Compte personnel de formation : 7 septembre 2022 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/01189

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Compte personnel de formation : 7 septembre 2022 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/01189
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ARRET

[Z]

C/

S.A.S. SAUR

copie exécutoire

le 7/09/2022

à

Me GHENIM

Selarl CAPSTAN LMS

LDS/IL/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 21/01189 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IARO

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 28 JANVIER 2021 (référence dossier N° RG F19/00158)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [I] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en personne,

assistée, concluant et plaidant par Me Meriem GHENIM, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant

ET :

INTIMEE

S.A.S. SAUR

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée, concluant et plaidant par Me Alexandra LORBER LANCE de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Jérôme MARGULICI, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 24 mai 2022 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT et Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillères,

qui a renvoyé l’affaire au 07 septembre 2022 pour le prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 07 septembre 2022, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre, et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [Z] a été embauchée par la société Bouygues BTP le 7 octobre 1998 en qualité de secrétaire. Le 10 janvier 2000, son contrat a été transféré à la société Saur avec reprise d’ancienneté au 28 mai 1998. Elle a gravi progressivement les échelons dans l’entreprise. Au dernier état de la relation contractuelle, depuis le 1er mai 2014, elle occupe le poste de cadre juridique, groupe 6, sous-groupe 1. Son salaire annuel pour l’année 2021 a été de 45 881 euros soit 3 823 euros par mois.

Elle a été élue déléguée du personnel suppléante en avril 2014, secrétaire du comité d’entreprise en novembre 2014. Le 10 janvier 2018 elle est devenue conseillère prud’homale au conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt et en juin 2020, elle a été élue au comité santé sécurité et conditions de travail (CSSCT).

La convention collective applicable est celle des entreprises des services de l’eau et de l’assainissement du 12 avril 2000.La société compte plus de dix salariés.

Le 19 juin 2019, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Beauvais notamment de demandes en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire et salariale au titre de la discrimination en raison du sexe, du harcèlement moral, de la discrimination syndicale, du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité et du préjudice moral.

Par jugement du 28 janvier 2021, le conseil de prud’hommes s’est déclaré territorialement compétent, a joint l’incident au fond, a débouté la salariée de la totalité de ses autres demandes et la société de sa demande reconventionnelle et a laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Le 3 mars 2021, Mme [Z] a régulièrement relevé appel de ce jugement. Elle reproche notamment aux premiers juges de ne pas avoir respecté le syllogisme judiciaire et la méthodologie imposée par la Cour de cassation s’agissant des règles de preuve en matière de discrimination et de harcèlement moral.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 8 mai 2022, Mme [Z] demande à la cour de :

1) infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Beauvais rendu le 28 janvier 2021 ;

2) se déclarer compétente territorialement pour juger de son affaire ;

3) fixer son salaire à 4 000 euros brut mensuel soit 53 200 euros brut annuel ;

4) dire qu’elle doit être positionnée au niveau 6.2 ;

5) condamner la société à lui verser 24 113,47 euros brut au titre de rappel de salaire sur le fondement des articles L3221-1 et suivants du code du travail ;

6) en conséquence :

condamner la société à lui verser 2 411,34 euros représentant 10% au titre des congés payés afférents au rappel de salaire pour discrimination salariale ;

ordonner à la société de lui remettre les bulletins de salaire afférents aux condamnations à intervenir ;

7) condamner la société à lui verser 66 822,04 euros au titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale Homme-Femme, sur le fondement des articles L.3221-1 du code du travail ;

8) condamner la société à lui verser 20 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur sur le fondement de l’article L.4121-1 du code du travail ;

9) condamner la société à lui verser 30 000 euros au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, sur le fondement des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;

10) condamner la société à lui verser 30 000 euros au titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, sur le fondement de l’article L.1132-1 du code du travail ;

11) condamner la société à lui verser 10 000 euros au titre du préjudice moral sur le fondement des articles L.3121-1 et suivants, L.4121-1, L1152 et suivants, L.1132-1 et L.1222-1 du code du travail ;

12) condamner la société à lui verser les intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête pour les salaires et à compter du jugement à intervenir pour les autres demandes ;

13) condamner la société à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

14) condamner la société aux entiers dépens.

Par d’ultimes conclusions déposées le 11 mai 2022, la société demande à la cour :

– à titre principal, de confirmer le jugement, par conséquent de débouter la salariée de l’intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– à titre subsidiaire, de réduire les demandes indemnitaires de la salariée à de bien plus justes proportions.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

La cour rappelle qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, elle n’examine les moyens au soutien des prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

La salariée sollicite des sommes au titre de la discrimination liée au sexe, de la discrimination syndicale, du harcèlement moral, du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et du préjudice moral. Il convient dès lors de rappeler que les obligations résultant des articles L. 1132-1, L. 1152-1, L.4121-1 et L.2145-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles ouvre droit à des réparations spécifiques, à condition qu’elle entraîne des préjudices différents.

1/ Sur les discriminations :

Selon les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte au sens de l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, pour quelque motif que ce soit, et notamment en raison de son sexe ou de ses activités syndicales.

En application de l’article L. 2141-5 du même code, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l’article L.1134-1 du même code, lorsqu’un litige survient en ce domaine, il incombe au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe alors à la partie défenderesse, au vu de ces éléments de prouver que sa décision est justifiée par des considérations objectives étrangères à toute discrimination liée au sexe.

Sur la discrimination  hommes/femmes et les demandes subséquentes :

La salariée fait valoir, en l’espèce, que depuis 2014, date de son premier mandat, sa carrière a été bloquée en raison de ses mandats et de son sexe, qu’elle est beaucoup moins bien rémunérée que son collègue, M. [Y], alors qu’ils sont dans des situations comparables (même tranche d’âge, même niveau de diplôme, même ancienneté, même échelon en début de carrière et également titulaires de mandat de représentant du personnel) ; qu’au vu des études de rémunérations réalisées par M. Page pour 2019 et le cabinet Hays pour 2020, elle devrait bénéficier, au regard de sa qualification de juriste assurances, au minimum d’une rémunération de 45 000 euros brut annuel ; que les bilans sociaux de l’entreprise montrent que les femmes y étaient moins bien rémunérées que les hommes, l’écart étant de l’ordre de 19% ; qu’après plus de 24 ans dans l’entreprise, elle ne perçoit toujours pas le salaire moyen de sa catégorie qui est de 4 070 euros ; que par conséquent, elle doit être repositionnée en qualité de cadre principal échelon 6.2 au salaire de 4 000 euros bruts mensuels au regard du salaire moyen de la catégorie cadre au sein de l’unité économique et sociale eau qui s’élève à 4 117 euros bruts mensuels pour les salariés cadre mandatés et à 4 410 euros bruts mensuels pour l’ensemble de la catégorie cadre ; que l’engagement pris dans un courrier du 17 septembre 2018 de porter son salaire début 2019 à la somme de 3 500 euros brut mensuel n’a pas été tenu ; que la société a fait en sorte qu’elle ne puisse pas atteindre les critères et conditions qui lui avaient fixés en ne lui confiant pas de dossier de périmètre international et que, enfin, son ancien supérieur hiérarchique avait reconnu dès 2016 qu’il fallait qu’elle soit repositionnée comme cadre principal échelon 6.2.

Elle insiste sur le fait que son action n’est pas fondée sur la règle à travail égal salaire égal mais bien sur la discrimination et fonde l’essentiel de son argumentation sur la comparaison entre sa situation et celle de M. [Y].

Elle produit notamment :

– plusieurs bulletins de salaire de M. [Y] et un tableau comparatif des salaires de celui-ci avec les siens entre 2001 et octobre 2018, qui établissent que ce dernier a bénéficié d’une progression de classification plus rapide qu’elle, a toujours perçu une rémunération supérieure à la sienne et que cette disparité de rémunération et de classification en sa défaveur persistait en 2019 et 2020,

– les rapports de situations comparées hommes-femmes au SAUR siège 2018-2019 et 2019- 2020 montrant que, dans la catégorie cadre, les salaires des femmes étaient inférieurs à ceux des hommes,

– des études de rémunérations émanant des cabinets Page et Hays selon lesquelles le salaire moyen des « juristes droit des assurances » ou « juristes assurances », ayant une ancienneté de 5 à 10 ans se situe entre 40 000 et 75 000 euros selon le premier et pour une ancienneté de 5 à 8 ans de 45 000 à 50 000 euros, selon le second,

– les « Statistiques Revue de Rémunération pour avril 2019 » faisant apparaître un salaire moyen des cadres mandatés de l’unité économique et sociale de 4 045 euros en mars 2019 et 4 117 euros le mois suivant, ainsi que le salaire moyen de l’ensemble des cadres de 4 340 euros en mars 2019 et 4 410 euros le mois suivant,

– son entretien d’évaluation 2016 aux termes duquel son supérieur hiérarchique préconise une évolution vers le statut de cadre principal,

– une lettre de la direction des ressources humaines du 17 septembre 2018 l’informant de sa décision de porter, à effet du 1er septembre 2018, son salaire de référence mensuel brut à 3500 euros et lui annonçant que, sous réserve de l’évaluation positive de sa hiérarchie quant à l’atteinte d’objectifs quantifiables et mesurables définis comme étant sa participation aux travaux de réponse sur appel d’offres conduits par la direction internationale du groupe et participation aux missions d’audit et de gestion des polices d’assurance pour le périmètre de la direction internationale du groupe, elle ferait évoluer ses conditions d’emploi comme cadre principal juridique groupe 6 échelon 2,

– ses bulletins de salaire faisant apparaître, au 31 décembre 2018, un salaire de référence de 3250 euros et au 31 décembre 2019 de 3 302 euros.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une discrimination liée au sexe. Il incombe donc à l’employeur de prouver que cette disparité de rémunération et de classification est justifiée par des considérations objectives étrangères à toute discrimination.

L’employeur soutient que la comparaison avec le cas de M. [Y] est inopérante et propose un autre panel de comparaison qu’il estime plus pertinent d’où il résulte que Mme [Z] perçoit une rémunération supérieure à la moyenne de ce panel avec une ancienneté inférieure à celle-ci. Il se prévaut des bonnes notes obtenues dans le cadre de l’index de l’égalité hommes-femmes. Il affirme que la salariée n’apporte aucun élément susceptible de laisser supposer une discrimination à raison de son sexe et fait remarquer que depuis 2014 les supérieurs hiérarchiques de la salariée sont des femmes.

Il est constant que M. [Y] est titulaire d’un diplôme bac+2 alors que Mme [Z], ayant échoué à l’examen du DEUG de droit, n’est titulaire que du baccalauréat de sorte que la différence de salaire à l’embauche et dans les quelques années qui ont suivi est justifiée par un élément objectif.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que M. [Y] et Mme [Z] travaillent dans deux services distincts et exercent des métiers totalement différents avec des grilles de classification différentes, le premier étant ingénieur principal système au sein de la direction des services d’information tandis que la seconde est cadre juridique au sein du pôle assurances de la direction juridique de la société.

De plus, la société justifie de ce que la promotion obtenue par M. [Y] en 2017 après sept ans passés au grade 6.1, récompensait sa réussite exceptionnelle en qualité de chef de projet. Dans ces conditions, la comparaison entre les deux situations n’apparaît pas pertinente.

Les très bons résultats obtenus au titre de l’index de l’égalité professionnelle ne concernant que les années 2018 à 2021 ne permettent pas de juger de la situation particulière de Mme [Z] qui invoque une discrimination liée au sexe la concernant mais attestent de l’implication de la société dans la lutte contre la discrimination liée au sexe.

Mme [Z] a connu une évolution de carrière remarquable depuis son entrée dans l’entreprise et a fait l’objet d’évaluations très positives de sorte que si sa carrière apparaît stagner depuis 2014, aucun élément du dossier ne permet de lier cela à son genre.

Ainsi, à l’examen des pièces produites de part et d’autre et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que les faits matériellement établis ne sont pas en rapport avec une discrimination liée au sexe.

La demande de positionnement au niveau 6.2 et de rappel de salaire en découlant étant fondée exclusivement sur l’existence d’une discrimination liée au sexe, ne peut qu’être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la discrimination syndicale :

La salariée fait valoir que la société a fait référence négativement à ses missions au sein des institutions représentatives du personnel et du conseil de prud’hommes dans son entretien d’évaluation de 2019 pour laisser entendre que sa surcharge de travail liée à ces missions ne serait pas réelle et n’a rien mis en place pour veiller à une organisation du travail prenant compte de ces heures de délégation ; que la société ne répond pas à ses demandes de formation en anglais et qu’elle a dû engager la totalité de ses heures de compte personnel de formation en 2018 pour financer elle-même une formation après que la société lui a demandé de reprendre le périmètre international et de faire des notes dans cette langue ; que pour 2019, sa supérieure hiérarchique lui a imparti des objectifs inadéquats et ne lui confie pas de dossier à l’international ce qui l’empêche de réaliser ces objectifs ou de participer au projet de la direction en ne l’impliquant pas ce dont il lui est fait reproche lors de l’évaluation de 2020 ; que son parcours syndical n’est pas valorisé ; que depuis le dépôt de la saisine du conseil de prud’hommes les critiques de son travail se multiplient alors qu’auparavant sa carrière était tout à fait honorable  ; qu’elle n’a obtenu aucune promotion depuis mai 2014 et n’a été augmentée qu’à la suite de sa réclamation en 2018 ; que les salariés mandatés perçoivent en moyenne des salaires inférieurs aux salariés non mandatés ; qu’elle constate une baisse drastique de salariés cadres exerçant des mandats au sein de la société et que les attestations de deux salariées selon lesquelles, Mme [F], sa supérieure hiérarchique, a eu une attitude très correcte envers elles prouve que sa manager n’accepte pas ses mandats, ces deux attestations émanant de collaboratrices non mandatées.

Elle produit :

– son compte rendu d’entretien annuel d’évaluation de 2019 où il est indiqué au paragraphe environnement de travail : « depuis début 2018, la moitié du temps de [I] est consacrée à ses missions au sein des IRP et du CPH. Le reste du temps est consacré à ses missions au sein de la direction des assurances. Au cours de l’année passée, [I] a donc géré un poste à temps plein avec des disponibilités limitées. Elle indique être en surcharge de travail. Il faut veiller à ce que cet environnement de travail ne préjudicie pas [I] tout en gardant à l’esprit la réalité opérationnelle de la direction des assurances qui fonctionnaient jusqu’à présent avec deux ETPT. Pour l’instant, cela n’impacte pas les activités de la direction mais ce sera le cas si, notamment, l’activité à l’international se développe’ »,

– une lettre qu’elle a adressée à l’employeur, en réponse à ses interrogations concernant son temps de travail et sa rémunération à la suite de sa candidature en qualité de conseiller prud’hommes,

– son compte rendu d’entretien d’évaluation de 2020 aux termes duquel il lui est reproché un manque de motivation et d’intérêt pour l’activité de direction au regard de la non réalisation majoritaire des objectifs individuels et le courriel adressé à sa supérieure hiérarchique exposant les motifs pour lesquels elle refuse de signer ledit compte rendu, divers échanges de courriels montrant qu’il lui est demandé de faire usage de la langue anglaise dans le cadre de ses missions,

– son compte rendu d’entretien d’évaluation de 2021 qui reprend les mêmes reproches que l’année précédente sur son manque de motivation et son manque de soutien dans les activités de la direction.

Les éléments présentés par Mme [Z], matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une discrimination syndicale. Il appartient donc à l’employeur de rapporter la preuve qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société soutient que la référence aux mandats de Mme [Z], dans le compte rendu d’évaluation de 2019, n’est faite que dans le souci de sa santé et de son bien-être au travail et qu’elle n’implique aucune appréciation personnelle positive ou négative concernant l’exercice par la salariée de ses activités professionnelles.

Il est constant que Mme [Z], après une évolution de carrière rapide, plafonne au niveau 6.1 depuis 2014 alors même que ses entretiens d’évaluation sont particulièrement élogieux jusqu’en 2018 inclus, que son manager a proposé le 12 mai 2016, sans poser de condition, une évolution vers le statut de cadre principal, correspondant à la classification 6.2, que le 24 mai 2018, Mme [Z] a été félicitée par le DRH pour son implication et sa disponibilité à l’occasion d’une période de vacance de poste de direction des assurances auquel son management a dû pallier.

La société invoque essentiellement la non-atteinte des objectifs fixés à compter de septembre 2018 comme condition de son évolution de carrière et de son augmentation de rémunération. Or, ainsi que le fait remarquer la salariée, alors que sa surcharge de travail avait déjà été notée à l’occasion de l’entretien d’évaluation de 2018, l’employeur a conditionné son passage à l’échelon supérieur à un surcroît de travail et des objectifs nouveaux.

De plus, dans le compte rendu d’entretien d’évaluation, la mention  « depuis début 2018, la moitié du temps de [I] est consacrée à ses missions au sein des IRP et du CPH. Le reste du temps est consacré à ses missions au sein de la direction des assurances. Au cours de l’année passée, [I] a donc géré un poste à temps plein avec des disponibilités limitées. Elle indique être en surcharge de travail. Il faut veiller à ce que cet environnement de travail ne préjudicie pas [I] tout en gardant à l’esprit la réalité opérationnelle de la direction des assurances qui fonctionnaient jusqu’à présent avec deux ETPT. Pour l’instant, cela n’impacte pas les activités de la direction mais ce sera le cas si, notamment, l’activité à l’international se développe », fait clairement apparaître que les missions de la salariée au sein des IRP et du CHSCT sont susceptibles d’avoir un impact négatif sur le bon fonctionnement du service.

Il n’est d’ailleurs pas tenu compte de la surcharge de travail objective que représente le cumul entre les deux activités dans la capacité de Mme [Z] à atteindre les objectifs fixés.

En contrepoint, à aucun moment les compétences acquises dans le cadre de son statut de conseiller prud’hommes ne sont mises en valeur. De plus, l’intégralité des objectifs fixés en 2018 n’a pas été examinée en 2019 alors que la salariée affirme dans son courriel du 30 avril 2019, sans être utilement démentie, qu’elle les a atteints.

Il n’est pas anodin que l’entretien d’évaluation se soit tenu le 13 février 2019 soit moins de 5 mois après l’annonce des nouveaux objectifs conditionnant l’évolution de carrière de Mme [Z] et moins de 9 mois après la précédente évaluation.

Ainsi, à l’examen des pièces produites de part et d’autre et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que la société ne démontre pas que les faits matériellement établis par Mme [Z] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.

La discrimination syndicale est donc établie.

Au titre du manquement de l’employeur à son obligation découlant des articles L.1132-1 et L.2145-1 du code du travail, Mme [Z] invoque exclusivement le préjudice né de la perte de chance d’évolution de carrière qu’elle évalue à 30 000 euros.

Cette perte de chance est constituée dès lors que Mme [Z] n’a pas bénéficié de l’évolution d’indice auquel elle pouvait prétendre selon son manager depuis 2016.

Le dommage subi par Mme [Z] sera intégralement réparé par l’octroi de la somme de 10 000 euros.

2/ Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors qu’ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par la salariée figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l’existence d’une situation de harcèlement laquelle doit être appréciée globalement au regard de l’ensemble des éléments susceptibles de la caractériser.

Selon l’article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Au cas d’espèce, la salariée présente les faits suivants :

– de juin 2016 à janvier 2018, son bureau était positionné de telle manière qu’elle faisait face au mur et tournait le dos à l’ensemble de ses collègues. Elle produit des photographies, un rapport du CHST du 18 novembre 2016 mentionnant la problématique du mauvais positionnement des bureaux dans le service assurances, un procès-verbal de la réunion ordinaire du CHSCT du 22 juin 2017 au cours de laquelle le médecin du travail explique que ce type de positionnement face à un mur est générateur de stress et de mal-être et qu’il convient de bannir ce genre d’installation ;

– l’ouverture par l’employeur de courriers provenant de l’inspection du travail qui lui étaient destinés en qualité de représentante du personnel, en violation du secret de la correspondance. Elle produit un rappel à l’ordre de l’inspection du travail à la société en date du 20 février 2017 ;

– le délai de neuf mois observé par la société pour répondre à sa demande de revalorisation de salaire de janvier 2018 ;

– une alerte donnée par elle, le 13 juin 2018 après la fouille de son bureau, qui est restée lettre morte alors que six mois plus tard des vols étaient commis dans l’entreprise par des personnes extérieures. Elle verse aux débats son message électronique d’alerte ;

– le défaut d’organisation par l’employeur d’un entretien professionnel prévu à l’article L. 6315-1 du code du travail avant le 28 septembre 2020 et le fait qu’il lui ait été fait au cours de celui-ci des reproches sur son travail alors que ce n’est pas l’objet de cet entretien. Elle produit la copie de son entretien professionnel 2020 qui ne fait pas mention d’entretien précédent et au cours duquel est évoqué à deux reprises la nécessité d’effectuer des reportings rigoureux ;

– la réticence de l’employeur à l’autoriser à travailler à distance après son arrêt maladie en 2018. Elle produit un certificat médical de son médecin traitant du 31 août 2018 certifiant que son état de santé nécessite qu’elle bénéficie du travail à distance un jour par semaine, un e-mail de rappel de sa part du 2 octobre 2018 et un autre du 7 novembre 2018 par lequel elle accuse réception de l’avenant à son contrat de travail autorisant le travail à distance ;

– depuis la saisine du conseil de prud’hommes, une mise à l’écart, le retrait de toute autonomie et une volonté de générer des motifs de reproches injustifiés. Elle verse notamment aux débats un échange d’e-mails du 2 juin 2019 d’où il résulte qu’elle n’a pas été tenue informée de l’organisation d’une réunion concernant le « lancement du renouvellement du programme automobile flotte et missions SAUR » alors qu’elle était à l’origine de l’organisation de cette réunion ;

– un management marqué par des injonctions contradictoires, le raccourcissement des délais et l’assignation d’objectifs inadéquats.

– Mme [F] lui assigne des tâches et dispose de son calendrier alors qu’elle sait qu’elle est en train de siéger au conseil de prud’hommes. Elle en veut pour preuve notamment un email du 26 février 2021 et sa convocation au conseil de prud’hommes pour le même jour ;

– des évaluations très négatives à compter de 2019 et la mention de son engagement dans les IRP et aux prud’hommes dans celle de 2019 ;

– une lettre du 15 novembre 2017, du cabinet VICTIS chargé de la prévention des risques psychosociaux dans l’entreprise, faisant état de signes d’angoisse et de stress et des certificats médicaux.

Les éléments présentés, matériellement établis, pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.

L’employeur fait valoir en substance que ces faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral mais relèvent de son pouvoir de direction et sont justifiés notamment par les insuffisances de Mme [Z] au regard des objectifs fixés et de son obligation de rendre compte.

Elle justifie de ce qu’elle a bien confié à Mme [Z] deux dossiers de dimension internationale (Ukraine et Espagne) de sorte que cet élément n’est pas matériellement établi.

De même, elle démontre par la production de plusieurs e-mails que Mme [Z] devait être relancée dans l’exécution de certaines tâches notamment concernant les reportings, qu’elle n’a pas été mise à l’écart du renouvellement du programme groupe responsabilité civile intervenue en 2020 puisque les nouvelles modalités de déclaration de sinistre lui a été présentée, que Mme [F] a répondu à ces questions et qu’elle était déjà en possession des éléments réclamés à plusieurs reprises, ni d’autres dossiers.

Elle rapporte également la preuve de ce que ce n’est pas Mme [Z] qui a pris l’initiative d’envoyer des comptes-rendus hebdomadaires en l’absence d’instruction de sa hiérarchie mais bien que c’est Mme [F] qui lui a demandé de procéder à cet exercice tous les vendredis afin d’avoir une visibilité complète sur l’activité de la direction des assurances en période de confinement, concluant qu’elle était à sa disposition pour en discuter.

En revanche, elle échoue à démontrer qu’il a été tenu compte des disponibilités de Mme [Z], notamment eu égard à ses obligations de conseiller prud’hommes, pour fixer la date de la réunion avec le courtier de la société Gras Savoye en juin 2019 et même que la salariée a été prévenue de cette réunion qu’elle avait pourtant réclamée sur un dossier qu’elle suivait.

S’agissant du poste de travail, la société répond que le positionnement du bureau de Mme [Z], à la suite du déménagement de 2016, ne traduit aucun traitement défavorable car il était situé immédiatement à proximité d’une baie vitrée, ne correspondait donc pas à un espace reclus et confiné et qu’elle l’a fait changer de place dès qu’elle a eu connaissance de la réclamation de la salariée. Cette affirmation est en contradiction avec les rapports du CHSCT qui démontrent que ce positionnement était néfaste et que l’employeur en a eu connaissance dès le 18 novembre 2016.

Si elle fait valoir à juste titre qu’en raison de la crise sanitaire, elle était autorisée à décaler les entretiens professionnels, elle ne s’explique pas sur le fait que Mme [Z] n’en ait pas bénéficié avant septembre 2020 alors que cet entretien, qui est prévu par une loi du 5 mars 2014, doit être organisé tous les deux ans. Dès lors qu’il a été vu que la carrière de Mme [Z] stagnait de manière injustifiée depuis 2016, faire le point sur les perspectives d’évolution professionnelles de celle-ci était d’autant plus nécessaire. De plus, l’article L. 6315-1 précise que cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié or, en écrivant « il est à noter que de nouvelles missions au sein de la direction, notamment les dossiers à l’international, devront faire l’objet par [I] d’un reporting régulier et rigoureux afin de permettre la supervision et le suivi des dossiers par son management », le manager renvoie clairement au reproche qui lui a été fait lors de son entretien annuel d’évaluation du 6 avril 2020.

Le 24 janvier 2018, Mme [Z] a adressé à Mme [J] un courriel très explicite et argumenté aux termes duquel elle indiquait qu’en raison de sa charge de travail, des responsabilités que cela représentait et de la technicité de ses tâches elle sollicitait une réévaluation de son salaire à hauteur de 4 000 euros par mois et son passage à l’échelon 6.2. Or, si effectivement comme il le souligne, l’employeur a attribué à la salariée une prime exceptionnelle le 24 mai 2018, il n’a répondu à sa demande par la promesse d’une augmentation et d’un changement d’échelon sous condition que le 17 septembre suivant, ce qui constitue un délai excessif.

L’employeur affirme que l’évaluation défavorable de l’activité de la salariée en 2019 s’explique par le fait qu’elle n’a pas rempli les objectifs qui lui étaient assignés sur le périmètre international, ayant été défaillante dans le dossier Ukraine et celui concernant une entité espagnole et qu’en ce qui concerne l’objectif de refonte du manuel assurances, au vu de la carence de la salariée, c’est Mme [F] qui a dû effectuer le travail, qu’il en est de même s’agissant de l’évaluation de 2020, Mme [Z] n’ayant rien produit des tâches qui lui étaient confiées, facilement évaluables puisqu’il s’agissait d’élaborer des procédures, des supports ou des fiches, sans justifier de ce qu’elle n’en aurait pas eu les moyens comme il le prétend.

S’agissant de l’évaluation de 2019, il a déjà été dit que celle-ci avait été faite dans un délai très bref suivant l’assignation à Mme [Z] d’objectifs nouveaux, dans un contexte de surcharge de travail et alors qu’il était fait référence à son activité syndicale pour sous-entendre que celle-ci pourrait avoir un impact négatif sur l’activité de l’entreprise. Il est à noter en outre que cette évaluation tout à fait défavorable, succède à des années d’appréciations très élogieuses.

S’agissant du travail à distance, la société fait valoir que si Mme [F] n’a effectivement pas répondu dans le délai d’un mois qui lui était imparti par sa propre supérieure hiérarchique pour répondre à la demande de Mme [Z], c’est en raison d’une surcharge de travail et qu’en tout état de cause celle-ci n’a subi aucun préjudice puisqu’elle a bénéficié du dispositif de travail à distance moins de deux mois après sa demande.

Dès lors que la demande de la salariée de bénéficier du travail à distance ne résultait pas d’une simple convenance personnelle mais d’une nécessité médicale dûment justifiée, la mise en place de celui-ci était nécessairement urgente de sorte que la société ne peut utilement se retrancher derrière une surcharge de travail de Mme [F] pour expliquer qu’il ait été répondu avec un tel retard à la demande de Mme [Z].

Ces agissements répétés sont de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible d’altérer la santé de Mme [Z], de porter atteinte aux droits et à sa dignité et de compromettre son avenir professionnel.

Ainsi, à l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l’employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [Z] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est donc établi.

S’agissant du préjudice, Mme [Z] invoque la dégradation de son état de santé et produit une lettre adressée par le cabinet Victis à son médecin traitant faisant état de la nécessité d’un traitement pour des signes d’angoisse et de stress, des certificats médicaux d’un psychiatre du 7 mars 2022, selon lequel elle est suivie en entretien hebdomadaire depuis plusieurs années et de son généraliste, du 24 juin 2021, selon lequel elle a présenté plusieurs problèmes de santé depuis juillet 2018 à savoir une hospitalisation pour pyélonéphrite du 24 au 26 juillet 2018, un suivi cardiologique depuis janvier 2019 et une névralgie cervicobrachiale en janvier 2021.

Le cabinet Victis animant la cellule d’écoute et de soutien mise en place par la société dans le cadre de la prévention des risques sociaux, les signes de stress et d’angoisse qu’il évoque sont nécessairement en lien avec les conditions de travail de la salariée.

En revanche, Mme [Z] ne verse aux débats aucun élément permettant de faire le lien entre la pyélonéphrite survenue pendant ses vacances et ses problèmes cardiaques et ses conditions de travail, les praticiens n’en faisant aucune mention. À cet égard, il convient de remarquer que la salariée n’a pas fait de déclaration de maladie professionnelle.

Le préjudice de Mme [Z] résultant de la situation de harcèlement moral, distinct de celui constitué par la perte de chance consécutive à la stagnation professionnelle indemnisée au titre de la discrimination syndicale, sera intégralement réparé par l’octroi de la somme de 5 000 euros.

3/ Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

Mme [Z] reproche à la société d’avoir manqué à son obligation de sécurité, d’une part, en la surchargeant de travail lorsqu’elle a assuré l’intérim du poste de directeur des assurances puis, par la suite lorsqu’il lui a été demandé de répondre à des demandes qui ne correspondaient pas à sa fiche de poste ni à sa rémunération, la sollicitant pendant ses vacances et son arrêt de travail, rejetant sa demande de travail à distance, d’autre part, en ne prenant aucune mesure de réparation à la suite du vol de tous ses effets personnels dans son bureau le 5 mars 2019 et en ayant favorisé ce vol en ne mettant pas à sa disposition un lieu fermé pour y entreposer ses affaires et en ne tenant pas compte de son alerte lancée 6 mois plus tôt après la fouille de son bureau. Elle affirme que le caisson et l’armoire photographiés par la société sont plein de dossiers de sorte qu’ils ne pouvaient être utilisés pour y enfermer ses affaires.

Elle fait valoir que son préjudice est de deux ordres, une dégradation de son état de santé physique et mentale et une perte financière liée aux dépenses afférentes à la réfection de ses papiers d’identité ainsi qu’au remplacement de la maroquinerie.

L’employeur conteste toute surcharge de travail à l’occasion de la prise de fonction de la nouvelle directrice, affirmant que cette dernière n’a nullement eu besoin de sa subordonnée pour appréhender ses nouvelles fonctions. Il conteste également toute sollicitation pendant les congés de la salariée admettant tout au plus que quatre courriels lui ont effectivement été adressés pendant ses vacances sans qu’aucune demande de réponse immédiate soit formulée. Il reprend son argumentation concernant la mise en place de travail à distance.

Il fait valoir que la preuve du lien de causalité entre les problèmes de santé de la salariée, qu’ils soient physiologiques ou psychiatriques, n’est pas établie.

Il allègue qu’il a pris les mesures nécessaires à la suite du vol dont ont été victimes Mme [Z] et trois autres salariés, invitant les autres collaborateurs à la plus grande vigilance, permettant aux victimes de vol de papiers administratifs de faire une note de frais en vue d’une prise en charge des frais de timbre ce dont Mme [Z] a nécessairement eu connaissance et en mettant à sa disposition une cellule de soutien psychologique dont elle a profité. Il ajoute qu’elle disposait d’un caisson de bureau ainsi qu’une armoire fermant à clé pour y mettre en sécurité ses effets personnels.

En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la sécurité et la santé des salariés.

Au vu des échanges de courriels versés aux débats il apparaît que, durant ses congés d’été et son arrêt de travail en juillet 2018, Mme [Z] a été régulièrement destinataire de messages de la part de sa hiérarchie ou de collègues de travail, directement ou en copie pour les dossiers la concernant, comportant des interrogations voire des demandes directes nécessitant une réponse rapide.

Il a déjà été dit que la société avait répondu trop tardivement à la demande d’autorisation de travail à distance.

Néanmoins, l’altération de l’état de santé de Mme [Z] en rapport avec ses conditions de travail ayant déjà été indemnisée au titre du harcèlement moral, ne peut être indemnisée une seconde fois au titre du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité.

S’agissant des mesures prises à la suite du vol des effets personnels, la société produit un courriel de M. [Y] répercutant les interrogations des collaboratrices (sous-entendu victimes des vols) à propos de la possibilité de mettre la facture des timbres dans leur note de frais ce qui accrédite la version de l’employeur selon laquelle Mme [Z] a été informée de cette possibilité. Par ailleurs, cette dernière produit elle-même une attestation du cabinet Victis montrant qu’elle a bénéficié du soutien psychologique offert par l’employeur à la suite du vol dont elle a été victime. C’est donc en vain qu’elle fait grief à la société de ne pas avoir pris de mesures pour faire face aux conséquences de ces faits. Sa demande au titre du préjudice matériel doit donc être rejetée.

En revanche, la photographie d’un caisson de bureau contenant une sacoche dont rien ne permet de dire qu’il s’agit de celui de Mme [Z] et d’armoires munies de serrures au niveau de son poste de travail ne suffisent pas à démontrer que la salariée disposait d’un meuble permettant d’entreposer en toute sécurité ses effets personnels.

Il en résulte que l’employeur ne rapporte pas la preuve de ce qu’il a protégé Mme [Z] du risque lié au vol étant observé que cette dernière avait préalablement signalé la fouille de son bureau.

Il est établi par la lettre du cabinet Victis du 12 mars 2019 que Mme [Z] ressentait des signes d’insécurité récurrents tant sur son lieu de travail qu’à son domicile et que la réminiscence du traumatisme de vol était très présente.

Le manquement de l’employeur est donc à l’origine d’un préjudice moral, distinct de celui résultant du harcèlement moral et de la discrimination syndicale, qui sera indemnisé par l’octroi d’une somme de 500 euros.

4/ Sur la demande au titre du préjudice moral :

Mme [Z] soutient encore que l’attitude de la société à son égard notamment par une mise à l’écart des tâches qui lui étaient habituellement dévolues et l’atteinte portée au quotidien à sa réputation vis-à-vis des tiers lui a causé un préjudice moral important dans la mesure où elle doit faire face à « un harcèlement discriminatoire » accentué depuis le dépôt de sa requête devant la juridiction prud’homale.

Or, ainsi que le fait remarquer la société, l’argumentation de la salariée visant à l’octroi de dommages-intérêts supplémentaires repose sur les mêmes éléments que ceux développés dans ses écritures au soutien de ses demandes au titre des discriminations, du harcèlement moral ou encore des manquements à l’obligation de sécurité incombant à l’employeur.

Dans ces conditions, le principe de réparation intégrale du préjudice interdit de faire droit à cette demande. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de cette prétention.

5/ Sur les demandes accessoires :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [Z] les frais engagés pour faire valoir ses droits tant en première instance qu’en appel. L’employeur sera condamné à lui payer la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa propre demande de ce chef.

Les dépens sont à la charge de l’intimée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

confirme le jugement en ce qu’il s’est déclaré compétent, a débouté Mme [Z] de ses demandes au titre de la discrimination liée au sexe (fixation du salaire brut mensuel à 4 000 euros, rappel de salaire et dommages intérêts) et du préjudice moral, ainsi qu’en ce qu’il a débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

l’infirme pour le surplus,

dit que Mme [Z] a été victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral,

condamne la société SAUR à payer à Mme [Z] les sommes de :

– 10 000 euros au titre de la discrimination syndicale,

– 5 000 euros au titre du harcèlement moral,

– 500 euros au titre du préjudice moral lié au manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité,

dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,

rejette toute autre demande,

condamne la société SAUR à payer à Mme [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance et en appel,

la condamne aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE,LA PRESIDENTE.

 


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