Compte personnel de formation : 21 septembre 2022 Cour d’appel de Bastia RG n° 21/00109

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Compte personnel de formation : 21 septembre 2022 Cour d’appel de Bastia RG n° 21/00109
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ARRET N°

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21 Septembre 2022

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R N° RG 21/00109 – N° Portalis DBVE-V-B7F-CBAG

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S.A. SOCIÉTÉ ANONYME

C/

[B] [U]

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Décision déférée à la Cour du :

06 avril 2021

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AJACCIO

19/00180

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COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

S.A. CENTRE DE REEDUCATION FONCTIONNELLE ET MOTRICE DU FINOSELLO, prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Aljia FAZAI-CODACCIONI, avocat au barreau d’AJACCIO

INTIMEE :

Madame [B] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Xavier CASIMIRI, avocat au barreau d’AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 juin 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2022

ARRET

– Contradictoire

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

– Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [B] [U] a été liée à la Société Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello en qualité de cadre A, au poste de psychologue, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 31 mars 2014 à temps partiel, puis à temps plein, suivant avenant à effet du 1er septembre 2015.

Après convocation en date du 25 janvier 2017 à un entretien préalable à un licenciement fixé au 3 février 2017, la salariée s’est vue notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 8 février 2017.

Madame [B] [U] a saisi le conseil de prud’hommes d’Ajaccio par requête reçue le 2 février 2018, de diverses demandes.

Selon jugement du 6 avril 2021, le conseil de prud’hommes d’Ajaccio a:

– dit et jugé le licenciement de Madame [U] sans cause réelle et sérieuse,

– condamné le Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello, pris en la personne de son représentant légal, à payer à Madame [U] les sommes suivantes:

‘ 1.586,91 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

‘ 10.737,80 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d’instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné le Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello, pris en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.

Par déclaration du 12 mai 2021 enregistrée au greffe, a été interjeté appel de ce jugement par la S.A. Société Anonyme, en ce qu’il a : dit et jugé le licenciement de Madame [U] sans cause réelle et sérieuse, condamné le Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello, pris en la personne de son représentant légal, à payer à Madame [U] les sommes suivantes: 1.586,91 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, 10.737,80 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d’instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamné le Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello, pris en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 28 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A. Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello a sollicité :

– de la recevoir en son appel,

– de constater l’absence d’impartialité des premiers juges, de dire nul le jugement du 06 avril 2021,

– à défaut, d’infirmer le jugement du 06 avril 2021,

– statuant à nouveau,

* de surseoir à statuer dans l’attente du résultat de la plainte pénale en cours,

* subsidiairement : de dire le licenciement d'[B] [U] fondé en droit et en fait,

– de rejeter l’ensemble de ses prétentions,

– de la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 28 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [B] [U] a demandé :

– de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,

– de condamner au surplus la S.A. Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello à lui régler la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– de le condamner enfin aux entiers dépens de la procédure.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 10 mai 2022 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 14 juin 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 21 septembre 2022.

MOTIFS

À titre liminaire, il convient de constater que la déclaration d’appel contient manifestement une pure erreur matérielle en ce que l’appelante ne se dénomme pas la S.A. Société Anonyme, mais la S.A. Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello.

La recevabilité de l’appel n’est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d’office. L’appel sera déclaré recevable en la forme, tel que sollicité.

La société appelante sollicite de constater l’absence d’impartialité des premiers juges, de dire nul le jugement du 06 avril 2021. Toutefois, ne ressort des pièces du dossier de violation de l’exigence d’impartialité par les premiers juges, une appréciation éventuellement inexacte des éléments du litige et des pièces ressortant du fond et non d’une telle violation. Seront donc rejetées les prétentions de la société appelante afférentes à une annulation du jugement.

Un sursis à statuer est sollicité, à nouveau, devant la cour par la société appelante. Les premiers juges n’ayant pas tiré, dans le dispositif de leur jugement, de conséquences de leurs motifs afférents au sursis à statuer alors sollicité par la S.A. Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello, il convient de réparer cette omission.

La société appelante invoque, au soutien du sursis à statuer sollicité, l’existence de deux plaintes pénales, précisant toutefois que l’une a été classée sans suite, tandis que les suites données à la première, datée du 1er février 2019, ne sont pas précisées. Il est constant aux débats que le sursis à statuer sollicité par la société appelante est de nature facultative, celle-ci se prévalant d’un objectif d’une bonne administration de la justice, et non de l’un cas où le sursis à statuer est obligatoire. Or, ce sursis à statuer dans le cadre de la procédure pendante devant la juridiction sociale ne peut être considéré comme justifié, en l’absence de toute incidence déterminante sur ledit litige. Sera ainsi rejeté le sursis à statuer sollicité.

Sur le fond, il convient de constater à titre préalable, que dans le cadre du litige soumis à l’appréciation de la cour, ne sont pas formées de demandes afférentes à une nullité du licenciement, à une discrimination de lanceur d’alerte ou un harcèlement moral, de sorte que la cour n’a pas à statuer sur ces aspects.

Concernant les demandes afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de rappeler que l’article L1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse. En application de l’article L1235-1 du code du travail, lorsqu’il est saisi du bien fondé d’une mesure de licenciement, le juge se détermine au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, le doute devant profiter au salarié. Il est néanmoins admis qu’il appartient à l’employeur d’établir de façon certaine la réalité des faits et de fournir au juge des éléments permettant de caractériser leur caractère suffisamment sérieux pour légitimer le licenciement.

Il convient donc, en premier lieu, d’apprécier la réalité des faits énoncés par la lettre de licenciement, fixant de manière irrévocable les limites du litige, puis le sérieux du motif invoqué. Ce n’est que dans un second temps, lorsque la légitimité du licenciement est tenue pour acquise que l’employeur peut chercher à s’exonérer des indemnités de rupture en invoquant la faute grave du salarié, étant précisé que la charge de la preuve de la gravité de la faute incombe exclusivement à l’employeur. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

Il appartient la juridiction saisie de qualifier les faits et de décider s’il constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dans ce cadre, la juridiction peut être amenée à restituer leur exacte qualification aux faits invoqués par l’employeur, sans dénaturation de la lettre de licenciement ; elle n’est ainsi pas liée par une qualification erronée donnée au licenciement, ni par une impropriété de termes figurant dans la lettre de licenciement.

En application de l’article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Toutefois, un comportement fautif de plus de deux mois pourra être sanctionné, si, dans l’intervalle, l’employeur a engagé des poursuites pénales, ou si ce comportement fautif s’inscrit dans un phénomène répétitif, la dernière faute devant, elle, se situer à moins de deux mois de l’engagement de poursuites disciplinaires à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

La lettre de licenciement, datée du 8 février 2017, qui fixe les limites du litige, mentionne:

‘Madame,

Vous avez été régulièrement convoquée le 25.01.2017 à un entretien préalable prévu le 03.02.2017 en vue d’un licenciement pour faute grave.

Vous ne vous êtes pas présentée, ce qui est votre droit le plus strict.

Après une nouvelle analyse de votre situation, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave.

Les motifs de ma décision sont les suivants :

-Violation grave de votre obligation de loyauté : accusations mensongères, calomnie et enregistrements audio non autorisés des conversations avec les personnels.

De nombreux collaborateurs de l’établissement m’ont déclaré des effets indésirables vous concernant, à savoir :

1. Vous avez accusé à tort une infirmière de fouiller dans vos affaires, dans votre bureau et votre ordinateur,

2. Vous avez accusé à tort plusieurs infirmières de « faire laper » les médicaments à une patiente.

3. Vous avez inséré dans le dossier médical d ‘une patiente une transmission écrite dans laquelle vous avez mis en doute, à tort, les capacités professionnelles d’une infirmière et pire encore vous l’avez nommée ; cela aurait pu avoir des conséquences graves vis-à-vis de la patiente et de sa famille (dépôt de plainte, etc),

4. Vous avez pris à partie une infirmière en l’accusant à tort d’entretenir un climat délétère et avoir indiqué que vous enregistriez vos collègues de travail,

5. Vous avez effectué une campagne de dénigrement du personnel soignant que vous ne cessiez de traiter de maltraitants,

6. L’infirmière cadre m’a signalé que vous effectuiez des enregistrements audio des salariés à leur insu. Cela constitue une atteinte aux droits des personnes ainsi qu’une violation du secret médical, puisqu’ils échangeaient avec vous sur la santé de nos patients.

7. Une autre auxiliaire de vie a confirmé par écrit que vous avez pratiqué des enregistrements audio du personnel à plusieurs reprises à son insu.

8. Vous avez orchestré une véritable campagne de dénigrement vis-à-vis du médecin-chef pire encore vous avez tenté de faire pression sur elle en la menaçant de faire état de sa vie privée.

Par SMS du 11/12/16, vous avez traité le médecin du travail de « folle » et de « dingue ».

Par SMS du 27/12/16, vous avez tenté de me faire « chanter » en menaçant de dévoiler à la presse et à notre administration de tutelle l’agence régionale de santé, des soi-disant dysfonctionnements graves dans l’établissement (maltraitance, non-respect de la réglementation hospitalière, etc…) .

-Par votre comportement vous avez créé un état de souffrance et un sentiment de harcèlement à l’égard de l’ensemble de l’équipe médicale, et ce pendant plusieurs semaines.

Vous avez sciemment entretenu un climat délétère

J’ai été totalement stupéfait de découvrir votre entreprise de déstabilisation, menée avec une particulière intelligence, d’autant que je vous ai toujours accordé une totale confiance et autonomie dans l’exécution de votre travail. Votre statut de Cadre et votre fonction de Psychologue aggravent vos fautes.

Seule la mise au jour de vos actes a mis un terme à vos agissements fautifs.

Compte tenu de la gravité des faits décrits ci dessus, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.

Le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

Dès réception du présent courrier, vous pourrez vous présenter au service du personnel pour percevoir les éventuelles sommes vous restant dues au titre des salaries, retirer votre certificat de travail, votre attestation Pole Emploi et percevoir ainsi les allocations de retour à l’emploi.

Vous disposez, au titre du compte personnel de formation, de 39,16 heures que vous avez acquises et non utilisées à cette date.

Vous trouverez ci-joint, une notice sur le fonctionnement de ce compte.

Je vous invite à ouvrir, dès maintenant, votre compte personnel de formation en allant, muni de votre numéro de sécurité sociale sur le site : www.moncompteformationgouvfr et d’y porter le nombre d’heures de DIF mentionné ci-dessus.

Ce site vous donnera également des informations sur le compte personnel de formation et notamment sur les formations que vous pourrez suivre à ce titre.

Attention : gardez soigneusement ce courrier, il vous sera demandé lors de votre première inscription à une formation entreprise, dans le cadre de votre compte personnel de formation.

Je reste à votre disposition pour toute information que vous souhaiteriez sur votre compte personnel de formation.

***

Je vous informe enfin que vous pouvez bénéficier de la portabilité de vos droits à l’égard de la couverture complémentaire prévoyance, applicable dans notre entreprise durant 12 mois.

Le financement de ces garanties est assuré par un système de mutualisation. Il s’agit de la prise en charge des droits à la portabilité par les salariés «actifs » de votre entreprise.

De fait, la mutualisation vous permet d’être couverte sans paiement de cotisations après rupture de votre contrat de travail.

Vous avez la faculté d’y renoncer pour vous et vos ayants droits, par écrit dans les 10 jours qui suivent la cessation de votre contrat ; dans ce cas, je vous remercie de renvoyer dans un délai maximal de 10 jours, le présent document daté, revêtu de votre signature précédée de la mention manuscrite, « renonciation totale à la portabilité de mes droits à prévoyance pour moi et mes ayants droits ».

A défaut de renoncer et à condition de justifier de votre prise en charge par le régime d’assurance chômage, je vous transmettrai au terme du délai un bordereau d’affiliation, auprès de notre organisme de prévoyance.

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait que les garanties maintenues sont celles dont bénéficient les salariés de l’entreprise pendant votre période de maintien ; toute évolution du niveau des garanties et des cotisations vous sera donc opposable.

Veillez agréer, Madame, l’expression de mes salutations distinguées.’

Aux termes de cette lettre, la Société Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello, invoque plusieurs motifs à l’appui du licenciement de Madame [U].

Après avoir rappelé que les faits invoqués dans la lettre de licenciement n’ont pas nécessairement à être datés, il convient d’observer que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont suffisamment précis pour permettre au juge d’en apprécier le caractère réel et sérieux, contrairement à ce qu’énonce Madame [U].

À titre liminaire, il convient d’observer que Madame [U] ne produit pas de pièces à même de démontrer que les faits invoqués ne correspondent pas aux motifs réels du licenciement et que le licenciement a en réalité une cause distincte.

La cour constate, dans le même temps, que les demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [U] ne sont pas, en elles-mêmes, fondées sur l’existence d’un avis d’inaptitude de la médecine du travail du 6 décembre 2016, avis en réalité objet d’un recours de Madame [U], qui a donné lieu à une décision de l’inspecteur du travail concluant à une aptitude de Madame [U] à son poste.

Une prescription de faits reprochés dans la lettre de licenciement n’est pas mise en évidence, l’employeur justifiant n’avoir eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur desdits faits que moins de deux mois avant la date d’engagement de la procédure disciplinaire, le 25 janvier 2017.

À l’appui des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, l’employeur produit diverses pièces aux débats (notamment des fiches de signalements réalisées au cours d’une période allant du 30 novembre 2016 au 23 décembre 2016 par plusieurs salariées de l’entreprise, Mesdames [R], [N], [F], [T], [J], [X] ; un procès-verbal de constat d’huissier du 30 décembre 2016 ; un courriel de Madame [U] du 21 décembre 2016 adressé au Docteur [P], médecin-chef ; des messages de type texto adressés les 11 et 20 décembre 2016 par Madame [U] au Docteur [I] [Z], directeur de la structure ; des attestations émanant du Docteur [P], de Mesdames [J], [T], [X], [R], [N] ; une copie de procès-verbal d’audition du Docteur [P] en date du 26 mai 2017 par le commissariat d'[Localité 1] ; des extraits d’un dossier patient dont le nom a été anonymisé). Il n’est pas démontré que les témoignages ou écrits des salariées de l’entreprise soient fantaisistes ou de complaisance. La cour constate, de plus, que les divers témoignages, rédigés par des salariées de la structure, n’émanent pas de témoins indirects, mais directs, et sont suffisamment détaillés pour que la réalité des faits, énoncés de manière convergente, ne soit pas remise en cause au vu du lien de subordination entre elles et l’employeur, de sorte qu’ils n’ont pas à être écartés.

Ces pièces viennent confirmer la réalité des faits énoncés dans la lettre de licenciement, hormis :

– s’agissant des différents faits afférents à des accusations opérées à tort (énoncés aux paragraphes, numérotés 1. et 2., de la lettre de licenciement) par Madame [U], les pièces produites étant insuffisantes pour permettre à la cour de caractériser les manquements invoqués, non reconnus par Madame [U], dont la mauvaise foi n’est au surplus pas mis en évidence,

– concernant la transmission écrite dans un dossier patient, d’où il ne ressort pas de mise en doute de capacités professionnelles d’une aide soignante, ou de faute relative au fait de la nommer,

– pour ce qui est des faits afférents à des campagnes (ce qui suppose une action planifiée et durable) de dénigrement, de calomnie, du personnel soignant ou du médecin chef, la cour ne dispose pas d’éléments suffisants pour les caractériser dans leur généralité,

– concernant des faits de chantage à l’égard du Docteur [I] [Z], qui ne peuvent être déduits des termes du message texto produit en date du 27 décembre 2016.

Dans le même temps, ce qui est du message texto du 11 décembre 2016 adressé par Madame [U] au Docteur [I] [Z], les termes, effectivement insultants, employés par Madame [U] relatifs à un tiers à la relation de travail (médecin du travail), ne peuvent être considérés comme constitutifs d’une faute dans la relation de travail unissant Madame [U] à la Société Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello.

Parallèlement, Madame [U], en dehors ses propres déclarations ou énonciations, se réfère essentiellement, à l’appui de sa contestation des faits invoqués dans la lettre de licenciement, à des attestations (émanant du Professeur [D], du Docteur [H], de Monsieur [Y] de Madame [W]), un certificat médical (émanant du Docteur [M]), diverses correspondances, une fiche de signalement du 8 décembre 2016, des procès-verbaux de constat d’huissier datés des 3 et 10 avril 2017 et du 21 février 2019, un compte-rendu de réunion daté du 20 décembre 2016, outre des pièces afférentes à ses diplômes, ensemble de pièces qui soit ne se rapportent pas aux motifs invoqués dans la lettre de licenciement, soit ne viennent pas utilement contredire les pièces adverses. Le seul fait que l’employeur ne soit pas en mesure de produire les enregistrements opérés par Madame [U], enregistrements qu’il n’a jamais eu en sa possession, n’est pas déterminant, la réalité de ceux-ci ressortant des propres déclarations de Madame [U] auprès de plusieurs collègues, dont Madame [X], qui expose que Madame [U] lui en a fait écouter un. Madame [U] ne fournit aucune explication auxdits enregistrements audio opérés à l’insu de ses collègues, salariés de la structure. Au vu des divers pièces et explications transmises par Madame [U], la cour ne dispose pas d’éléments à même de justifier de l’inanité des faits invoqués par l’employeur, retenus par la cour -à savoir ceux relatifs à des enregistrements audio de collègues de travail ou de salariés de la structure à leur insu, à plusieurs reprises, à une prise à partie d’une infirmière et à une tentative de pression sur la médecin chef en la menaçant de faire état de sa vie privée (prise à partie et tentative de pression qui excèdent un usage non abusif de la liberté d’expression reconnue à tout salarié), générant des conséquences préjudiciables au sein de l’équipe médicale pendant plusieurs semaines-, ou à faire peser un doute suffisant sur lesdits griefs.

Il se déduit de ces développements que la réalité des motifs invoqués dans la lettre de licenciement est établie uniquement s’agissant des faits relatifs à des enregistrements audio de collègues de travail ou de salariés de la structure à leur insu, à plusieurs reprises, à une prise à partie d’une infirmière et à une tentative de pression sur la médecin chef en la menaçant de faire état de sa vie privée, générant des conséquences préjudiciables au sein de l’équipe médicale pendant plusieurs semaines, faits constitutifs de manquements de la salariée à son obligation d’exécution loyale et non fautive du contrat de travail.

Au vu de ce qui précède, du caractère établi de plusieurs des faits invoqués dans la lettre de licenciement (ne se limitant pas à un comportement isolé ou ponctuel de la salariée), de leur nature, de leur multiplicité, la cour observe que ceux-ci sont suffisamment sérieux pour, sans disproportion, fonder un licenciement de Madame [U], nonobstant l’absence de sanction disciplinaire antérieure.

L’employeur, auquel il ne peut être reproché d’avoir pris un temps nécessaire pour apprécier la gravité de la faute, justifie, au travers des éléments qu’il produit, de la nature des différents faits ayant fondé le licenciement, qu’il était impossible d’envisager le maintien de la salariée dans l’entreprise même pendant la durée du préavis, l’absence de mise à pied conservatoire préalable n’étant pas déterminante.

Le licenciement pour faute grave de Madame [U] par la Société Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello est ainsi justifié et est privatif des indemnités de rupture.

Le jugement entrepris, critiqué de manière fondée par l’appelante, sera ainsi infirmé en ce qu’il a :

– dit et jugé le licenciement de Madame [U] sans cause réelle et sérieuse,

– condamné le Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello, pris en la personne de son représentant légal, à payer à Madame [U] les sommes suivantes:

‘ 1.586,91 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

‘ 10.737,80 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Madame [U], succombant principalement, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé à cet égard) et aux dépens de l’instance d’appel.

Madame [U] étant seule condamnée aux dépens ou perdant le procès au sens de l’article 700 du code de procédure civile, sera rejetée sa demande de condamnation de la Société Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et d’appel.

L’équité ne commande pas de prévoir de condamnation de Madame [U] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 21 septembre 2022,

CONSTATE à titre liminaire que la déclaration d’appel contient manifestement une pure erreur matérielle en ce que l’appelante ne se dénomme pas la S.A. Société Anonyme, mais la S.A. Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello,

DÉCLARE l’appel recevable en la forme,

REJETTE les prétentions de la société appelante afférentes à une annulation du jugement,

REJETTE la demande de sursis à statuer formé par la société appelante, demande omise par les premiers juges,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio le 6 avril 2021, tel que dévolu à la cour,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT fondé le licenciement pour faute grave dont Madame [B] [U] a été l’objet de la part de la Société Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello,

DÉBOUTE Madame [B] [U] de ses demandes de condamnation de la Société Ajaccio Centre de rééducation fonctionnelle et motrice du Finosello à diverses sommes au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité légale de licenciement, de frais irrépétibles de première instance,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE Madame [B] [U] aux dépens de première instance et de l’instance d’appel,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La greffièreLe président

 


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