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11 OCTOBRE 2022
Arrêt n°
CHR/NB/NS
Dossier N° RG 19/01352 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FHZU
L’UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 3]
/
[Y]
[R],
S.E.L.A.R.L. MJ [L]
Arrêt rendu ce ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Karine VALLEE, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé
ENTRE :
L’UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 3], Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [F] [H],
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
M. [Y] [R]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Julie-Elena NIELS suppléant Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
S.E.L.A.R.L. MJ [L]
Représentée par Maître [X] [L], en qualité de mandataire ad hoc de la SCOPARL CYMEIA
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparante, ni représentée
INTIMES
Après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 04 Juillet 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La société CYMEIA, société coopérative de production sous forme de SARL (Société Coopérative et Participative à Responsabilité Limitée ou SCOPARL) dont le siège social était situé à [Localité 7] (63), a été créée le 29 avril 2016, avec pour activité « l’étude, l’ingénierie, la maîtrise d’oeuvre, la direction, le contrôle, la coordination de projets ou travaux concernant le bâtiment et l’industrie, les travaux publics et les réseaux extérieurs ».
La SCOPARL CYMEIA a pour associés fondateurs Monsieur [V] [G] et Monsieur [Y] [R] qui disposent chacun de 50 % du capital social. Le 30 avril 2016, Monsieur [R] et Monsieur [G] vont signer chacun un contrat de travail à durée indéterminée avec la SCOPARL CYMEIA.
Monsieur [Y] [R], né le 6 décembre 1974, a été embauché par la SCOPARL CYMEIA à compter du 1er mai 2016, en qualité d’ingénieur bureau d`études génie électrique (statut cadre, coefficient 130), à temps plein.
Le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a prononcé la liquidation judiciaire de la SCOPARL CYMEIA le 26 avril 2018 en désignant Maître [N] [W] aux fonctions de liquidateur judiciaire.
Dans le cadre de la procédure collective de liquidation judiciaire de la société CYMEIA, Monsieur [R] a été licencié pour motif économique le 29 mai 2018 par Maître [N] [W] en qualité de liquidateur.
Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :
‘ Monsieur,
Suite au prononcé de la liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Clermont-Ferrand en date du 26 Avril 2018 de la SCOP CYMEIA dont le siège était à [Adresse 8], à 1’entretien préalable du Jeudi 17 Mai 2018 et à l’ordonnance du juge commissaire du 15 mai 2018, réceptionnée le 22 mai 2018, autorisant votre licenciement, j’ai le regret, par la présente, de vous notifier en ma qualité de liquidateur votre licenciement pour motif économique.
Je vous rappelle, comme je vous l’ai indiqué lors de l’entretien préalable, que le Tribunal de Commerce de Clermont-Ferrand dans son jugement en date du 26 Avril 2018 a constaté l’état de cessation des paiements de l’entreprise, c’est à dire l’impossibilité pour elle de faire face à son passif exigible (dont vos salaires) avec son actif disponible.
Le Tribunal après avoir examiné la situation économique et financière de l’entreprise ainsi que ses perspectives d’activité, a considéré u’aucune solution de redressement ne pouvait être trouvée et a, en conséquence, ouvert une procédure de liquidation judiciaire.
Cette décision du Tribunal de Commerce de Clermont-Ferrand qui caractérise donc les difficultés économiques de 1’entreprise qui fondent votre licenciement, a pour conséquence la cessation de l’activité de sorte qu’il ne peut être envisagé la poursuite des contrats de travail dont le vôtre.
Ainsi que cela vous a été indiqué lors de l’entretien préalable, le Tribunal ayant accordé une période de poursuite d’activité pour permettre de recueillir d’éventuelles offres de reprises et terminer, le cas échéant, les travaux en cours sous réserve d’une trésorerie suffisante, j’ai sollicité de Monsieur [C] [I] Juge Commissaire auprès Tribunal de Commerce de Clermont-Ferrand, en complément du jugement de liquidation judiciaire, l’autorisation de procéder à votre licenciement pour motif économique.
Monsieur [C] [I] vient de rendre une décision favorable constatant le caractère urgent, inévitable, et indispensable des licenciements pour les motifs ci-après reproduits :
ATTENDU que ces licenciements sont inévitables car il n’est pas possible d’envisager dans le cadre dune liquidation judiciaire, la mise en place de formations internes, d ‘adaptations du poste de travail ou de reclassements internes, l’entreprise n’appartenant pas à un groupe.
ATTENDU que ces licenciements sont indispensables car sans une telle mesure, il sera impossible de faire prendre en charge par l’AGS tes sommes dues aux salariés tant au titre des salaires échus pendant la période d’ observation dans la limite de 45jours qu’au titre des indemnités de rupture.
ATTENDU qu’il est ainsi dans l’intérêt de la collectivité des salariés qu’une telle mesure de licenciement presse intervenir afin de sauvegarder tes droits des salariés vis-à-vis de l’AGS
d’autant que la présente autorisation ne sera mise en ‘uvre qu’en l ‘absence d’offre permettant de Sauvegarder tout ou partie des emplois.
En l’espèce, aucune offre de reprise n`a été présentée à ce jour et la trésorerie de l’entreprise ne permettant pas d’ assurer le paiement de votre salaire, il importe donc de procéder à votre licenciement pour motif économique conformément au jugement de liquidation judiciaire et à l’Ordonnance du Juge-Commissaire afin notamment de sauvegarder vos droit vis-à-vis de l’AGS.
En conséquence, la présente lettre constitue la notification de votre licenciement et votre préavis légal commencera à la date de la première présentation de cette lettre.
La présente procédure de licenciement ne préjuge pas d’une contestation sur la réalité de votre contrat de travail par l’AGS.
Elle permet de préserver, le cas échéant, vos droits vis-a-vis de cet organisme.
Je vous dispense de travailler durant votre préavis légal afin de faciliter vos recherches d’emploi. Je vous ai informé(e) lors de l’entretien préalable des droits qui sont les votre à la suite de votre licenciement (priorité de réembauche, règlement des salaires ainsi que des indemnités de préavis, congés payés et de licenciement).
Je vous rappelle concernant votre indemnisation qu’il existe une Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salariés (A.G.S) qui outre les salaires et autres sommes dues en exécution de votre contrat de travail, procédera à l`avance des fonds nécessaires au paiement notamment de votre indemnité de congés payés, de votre indemnité de licenciement, de votre indemnité compensatrice de préavis (sauf adhésion à la Convention de reclassement personnalisé) et des sommes dues en application des dispositions conventionnelles (sous réserve des conditions et plafonds du régime de garantie).
Concernant votre reclassement, outre la dispense de travailler durant votre préavis, il n’est pas possible d’envisager dans le cadre d’une liquidation judiciaire, la mise en place de formations internes ou d`adaptations compte tenu de l’arrêt total d’activité. Par ailleurs, l’entreprise devant cesser totalement son activité et n’appartenant pas à un groupe, il n’est pas possible d’envisager des reclassements internes.
Au niveau externe, les moyens financiers de l`entreprise et les exigences de la loi du 26 juillet 2005 dite
En outre, vous pouvez bénéficier des nouvelles dispositions applicables aux procédures de licenciement économique. Vous pouvez adhérer aux mesures de reclassement mises en place par le régime d’assurance chômage et formalisées par le C S P “Contrat de Sécurisation Professionnelle “.
Depuis le 1er février 2015, le CSP permet aux salariés licenciés pour motif économique de bénéficier d’un ensemble de mesures leur permettant un reclassement accéléré.
Le CSP concerne tout salarié visé par une procédure de licenciement pour motif économique, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise. Toutefois les conditions de l’indemnisation sont différentes selon l’ancienneté des intéressés (moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise / deux ans ou plus d’ancienneté dans l’entreprise).
Pour bénéficier de cette convention, un salarié doit être physiquement apte à un emploi, résider en France et ne pas avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite, ou s’il a atteint cet âge, ne pas justifier du nombre de trimestre requis pour bénéficier d*une pension de retraite à taux plein.
Vous disposez d’un délai de 21 jours à compter du lendemain de l’entretien préalable pour adhérer à cette convention. En ce qui vous concerne la date limite est donc le 7 juin 2018.
Je vous invite donc à me faire savoir explicitement, dans le délai imparti, de votre décision d’accepter le Contrat de Sécurisation Professionnelle, en me retournant avant cette date le formulaire d’acception que je vous ai remis avec la notice d’information salarié lors de l’entretien préalable.
En cas d’acceptation, un formulaire de demande d’allocations, vous a également été remis lors de l’entretien préalable. Vous devrez le compléter le signer et me le retourner avec les pièces demandées.
Si vous adhérer å la convention CSP, la demande d’adhésion (fiche 1 I volets 1 et 3 + fiche 2) devra être dûment complétée, signée par vos soins et accompagnées des pièces ã joindre impérativement.
La rupture de votre contrat de travail interviendra à la fin du délai de réflexion soit le 07 juin 2018 La présente lettre deviendra alors sans objet.
Afin que vous soyez complètement informé(e), je vous rappelle:
– Que le Contrat de Sécurisation Professionnelle est d’une durée maximale de 12 mois, à compter de la date de rupture de votre contrat de travail.
– Que pendant ce temps, le salarié bénéficiaire d’un CSP est placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle.
– Que le salarié qui adhère au CSP bénéficie, dans les huit jours du début de sa convention, d’un entretien individuel de pré-bilan.
– Qu’à partir de ce pré-bilan, le salarié qui accepte un CSP peut bénéficier d’un certain nombre de mesures, notamment un suivi individualisé par un correspondant personnel.
– Qu’il peut également bénéficier de mesures d’appui social et psychologique, de mesures d’orientation, d’accompagnement, de formation, d’actions de validation des acquis de l’expérience et, si nécessaire, d’un bilan de compétence.
– Que le salarié bénéficiant d’un CSP perçoit une allocation de sécurisation professionnelle pendant une période de 12 mois et dont le montant correspond à 75% de son salaire brut antérieur (dans la limites des sommes ayant donné lieu à contribution à l’assurance chômage et plafonnée à 57% du plafond des contributions au régime d’assurance chômage), sous réserve de remplir les conditions requises pour en bénéficier.
– Que le salaire de référence servant au calcul de l’allocation de sécurisation professionnelle s’effectue dans les mêmes conditions que celles prévues pour l’allocation d’aide de retour à l’emploi.
– Que le salarié qui a accepté un CSP et n’a pas retrouvé d’emploi au terme du délai de 12 mois, bénéficie de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) pour la durée normale d’indemnisation, diminuée de la durée d’indemnisation au titre de l’allocation spécifique de reclassement.
– Que l’ARE sera versée au salarié sans délai de carence, ni différé d’indemnisation. Que de son côté, l’entreprise devra verser à POLE EMPLOI, une somme correspondant à l’indemnité de préavis que le salarié aurait perçue s`il n’avait pas bénéficié du CSP.
En cas de refus d’adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle, la présente lettre constituera la notification de votre licenciement.
Votre préavis légal conforme aux dispositions conventionnelles ou à défaut à la loi prendra donc effet à la date de première présentation de la présente lettre recommandée avec AR.
Vous êtes dispensé(e) d’effectuer votre préavis légal afin de faciliter vos démarches pour recherche d’emploi.
Enfin, je vous informe que vous pouvez faire valoir les droits acquis au titre du droit individuel à la formation conformément aux dispositions de la loi 2004-391 du 4 Mai 2004 (DIF), devenu à compter du 1er janvier 2015 Compte Personnel de formation (CPP). Ce dernier suit un salarié toute sa carriere durant, même en période de chômage. Les salariés qui changent d’emploi ou qui alternent fréquemment périodes d’emploi et de chômage sont assurer de conserver leurs droits à la formation.
Le CPF est alimenté en heures à la fin de chaque année. Il ne pourra excéder 150 heures sur huit ans (24 heures pendant les cinq premières années, puis 12 heures par an pendant les trois années suivantes) pour un travail à temps complet. En comparaison le DIF était limité à 120 heures sur six ans.
Le CPP ne peut être débité sans l’accord exprès du bénéficiaire et ne peut jamais être diminué du fait d’ un changement d’employeur, quelles que soient les fréquences de ces changements. En cas de licenciement, les heures portées sur le CPF restent créditées.
Les heures acquises au titre du DIF, et non utilisées au 1er janvier 2015 par le salarié, sont automatiquement portées au crédit du CPF.
La mise en oeuvre de ces dispositions relève de l’initiative du salarié. Comme cela vous a été expliqué ci- dessus, les moyens financiers de l’entreprise et les exigences de la loi du 26 juillet 2005 sur le redressement et la liquidation judiciaires ne permettent pas d’envisager un financement des mesures de formation et, en l’état, l’AGS ne garantit pas ces sommes.
Sauf disparition de l’entreprise, je vous informe que vous bénéficiez d’une priorité de réembauche pendant une durée d’une année courant à compter de la date de rupture effective de votre contrat de travail. Pour y avoir droit, vous devez m’inforrner de votre souhait d`en bénéficier au plus tard dans les douze mois courant à compter de la tiate de rupture effective de votre contrat de travail.
Je vous informe également que dans le cadre de l`exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, l’article L. 1235-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, prévoit que faction en contestation de la régularité ou de la validation du licenciement se prescrit par 12 mois à compter de la notification du licenciement.
Je dénonce par la présente les éventuelles clauses de non-concurrence pouvant exister dans votre contrat de travail.
Enfin, je souhaite, par ailleurs vous informer de vos droits en matière de maintien des garanties
Pour bénéficier de cette mesure, le salarié doit réunir 4 conditions :
* Avoir travaillé au moins un mois chez son ancien employeur.
* Avoir souscrit, chez ce demie: employeur, aux garanties Prévoyance l Mutuelle Frais de Santé auxquelles il pouvait prétendre en vertu de son contrat de travail.
* Faire l’objet d’une rupture cie son contrat de travail, quel qu’en soient les modalités et le motif (démission pour un juste motif, licenciement y compris pour un motif économique., rupture conventionnelle d’un CDI ou d’un CDD, fin d’un contrat d’apprentissage.
* Que la rupture du contrat de travail emporte pour le salarié l’acquisition subséquente de droits au titre de l’assurance chômage, pendant la période de garantie.
Le salarié bénéficiaire a droit au maintien de toutes les garanties
Le salarié peut renoncer au maintien des garanties de plein-droit à l’ensemble des garanties souscrites sans possibilité de dissociation des contrats.
Le maintien de ces garanties
* Soit au terme des douze mois suivant la date de la rupture du contrat de travail.
* Soit au terme de la période d’ indemnisation au titre du chômage si elle est inférieure à douze mois.
* Soit au jour de la reprise d’un nouvel emploi.
Je vous signale également que la suspension de l’indemnisation chômage pour cause de maladie n`a pas pour effet de proroger d’ autant la période de maintien des garanties.
La mutualisation des garanties
Concernant les garanties
* Que les différents contrats d’assurances conclus par l’entreprise en vue d’organiser les garanties
* Que l’entreprise placée en liquidation judiciaire puisse procéder, pendant toute la période de maintien des garanties, au règlement des cotisations patronales qui viendront à échéance.
Je vous informe que les différents contrats d’assurance conclus par l’entreprise en vue d’organiser les garanties
Je vous précise, par ailleurs que l’AGS considère que le maintien des garanties
En conséquence, et faute de financement disponible, je ne serai pas en mesure de poursuivre ès-qualité les contrats de
Je vous invite donc à prendre vos dispositions pour souscrire un nouveau contrat
Je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.’
Monsieur [R] a, par lettre du 27 octobre 2018, mis en demeure le mandataire liquidateur judiciaire d’effectuer le paiement des salaires restant dus et indemnités de rupture non versées.
Le 14 novembre 2018, Monsieur [R] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaire.
Les parties ont été convoquées directement devant le bureau de jugement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 15 novembre 2018 pour l’audience du 7 janvier 2019, date à
laquelle l’Association UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 3] a sollicité un report.
Par courrier en date du 8 janvier 2019, les parties ont été appelées à comparaître à l’audience de jugement du 18 mars 2019.
Par jugement (réputé contradictoire à l’égard de Maître [N] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCOPARL CYMEIA, qui n’a pas comparu et n’était pas représenté en première instance) rendu en date du 17 juin 2019 (audience du 18 mars 2019), le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :
– dit et jugé que Monsieur [Y] [R] avait la qualité de salarié de la SCOPARL CYMEIA ;
– dit et jugé que les demandes de Monsieur [Y] [R] sont recevables et bien fondées ;
– fixé la créance de Monsieur [Y] [R] au passif de la liquidation judiciaire de la SCOPARL CYMEIA, aux sommes suivantes :
* 21 705,44 euros au titre des salaires du mois d’octobre 2017 au mois de mai 2018 inclus,
* 3 468,80 euros au titre des congés payés pour la période du 1erjuin 2017 au 31 mai 2018,
* 2 107,78 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 8 130,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 813,00 euros au titre des congés payés afférents ;
– ordonné la remise du bulletin de paie du mois de mai 2018, de l’attestation destinée à Pôle Emploi, du reçu pour solde de tout compte et du certificat de travail, documents conformes au présent jugement sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement et ce pendant 30 jours, le Conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
– dit et jugé que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
– déclaré le présent jugement opposable à l’AGS et au CGEA d'[Localité 3] en qualité de gestionnaire de l’AGS. dans les limites prévues aux articles L 3253-1 et suivants (article L.3253-8), D 3253-5 du Code du Travail et du Décret n° 2000-684 du 24 juillet 2003 ;
– constaté que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond 5 défini à l’article D.3253-5 du Code du Travail ;
– constaté les limites de leur garantie ;
– dit et jugé que le présent jugement ne prononce aucune condamnation à leur encontre ;
– dit et jugé que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-1 et suivants du code du travail, article L 3253-8 du même code ;
– dit et jugé que l’obligation du CGEA D'[Localité 3] de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire ;
– dit et jugé que le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux (article L 622-28 et suivants du code de commerce) ;
– condamné Maître [N] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCOPARL CYMEIA aux dépens.
Le 3 juillet 2019, l’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS, a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 19 juin 2019.
Monsieur [R] a constitué avocat dans le cadre de la présente procédure d’appel, mais pas Maître [N] [W], en qualité de la liquidateur judiciaire de la société coopérative CYMEAIA, qui n’était ni comparant ni représenté en première instance.
Le 10 septembre 2019, l’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS, a fait signifier (à domicile) sa déclaration d’appel et ses conclusions à Maître [N] [W] en qualité de liquidateur judiciaire de la SCOPARL CYMEIA.
Le 8 décembre 2021, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a prononcé la clôture pour insuffisance d’actif de la procédure collective concernant la SCOPARL CYMEIA (radiation du RCS en date du 13 décembre 2021), ce qui a déchargé Maître [N] [W] de son mandat.
Sur demande de Monsieur [R], par ordonnance rendue en date du 4 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a désigné la SELARL MJ [L], représentée par Maître [X] [L], aux fins de représenter la SCOPARL CYMEIA dans le cadre de la présente procédure d’appel.
Le 21 mars 2022, par l’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS, a fait signifier (à personne) ses dernières conclusions et pièces à la SELARL MJ [L], représentée par Maître [X] [L], en qualité de mandataire ad hoc de la SCOPARL CYMEIA.
Le 27 avril 2022, Monsieur [R] a fait signifier (à personne) ses dernières conclusions et pièces à la SELARL MJ [L], représentée par Maître [X] [L], en qualité de mandataire ad hoc de la SCOPARL CYMEIA.
La SELARL MJ [L], représentée par Maître [X] [L], en qualité de mandataire ad hoc de la SCOPARL CYMEIA, n’a pas constitué avocat dans le cadre de la présente procédure d’appel.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 mars 2022 par l’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 14 avril 2022 par Monsieur [R],
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 21 juin 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, l’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS, demande à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu’il a fixé la créance de Monsieur [R] au passif de la liquidation judiciaire de la SCOPARL CYMEIA à la somme de 21.705,44 euros au titre des salaires du mois d’octobre 2017 au mois de mai 2018 inclus, et, statuant à nouveau de :
– dire et juger que Monsieur [R] a accepté la novation de ses salaires d’octobre 2017 à mai 2018 en créance civile;
– déclarer exclue de la garantie de l’AGS les créances civiles;
– déclarer la somme de 21.705,44 euros au titre des salaires du mois d’octobre 2017 au mois de mai 2018 inclus exclue de la garantie de l’AGS ;
– condamner Monsieur [R] à lui rembourser les sommes en net indûment perçues ;
– débouter Monsieur [R] ses fins, demandes et conclusions.
A titre subsidiaire, l’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS, demande à la cour de :
– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS et au CGEA d'[Localité 3] en qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (Article L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du Décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;
– dire et juger que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond 5 défini à l’article D.3253-5 du Code du Travail ;
– déclarer applicable les limites de leur garantie ;
– dire et juger que l’arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;
– dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) ;
– dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire ;
– dire et juger que le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux (article L.622-28 et suivants du Code de Commerce).
L’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS, expose que Monsieur [R] est associé fondateur de la SCOPARL CYMEIA et disposait de 50 % du capital social. Elle relève que Monsieur [R] disposait avant cela d’un statut de salarié/associé de la SCOP ENOPHI et qu’il avait déjà bénéficié de la garantie de l’AGS dans le cadre des procédures collectives de la SCOP ENOPHI et précise que les similarités avec la situation concernant la SCOPARL CYMEIA sont importantes.
En cause d’appel, l’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS, demande à la cour de indique qu’elle ne conteste pas la qualité de salarié de Monsieur [R] s’agissant de la SCOPARL CYMEIA mais demande à la cour de prendre en considération le fait que Monsieur [R] cumulait des fonctions d’associé à 50% et de salarié.
Elle soutient que privilégiant sa qualité de dirigeant de la société coopérative ainsi que les intérêts de son entreprise, tout en se rémunérant grâce au bénéfice de l’aide à la création d’entreprise, Monsieur [R] a fait le choix délibéré de renoncer à son salaire à compter d’octobre 2017. Elle indique que Monsieur [R] n’a effectué aucune demande concernant ses salaires non versés avant l’ouverture de la procédure collective, ce qui démontre, selon elle, sa volonté de favoriser sa société au détriment de sa qualité de salarié. Elle ajoute que Monsieur [R] a détourné l’aide à la création d’entreprise à son profit personnel, en ce que cette aide lui a permis de ne pas percevoir de salaire. Elle considère que cette attitude et ces démarches ne sont pas celles d’un salarié mais celle d’un dirigeant/ associé. Elle affirme que Monsieur [R] a renoncé à ses salaires sur une période de huit mois, soit d’octobre 2017 à mai 2018. Elle fait valoir en ce sens le courriel du 12 juin 2018 ainsi que les différents échanges entre les parties antérieures à la saisine du conseil de prud’hommes. Dès lors, elle estime que la créance salariale de Monsieur [R] s’est novée en créance commerciale puisqu’il s’agit désormais d’une dette de la société envers l’un de ses associés.
Elle expose que Monsieur [R] a reconnu, dans un courrier en date du 17 mai 2018, que son acceptation de ne pas percevoir de salaires pendant quelques mois résulte d’une décision des deux associés qui entendaient faire un effort financier pour assurer la pérennité de la société. Elle fait valoir qu’avant l’ouverture de la procédure collective Monsieur [R] exerçait des fonctions de direction et que celui-ci s’est dédouané desdites fonctions en feignant d’affirmer que son associé, Monsieur [G], était son supérieur hiérarchique. Elle soutient ainsi que Monsieur [R] cumulait des fonctions d’associé et de salarié.
Elle ajoute que Monsieur [R] sollicite une somme à titre de rappel de salaire en brut, alors que celui-ci reconnaît que les cotisations correspondant à ses salaires ont été versées. Elle considère que Monsieur [R] est par conséquent de mauvaise foi.
A titre subsidiaire, l’appelante relève les conditions et limites de la garantie de l’AGS.
Dans ses dernières écritures, Monsieur [R] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de condamner l’association UNEDIC, CGEA d'[Localité 3], délégation AGS, aux entiers dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Monsieur [R] soutient, sur sa créance garantie par l’AGS, qu’il est bien fondé à solliciter le règlement de ses salaires d’octobre 2017 à mai 2018. Il expose que ni la SCOP ENOPHI, ni la SCOPARL CYMEIA n’ont été créées pour faire faillite et que dès lors aucune similitude entre les deux situations, qui irait dans le sens des arguments de la partie adverse ne peut être relevée.
Il explique que sa qualité d’associé de la SCOPARL CYMEIA ne fait aucunement obstacle à la garantie de ses créances salariales.
Concernant le fait qu’il n’ait pas formulé de demande de paiement de salaires pendant l’exécution de son contrat de travail, il explique qu’il savait que la société était dans l’attente d’un marché important qui devait être conclu avec le bailleur social LOGIDÔME, lequel permettrait de régler les salaires. Il affirme ainsi avoir eu espoir d’être rémunéré bien que tardivement. Il argue l’absence de demande ne démontre aucunement qu’il aurait favorisé sa société au détriment de sa qualité de salarié. Il explique en outre que la société n’avait pas les fonds nécessaires pour régler l’intégralité des salaires et qu’il n’a eu d’autre choix que d’accepter que le paiement de son salaire soit différé.
Il conteste ensuite les accusations concernant l’ARCE et rappelle qu’il n’y a aucune obligation d’injecter l’ARCE perçue dans la société. Il soutient que le fait qu’il ait subvenu à ses besoins, dans l’attente du versement de ses salaires, avec ce qu’il lui restait de l’ARCE, ne saurait emporter grief et ne saurait le priver de son droit à salaire. Il expose qu’il n’a jamais indiqué avoir financé ses salaires avec l’ARCE mais simplement avoir pu subvenir à ses besoins avec ce qui lui en restait.
Il argue ensuite qu’on ne peut lui reprocher sa qualité de salarié/associé puisque tel est le fondement d’une SCOP et qu’on ne peut nier sa qualité de salarié ni celle d’associé. Il affirme qu’il n’a, en aucun cas, renoncé à ses salaires mais était simplement dans l’attente de leur versement. Il ajoute qu’il n’a jamais indiqué avoir sollicité la liquidation judiciaire de la société en raison de l’épuisement de ses économies personnelles, contrairement à ce que soutient la partie adverse. Il explique ensuite que les cotisations sur les salaires ont été réglées par la société, y compris sur les salaires non versés. Il soutient ainsi que l’argumentation adverse sur la novation ne saurait prospérer. Il fait valoir qu’il n’a pas renoncé à ses salaires ni entendu nover sa créance salariale en créance commerciale. Il affirme qu’ainsi, sa qualité de salarié n’est pas contestable, dès lors ses salaires étaient garantis par l’AGS et considère avoir droit au remboursement de ses salaires.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour entend relever le caractère limité de l’appel interjeté par l’UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'[Localité 3], lequel ne porte que sur le rappel de salaires formulé au titre des revenus non perçus du mois d’octobre 2017 à mai 2018, en sorte que seul ce chef de jugement est déféré à l’appréciation de la cour et implique qu’il soit statué dessus.
L’Association UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 3] fait valoir que l’intention de Monsieur [Y] [R], en s’abstenant de réclamer, avant l’ouverture de la procédure collective, les salaires dont il sollicite aujourd’hui le paiement, a été de favoriser l’intérêt social de l’entreprise au détriment de son statut de salarié, une telle circonstance emportant selon elle novation de sa créance salariale en créance civile de prêt, ce changement de nature ayant subséquemment pour effet d’exclure cette nouvelle obligation du champ de sa garantie.
Monsieur [R], qui conteste avoir émis une quelconque volonté de procéder à une telle novation, objecte pour sa part avoir accepté que le paiement de ses salaires soit suspendu dans l’attente de la conclusion d’un contrat commercial significatif en terme de chiffre d’affaires pour l’entreprise dès lors que la trésorerie ne permettait pas de faire face au paiement des salaires.
Il est constant en l’espèce que Monsieur [Y] [R] a créé, avec Monsieur [V] [G], autre associé fondateur, la société SCOPARL CYMEIA le 29 avril 2016, étant soulignée leur détention respective de 50% du capital social de l’entreprise.
Il n’est de même pas contesté que Monsieur [Y] [R] a été embauché par la société SCOPARL CYMEIA suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein daté du 30 avril 2016, et ce en qualité d’ ‘ingénieur bureau d’étude génie électrique, statut cadre’, pour une rémunération mensuelle brute de 2.710 euros.
Il s’ensuit que l’intimé avait à la fois la qualité d’associé et de salarié, ce que ne conteste au demeurant pas l’appelante, cette double qualité étant parfaitement compatible avec le statut sociétaire choisi, à savoir une société coopératives de production.
Les sociétés coopératives de production sont des sociétés à objet et statut particuliers, et plus spécialement des sociétés non capitalistes composées, sinon exclusivement, du moins de façon majoritaire par des travailleurs, lesquels apportent à l’entreprise tant le capital que le travail nécessaire à la réalisation de son activité sociale, tout en acceptant d’en partager les risques et profits.
Aussi, dès lors que Monsieur [Y] [R] avait, outre la qualité d’associé de l’entreprise, celle de salarié, il doit bénéficier du paiement de l’intégralité de ses salaires, sauf à ce qu’il soit démontré qu’il a expressément renoncé à leur versement et subséquemment entendu procéder à la novation de sa créance salariale en créance civile de prêt.
Il convient dès lors de déterminer si Monsieur [Y] [R] demeure créancier à l’égard de la société d’une somme d’argent à caractère salarial ou si celle-ci, dans l’hypothèse où les conditions nécessaires à la novation de cette obligation sont réunies, s’est transformée en une créance civile de prêt par nature exclue de la garantie de l’UNEDIC.
A cet égard, l’article 1329 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dispose que la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée.
La novation apparaît ainsi comme l’opération au terme de laquelle s’éteint une obligation pour laisser place à la création d’une obligation nouvelle.
Elle peut avoir lieu par substitution d’obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.
L’article 1330 du même code, dans sa version applicable au présent litige, précise que la novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte.
L’intention de nover est primordiale est permet notamment de distinguer la novation d’autres opérations voisines telles la simple modification de l’obligation qui n’a d’autres effets que de pourvoir à l’aménagement d’un lien de droit préexistant ou encore la résiliation conventionnelle d’une obligation ou la juxtaposition d’une obligation nouvelle à celle préexistant.
Plus qu’un simple consentement à l’opération, la novation implique l’intention de nover, laquelle doit être claire et dénuée de toute équivoque.
L’intention de nover peut être tacite mais doit cependant être certaine et découler clairement d’ actes positifs intervenus entre les parties s’agissant d’une novation par substitution d’obligation, comme tel est le cas en l’espèce de la novation, alléguée par l’Association UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 3], d’une créance salariale en créance civile de prêt, toutes deux détenues par le salarié à l’encontre de l’entreprise employeur.
Cependant, à défaut d’actes positifs caractérisant l’intention non équivoque du salarié d’éteindre l’obligation en paiement de ses salaires née du contrat de travail pour lui substituer une obligation nouvelle découlant d’un prêt, les juges du fond peuvent apprécier l’existence éventuelle d’une novation en considération des faits juridiques et circonstances particulières entourant le litige qui est soumis à leur appréciation.
Il importe enfin de rappeler que les juges du fond disposent d’un pouvoir d’appréciation souverain des faits susceptibles de caractériser la volonté claire et non équivoque d’un salarié de voir nover sa créance salariale.
L’Association UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 3], à qui incombe la charge de la preuve d’une telle volonté qui aurait été manifestée, tant expressément que tacitement, par Monsieur [Y] [R], excipe de ce que celui-ci a entendu privilégier sa qualité d’associé au détriment de celle de salarié en s’abstenant de réclamer le paiement de ses salaires sur la période d’emploi considérée.
Toutefois, ces deux circonstances ne sont pas en soi suffisantes à caractériser l’intention claire et non équivoque du salarié de voir nover sa créance salariale.
En effet, aussi bien le seul défaut de réclamation des salaires, y compris lorsque celui-ci s’étend sur plusieurs mois, que la seule qualité d’associé du salarié, ne peuvent être appréhendés comme traduisant une telle volonté de nover.
Aussi, s’il est certes établi que Monsieur [Y] [R] ne justifie d’aucune réclamation du paiement des salaires avant l’admission de la société au bénéfice d’une procédure collective le 26 avril 2018 suivant jugement du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND, encore faut-il que sa volonté de substituer à sa créance salariale une créance civile de prêt soit clairement exprimée ou manifestée par un ou des actes et/ou faits positifs, ainsi que non équivoque, la volonté de nover ne pouvant en effet se déduire du seul défaut de réclamation du paiement des salaires d’un salarié, y compris si celui-ci à en outre la qualité d’associé, même motivé par le souci éventuel de permettre à l’entreprise de surmonter ses difficultés de trésorerie.
Il échet dès lors de déterminer si les circonstances particulières entourant ces deux faits juridiques peuvent en revanche permettre de caractériser la volonté claire et non équivoque du salarié.
A cet égard, l’UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 3], verse notamment aux débats un courrier de Monsieur [Y] [R] daté du 17 mai 2018 et adressé à l’étude de maître [W], mandataire liquidateur désigné pour assurer la liquidation judiciaire de l’entreprise, au terme duquel celui-ci a expliqué que : ‘ La SCOP CYMEIA dans laquelle nous sommes salariés, ayant connu des difficultés de trésorerie au deuxième semestre 2017, nous avons fait le choix d’accepter que nos salaires ne soient pas versés en attendant que la trésorerie se redresse. En tant qu’associés de la société, il nous était logique de faire un effort financier pour tenter d’assurer la pérennité de notre société. Nous avons pu financièrement accepter ce non-versement des salaires car en tant qu’associés salariés, nous avons bénéficié de l’aide à la création d’entreprise par Pôle Emploi. Cette aide nous a permis, avec le premier versement de ce dispositif, de composer le capital de la SCOPARL CYMEIA et avec le deuxième versement (début 2017), de disposer d’économies personnelles suffisantes, désormais épuisées, permettant la non-perception de nos salaires depuis octobre 2017”.
A l’aune de cette déclaration, il appert clairement que Monsieur [Y] [R] a, d’une part, entendu favoriser l’intérêt social de l’entreprise, particulièrement eu égard à sa qualité d’associé à parts égales avec Monsieur [V] [G], en ne percevant pas ses salaires sur la période d’emploi considérée et, d’autre part, que le montant de l’ARCE qu’il avait perçu lors de la création de cette entité lui a manifestement permis d’opter pour cette solution dès lors qu’il a constitué un capital lui permettant, durant ce temps, de subvenir à ses besoins.
La cour constate de la sorte que Monsieur [Y] [R] a délibérément, eu égard aux difficultés de trésorerie rencontrées par la société dans laquelle il détient 50% des parts sociales, fait le choix de ne pas percevoir de rémunération d’octobre 2017 à mai 2018 et de surmonter personnellement ce non-versement au moyen du capital de l’ARCE, soit une somme d’argent obtenue eu égard justement à sa qualité d’associé.
Il échet par ailleurs de relever que le salarié a déclaré que la société avait connu des difficultés de trésorerie au deuxième semestre 2017. Or, à l’aune de cette déclaration, deux remarques s’imposent.
La première d’entre elle est que si la société a certes rencontré des difficultés économiques, rien n’indique cependant, hormis les seules allégations de Monsieur [Y] [R], qu’elle ait déjà été, à cette époque, en situation de ne pas honorer l’obligation de règlement des salaires.
En conséquence, faute pour le salarié d’établir qu’elle ne pouvait faire face à ses dettes sociales au cours du second semestre 2017, force est de constater que la non-perception par Monsieur [R] de ses salaires résulte clairement d’un choix délibéré afin de ne pas obérer davantage la situation financière de l’entreprise, ce qu’il confirme par ailleurs en indiquant, au terme de cette même correspondance, ‘qu’en tant qu’associés de la société, il nous était logique de faire un effort financier pour tenter d’assurer la pérennité de notre société’.
Il importe ensuite de souligner, au titre d’une seconde remarque, que Monsieur [Y] [R], en déclarant que les difficultés de trésorerie rencontrées par l’entreprise avaient affecté celle-ci au cours du second semestre 2017, laisse raisonnablement entendre qu’elle a pu revenir, au moins temporairement en début d’année 2018, à meilleure fortune. Or, pour rappel, le salarié réclame aujourd’hui un rappel de salaires afférent aux mois d’octobre 2017 à mai 2018, et ce alors même que la société était manifestement en capacité financière d’assurer l’obligation de paiement des salaires sur le premier trimestre 2018, à tout le moins sans qu’il n’en soit autrement objectivé.
Une telle constatation corrobore à l’évidence que le salarié a délibérément choisi de ne pas percevoir ses salaires, y compris à une période où la société ne connaissait pas de difficultés de trésorerie, ou à tout le moins insuffisantes pour faire obstacle à l’exécution de son obligation de paiement des salaires, afin de consentir à celle-ci davantage de liquidités pour faire face à son passif exigible.
Aussi, en considération des seuls éléments objectifs du dossier, la cour constate que Monsieur [R] a reconnu avoir consenti à ne pas percevoir ses revenus en considération des difficultés de trésorerie, qu’il qualifie cette renonciation comme étant un effort ‘logique’ en sa qualité d’associé, et qu’il a financé l’impact de ce choix pour son patrimoine personnel au moyen du capital de l’ARCE précédemment obtenu, qu’il a de la sorte manifestement contribué à assurer la survie fictive de l’entreprise, l’ensemble de ces constatations démontrant clairement et sans équivoque aucune la volonté de l’intimé d’éteindre l’obligation en paiement des salaires pour lui substituer une nouvelle obligation résultant en une créance civile de prêt, le tout afin de favoriser l’intérêt social de l’entreprise en lui permettant de disposer de davantage de trésorerie, et étant rappelé à toutes fins utiles que Monsieur [R] n’a réclamé le paiement de ses salaires qu’après l’ouverture de la procédure collective.
Surabondamment, il échet de relever que la circonstance selon laquelle l’UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 3] a pris en garantie les créances salariales de Monsieur [Y] [R] au cours d’une précédente procédure collective, n’est pas de nature à justifier qu’il doive nécessairement en être de même dans le cadre du présent litige, dès lors qu’aucun élément ne permet de déterminer si les circonstances étaient strictement identiques, et notamment si le salarié avait également renoncé à percevoir ses salaires.
Enfin, il est manifeste que le salarié n’ignorait pas l’équivoque entourant la non-perception de ses salaires dès lors qu’il a lui-même indiqué, au terme d’un courrier daté du 27 octobre 2018 et adressé à maître [W], mandataire liquidateur, qu’il comprenait ‘que l’AGS souhaite des justifications concernant les salaires acquis non perçus, mais mis à part ces salaires, il est inconcevable que le paiement des indemnités diverses légales de fin de contrat me soit refusé et contesté que les documents afférents ne me soient pas transmis’, une telle formulation impliquant implicitement qu’il n’était pas inconcevable pour lui que l’organisme de garantie ne prenne pas en charge lesdits revenus. En opérant ainsi une distinction entre ces différents éléments salariaux, Monsieur [R] dévoile implicitement la volonté claire et non équivoque sous-jacente de son choix de ne pas percevoir ses revenus pour satisfaire le seul intérêt social de l’entreprise.
Il s’infère de l’ensemble des attendus qui précèdent que Monsieur [Y] [R] a délibérément privilégié sa qualité d’associé en renonçant de façon non équivoque à réclamer durant plusieurs mois une quelconque rémunération, afin de favoriser la société dans laquelle il avait des intérêts pécuniaires significatifs et qu’il de la sorte consenti une avance de trésorerie.
Il s’ensuit que la volonté du salarié de modifier la nature de sa créance est établie et caractérise l’existence d’une novation de sa créance salariale en créance civile de prêt.
Les sommes réclamées (salaire d’octobre 2017 à mai 2018) ayant dès lors perdu leur caractère salarial, elles seront nécessairement exclues de la garantie de l’UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'[Localité 3] et Monsieur [R], par voie d’infirmation du jugement entrepris, débouté de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SCOPARL CYMEIA leur montant total.
Monsieur [Y] [R] devra en conséquence restituer à l’UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'[Localité 3], les sommes en net indûment perçues de ce chef.
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d’appel. Il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire à l’égard de SELARL MJ [L], représentée par Maître [X] [L], en qualité de mandataire ad hoc de la SCOPARL CYMEIA, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Infirme le jugement en ce que le conseil de prud’hommes a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SCOPARL CYMEIA la créance de Monsieur [Y] [R] à la somme 21.705,44 euros au titre des salaires du mois d’octobre 2017 au mois de mai 2018 inclus, et, statuant à nouveau de ce chef, dit que les conditions utiles à la novation de la créance salariale de Monsieur [Y] [R] en créance civile de prêt sont réunies et, en conséquence, dit exclue de la garantie de l’UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 3], cette dernière créance, et déboute Monsieur [Y] [R] de sa demande de rappel de salaires pour les mois d’octobre 2017 à mai 2018 inclus ;
– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
– Y ajoutant, condamne Monsieur [Y] [R] à restituer à l’UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'[Localité 3], les sommes en net indûment perçues en exécution du jugement de première instance au titre du règlement des salaires non perçus des mois d’octobre 2017 à mai 2018 ;
– Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN