qu’il aurait perçue à ce titre s’il avait travaillé s’élève à 1 818,01 euros bruts,
– sur les jours fériés travaillés et non rémunérés,
– en droit, que la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988 prévoit que ‘le personnel présent dans l’entreprise depuis plus de 10 mois bénéficiera des jours fériés légaux’, qui seront ‘soit rémunérés, soit compensés en temps’,
– en fait, qu’il a travaillé onze jours fériés sans être rémunéré,
– que, ces heures devant de surcroît être compensées en temps, il est fondé à réclamer la somme de 1 662,01 euros de ce chef,
– sur le contrat de sécurisation professionnelle,
– en droit, que les entreprises de moins de mille salariés doivent proposer ce contrat aux salariés justifiant d’une année d’ancienneté, dont le licenciement économique est envisagé,
– en fait, que l’adhésion à ce contrat ne lui a pas été proposée,
– sur l’exécution déloyale de son contrat de travail,
– qu’il sollicite de ce chef la somme de 18 000 euros,
– sur le droit individuel à la formation,
– que l’employeur a méconnu l’obligation que lui imposait alors l’article R 6323-7 du code du travail, en ne l’informant pas du nombre d’heures acquises au titre de ce droit,
– qu’il souhaitait suivre une formation de cuisinier en desserts,
– qu’il a acquis la somme de 1 380 euros sur son compte personnel de formation,
– que le préjudice subi sera justement indemnisé par la somme de 1 725 euros.
En conséquence, M. [V] [W] sollicite :
– la confirmation du jugement entrepris, en ce qu’il a :
– dit que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse,
– condamné la société FGS à lui verser les sommes suivantes :
– 15 759,08 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 818,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 1 662,01 euros au titre des jours fériés travaillés et non rémunérés,
– condamné la société FGS à lui remettre sesdocuments de fin de contrat, rectifiés,
– l’infirmation du jugement entrepris, pour le surplus,
– le paiement des sommes suivantes :
– 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 1 725 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par le défaut d’information relative au nombre d’heures acquises au titre du droit individuel à la formation,
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En réponse, la société FGS fait valoir, dans ses conclusions communiquées par voie électronique le 8 juillet 2020 :
– principalement, sur la recevabilité,
– en droit, qu’il résulte des dispositions de l’article L 1234-20 du code du travail que le solde de tout compte est libératoire pour l’employeur, s’agissant des sommes qui y sont mentionnées, lorsque le salarié ne l’a pas dénoncé dans le délai de six mois à compter de sa signature,
– en fait, que M. [W] a reçu son solde de tout compte le 21 juin 2018,
– que, toutefois, il n’a saisi le conseil de prud’hommes que le 7 janvier 2019, soit plus de six mois après cette date,
– que son reçu pour solde de tout compte a donc un effet libératoire pour les sommes qui y sont mentionnées, qui comprennent le solde de ses salaires, les heures supplémentaires à régler, l’indemnité de congés payés et l’indemnité de licenciement,
– que M. [W] ne conteste pas avoir reçu et encaissé la somme de 6 6586,76 euros visée dans son solde de tout compte,
– que, dès lors, son solde de tout compte est assorti d’un effet libératoire, et ses demandes sont irrecevables,
– subsidiairement, sur le fond,
– sur le motif économique du licenciement,
– que la lettre de licenciement décrit les difficultés économiques rencontrées par l’entreprise, qui sont démontrées par les pièces comptables versées aux débats,
– que son chiffre d’affaires a chuté de 12,5 % entre 2016 et 2017,
– qu’il est ensuite passé de 325 455 euros au 31 décembre 2017 à 71 588 euros au 31 décembre 2018,
– que le résultat de l’année 2018 était déficitaire à hauteur de 73 683 euros,
– que l’entreprise a été réorganisée, et a réalisé des travaux importants,
– qu’elle employait quatre salariée au 31 décembre 2017, qui ont été informés des difficultés rencontrées,
– que le motif économique du licenciement est donc réel et sérieux,
– sur les congés payés,
– en droit, que les congés payés acquis doivent être pris pendant la période de référence,
– en fait, que M. [W] n’a pas demandé le report de ses jours de congé,
– qu’il a été informé qu’il devait prendre ses congés pendant la fermeture de l’établissement pour travaux,
– que 48 jours de congé ont ainsi été pris aux mois de mars et avril 2018,
– que, sous déduction de ces congés pris, il a été rémunéré du mois de mars au mois de juin 2018, bien qu’il n’ait pas travaillé durant cette période en raison de ces travaux,
– qu’il a perçu une indemnité compensatrice de congés payés lors du solde de tout compte,
– sur les jours fériés,
– que les jours fériés travaillés ont été récupérés,
– que le salarié ne démontre pas avoir travaillé durant les jours fériés qu’il indique,
– sur le contrat de sécurisation professionnelle,
– que l’adhésion à ce contrat a été proposée à M. [W] par lettre du 4 mai 2018,
– que ce dernier n’a pas adhéré à la convention de sécurisation professionnelle dans le délai légal,
– qu’il ne saurait donc se prévaloir d’une exécution déloyale de son contrat de travail.
Du tout, la société FGS conclut à l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté sa fin de non-recevoir, et fait droit à certaines demandes de M. [W], à sa confirmation pour le surplus, et au rejet de l’intégralité des prétentions adverses. Elle sollicite la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et celle de 6 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de défense.
Dans ses conclusions notifiées le 6 mai 2022, l’Unedic AGS de Marseille observe :
– sur le licenciement,
– qu’elle s’en rapporte aux écritures de la société FGS,
– que, subsidiairement, le salarié ne justifie pas de sa situation professionnelle,
– sur les demandes relatives aux congés payés et aux jours fériés,
– qu’elle s’en rapporte également aux conclusions de la société FGS,
– sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– que M. [W] ne démontre pas l’existence de son préjudice,
– sur sa garantie,
– que la remise des documents sociaux ne relève pas de ses prérogatives,
– que les frais irrépétibles ne sont couverts par sa garantie,
– que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts.
En conséquence, l’Unedic AGS conclut à l’infirmation du jugement entrepris, en ce qu’il a fait droit à certaines demandes de M. [W], et à sa confirmation pour le surplus, subsidiairement, à la réduction des sommes réclamées. En tout état de cause, elle rappelle que les frais irrépétibles ne sont pas couverts par sa garantie, et qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre, la décision ne pouvant tendre qu’à la fixation d’une créance. Elle ajoute que cette décision ne lui sera opposable que dans les limites de sa garantie, et qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 L 3253-8 du code du travail que dans les conditions des articles L 3253-15, L 3253-18, L 3253-19, L 3253-20, L 3253-21, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
La société BTSG², mandataire judiciaire de la société FGS, n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant lui ont été signifiées à personne habilitée. Le présent arrêt sera donc rendu par défaut à l’égard de tous, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité
A titre liminaire, la société FGS invoque les dispositions de l’article L 1234-20 du code du travail selon lesquelles le solde de tout compte est libératoire pour l’employeur, s’agissant des sommes qui y sont mentionnées, lorsque le salarié ne l’a pas dénoncé dans le délai de six mois à compter de sa signature. Toutefois, M. [W] rétorque à bon droit que le reçu pour solde de tout compte non signé ne produit aucun effet libératoire. Or, en l’espèce, le reçu pour solde de tout compte qui lui a été remis (pièce 3 de l’employeur) n’est pas signé. Dès lors, ce document est dépourvu d’effet libératoire, et les dispositions de l’article L 1234-20 du code du travail ne trouvent pas à s’appliquer. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par la société FGS.
Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
Sur les congés
En premier lieu, M. [V] [W] réclame la somme de 1 818,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés. Il affirme que l’employeur a déduit 24 jours du solde de ses congés payés, au mois d’avril 2018, sans justification.
En droit, aux termes de l’article L 3141-17 du code du travail, ‘la durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder vingt-quatre jours ouvrables’. Lorsque le maintien en activité de l’établissement n’est pas assuré pendant un nombre de jours dépassant la durée fixée pour la durée des congés payés annuels, l’employeur a l’obligation de régler aux salariés, pendant les périodes d’inactivité, un salaire mensuel et une indemnité de congés payés calculés en fonction du nombre de semaines d’activité. Il suit de cette règle, a contrario, que l’employeur peut imposer vingt-quatre jours de congés lorsque le maintien en activité de l’établissement n’est pas assuré.
En fait, M. [W], qui avait acquis 54,50 jours de congé au 28 février 2018, a dû prendre 24 jours de congé au mois de mars 2018, et 24 jours de congé au mois d’avril 2018, en raison de la fermeture de l’établissement. Dès lors, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a fait droit à sa demande de rappel d’indemnité de congés payés, les congés litigieux ayant été régulièrement pris.
Sur les jours fériés
En deuxième lieu, M. [W] poursuit le paiement de la somme de 1 662,01 euros au titre de jours fériés travaillés, qui n’auraient pas été rémunérés.
En droit, aux termes de l’article L 3171-4 alinéa 1er du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’. Ainsi, la preuve des heures de travail n’incombe spécialement à aucune des parties ; il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en présentant ses propres éléments.
En outre, selon l’article 40 de la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988, ‘le personnel présent dans l’entreprise depuis plus de 10 mois bénéficiera des jours fériés légaux’, qui seront ‘soit rémunérés, soit compensés en temps’.
En fait, M. [W] dresse la liste, dans ses conclusions, des jours fériés durant lesquels il prétend avoir travaillés. Cet élément est suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre. Ce dernier rétorque que ces jours fériés ont été récupérés, mais n’apporte aucune précision à cet égard. Ainsi, en présence d’éléments suffisamment précis pour y répondre, la société FGS ne rapporte pas la preuve qui lui incombe. Par suite, il convient de retenir que M. [W] a effectivement travaillé durant les jours fériés litigieux. Ce travail lui ouvrait droit à une rémunération, mais non à une rémunération et à récupération, la convention collective prévoyant expressément une alternative, et non un cumul. En conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de rappel des salaires de jours fériés présentée par M. [W], à hauteur de 1 662,01 euros. La somme de 831 euros lui sera allouée de ce chef, la majoration à 100 % qu’il réclame n’étant pas due.
Sur l’obligation de loyauté de l’employeur
En troisième lieu, M. [W] prétend que l’employeur a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail, et réclame de ce chef la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il soutient que la société FGS a manqué à ses obligations en lui imposant de prendre 24 jours de congé au mois d’avril 2018, en omettant de le rémunérer pendant les jours fériés travaillés, en le licenciant sans cause réelle et sérieuse, et en ne lui proposant pas de contrat de sécurisation professionnelle.
Le premier grief doit être écarté, pour les motifs développés précédemment. Le deuxième grief doit être retenu, mais n’a pas causé au salarié un préjudice distinct de celui qui sera indemnisé par le salaire impayé, dont le versement a été ordonné par le présent arrêt. Le troisième grief fera l’objet d’un examen spécifique, et ne saurait, en tout état de cause, caractériser un manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail, puisque le manquement critiqué porte sur la rupture, et non sur l’exécution, du contrat de travail.
Sur le quatrième grief, la société FGS produit une lettre recommandée du 4 mai 2018 (pièce 17), dans laquelle elle déclare avoir remis au salarié, en pièce jointe, la brochure d’information relative au contrat de sécurisation professionnelle. Elle ajoute que M. [W] ne lui a pas remis le bulletin d’acceptation dudit contrat. En tout état de cause, celui-ci ne démontre pas avoir subi un préjudice de ce chef. De surcroît, ce grief se rapporte également à la rupture du contrat de travail, et non à son exécution. En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail présentée par M. [W].
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
Sur la cause du licenciement
En quatrième lieu, M. [V] [W] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
En droit, constitue en application de l’article L 1233-3 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement, un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Lorsque la société qui a prononcé le licenciement pour motif économique appartient à un groupe, la réalité de ses difficultés économiques s’apprécie au niveau du secteur d’activité dudit groupe.
La lettre de licenciement doit comporter l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur, en application de l’article L 1233-16 du code du travail, les faits énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige devant quant à eux avoir un caractère précis et matériellement vérifiable.
En fait, la lettre de licenciement de M. [W], en date du 17 avril 2018 (pièce 7 du salarié), est ainsi libellée :
‘Monsieur [W],
A la suite de notre entretien qui s’est tenu le jeudi 5 avril 2018 à 11h30 dans nos locaux (…), nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs économiques suivants, dans les conditions posées par l’article L. 1233-3 du code du travaiul :
La SARL FGS, enseigne ‘Café Masséna’ située place Masséna à Nice, subit une large concurrence, et nos derniers exercices comptables démontrent une baisse significative des résultats et de la rentabilité.
Nous avons donc décidé d’effectuer une réorganisation nécessaire pour la sauvegarde et la rentabilité de la société ; cette réorganisation va consister à créer une nouvelle activité pour la SARL FGS, qui ne sera plus un café mais un glacier, l’enseigne va donc également changer.
Nous avons donc décidé de faire des aménagements et travaux, mais également une réorganisation nécessaire du personnel pour répondre à cette nouvelle activité.
Cela a pour conséquence la suppression de votre poste.
Vous étiez en effet employé depuis le 03/02/2019 comme préparateur/cuisinier, et désormais nous allons servir des glaces ce qui n’est plus en adéquation avec votre qualification et votre expérience professionnelle.
Lors de notre entretien vous avez bien compris la situation et une transformation d’emploi dans cette nouvelle structure n’a pas retenu votre attention.
En dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre société, conformément à l’article L. 1233-4 du code du travail, nous n’avons pas trouvé de poste de reclassement.
Comme indiqué ci-dessus il n’y aura pas d’emploi équivalent à celui précédemment occupé par vos soins mais un emploi de catégorie inférieure (serveuse glace).
(…)’.
En fait, la société FGS déclare que son chiffre d’affaires a chuté de 12,5 % entre 2016 et 2017, et de 325 455 euros au 31 décembre 2017 à 71 588 euros au 31 décembre 2018. Elle ajoute que le résultat de l’année 2018 était déficitaire à hauteur de 73 683 euros, et produit ses liasses fiscales des années 2017 et 2018, ansi que ses déclarations d’impôt sur les sociétés de 2017 et 2018 (pièce 4). Ces pièces ne démontrent pas la suppression de l’emploi de M. [W], ni l’existence de difficultés économiques suffisamment graves pour justifier son licenciement. Dès lors, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit que la rupture de son contrat de travail ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités de rupture
M. [V] [W] était âgé de 56 ans à la date de son licenciement ; son salaire mensuel brut moyen des douze derniers mois était de 1 969,51 euros et son ancienneté dans l’entreprise de neuf ans et deux mois. Au vu de ces éléments, et par application de l’article L 1235-3 du code du travail, le préjudice qu’il a subi du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sera justement réparé par la somme de 12 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé quant à la somme allouée de ce chef. En revanche, ledit jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société FGS à remettre à M. [W] ses documents de fin de contrat, rectifiés.
Sur le droit individuel à la formation
En cinquième lieu, M. [V] [W] réclame la somme de 1 725 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait du défaut d’information relative au nombre d’heures acquises au titre du droit individuel à la formation. Toutefois, la loi 2014-288 du 5 mars 2014 a substitué le dispositif du compte personnel de formation au droit individuel à la formation. Depuis lors, en vertu de l’article L 6323-8 du code du travail, l’information du titulaire du compte personnel à la formation quant à ses droits est assurée par le biais d’un service dématérialisé, de sorte que l’employeur n’est plus tenu d’évoquer lesdits droits dans la lettre de licenciement. Le jugement entrepris doit donc être également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle
La société FGS, qui succombe, doit être déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l’opposabilité du présent jugement à l’AGS
L’AGS, qui a régulièrement été appelée en cause, sera condamnée à garantir les créances de M. [W], en l’absence de fonds disponibles, dans les conditions et sous les limites de sa garantie légale.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société FGS aux dépens, et en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [W] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de la procédure d’appel seront inscrits en frais privilégiés au passif de la société FGS. Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de M. [W] les frais irrépétibles exposés en la cause. La somme de 1 000 euros lui sera allouée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, en matière prud’homale,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société FGS,
– condamné la société FGS à remettre à M. [V] [W] ses documents sociaux de fin de contrat, rectifiés,
– rejeté les demandes de M. [V] [W] tendant au paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et au paiement de dommages et intérêts pour défaut d’information quant au nombre d’heures acquises au titre du droit individuel à la formation,
– condamné la société FGS aux dépens de première instance,
– condamné la société FGS à verser à M. [V] [W] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Et, statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
Fixe les créances de M. [V] [W] au passif de la société FGS aux sommes suivantes:
– 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 831 euros au titre des jours fériés travaillés et non rémunérés,
Rejette la demande de M. [V] [W] tendant au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés,
Dit que les créances de M. [V] [W] seront garanties par l’AGS, sous les conditions et dans les limites de sa garantie légale,
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la société FGS,
Dit que les dépens de la procédure d’appel seront inscrits en frais privilégiés au passif de la société Rezin,
Condamne la société FGS à verser à M. [V] [W] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT