Compte personnel de formation : 30 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01856

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Compte personnel de formation : 30 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01856
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ARRÊT DU

30 Septembre 2022

N° 1520/22

N° RG 20/01856 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TET6

PS/GL

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

06 Juillet 2020

(RG F17/00077 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 30 Septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

Organisme ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES REPRESENTE PAR LE CONSEIL REGIONAL suite dénomination : DE L’ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES [Localité 3] NORD PAS DE CALAIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE :

Mme [X] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Serge LAWECKI

DÉBATS : à l’audience publique du 24 Mai 2022

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Alain MOUYSSET, Conseiller et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 mai 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail régi par la Convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 Mme [O] a été embauchée en 1983 par l’Ordre des experts comptables de la région Nord-Pas-de-Calais, (ci-après l’Ordre), en qualité de secrétaire administrative avant d’accéder au poste de secrétaire général adjoint en 2000.

En mai 2001 elle a été victime d’un grave accident vasculaire cérébral suite auquel elle a été placée en arrêt-maladie jusqu’en juin 2004, date de sa reprise de travail assortie d’une réduction à 65 heures mensuelles de sa durée. Suite à une fracture osseuse elle a dû arrêter ses activités d’août 2011 à avril 2012.

Le 7 décembre 2012 elle s’est vu notifier une mise à pied à titre disciplinaire de 6 jours.

Invoquant une discrimination liée à son état de santé Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille le 3 décembre 2013 aux fins d’obtenir la condamnation de son employeur au paiement de dommages-intérêts ainsi qu’un rétablissement dans l’ensemble de ses fonctions.

Elle a par la suite été placée en arrêt de travail entre le 11 février et le 3 août 2015.

Lors de la visite de reprise du 27 août 2015 le médecin du travail a rendu l’avis suivant : «Incompatibilité temporaire de l’état de santé du salarié avec son poste de travail à dater de ce jour. Nécessité de soins médicaux. A revoir à son retour dans l’entreprise».

Après un retour de courte durée Mme [O] a de nouveau été placée en arrêt de travail jusqu’au 11 septembre 2015.

A l’issue d’un examen médical réalisé le 5 octobre 2015, faisant suite à un examen le 17 septembre, le médecin du travail a prononcé son inaptitude en ces termes: «Mme [O] est reconnue inapte définitive au poste de travail antérieurement occupé suite aux conditions de travail, suite à la VR N°1 du 17 septembre 2015 et suite à l’étude de poste faite le 29 septembre 2015 ; avec les capacités restantes on pourrait éventuellement proposer un temps très partiel au domicile avec encadrement permanent à un poste de travail assis sédentaire à domicile ».

Par lettre du 27 novembre 2015 son employeur l’a licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

C’est dans ce contexte que selon jugement du 6 juillet 2020 le Conseil de Prud’hommes, en formation de départage, a :

-annulé la mise à pied disciplinaire du 7 décembre 2012

-dit que le licenciement est nul comme résultant d’une discrimination en raison de l’état de santé

-condamné l’Ordre au paiement des sommes suivantes :

’20 000 euros de dommages-intérêts pour discrimination

‘1000 euros de dommages-intérêts pour mise à pied disciplinaire injustifiée

‘109,90 euros de rappel de prime d’ancienneté, outre les congés payés

’40 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul

‘6904,99 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés

‘1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Le 17 août 2020 l’Ordre a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions du 17 mai 2021 il demande à la Cour de l’infirmer et de:

-déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

-débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes

-la condamner au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Il expose pour l’essentiel que :

A titre liminaire,

L’intimée formule pour la première fois en cause d’appel une demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail qui devra être écartée

Sur le licenciement pour inaptitude

Il a procédé de façon effective, loyale et sérieuse à une recherche de reclassement s’étant révélée impossible eu égard aux prescriptions du médecin du travail.

La procédure légale d’inaptitude a été respectée.

Il n’est pas démontré que des faits de harcèlement seraient à l’origine de l’inaptitude

Sur la discrimination et le harcèlement

Mme [O] n’apporte aucun élément de nature à démontrer une discrimination ou un quelconque harcèlement moral.

La diminution de ses tâches s’explique par la réduction de son temps de travail suite aux problèmes de santé rencontrés.

Il s’est toujours attaché à ce que la salariée puisse poursuivre son activité dans les meilleures conditions.

Il a été procédé à plusieurs aménagements de son poste de travail.

Il a pris contact à plusieurs reprises avec la médecine du travail s’inquiétant de la dégradation de son état de santé.

Il a répondu aux demandes de la salariée qui sollicitait qu’une charge de travail plus conséquente lui soit allouée.

Il a procédé au déménagement du bureau de la salariée à compter du 17 novembre 2014 pour préserver son état de santé.

L’intimée ne peut se prévaloir d’un droit à augmentation de sa rémunération.

La sanction disciplinaire est parfaitement justifiée eu égard aux dispositions du règlement intérieur.

S’il a réitéré à plusieurs reprises sa demande de communication du relevé de carrière et a saisi la juridiction prud’homale en référé, c’est en raison de l’absence de réponse de la salariée à ses demandes légitimes.

Le salaire du mois de mai 2015 lui a bien été réglé, Mme [O] ne se prévalant d’aucun préjudice.

Les documents de fin de contrat sont quérables et l’employeur n’a aucune obligation de les adresser au salarié. Néanmoins, au regard de l’état de santé de la salariée, il a été décidé de les lui adresser par huissier de justice. Devant le refus de Mme [O], les documents lui ont finalement été adressés par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir informé avant le licenciement la salariée des heures à disposition sur son compte personnel de formation, celle-ci ayant la possibilité de se renseigner elle-même.

Sur la suppression des RTT

Mme [O] qui ne travaillait qu’à hauteur de 65 heures mensuelles, ne pouvait prétendre au bénéfice de jour de RTT par définition accordés aux salariés travaillant plus de 35 heures.

Par dernières conclusions d’appel incident du 17 septembre 2021 Mme [O] demande pour sa part :

-la confirmation du jugement en ce qu’il a :

‘retenu la discrimination et annulé le licenciement

‘condamné l’employeur au paiement de la somme de 109.90 euros, outre 10.90 euros d’indemnité de congés payés à titre de rappel de prime d’ancienneté

-son infirmation pour le surplus et la condamnation de l’Ordre comme suit :

’10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

’60 000 euros au titre du préjudice de discrimination

‘2807.98 euros au titre du rappel de salaire sur les RTT

‘5000 euros pour mise à pied injustifiée

‘5000 euros au titre du préjudice lié au congé de formation

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de retenir le harcèlement moral et de condamner l’Ordre au versement d’une somme de 60 000 euros au titre du préjudice subi, outre 50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul, 6904.99 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 690.99 euros de congés payés y afférents

A défaut, juger que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et lui allouer en conséquence 50.000 euros de dommages-intérêts. Dans tous les cas elle réclame la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. 

Elle fait valoir pour l’essentiel que :

Les 4 attestations produites tardivement par l’appelant ne respectent pas le formalisme prescrit par l’article 202 du code de procédure civile et devront donc être écartées. Les autres attestations contiennent des assertions mensongères et erronées, étrangères à son état physique.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Contrairement à ce que prétend l’appelant, cette demande avait déjà été formulée devant la juridiction de première instance.

A compter de l’arrivée de Madame [W] au poste de secrétaire général en avril 2012, ses attributions ont été très réduites et se limitaient aux seuls litiges, contrairement à ce que son contrat de travail prévoyait.

Sur la contestation de la mise à pied disciplinaire

Elle a contesté cette sanction mais l’employeur n’a pas pris la peine de lui répondre. Cette sanction est une man’uvre de harcèlement à son encontre. Il n’est pas démontré la réalité des griefs reprochés. Cette sanction de 6 jours fait suite à une mise à pied conservatoire abusive et anormalement longue.

Sur la discrimination

Elle apporte la preuve des faits de discrimination dont elle a été victime en raison de son handicap et de son état de santé.

A titre infiniment subsidiaire

Si la cour estimait qu’elle n’avait pas été victime d’une discrimination en raison de son état de santé, elle rapporte la preuve de nombreux faits permettant de laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Sur la nullité du licenciement

Son inaptitude n’a pas été constatée régulièrement.

Le harcèlement moral en a été la cause.

A titre subsidiaire, sur l’absence de cause réelle et sérieuse

L’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement. Il ne justifie en rien de l’impossibilité de recourir au télétravail et n’apporte pas la preuve d’avoir sollicité de la part du médecin du travail une autre mesure de reclassement.

Elle n’a pas été remplacée suite à son licenciement. Son poste n’existe plus. Il apparaît que son licenciement était programmé pour qu’il ne reste que le poste de secrétaire générale. Il y a donc un motif apparent de licenciement et un motif économique.

Sur la suppression des RTT

Bien qu’elle ait été à temps partiel, elle bénéficiait de jours de RTT qui ont été supprimés en méconnaissance des dispositions de la convention collective applicable.

Pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

La recevabilité de la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Cette demande est l’accessoire des demandes d’annulation du licenciement et de dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement moral présentées par Mme [O] devant le Conseil de prud’hommes. Suffisamment liée aux demandes initiales elle est recevable en cause d’appel même si elle n’a pas été présentée devant le premier juge.

La demande tendant à écarter les attestations produites par l’employeur

Certaines de ces attestations ne respectent pas à la lettre le formalisme prévu par l’article 202 du code de procédure civile mais étant précises et concordantes avec d’autres éléments du dossier elles présentent des garanties suffisantes permettant de les admettre dans le débat contradictoire. Il n’y a donc pas lieu de les écarter.

La demande au titre de la prime d’ancienneté

Pas plus en appel que devant le Conseil de Prud’hommes l’Ordre ne fournit d’élément permettant d’écarter la demande argumentée, fondée et étayée de calculs pertinents présentée par la salariée. Il y sera fait droit par confirmation du jugement entrepris.

La demande de rappel de salaires au titre de la RTT

Mme [O] soutient qu’avant son passage à 65 heures mensuelles elle travaillait à temps partiel et qu’elle est donc en droit de bénéficier des dispositions de l’article 8.4.3 de la Convention collective relatives aux RTT. Elle indique que cet avantage lui ayant été brutalement retiré elle a subi un préjudice réparable. Comme en première instance l’employeur se borne à soutenir que les dispositions de RTT sont réservées aux travailleurs à temps plein.

Sur ce,

En vertu du dernier avenant conclu entre les parties, celui du 1er juillet 2000 la nommant secrétaire générale adjointe, Mme [O] a été placée sous un régime de forfait-jours annuels. Celui-ci n’étant pas caduc elle est fondée de revendiquer l’application des dispositions de la Convention collective octroyant des possibilités de repos complémentaire dits RTT aux travailleurs sous forfait-jours puisque telle a toujours été sa situation. Pour autant elle ne précise ni la nature des manquements de l’employeur, lesquels ne ressortent d’aucune pièce, ni la teneur d’un préjudice dont a fortiori elle n’établit pas l’existence. Elle sera donc déboutée de sa demande.

La demande de dommages-intérêts au titre de la mise à pied injustifiée

En cause d’appel l’Ordre ne fournit aucun élément permettant de revenir sur l’appréciation du premier juge. S’il est avéré que le comportement de la salariée a pu participer à la dégradation du climat de travail le dossier ne contient pas de donnée permettant de tenir pour avérés les manquements pointés dans la sanction litigieuse. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a annulée et a alloué à Mme [O] la somme de 1000 euros en réparation de son préjudice exactement évalué. Le surplus de sa demande sera rejeté.

LES DEMANDES AU TITRE DU HARCÈLEMENT MORAL, DE LA DISCRIMINATION ET DE L’INAPTITUDE

Les dispositions applicables

Il est de règle que lorsque l’inaptitude du salarié est en lien avec un harcèlement moral ou une discrimination le licenciement en résultant est nul et que lorsqu’elle est causée par des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité non assimilables à du harcèlement moral ou de la discrimination il est dénué de cause réelle et sérieuse.

Il résulte de l’article L 1132-1 du code du travail que nul ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de son état de santé ou de son handicap. En application de l’article L 1134-1 du code du travail, lorsqu’une discrimination est alléguée l’employeur doit soumettre au juge les critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination, justifiant l’inégalité de traitement entre salariés, à charge pour ceux soutenant en être victime de lui communiquer préalablement les éléments de fait propres à en laisser supposer l’existence. Par ailleurs, aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Application au cas d’espèce

Outre des allégations imprécises étayées d’aucun justificatif et la relation d’événements de nature courante voire anodine impropres à étayer sa thèse Mme [O] présente les faits suivants:

Elle a subi une mise à pied dont l’employeur ne justifie pas du bien-fondé.

Ce fait est avéré ainsi qu’il vient d’être dit.

Elle a subi des consignes d’isolement.

Il appert que l’employeur a constamment veillé à ce que Mme [O] fût aidée dans ses déplacements et l’accomplissement de ses missions. Elle a gardé sa place dans l’organisation et l’organigramme et elle a toujours été en contact avec sa direction et ses collègues. L’employeur a à plusieurs reprises sollicité, mais en vain, l’inspection et le médecin du travail afin qu’ils prennent la mesure sur place des difficultés rencontrées par la salariée compte tenu de son handicap.

Devant son neurologue celle-ci a évoqué une « sensation de placardisation » n’ayant aucune réalité objective en l’état des éléments produits. La diminution de son volume de travail, n’ayant dans les faits pas abouti à un déclassement, n’est que la conséquence de la diminution de ses capacités productives en raison d’éléments échappant au contrôle de l’employeur. Le fait n’est donc pas établi.

Ses prérogatives ont été réduites à compter d’avril 2012 et de l’arrivée de Mme [W] au poste de secrétaire générale.

Il résulte des éléments produits aux débats que progressivement et au rythme de ses arrêts-maladie, de la dégradation de son état de santé et de la réduction de son temps de travail les attributions de Mme [O] ont été cantonnées, comme elle l’indique, essentiellement à la gestion des litiges.

Ne sont établis ni l’absence anormale de dossiers à traiter ni le total dés’uvrement alors que les courriels versés aux débats attestent du maintien d’un volume d’activité certes réduit mais réel.

Il ne ressort par ailleurs d’aucune pièce que Mme [O] ait été privée de la capacité de commandement sur les personnels. Elle a toujours figuré comme secrétaire adjointe dans une arborescence la plaçant en qualité de supérieure hiérarchique de 5 subordonnées avec une spécialisation réservée dans le traitement des litiges, ce qui relevait de sa qualification.

En juin 2014, elle a par ailleurs nommément été citée comme secrétaire générale adjointe de l’Ordre par son président dans une interview donnée à un journal local. Ce fait n’est donc pas établi.

Lorsqu’elle a voulu reprendre son service le 14/12/2012 après la sanction disciplinaire son employeur l’en a empêchée.

Ce fait n’est pas avéré étant observé que le jour-dit Mme [O] lui a adressé une lettre de 7 pages contestant les motifs de la sanction dans laquelle elle n’a pas fait allusion à un tel incident, ce qu’elle n’aurait pas manqué de faire si tel avait été le cas.

Sa rémunération de base a été gelée.

Il résulte des écritures de l’intimée que son salaire a progressé chaque année entre 2007 et 2010 à hauteur de 2,25 %. En 2011 et 2012 elle n’a pas reçu d’augmentation mais à compter de janvier 2013 son salaire est passé de 1963 à 1998 euros mensuels. Du reste, en 2015 il était de plus de 2300 euros mensuels. Le fait n’est donc pas établi comme n’est pas établie l’inégalité de traitement par rapport à ses collègues, aucun élément concret n’étant produit à l’appui de cette assertion.

Sa prime d’ancienneté n’a pas progressé.

Ce fait est établi, étant observé que la créance totale est de 100 euros environ.

Elle n’a pas bénéficié du versement de la prime exceptionnelle annuelle depuis 2011.

Ce fait est établi et non contesté étant observé que la salariée ne forme aucune demande salariale à ce titre.

L’employeur a commis une faute en intégrant le montant de ses indemnités de sécurité sociale dans les salaires déclarés au fisc.

Il s’agit d’une erreur régularisée à première demande et la mauvaise foi de l’employeur n’est pas avérée. Ce fait ne peut être retenu à l’appui de la demande.

Elle s’est vu supprimer des jours de congé.

Il est avéré que l’employeur a commis une erreur en totalisant sur la fiche de paie de juin 2012 un nombre erroné de congés mais elle a été rectifiée et la salariée ne s’est jamais vue priver de jours de congés. Ce fait ne peut être retenu.

Elle a demandé au président où se trouvait l’emplacement de stationnement pour handicapés mais elle n’a obtenu aucune réponse. Elle a eu des difficultés pour y stationner.

Ce fait ne peut être retenu puisqu’un emplacement pour le stationnement des handicapés existait dans l’enceinte de l’entreprise sur lequel la salariée se garait. Sauf à de rares moments, elle a pu y stationner son véhicule.

Sa hiérarchie a mis en cause ses capacités professionnelles.

Ce fait contesté n’est pas établi. Dans ses écritures la salariée indique n’avoir jamais fait l’objet d’un moindre recadrage, du moindre sms de la moindre remarque verbale concernant les faits visés dans les témoignages versés par l’employeur. Hormis sa mise à pied en 2012, intervenue dans un contexte de tensions entre collègues, elle n’établit aucune sanction ou mise en cause de ses aptitudes. Elle indique que pendant ses arrêts-maladie la secrétaire lui apportait chez elle des dossiers pour signature, ce qui atteste à tout le moins d’un maintien de son activité et d’une certaine confiance de la part de son employeur. Elle indique également que les dossiers confidentiels étaient classés dans son bureau sans relater une dépossession matérielle. Elle expose par ailleurs n’avoir jamais fait l’objet d’une remarque des présidents et secrétaires généraux successifs sur ses horaires de travail et ses pauses cigarettes bien que des témoins se soient plaints de ses retards. Il est avéré que dans un courriel adressé à l’intéressée sans autre destinataire le président a fait allusion à la diminution de sa capacité de travail et de ses horaires mais il s’agissait de justifier les mesures de réaffectation de dossiers en découlant conformément à son pouvoir de direction.

Le fait allégué est donc non établi.

Elle s’est retrouvée dans un bureau au rez de chaussée alors que ses collaborateurs étaient à l’étage.

Ce fait est établi et non contesté.

le 3/11/2014 son employeur lui a réclamé par lettres recommandées puis par texto son relevé d’invalidité et de carrière de la CARSAT. N’ayant pas déféré à ces demandes elle a été citée en référé devant le Conseil de Prud’hommes.

Ce fait est établi.

Elle a été destinataire le 23 janvier 2015 d’une demande d’explications concernant des absences à ses dires justifiées des 3,4 et 5 décembre 2014.

Ce fait est avéré.

Son employeur n’a pas tenu d’entretien annuel afférent à son forfait jours.

Ce fait est avéré mais il ne peut, vu la situation de la salariée et le bouleversement de son temps de travail ayant rendu inopérantes les dispositions contractuelles d’origine, être retenu au titre de ceux laissant présumer la discrimination.

Ses salaires de mai, juillet et août 2015 ne lui ont pas été payés à temps.

Ce fait n’est pas avéré.

L’employeur a mandaté un huissier pour lui remettre son solde de tous comptes et les documents de fin de contrat.

Ce fait est avéré.

Il résulte des développements précédents que Mme [O] n’établit pas la réalité de certains faits invoqués au soutien de sa demande.

S’agissant des faits établis l’employeur justifie en premier lieu que la diminution des missions confiées à la salariée a été la conséquence de la réduction de ses horaires suite à la décision d’invalidité. Il appert en effet que ses horaires étaient en dernier lieu de 15 à 17 h 30 et que ses activités ont été réduites à due concurrence. Il résulte en outre du dossier que les présidents successifs ont demandé qu’elle soit aidée ce qui a toujours été le cas. L’employeur a respecté son obligation de sécurité en réduisant un volume de travail qu’elle était dans l’incapacité objective de supporter sans risque pour sa santé. Il résulte des productions que compte tenu de son volume horaire réduit et de ses retards à la prise de service, liés ou non à ses difficultés de locomotion, l’employeur a été amené, dès son premier arrêt-maladie en 2001, à confier certaines de ses tâches à d’autres salariés, ce qui a été décidé dans le cadre de ses prérogatives d’organisation. Aucun déclassement n’est du reste avéré. Sur ce point l’employeur justifie d’éléments objectifs exclusifs de toute discrimination.

Il explique que le déménagement de la salariée a été décidé pour l’affecter dans un bureau proche de l’ascenseur en raison de ses difficultés de locomotion. Il établit qu’elle n’a pas été totalement coupée des autres services et que suite à sa décision, n’ayant à l’époque pas fait l’objet de récrimination de l’intéressée, celle-ci a pu utiliser plus aisément l’ascenseur, ce qui lui a évité de pénibles déplacements. Là encore l’Ordre justifie de considération objectives étrangères à toute discrimination.

Il fait valoir que l’acte d’huissier était nécessaire suite au refus réitéré de la salariée de lui transmettre des informations nécessaires à la constitution de son dossier de retraite, notamment la communication d’un relevé de carrière et de la décision d’invalidité. Sa décision est sur ce point étrangère à toute discrimination. Il justifie également qu’ayant pris en compte ses difficultés pour se déplacer et la nécessité de préserver ses droits dans un contexte litigieux il lui a fait signifier ses documents de fin de contrat et le chèque de tous comptes ce qui relève de considérations objectives étrangères à la discrimination .

Il établit enfin que la salariée a été absente au travail 3 jours en décembre 2014 sans justificatifs, Mme [O] se prévalant d’une autorisation orale de s’absenter sans fournir d’élément accréditant ses dires.

Pour le reste, vu leur nature et les efforts constants déployés par l’employeur pour garantir à la salariée un cadre de travail adapté à son handicap, la mise à pied en 2012, trois ans avant le constat d’inaptitude, l’absence d’évolution de la prime d’ancienneté, de versement de la prime exceptionnelle et l’erreur sur le montant à déclarer au fisc sont étrangers à toute prise en compte de l’état de santé de la salariée ou de son handicap.

Mme [O] invoque également à l’appui de sa demande d’annulation du licenciement l’irrégularité de forme tenant à ce que son inaptitude aurait été décidée à l’issue d’un seul examen médical mais ce moyen sera rejeté dans la mesure où son inaptitude a été constatée après deux examens réalisés les 17 septembre et 5 octobre 2015 par le médecin du travail. Mme [O] soutient que lors de la première visite le médecin du travail ne l’a pas déclarée inapte mais l’inaptitude pouvait être valablement constatée au terme de la seconde visite sans forcément l’avoir été à l’issue du premier examen. Ce moyen est donc infondé.

Elle expose par ailleurs que son inaptitude serait la conséquence du harcèlement moral dont elle a été victime. Formellement, elle ne présente pas de faits susceptibles de laisser présumer le harcèlement moral mais les faits examinés au titre de la discrimination peuvent être considérés comme présentés au titre du harcèlement moral.

Il résulte des développements précédents que la mise à pied a été prononcée 3 ans avant le constat d’inaptitude. Dans l’intervalle, Mme [O] a certes subi un gel de sa prime d’ancienneté et de sa prime exceptionnelle mais vu le montant des sommes en jeu et l’absence de récrimination concernant ces éléments accessoires de rémunération il est exclu que l’absence de paiement, mise au jour a posteriori dans le cadre de l’instance prud’homale, ait eu un impact sur son état de santé. Il en est de même de la déclaration de salaires erronée au fisc.

La dégradation continuelle de sa santé, aggravée en dernier lieu par l’avancée en âge, a pour cause un arrêt vasculaire en 2001 l’ayant laissée particulièrement affaiblie, ce qu’a aggravé une fracture de la jambe mais ces événements ne présentent pas de lien avec ses conditions de travail. Suite à la diminution significative de sa capacité de travail son employeur a pris des dispositions efficientes pour aménager son poste de travail et le rendre compatible avec les préconisations de la médecine du travail. Il a d’ailleurs pu arriver que la salariée refuse l’utilisation des moyens mis à sa disposition ce qui lui a valu un rappel à l’ordre de sa direction dans le cadre de son obligation de prévention. Du reste, l’Ordre a demandé à plusieurs reprises à l’inspection du travail de se rendre dans ses locaux pour évaluer la situation et il a fait preuve de loyauté constante dans l’aménagement des horaires. Il a par ailleurs constamment veillé, malgré les difficultés, à ce que ses personnels apportent leur aide à Mme [O]. Il justifie de considérations objectives expliquant ses décisions étrangères au harcèlement moral comme elles étaient étrangères à toute discrimination.

Du reste, la salariée ne produit aucun élément relatif à son état de santé au moment du constat d’inaptitude. Des témoins, dont les attestations sont recevables à titre d’éléments

de preuve quand bien même elles ne sont pas toutes conformes aux règles posées par le code de procédure civile, attestent de manière concordante d’une dégradation de sa santé physique et de son humeur au fil du temps, notamment en 2015. Ils évoquent notamment ses chutes et sa difficulté de se rendre au travail en raison d’une mobilité de plus en plus réduite. Par courriel adressé à sa direction sa collègue [P] évoque sa venue le 3 août 2015 au bureau en ces termes révélateurs de la situation:

« bonjour à tous, Je vous envoie un récapitulatif concernant l’après-midi d’hier (concernant Mme [O]): Tout d’abord, elle est arrivée à 16 h 20 au lieu de 15h…il lui a fallu 10 minutes pour sortir de la voiture en l’aidant bien sûr et 15 min pour arriver à son bureau. Ses premiers mots (encore dans la voiture) ont été: ‘ « je suis fatiguée, j’ai failli pas venir car je suis tombée 2 fois j’ai dû demander de l’aide à ma voisine» ‘ « J’aurais aimé que la médecine me mette inapte car je ne me sent plus l’âme devenir travaillé je suis de plus en plus fatiguée. » Arrivée dans le SAS de l’ascenseur,elle s’est pris les pieds dans le tapis. (son pied se met de plus en plus mal). Enfin arrivée à son poste au bout de 20 min, impossible d’ouvrir son PC car elle a un clavier adapté à son handicap et elle ne trouvait plus les touches (bref!! j’ai failli lui faire avaler son clavier) Je sais pas si elle a fait une demande de congés mais franchement là, il faut qu’elle reste chez elle, je suis partie à 17h30 au lieu de 17h car elle devait envoyer un mail à Mr [G] pour ses congés (voulait 1 preuve écrite ”’) chose qu’elle n’avait toujours pas faite. Tous les jours comme ça c’est pas possible. [D] est partie à 17h50elle était encore là. Les filles de la CRCC m’ont dit ce matin qu’elle est partie à 18hl0- [B] et [T] ont fermé les portes en partant à 18h20 et mis l’alarme, Mme [O] était sur le parking. [T] a attendu qu’elle sorte pour se mettre en route et là elle a remarqué que Mme [O] avait stopper sur le parking (pour véronique elle a eu une absence).Ce qui inquiète surtout les filles de la CRCC et nous-même c’est si elle part la dernière et qu’il venait à lui arriver quelques choses,notre responsabilité serait-elle engagée. Par conséquent, pouvez-vous nous indiquer si elle est en congés ou non. Merci d’avance »

Mme [O] soutient que l’employeur a cherché à provoquer son départ et qu’il y est en quelque sorte parvenu mais il ressort tout au plus de la procédure qu’il n’a pas souhaité adhérer, en 2013, à sa demande de rupture conventionnelle quelques mois avant son départ en retraite impliquant, selon le souhait de la salariée le paiement d’une indemnité d’environ 50 000 euros et qu’il a fait son possible pour permettre son maintien dans l’emploi malgré ses difficultés et les troubles occasionnés au service par une situation dont aucune des parties n’est responsable. Les troubles dépressifs de l’humeur de la salariée ne sont par ailleurs objectivés par aucune pièce, a fortiori en ce qu’ils seraient en lien avec des manquements de l’employeur.

Il résulte de l’ensemble de ces développements, d’une part que les décisions de l’employeur n’ont pas été prises en considération de l’état de santé ou du handicap de la salariée, d’autre part que le harcèlement moral n’est pas constitué. Par ailleurs, aucun lien de cause à effet n’est mis en évidence entre l’inaptitude, le comportement de l’employeur et les conditions de travail.

Il convient donc de débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes.

La demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [O] fait valoir que l’employeur n’a pas rempli loyalement son obligation de reclassement pour avoir refusé d’étudier sérieusement la possibilité, suggérée par le

médecin du travail, de mettre en place un télétravail à domicile. L’Ordre se borne à indiquer qu’un tel reclassement était impossible mais l’incapacité de Mme [O], spécialisée dans le traitement des litiges, d’accomplir ses missions, à temps partiel, depuis son domicile dans le cadre d’une organisation à distance ne nécessitant pas des moyens déraisonnables n’est pas établie. Cet aménagement était été préconisé par le médecin du travail dans son avis du 5 octobre 2015 mais l’employeur ne justifie d’aucune étude de poste pour le mettre en place ou simplement envisager sa mise en place. Dans la lettre de licenciement il indiquait n’avoir « aucun poste sédentaire pouvant être effectué à domicile à temps partiel et sans encadrement permanent » mais cette allégation n’est étayée d’aucun justificatif. Il apparaît avoir refusé par principe, sans étude technique ou économique préalable, l’aménagement préconisé. L’impossibilité d’encadrement permanent n’est du reste pas avérée. Il en ressort que l’Ordre des experts-comptables a manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l’ancienneté de Mme [O], de son âge (69 ans actuellement, 62 lors du licenciement), du revenu dont elle a été privée (2380 euros bruts par mois avant revenus de remplacement), de son admission à la retraite conformément à sa volonté quelques semaines après le licenciement et des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture il y a lieu de lui allouer 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et financier causé par sa perte d’emploi injustifiée. N’ayant pu effectuer son préavis du fait de la violation par l’employeur de son obligation de reclassement il sera fait droit à sa demande d’indemnité compensatrice de préavis, ce par confirmation du jugement.

La demande de dommages-intérêts au titre de la violation du droit à formation

Mme [O] soutient que l’employeur lui a certes notifié ses droits dans la lettre de licenciement mais qu’il a méconnu les dispositions de l’article R 6323-7 du code du travail en sa rédaction alors en vigueur lui imposant de l’informer desdits droits par tous moyens avant le 31/12/2014. Elle indique avoir de ce fait perdu la possibilité d’utiliser les 120 heures placées sur son compte.

Vu la date du licenciement et la chronologie du dossier la salariée ne justifie d’aucun préjudice et elle n’a pas été placée dans l’impossibilité d’utiliser ses droits. En 2015 elle a peu travaillé, elle a pris sa retraite et elle n’a pas manifesté l’intention d’utiliser son compte de formation, ayant du reste sur ses droits une information suffisante vu la nature de ses fonctions. Sa demande sera donc rejetée.

Les frais

Il serait inéquitable, en appel, de condamner l’une ou l’autre des parties au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

DECLARE recevable la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

INFIRME le jugement en ce qu’il a annulé le licenciement et alloué à Mme [O] 20 000 euros de dommages-intérêts pour discrimination et 40 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul

LE CONFIRME en ses autres dispositions

statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant

DIT que le licenciement de Mme [O] est non pas nul mais dénué de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE l’Ordre des experts-comptables Nord Pas-de-Calais à lui payer 15 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DEBOUTE Mme [O] du surplus de ses demandes

DIT n’y avoir lieu en appel à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE l’Ordre des experts-comptables aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

[H] [F]

POUR LE PRESIDENT

EMPECHE

Alain MOUYSSET

 


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