Compte personnel de formation : 11 octobre 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/00365

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Compte personnel de formation : 11 octobre 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/00365
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11 OCTOBRE 2022

Arrêt n°

CHR/NB/NS

Dossier N° RG 20/00365 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FL6D

Société SAN JOSE & LOPEZ

/

[L] [G]

Arrêt rendu ce ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé

ENTRE :

Société SAN JOSE & LOPEZ prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6] ESPAGNE

Représentantée par Me Elise MARNAT, avocat suppléant Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Philippe DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

M. [L] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Julie-Elena NIELS, avocat suppléant Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport les représentants des parties à l’audience publique du 04 Juillet 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL SAN JOSE & LOPEZ est une société de droit espagnol, non immatriculée au RCS, dont le numéro SIREN est 528541907, dont le siège social est situé en Espagne (commune de [Localité 5]) à proximité de la frontière française (environ 15 kilomètres de la ville d'[Localité 3]). Elle a pour activité le transport routier de marchandises, exerce une partie de son activité en France mais ne disposerait d’aucun établissement ni succursale en France. Cette société appartient au groupe TRANSPORTES INTERNACIONALES SAN JOSE qui comprend plusieurs autres sociétés filiales implantées à l’étranger (Europe et Afrique du Nord).

Monsieur [L] [G], né le 21 novembre 1976, a été embauché par la SARL SAN JOSE ET LOPEZ, en qualité de conducteur poids lourd longue distance, à temps plein, selon contrat de travail à durée déterminée pour la période du 2 octobre 2006 au 2 avril 2007. Ce contrat de travail à durée déterminée a été prolongé par avenant pour la période du 3 avril 2007 au 1er octobre 2007. La relation contractuelle s’est poursuivie sans discontinuer dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, selon avenant signé le 1er octobre 2007, pour un emploi de chauffeur poids lourd (ouvrier). La convention collective applicable à la relation contractuelle est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Comme suite à la perte, début 2015, d’un marché de transport avec l’entreprise MICHELIN (contrat TOMEX), l’employeur a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique visant des salariés chauffeurs (notamment [U] [X], [D] [O], [L] [G], [I] [F], [C] [H], employés en qualité de chauffeur poids lourd, de nationalité française et domiciliés en France), tous affectés à la ligne de transport de marchandises ‘TOMEX’ entre [Localité 2] et le siège de la société SAN JOSE & LOPEZ à la frontière espagnole ([Localité 5]).

Par lettre recommandée datée du 5 mars 2015, la société SAN JOSE & LOPEZ informait ‘Messieurs les conducteurs TOMEX’ que la société MICHELIN avait décidé de mettre un terme au contrat TOMEX.

Par lettre recommandée datée du 9 avril 2015, l’employeur a convoqué Monsieur [L] [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique. L’entretien préalable a eu lieu le 24 avril 2015.

Par lettre datée du 24 avril 2015, remise en main propre au salarié le même jour lors de l’entretien préalable, l’employeur notifiait information et documentation sur le contrat de sécurisation professionnelle ainsi que les motifs du licenciement pour motif économique envisagé, et l’existence d’une recherche de reclassement en cours (sans précision).

Par lettre recommandée datée du 6 mai 2015, l’employeur a convoqué Monsieur [L] [G] à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique. Le salarié a répondu qu’il ne se rendrait pas à cette convocation puisque l’entretien préalable avait déjà eu lieu le 24 avril 2015 et qu’il avait signé et transmis depuis son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

La SARL SAN JOSE ET LOPEZ a notifié à Monsieur [L] [G] un licenciement pour motif économique par courrier recommandé daté du 13 mai 2015 rédigé dans les termes suivants :

‘Monsieur,

Nous faisons suite à notre entretien du 24 avril 2015, auquel nous vous avions convoqué par courrier daté du 9 avril 2015.

Lors de ce entretien au cours duquel nous vous avons indiqué les motifs économiques de la rupture envisagée de votre contrat de travail, nous vous avons proposé d’adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle.

Vous nous avez fait part le 24 avril 2015 de votre décision d’adhérer au contrat précité, en nous remettant votre bulletin d’acceptation.

En conséquence, le contrat de travail nous liant, rompu de notre commun accord, prendra fin le 15 mai 2015, au soir.

Dans le cas où vous en manifesteriez le souhait dans un délai de douze mois suivant la rupture de votre contrat de travail, vous seriez bénéficiaire d’une priorité de réembauchage durant une période d’une année après la date du terme de nos relations contractuelles de travail ; cette priorité concerne les emplois éventuellement crées ou libérés compatibles avec votre qualification ou avec une nouvelle qualification que vous auriez pu acquérir à condition que vous nous ayez informés au préalable de vos nouvelles compétences.

Les motifs de notre décision, que nous vous avons précisés lors de notre entretien, sont, nous vous le rappelons, les suivants :

– La rupture brutale et inattendue de la relation commerciale qui nous liait avec la société MICHELIN depuis plus de dix années.

Dans le cadre de cette collaboration professionnelle, nous assurons pour la société MICHELIN le transport de pièces automobiles selon le circuit « TOMEX ES-FR”, en trafic à flux tendu entre l’Espagne et la France et réalisé par plusieurs chauffeurs en France et d’autres

en Espagne, exclusivement affectés sur cette ligne.

La société MICHELIN a décidé, pour la première fois fin 2014, de faire un appel d’offre pour la poursuite de cette activité. Nous avons présenté une offre mais qui n’a malheureusement pas été retenue. Le circuit « TOMEX ES-FR » sur lequel notre entreprise intervenait nous est donc retiré.

De surcroît, cet événement intervient dans une période particulièrement difficile pour le secteur des transports qui résulte d’une conjoncture économique globalement très défavorable et a pour conséquence une baisse généralisée des prix des prestations qui peuvent nous être demandés.

La rupture de cette relation commerciale est particulièrement lourde de conséquence pour notre société tant sur le plan financier qu’au niveau de nos effectifs.

En effet, notre compétitivité se trouve menacée du fait de l’arrêt de ce circuit «TOMEX ES-FR» qui se répercute directement sur l’activité automotion qui est la nôtre, puisque ce contrat commercial a en effet généré pour notre entreprise un chiffre d’affaires important, notamment de 2,5M euros au cours de l’année 2014.

Dans ces conditions, afin de pallier les conséquences et difficultés que cette perte entraîne et qui menace notre compétitivité, nous nous voyons contraints de procéder à une restructuration impérativement nécessaire pour assurer la sauvegarde de la compétitivité et la pérennité de l’entreprise et de ce secteur d’activité du groupe.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes contraints de procéder à la suppression de l’emploi dont vous êtes titulaire au sein de notre entreprise, et par voie de conséquence, à la rupture du contrat de travail nous liant ; en effet, après étude d’éventuelles possibilités de reclassement, il s’avère que ce dernier n’est pas envisageable.

Les recherches que nous avons initiées n’ont pu aboutir; tous nos postes de travail sont actuellement pourvus et aucune création n’est envisageable au regard des difficultés que nous connaissons.

Par ailleurs nous vous précisons que dans le cadre de votre prise en charge par le régime d`assurance chômage :

1. En applications des dispositions de l’avenant n°3 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, il vous est possible de conserver sauf opposition de votre part, le bénéfice des garanties complémentaires prévoyance applicables dans l’entreprise. La durée de ce maintien est toutefois limitée à celle de votre dernier contrat de travail appréciée en mois entiers, dans la limite de neuf mois. Afin de permettre la mise en jeu de ces garanties, il sera prélevé sur le solde de vos rémunérations la part salariale des cotisations correspondantes. Ce précompte vous sera intégralement restitué si vous manifestez dans les dix jours suivant la date de cessation de votre contrat de travail, votre renonciation au maintien des garanties. Par ailleurs, en cas de cessation de versement des allocations de chômage intervenant avant le terme de la période de maintien des garanties complémentaires prévoyance, vous serez, sur votre demande, remboursé du précompte trop perçu; de même en serait-il si vous reprenez une activité professionnelle entre le terme de votre contrat de travail et le début du versement des allocations de chômage. Nous vous remercions en conséquence de nous produire le justificatif de votre prise en charge par l’assurance chômage et de nous informer de la cessation éventuelle de l’attribution des allocations dans l’hypothèse où celle-ci interviendrait durant la période de maintien des garanties complémentaires prévoyance.

2. Conformément aux dispositions de l’article L.911-8 du code de la sécurité sociale, vous êtes bénéficiaire du maintien à titre gratuit des garanties afférentes aux risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liées à la maternité à compter de la date de cessation de votre contrat de travail dans la limite de 12 mois.

Nous restons à votre disposition pour vous aider dans les démarches que vous pourrez être amené à effectuer en raison de la perte de votre emploi, et vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments distingués.

[T] [Z]

Directeur Ressources Humaines’.

Monsieur [L] [G] ayant accepté le 24 avril 2015 le contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail a été rompu en conséquence à la date du 15 mai 2015.

Le 17 juin 2015, Monsieur [L] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT FERRAND aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de voir condamner la SARL SAN JOSE & LOPEZ au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et a des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Vu le défaut de diligence des parties, la juridiction prud’homale a radié l’affaire par décision du 14 février 2017. L’affaire a fait l’objet d’une réinscription le 16 février 2017 sur écritures déposées par le salarié.

Par jugement rendu en date du 20 novembre 2017, le conseil de prud’hommes de CLERMONT FERRAND a :

– dit et jugé recevables et en partie bien fondées les demandes de Monsieur [L] [G] ;

– dit et jugé que le licenciement de Monsieur [L] [G] est sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– condamné la SARL SAN JOSE & LOPEZ prise en la personne de son représentant légal à payer et porter à Monsieur [L] [G] les sommes suivantes :

* 25.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.253,14 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 525,31 euros au titre des congés payés afférents,

* 300 euros au titre du préjudice consécutif à la mention erronée concernant le droit au DIF,

* 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– dit et jugé que les sommes porteront intérêts légaux conformément aux dispositions légales ;

– prononcé l’exécution provisoire de la décision dans les limites légales ;

– débouté la SARL SAN JOSE & LOPEZ de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SARL SAN JOSE & LOPEZ aux entiers dépens.

Le 15 décembre 2017, la SARL SAN JOSE & LOPEZ a interjeté appel de ce jugement.

Le 20 décembre 2017, Monsieur [L] [G] a constitué avocat dans le cadre de la présente procédure d’appel.

L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 17/02683 et fixée à l’audience du 10 février 2020. À l’audience du 10 février 2020, toutes les parties représentées ont sollicité un renvoi de l’affaire à une audience ultérieure en raison du mouvement de grève des avocats. L’affaire a été radiée par arrêt du 18 février 2020, puis réinscrite au rôle, sous le numéro RG 20/00365, sur conclusions de l’appelante notifiées le 20 février 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 4 mars 2022 par Monsieur [L] [G],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 9 mars 2022 par la société SAN JOSE & LOPEZ,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 4 juillet 2022

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la SARL SAN JOSE & LOPEZ demande à la cour de déclarer recevable et bien fondée son appel, d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

– dire et juger que le licenciement de Monsieur [G] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouter Monsieur [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouter Monsieur [G] de sa demande de réévaluation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicitée dans ses conclusions d’intimé ;

– dire et juger qu’elle a satisfait à son obligation de recherche de reclassement ;

– dire et juger que la procédure de licenciement est parfaitement régulière ;

– débouter Monsieur [G] de l’ensemble de ses demandes, fins, conclusions ;

– condamner Monsieur [G] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La SARL SAN JOSE & LOPEZ soutient qu’elle a respecté la procédure de licenciement pour motif économique et mentionné le motif économique du licenciement, de façon explicite et suffisante, dans la lettre de notification de la rupture du contrat de travail. Elle dénie toute valeur probante à l’attestation de Monsieur [A].

L’appelante fait valoir que la suppression du poste du salarié résultait de difficultés économiques au niveau de l’entreprise et du secteur d’activité du groupe, qu’une telle réorganisation était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité dans le secteur d’activité de l’automotion, c’est-à-dire le transport de pièces automobiles, étant précisé que l’activité de l’automotion n’était exercée qu’en France par la SARL SAN JOSE & LOPEZ. Elle soutient que cette activité de l’automotion, exercée uniquement en France par la société SAN JOSE & LOPEZ, est distincte de celles exercées par les autres unités de l’entreprise et les autres sociétés du groupe qui sont spécialisées dans d’autres secteurs d’activité répondant à des modes de distribution et gestion différents tel que le transport international de diverses marchandises : – vêtements ; – matériel hi-fi ; – matériel vidéo ; – électroménager ; – papier et métal. Elle expose que le coût de la main d’oeuvre étant moins cher en Espagne, la société de droit espagnol INSAUSTI, un concurrent direct de la concluante dans le domaine du transport, obtenait le marché avec la société MICHELIN aux dépens de la SARL SAN JOSE & LOPEZ qui avait présenté des tarifs calculés sur la base entre autre des coûts des conducteurs Français et surtout de la législation française.

Elle ajoute qu’en tout état de cause, au regard de la perte engendrée par la rupture de la relation commerciale avec l’entreprise MICHELIN et en l’absence de prévision d’un redressement de la situation ou d’un nouveau contrat de transport, la SARL SAN JOSE & LOPEZ n’a eu d’autre choix que de procéder à une restructuration de son entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité.

La SARL SAN JOSE & LOPEZ relève qu’elle ne disposait pas d’établissement ni du moindre poste de reclassement en France, qu’il en était de même pour les autres filiales du groupe.

À titre subsidiaire, l’appelante fait valoir que le salarié ne justifie pas du préjudice allégué et que l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas due vu l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

La SARL SAN JOSE & LOPEZ soutient qu’elle a régulièrement informé Monsieur [G] de son solde d’heures au titre du DIF et qu’en tout état de cause le salarié ne justifie pas d’un préjudice particulier.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [G] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour information erronée au titre du DIF, en conséquence, de :

– condamner la SARL SAN JOSE & LOPEZ à lui payer une somme de 40.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, condamner la SARL SAN JOSE & LOPEZ à lui payer une somme de 5.000 euros en réparation du fait de l’information erronée du DIF, outre intérêts de droit à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, et avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

– y ajoutant, dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de recherche sérieuse de reclassement ;

– condamner la SARL SAN JOSE & LOPEZ à lui payer et porter la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

– déclarer irrecevables les prétentions nouvelles de la société SAN JOSE & LOPEZ ;

– débouter la société SAN JOSE & LOPEZ de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Monsieur [G] fait valoir l’absence cause économique réelle et sérieuse à son licenciement, notamment au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient la société SAN JOSE & LOPEZ. Il relève que la seule perte du marché TOMEX avec l’entreprise MICHELIN ne suffit pas à caractériser l’existence d’un motif économique. Il rappelle que la réorganisation nécessaire de l’entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité, motif économique invoqué par l’employeur pour justifier le licenciement, doit s’apprécier au niveau du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, secteur d’activité qui n’est pas limité en l’espèce au transport de pièces automobiles. Il soutient que le contenu du chargement est indifférent et ne saurait à lui seul constituer un secteur d’activité, que le transport routier est un secteur d’activité à part entière, quelle que soit la nature de la marchandise transportée, que c’est par pur opportunisme procédural que la société SAN JOSE & LOPEZ tente de caractériser un secteur d’activité lié à la seule automotion.

L’intimé conteste l’inéluctabilité de la suppression de son poste en raison de la suppression de la ligne de transport à laquelle il était affecté. Il relève que la société SAN JOSE & LOPEZ se contente d’indiquer, sans le démontrer, qu’elle ne disposait pas d’autre ligne en France, alors qu’elle aurait parfaitement pu lui proposer une affectation sur une autre ligne le cas échéant à l’étranger. Il fait valoir que ces allégations de l’employeur sont d’ailleurs contraires aux déclarations de son représentant lors de l’entretien préalable puisque celui-ci indiquait alors que la société SAN JOSE & LOPEZ disposait d’autres trafics routiers en France, et, alors que la société ne rapporte aucun élément venant utilement démentir les propos de Monsieur [A] sur ce point, l’appelante ne craint pas de tenter de contester la valeur probante de ce document.

Monsieur [G] rappelle que la seule baisse du chiffre d’affaires ne peut justifier un licenciement pour motif économique, que la survie de l’entreprise ou du groupe devait impérativement être en cause, ce qui n’était aucunement le cas de la société SAN JOSÉ & LOPEZ ni du groupe auquel elle appartient, bien au contraire.

Monsieur [G] soutient que l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement. Il fait valoir la rapidité de la procédure de licenciement qui démontre à elle seule l’absence de toute recherche sérieuse et concrète de reclassement. Il relève que lors de l’entretien préalable, le représentant de l’employeur indiquait que la société disposait de trafics routiers en France autres que la ligne TOMEX, précisant qu’il s’agirait de transports spéciaux mais en restant particulièrement taisant sur la prétendue spécificité de ces transports, ajoutant que des postes de reclassement étaient disponibles à l’étranger. Il soutient que l’employeur n’a effectué aucune recherche sérieuse de reclassement interne, sur le territoire national ou à l’étranger, alors qu’il avait expressément indiqué vouloir étudier toute proposition de reclassement en tout lieu géographique.

Monsieur [G] fait valoir que compte tenu de son ancienneté il avait acquis le maximum de 120 heures au titre du DIF, mais que l’employeur lui a notifié de façon erronée un droit inférieur et a refusé par la suite de rectifier son erreur, ce qui lui a causé un préjudice car il n’a pas pu inscrire un nombre d’heures correctes sur son compte personnel de formation.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

Vu l’accord des parties sur ce point et leur demande conjointe pour permettre l’admission de leurs dernières écritures et pièces, la cour a ordonné, à l’audience du 4 juillet 2022 et à l’ouverture des débats, en tout cas avant la clôture des débats, la révocation de l’ordonnance de clôture de l’instruction. La clôture de l’instruction a été fixée au jour de l’audience. Les conclusions et pièces notifiées contradictoirement avant ou jusqu’à cette date sont donc recevables.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures. La cour ne statue pas sur des demandes indéterminées, trop générales ou non personnalisées, ou non efficientes, notamment celles qui relèvent d’une reprise superfétatoire, dans le dispositif des conclusions d’une partie, de l’argumentaire (ou des moyens) contenu dans les motifs.

– Sur la recevabilité de demandes nouvelles –

Dans le dispositif de ses dernières écritures, après énonciation de demandes au fond, l’intimé demande à la cour de ‘déclarer irrecevables les prétentions nouvelles de la société’, sans autre précision.

Dans les motifs de ses dernières écritures, après énonciation de moyens et arguments au fond, l’intimé relève que l’appelante, dans ses cinquièmes écritures en appel, ajoute deux nouvelles prétentions, tendant à ce que la cour dise et juge que l’obligation de recherche de reclassement a été respectée et que la procédure de licenciement est régulière, et il soutient que ces demandes sont irrecevables comme violant les dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Aux termes des articles 564 à 566 du code de procédure civile, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux mais ne peuvent, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, ou lorsqu’elles étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge. De même, les parties peuvent ajouter en cause d’appel des demandes qui sont l’accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions de première instance. Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Aux termes de l’article 910 du code de procédure civile :

‘L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande d’intervention formée à son encontre lui a été notifiée pour remettre ses conclusions au greffe. L’intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.’

Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile :

‘A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’

L’irrecevabilité des prétentions non présentées dans les délais est une fin de non-recevoir qui relève de la compétence du conseiller de la mise en état.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les parties pouvant invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau jusqu’à la clôture de l’instruction, une cour d’appel ne peut prononcer l’irrecevabilité des conclusions déposées par l’appelant principal avant la clôture de l’instruction sans rechercher si ces conclusions n’étaient pas, au moins en partie, destinées à développer son appel principal, à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Il existe ainsi des dérogations ou atténuations au principe de concentration temporelle des prétentions sur le premier jeu de conclusions déposées ou notifiées par les parties en cause d’appel.

En l’espèce, le premier juge n’a statué que sur le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, sans examiner le manquement à l’obligation de reclassement allégué par le salarié. Il était donc difficile pour l’appelante de développer, dès ses premières conclusions, une critique des motifs du jugement déféré en matière d’obligation de reclassement.

Dans ses dernières conclusions (numérotées 4 et non 5), en demandant notamment à la cour de dire et juger qu’elle a satisfait à son obligation de recherche de reclassement, de dire et juger que la procédure de licenciement est parfaitement régulière, la société SAN JOSE & LOPEZ n’a fait que développer son appel principal et répliquer aux conclusions, moyens et arguments adverses, sans jamais présenter de demandes ou prétentions nouvelles au sens des dispositions précitées ni violer les dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile.

En outre, la mention dans le dispositif des dernières écritures de l’appelante de dire et juger qu’elle a satisfait à son obligation de recherche de reclassement, également de dire et juger que la procédure de licenciement est parfaitement régulière, relève d’une reprise (superfétatoire) de l’argumentaire et des moyens contenus dans les motifs quant à la prétention de dire et juger que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, cette demande ayant toujours été mentionnée dans le dispositif des conclusions successives de l’appelante.

Monsieur [L] [G] sera débouté de sa demande afin de ‘déclarer irrecevables les prétentions nouvelles de la société’.

– Sur l’attestation [A] –

L’intimé verse aux débats une attestation signée, en date du 18 mai 2015, par Monsieur [K] [A] qui indique avoir assisté Monsieur [L] [G] lors de l’entretien préalable au licenciement du 24 avril 2015.

Monsieur [A] expose notamment que :

– le DRH (Monsieur [Z]) menant seul l’entretien pour le compte de l’employeur ne maîtrisait pas bien la langue française (pas d’interprète) ;

– le DRH a clairement expliqué que la suppression de huit postes de chauffeurs routiers sur le site de [Localité 2], avec licenciement pour motif économique de huit salariés français, était exclusivement liée (aucune autre cause) à la perte du marché MICHELIN portant sur la ligne de transport [Localité 2]-[Localité 3]-[Localité 5] ;

– le DRH a indiqué que des postes disponibles de reclassement de chauffeur routier existaient en Bulgarie, Tunisie et Maroc ;

– le DRH a indiqué que des postes de chauffeur routier existaient en France mais pour des transports ‘spéciaux’, et ce en restant vague sur la nature de ces transports.

Les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité. Il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement la valeur probante d’une attestation, même non conforme à l’article 202 du code de procédure civile.

À titre liminaire, la société SAN JOSE & LOPEZ, tout en reconnaissant que Monsieur [A] a assisté à l’entretien préalable comme assistant du salarié dont le licenciement était envisagé, conteste toute valeur probante à un compte rendu signé par le seul attestant et non de façon contradictoire par toutes les personnes présentes.

La cour relève d’abord que la société SAN JOSE & LOPEZ ne soutient pas l’irrégularité de l’attestation de Monsieur [A] au regard des dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.

L’appelante ne mentionne pas les autres personnes présentes lors de l’entretien préalable, hors le salarié concerné et Monsieur [A], et ne produit aucun témoignage s’agissant de la teneur de l’entretien préalable.

Pour le surplus, s’agissant notamment des propos tenus par le représentant de l’employeur lors de l’entretien préalable, la cour appréciera souverainement la valeur probante du témoignage de Monsieur [A] qui, en l’état, apparaît concordant avec les dires de l’intimé et qui n’est pas contredit par un quelconque autre témoignage.

Il n’y a donc pas lieu d’écarter l’attestation produite au titre du témoignage de Monsieur [A].

– Sur le motif économique du licenciement –

Selon les dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail applicables à l’époque considérée (2015) : ‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.’.

Le motif économique, qui est nécessairement non inhérent ou lié à la personne du salarié, est celui qui résulte d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation totale et définitive d’activité de l’entreprise.

Le motif économique du licenciement comprend un élément causal (difficultés économiques ; mutations technologiques ; réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; cessation totale et définitive d’activité ; et autres car l’adverbe ‘notamment’ implique que la liste de l’article L. 1233-3 du code du travail n’est pas exhaustive) et un élément matériel (suppression ou transformation d’emploi ; modification du contrat de travail).

À l’époque considérée en l’espèce, si l’entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprises s’apprécient au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient. C’est seulement pour les licenciements intervenus à compter du 24 septembre 2017 que l’article L. 1233-3 du code du travail prévoit que les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau du secteur d’activité commun à l’employeur et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. La notion de groupe est la même pour la cause économique du licenciement ou l’obligation de reclassement, ce qui change c’est le périmètre d’appréciation.

Le licenciement pour motif économique n’est légitime que si le contexte économique (élément causal) a conduit à une suppression ou transformation d’emploi, ou à une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail (élément matériel). La matérialité de cette suppression ou transformation d’emploi ou modification du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise ayant la qualité d’employeur.

En cas de contestation, le juge doit vérifier que le motif économique existe et qu’il donne au licenciement une cause réelle et sérieuse. Si le motif économique n’existe pas, ou s’il n’est pas suffisamment caractérisé, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. En la matière, le juge forge sa conviction en vérifiant la réalité et le sérieux, tant des raisons économiques (difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de l’entreprise etc.), que de leur incidence sur l’emploi et le contrat de travail (suppression ou transformation d’emploi ; modification du contrat de travail).

Le souci de rentabilité de l’entreprise ne constitue pas en soi un motif économique de licenciement. Il en est de même de la seule perte de marché.

En cas de motif économique établi, le juge n’a pas à contrôler le choix effectué par l’employeur entre les différentes solutions possibles, notamment en relevant que celui-ci aurait pu choisir une solution impliquant moins de licenciements, puisque cela relève du pouvoir de direction de l’employeur.

La lettre de licenciement mentionne au titre du motif économique :

– une suppression de l’emploi du salarié du fait de la ‘rupture brutale et inattendue de la relation commerciale avec la société MICHELIN depuis plus de dix années’ entraînant le retrait du circuit « TOMEX ES-FR » ainsi que de lourdes conséquences pour la société tant sur le plan financier qu’au niveau des effectifs ;

– le fait que le transport de pièces automobiles pour la société MICHELIN, en trafic à flux tendu entre l’Espagne et la France, est réalisé par plusieurs chauffeurs en France et d’autres en Espagne, exclusivement affectés sur cette ligne ;

– une période particulièrement difficile pour le secteur des transports qui résulte d’une conjoncture économique globalement très défavorable et a pour conséquence une baisse généralisée des prix des prestations qui peuvent être demandés ;

– une compétitivité menacée du fait de l’arrêt du circuit «TOMEX ES-FR» qui se répercute directement sur l’activité automotion alors que ce contrat commercial a généré pour l’entreprise un chiffre d’affaires important, notamment de 2,5M euros au cours de l’année 2014 ;

– la nécessité, afin de pallier les conséquences et difficultés que cette perte entraîne et qui menace la compétitivité, de procéder à une restructuration impérativement nécessaire pour assurer la sauvegarde de la compétitivité et la pérennité de l’entreprise et de ce secteur d’activité du groupe.

La société SAN JOSE & LOPEZ motive clairement, mais uniquement, le licenciement pour motif économique du salarié par la nécessité de procéder à une réorganisation de l’entreprise, à savoir la suppression de tous les postes de conducteurs poids lourd (ou chauffeurs routiers) affectés à la ligne ‘TOMEX’, en tout cas à sa partie française, afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.

La réorganisation de l’entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité (et, le cas échéant, celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient), accompagnée de la suppression de certains emplois, constitue un motif autonome de licenciement. Pour apprécier si ce motif économique constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge doit rechercher si la réorganisation ou restructuration décidée par l’employeur était justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.

La réorganisation de l’entreprise peut être un moyen de lutter contre des difficultés économiques existant à la date du licenciement. A cet égard, un employeur peut fonder un licenciement économique sur une réorganisation rendue nécessaire par une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise. Cette menace peut être caractérisée par des résultats financiers déficitaires existants au moment des licenciements pour motif économique. La réorganisation peut aussi être destinée à sauvegarder la compétitivité de l’entreprise quand il s’agit de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi, liées ou non à des évolutions technologiques, l’employeur pouvant légitimement anticiper des difficultés économiques prévisibles et mettre à profit une situation financière encore relativement saine pour adapter ses structures à l’évolution de son marché dans les meilleures conditions possibles, mais toujours avec la condition impérative que soient caractérisées au jour du licenciement pour motif économique une menace pour la compétitivité ainsi que la nécessité de procéder à une réorganisation de l’entreprise pour la sauvegarder.

Dans tous les cas, si une réorganisation de l’entreprise peut être mise en oeuvre dans le cadre d’une gestion prévisionnelle des emplois destinée à prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de telles difficultés au jour du licenciement pour motif économique, c’est à la condition que des menaces pesant sur la compétitivité de l’entreprise (ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient) soient caractérisées au moment du licenciement.

Une réorganisation visant seulement à une amélioration de la rentabilité de l’entreprise ou de marges déjà positives, sans démonstration d’une menace ou d’un risque avéré pesant sur la compétitivité, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique.

Pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, les juges du fond doivent donc relever en quoi est caractérisée l’existence, au niveau de l’entreprise, ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, d’une menace pesant sur la compétitivité. Dans celle limite, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation.

Il n’appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l’employeur entre les différentes solutions possibles pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. Le juge, tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique de licenciement, de vérifier en conséquence l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix des mesures qu’il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation de l’entreprise.

Vu les principes susvisés applicables à l’époque considérée (2015), le groupe à prendre en considération pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué par l’employeur est l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 2331-1 du code du travail, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

Le code du travail précise que la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce. L’existence d’une entreprise dominante est présumée, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu’une entreprise, directement ou indirectement, peut nommer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance d’une autre entreprise ou dispose de la majorité des voix (droits de vote) attachées aux parts émises par une autre entreprise ou détient la majorité du capital souscrit d’une autre entreprise.

La société SAN JOSE & LOPEZ indique appartenir à un groupe international de sociétés de transport de marchandises (et logistique afférente), ci-après dénommé groupe SJL, comprenant des filiales implantées en Espagne, Maroc, Tunisie, Hollande, Allemagne et Bulgarie (SA SAN JOSE LOPEZ, SJL MADRID, SJL HOLLANDE, SJL BULGARIE, SJL TUNISIE, SJL ALGEGIRAS, SJL ALLEMAGNE, SJL MAGHREB et SJL MEDITERRANEE).

Il échet de relever que l’employeur soutient qu’il relève d’un secteur d’activité limité au transport de pièces automobiles (automotion) que la société SAN JOSE & LOPEZ serait la seule à exercer au sein du groupe SJL, et ce uniquement sur la ligne TOMEX dont la société MICHELIN l’a privée en lui retirant le marché début 2015. Sans produire le moindre élément d’appréciation objectif sur sa situation économique ou sur une menace concernant sa compétitivité, l’appelante en conclut que tous les licenciements pour motif économique des salariés chauffeurs routiers affectés au trajet français de la ligne ‘TOMEX’, à savoir les salariés français domiciliés en France, se justifient du seul fait la perte du marché ‘TOMEX’ avec la société MICHELIN (CQFD).

Lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise peut constituer un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.

À l’époque considérée, le code du travail ne donnait pas d’indication sur la notion de secteur d’activité commun au sein du groupe. Depuis 2017, tenant compte notamment de la jurisprudence en la matière, l’article L. 1233-3 du code du travail mentionne que : ‘Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.’

La cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient. Il incombe à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué. En cas de litige, le juge détermine l’étendue du secteur d’activité du groupe dans lequel intervient l’entreprise ayant la qualité d’employeur, soit le périmètre à prendre en considération pour apprécier la réalité du motif économique invoqué par l’employeur pour justifier de la mesure de licenciement. Dans ce cadre, c’est au seul employeur qu’il appartient de démontrer la réalité et le sérieux du motif économique dans le périmètre pertinent.

S’agissant de la justification de la cause du licenciement, la société SAN JOSE & LOPEZ ne produit en réalité qu’un courriel daté du 17 février 2015 et procède, pour le surplus, c’est-à-dire sur le motif économique invoqué tant dans la lettre de licenciement que dans les dernières écritures de l’appelante, que par seule voie d’affirmation.

La SARL SAN JOSE ET LOPEZ verse donc aux débats un courriel lapidaire daté du 17 février 2015, provenant d’une adresse professionnelle ‘michelin’, mentionnant : ‘Nous sommes au regret de vous informer que votre offre n’a pas été retenue. Nous vous remercions d’avoir participé à l’appel d’offre et également d’avoir réalisé ces trafics durant plusieurs années. L’arrêt pour votre société de cette activité est fixée au 10 avril 2015. Si toutefois cela posait un problème n’hésitez pas à nous en informer’.

Ce seul document est insuffisant pour justifier de l’existence, de la consistance et de la perte d’un marché de transport avec l’entreprise MICHELIN. Reste que la perte, début 2015 (échéance au 10 avril 2015), du marché MICHELIN portant sur la ligne de transport ‘TOMEX’ entre [Localité 2] et le siège de la société SAN JOSE & LOPEZ en Espagne ([Localité 5] via [Localité 3]) n’est pas contestée en l’état des écritures des parties.

L’employeur ne peut sérieusement prétendre que, s’agissant du périmètre d’appréciation du motif économique, le secteur d’activité du groupe à prendre en considération est exclusivement celui du transport de pièces automobiles (automotion), activité qui, selon ses dires, serait limitée à l’activité de la ligne ‘TOMEX’ entre [Localité 2] et l’Espagne au sein de la société SAN JOSE & LOPEZ.

L’appelante ne démontre nullement que le contrat (ou ligne) ‘TOMEX’ concernait exclusivement le transport de pièces automobiles, pas plus qu’elle ne démontre qu’elle n’effectuait pas du transport de pièces automobiles sur d’autres lignes ou dans le cadre d’autres marchés, pas plus qu’elle ne démontre qu’aucune société du groupe SJL ne pouvait exercer, même ponctuellement ou en partie, du transport de pièces automobiles.

En outre, la société SAN JOSE & LOPEZ ne justifie en rien de la spécificité du transport de marchandises liée à la ligne ‘TOMEX’, notamment au regard de la nature de l’activité de transport de pièces automobiles. En l’état des seuls éléments d’appréciation dont elle dispose, la cour ne voit pas en quoi le transport de pièces automobiles constituerait un secteur d’activité spécifique du groupe SJL, en tout cas distinct, par rapport au transport d’autres marchandises comme les vêtements, le matériel hi-fi, le matériel vidéo, l’électroménager, le papier, le métal etc. L’appelante ne justifie pas plus de la spécificité de la cliente société MICHELIN par rapport à d’autres clients en matière de transport international de marchandises et logistique afférente. La cour ne voit pas plus en quoi le fait (affirmation non étayée) que des relais étaient organisés entre les chauffeurs français et espagnols sur la ligne ‘TOMEX’, avec un relais à [Localité 4], caractériserait un secteur d’activité propre au sein du groupe SJL.

Il apparaît que toutes, en tout cas la plupart, les sociétés du groupe SJL ont une activité de transport international de marchandises et logistique afférente, et elles emploient toutes des chauffeurs de poids lourds. C’est donc bien au niveau de l’activité de transport de marchandises (et logistique afférente) de l’ensemble des sociétés du groupe SJL que l’existence d’une cause économique réelle et sérieuse de licenciement doit être appréciée en l’espèce.

La société SAN JOSE & LOPEZ ne justifie en rien de difficultés économiques, d’une conjoncture particulièrement difficile pour le secteur des transports de marchandises, d’une baisse de chiffre d’affaires, d’une menace sur la compétitivité, à l’époque considérée, dans le secteur d’activité du transport de marchandises (et logistique afférente) du groupe SJL, ou même d’ailleurs au sein de l’entreprise ayant la qualité d’employeur.

S’agissant de la situation économique du secteur d’activité du transport de marchandises (et logistique afférente), face à la carence probatoire, voire à l’indolence d’un employeur ayant la qualité d’appelant et la charge de la preuve sur ce point, la cour peut seulement constater, à la lecture des pièces produites par l’intimé (articles de presse, documentation interne, sites internet du groupe SJL etc.) qu’en 2015 le groupe SJL employait plusieurs centaines de salariés, dont de nombreux chauffeurs de poids lourds, disposait d’une flotte de plusieurs centaines de véhicules, mais surtout affichait des perspectives de croissance favorables (prévision d’augmentation des effectifs et des investissements notamment) et employait un ton résolument optimiste en matière de développement de son activité de transport de marchandises.

Force est de constater que le seul motif économique objectif avancé par la société SAN JOSE & LOPEZ pour justifier de la suppression du poste de Monsieur [L] [G] et du licenciement du salarié est la perte du marché MICHELIN début 2015.

Monsieur [L] [G] a signé un premier contrat de travail à durée déterminée avec une SA TRANSPORTES INTERNACIONALES SAN JOSE, pour occuper un poste de conducteur poids lourd, contrat de travail mentionnant la création envisagée d’un relais pour la ligne [Localité 2]-[Localité 5]. Il a signé ensuite un avenant pour renouveler ce contrat de travail à durée déterminée. La relation s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée mais sans précision particulière sur l’affectation du salarié. Il n’est pas contesté que la SARL SAN JOSE & LOPEZ vient aux droits de la SA TRANSPORTES INTERNACIONALES SAN JOSE et avait la qualité d’employeur du salarié au jour du licenciement. Le contrat de travail ne contient aucune clause contractuelle imposant à l’employeur d’affecter Monsieur [L] [G] exclusivement à la ligne de transport de marchandises ‘TOMEX’ du client MICHELIN. S’agissant du poste de chauffeur routier occupé par l’intimé, aucune localisation ou affectation particulière n’étaient contractualisées.

La société SAN JOSE & LOPEZ ne justifie, ni même ne soutient, que son activité de transport de marchandises était limitée à la seule exploitation de la ligne ‘TOMEX’ pour le compte du client MICHELIN.

La société SAN JOSE & LOPEZ ne peut donc prétendre voir juger comme une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique la seule perte du marché de transport ‘TOMEX’ avec la société MICHELIN.

En tout état de cause, vu les attendus qui précèdent, la cour constate que n’est pas caractérisée, au jour du licenciement pour motif économique, une menace pour la compétitivité du secteur activité du transport de marchandises (et logistique afférente) du groupe SJL. Surabondamment, n’est pas plus caractérisée une menace pour la compétitivité de la seule société SAN JOSE & LOPEZ. Il n’est donc pas plus établie la nécessité de procéder à une réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder une telle compétitivité.

Le jugement sera donc confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a relevé l’absence de motif économique réel et sérieux et a, en conséquence, jugé le licenciement de Monsieur [L] [G] sans cause réelle et sérieuse.

– Sur le reclassement –

Selon les dispositions de l’article L. 1233-4 du code du travail applicables à l’époque considérée : ‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’

Selon les dispositions de l’article L. 1233-4-1 du code du travail applicables à l’époque considérée :

‘Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.

Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur. L’absence de réponse vaut refus.

Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu’au salarié ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n’est adressée est informé de l’absence d’offres correspondant à celles qu’il a accepté de recevoir.’

Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national (sauf demande expresse du salarié avant l’abrogation de l’article L. 1233-4-1 du code du travail) dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Ainsi, sauf cessation, totale et définitive, d’activité d’une entreprise ne faisant pas partie d’un groupe, l’employeur doit rechercher à reclasser individuellement les salariés, quel que soit leur nombre, et même si l’entreprise fait l’objet d’une procédure collective.

L’obligation de reclassement n’incombe qu’à l’employeur, même s’il fait partie d’un groupe.

L’employeur doit exécuter loyalement son obligation de reclassement. La recherche de reclassement doit être effective et sérieuse. Cette recherche doit être ainsi individualisée. Les offres de reclassement doivent être écrites, concrètes, précises et personnalisées.

Le reclassement doit être recherché à partir du moment où le licenciement est envisagé par l’employeur et jusqu’à sa notification. La recherche et la proposition de reclassement au cours de l’exécution du préavis sont tardives. La notification du licenciement met fin à l’obligation de reclassement même si un contrat de sécurisation professionnelle a été proposé au salarié et si le délai de réflexion imparti pour y adhérer n’est pas expiré.

La recherche de reclassement s’effectue en priorité dans l’entreprise, y compris dans ses établissements situés dans d’autres régions ou au sein de l’unité économique et sociale à laquelle elle appartient. S’il n’existe aucune possibilité de reclassement dans l’entreprise et si elle appartient à un groupe, l’employeur doit étendre sa recherche à toutes les entreprises de ce groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, même si ces entreprises n’appartiennent pas au même secteur d’activité. L’employeur n’est pas tenu légalement de rechercher des reclassements extérieurs à l’entreprise, ou au groupe si elle appartient à un groupe (obligation légale de reclassement interne mais pas externe). Toutefois, il doit respecter ses engagements en la matière (obligation conventionnelle).

La méconnaissance par l’employeur de son obligation de reclassement, y compris des stipulations conventionnelles prévoyant un reclassement à l’extérieur de l’entreprise ou au sein de la branche, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

C’est à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement et qu’il est impossible de reclasser le salarié dont le poste a été supprimé ou transformé pour cause économique, ou qui a refusé une modification d’un élément essentiel du contrat de travail justifiée par le contexte économique. Le juge apprécie souverainement les éléments de preuve produits en fonction des moyens de l’entreprise ou du groupe. Pour prouver qu’il a rempli son obligation de reclassement, l’employeur doit produire les offres écrites, individualisées et précises faites au salarié ou établir l’absence, à l’époque du licenciement, de poste disponible correspondant aux compétences du salarié.

S’il n’existe aucune possibilité de reclassement dans l’entreprise et si elle appartient à un groupe, l’employeur doit étendre sa recherche à toutes les entreprises de ce groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, même si ces entreprises n’appartiennent pas au même secteur d’activité. Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties. Ainsi, il incombe à l’employeur de démontrer qu’il a exécuté son obligation de reclassement dans un périmètre pertinent.

En l’espèce, dans la lettre (datée du 9 avril 2015) de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, l’employeur indique au salarié : ‘Nous voudrions savoir si vous accepteriez des offres de reclassement de la société TRANSPORTES INTERNACIONALES SAN JOSE ainsi que des sociétés auxquelles elle est liée et dont les sièges et les lieux de production sont installés dans diverses villes du territoire espagnol, allemand, néerlandais, marocain, tunisien ou bulgare. Vous voudrez bien trouver ci-joint la liste des lieux d’exploitation de ces sociétés. Si votre réponse est positive, nous vous remercions de bien vouloir indiquer les restrictions éventuelles qui pourraient être les vôtres quant aux caractéristiques des emplois que nous pourrions vous offrir, notamment en matière de rémunération’. Cette lettre était accompagnée d’une liste des sièges sociaux des sociétés SA SAN JOSE LOPEZ, SJL MADRID, SJL HOLLANDE, SJL BULGARIE, SJL TUNISIE, SJL ALGEGIRAS, SJL ALLEMAGNE, SJL MAGHREB et SJL MEDITERRANEE.

S’agissant de l’exécution de l’obligation de reclassement, la lettre de licenciement mentionne seulement : ‘Les recherches que nous avons initiées n’ont pu aboutir ; tous nos postes de travail sont actuellement pourvus et aucune création n’est envisageable au regard des difficultés que nous connaissons.’

S’agissant du périmètre de son obligation de reclassement, la société SAN JOSE ET LOPEZ reconnaît appartenir à un groupe international de transport de marchandises comprenant des filiales implantées en Espagne, Maroc, Tunisie, Hollande, Allemagne et Bulgarie (cf supra), et elle ne conteste pas la possibilité de permutation de tout ou partie du personnel entre toutes les entreprises du groupe SJL, notamment s’agissant des emplois de chauffeurs routiers.

Il n’est pas contesté que le salarié a reçu une lettre (datée du 9 avril 2015) de l’employeur lui demandant s’il acceptait des offres de reclassement sur des postes disponibles hors du territoire national. Or, par courrier recommandé daté du 16 avril 2015, confirmé ensuite sur ce point par un courrier daté du 7 mai 2015, Monsieur [L] [G] répondait à son employeur : ‘Je fais suite à votre courrier du 9 avril dernier reçu seulement le 13 avril. Pour répondre à votre interrogation, je vous indique être prêt à étudier toute proposition que vous seriez susceptible de me faire dans le cadre des recherches de reclassement, en tout lieu géographique que ce soit’.

Dans son témoignage, Monsieur [A] confirme qu’il a été rappelé au représentant de l’employeur ,au cours de l’entretien préalable du 24 avril 2015, que Monsieur [L] [G] était prêt à recevoir toute proposition de reclassement, en tout lieu géographique que ce soit.

Il est ainsi établi que Monsieur [L] [G] a expressément indiqué à l’employeur qu’il souhaitait recevoir des offres de reclassement sur des postes disponibles en tout lieu géographique que ce soit, y compris hors du territoire national.

L’obligation de reclassement de l’employeur vis-à-vis du salarié intimé n’était donc pas limitée en l’espèce aux seules postes disponibles et adaptées situées sur le territoire national, mais à tous les postes de reclassement envisageables, en France et à défaut à l’étranger, et ce dans le périmètre d’activité de l’ensemble des sociétés du groupe SJL.

Pour justifier de ses recherches de reclassement, la société SAN JOSE ET LOPEZ produit des courriers, émanant des sociétés SJL ALGEGIRAS, MAGHREB, TUNISIE, MADRID, ALLEMAGNE, HOLLANDE et BULGARIE, datés des 30 avril 2015, 4 mai 2015 et 11 mai 2015, mentionnant seulement l’absence de postes disponibles, ou l’absence de possibilité d’embauche des ‘9 chauffeurs licenciés’, sans autre précision. Aucun de ces courriers ne mentionne la recherche de reclassement reçue de la part de l’employeur, pièce d’ailleurs non communiquée, ni l’identité de tout ou partie des salariés dont le licenciement était alors envisagé, encore moins les qualifications, compétences, anciennetés, rémunérations et autres éléments de personnalisation concernant les salariés dont le licenciement était alors envisagé. Non seulement ces pièces ne caractérisent pas une recherche sérieuse de reclassement au sein du groupe SJL, mais elles traduisent une démarche de pure forme avec une issue prédéterminée, sans objectif de reclassement et donc sans caractère réel, visant uniquement à tenter de couvrir la responsabilité de l’employeur en cas de litige prud’homal.

Le caractère fictif de cette recherche de reclassement au sein du groupe SJL est confirmé par le témoignage de Monsieur [A] qui révèle que le DRH (représentant de l’employeur) a indiqué, lors de l’entretien préalable, que des postes de reclassement de chauffeur routier étaient disponibles au sein du groupe SJL en Bulgarie, en Tunisie et au Maroc.

Monsieur [L] [G] n’a reçu aucune offre de reclassement.

L’employeur soutient qu’il ne disposait d’aucun poste de reclassement disponible sur le territoire français mais ne produit strictement aucun élément d’appréciation à l’appui de cette affirmation, se contentant de relever que le droit espagnol ne lui impose pas de tenir un registre d’entrée et de sortie du personnel (attestation de son DRH). Sur ce point également, la carence de l’employeur en cause d’appel doit être relevée alors que Monsieur [A] atteste, sans être contredit par le moindre justificatif de la part de la partie adverse, que, lors de l’entretien préalable, le DRH a indiqué que des postes de chauffeur routier existaient en France pour des transports ‘spéciaux’ mais en restant totalement vague sur la nature de ces transports.

Il échet de constater que la société SAN JOSE ET LOPEZ ne justifie pas d’une impossibilité de reclassement ou même d’une recherche sérieuse de reclassement concernant le salarié intimé.

La société SAN JOSE ET LOPEZ a manqué à son obligation de reclassement vis-à-vis de Monsieur [L] [G]. Ce manquement de l’employeur conduit surabondamment la cour à juger, par adjonction de motifs, le licenciement de Monsieur [L] [G] sans cause réelle et sérieuse.

– Sur les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse –

Nonobstant l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l’inexécution du préavis et le versement par l’employeur à Pôle Emploi d’une somme correspondant au montant de l’indemnité compensatrice de préavis, en l’absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre directement par l’employeur au salarié.

La rémunération mensuelle brute de référence de 2.626,57 euros, retenue par le premier juge pour Monsieur [L] [G], n’est pas contestée en cause d’appel et apparaît justifiée à la lecture des bulletins de paie versés aux débats.

Alors que son licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [L] [G] a droit à une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de deux mois de salaire et aux congés payés afférents. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné la SARL SAN JOSE & LOPEZ à payer à Monsieur [L] [G] la somme de 5.253,14 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 525,31 euros au titre des congés payés afférents.

S’agissant d’un licenciement notifié avant le 24 septembre 2017, il résulte des dispositions alors applicables des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail ainsi que d’une jurisprudence constante que la perte injustifiée ou abusive de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue, que toutefois dans le cas d’un salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés au jour du licenciement l’indemnité (dommages-intérêts) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois.

Au moment du licenciement, Monsieur [L] [G], alors âgé de 38 ans, avait 8 ans et 7 mois d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de dix salariés.

Monsieur [L] [G] expose, et justifie, qu’après son licenciement il a retrouvé un emploi stable (contrat de travail à durée indéterminée)de chauffeur routier à compter du 9 juin 2016, avec une rémunération de base à peu près équivalente.

Au regard des principes susvisés et des éléments d’appréciation dont la cour dispose, le premier juge a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en condamnant la SARL SAN JOSE & LOPEZ à payer à Monsieur [L] [G] la somme de 25.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera donc également confirmé sur ce point.

– Sur le droit individuel à la formation –

Le compte personnel de formation, composante du compte personnel d’activité, a remplacé le DIF (Droit Individuel à la Formation) depuis le 1er janvier 2015. Le compte personnel de formation permet à son titulaire, à sa seule initiative, de suivre des formations qui y sont éligibles en vue de maintenir son niveau de qualification ou d’accéder à un niveau de qualification supérieur. Le compte personnel de formation, désormais comptabilisé en euros depuis le 1er janvier 2019 et non plus en heures, suit le salarié tout au long de sa carrière professionnelle. La gestion du compte personnel de formation est assurée par la Caisse des dépôts et consignations et non par l’employeur. Le compte personnel de formation est directement piloté par son titulaire via un portail internet gratuit. Après avoir créé son profil sécurisé, chaque salarié peut consulter son solde d’heures inscrites sur son compte, s’informer sur les formations éligibles, effectuer sa demande de formation puis la payer.

Il appartient au salarié d’indiquer sur son compte personnel de formation les heures de formation acquises au titre de l’ancien DIF au 31 décembre 2014, dont le nombre a dû lui être communiqué par l’employeur avant le 31 janvier 2015. Les droits à des heures de formation acquis jusqu’au 31 décembre 2014 au titre du DIF peuvent être utilisées ou mobilisées jusqu’au 31 décembre 2020.

En application des disposition de l’ancien article R. 6323-7 du code du travail, il appartenait à l’employeur d’informer chaque salarié, par écrit, avant le 31 janvier 2015, du nombre total d’heures acquises et non utilisées au titre du droit individuel à la formation au 31 décembre 2014, et ce afin de permettre l’utilisation du droit individuel à la formation par le salarié via le compte personnel de formation. Le texte ne prévoyant ni forme particulière d’écrit en matière d’information sur les droits acquis et non utilisés au titre du DIF au 31 décembre 2014, ni sanction, le salarié doit établir que le manquement de l’employeur à cette obligation d’information lui a causé un préjudice, et non se contenter d’invoquer la notion de préjudice nécessaire ou automatique.

En l’espèce, par courrier daté du 10 février 2015, la société SAN JOSE & LOPEZ informait Monsieur [G] que le droit individuel à la formation (DIF) a été remplacé par le compte personnel de formation (CPF) depuis le 1er janvier 2015 et qu’il avait acquis au 31 décembre 2014 un crédit de 85 heures au titre du DIF.

En principe, le droit au DIF est de 20 heures de formation par an pouvant être cumulées jusqu’à 120 heures sur six années. Ces 120 heures représentent le plafond maximum de cumul.

Il apparaît que Monsieur [G], salarié à temps plein depuis le 2 octobre 2006, avait acquis et conservé le maximum de crédit d’heures au titre du DIF, soit 120 heures, à la date du 31 décembre 2014 et que l’employeur n’a pas régularisé, en tout cas avant la notification d’une décision judiciaire, l’erreur contenue dans le courrier daté du 10 février 2015. La société SAN JOSE & LOPEZ ne conteste pas ces éléments de fait, en tout n’apporte aucun élément objectif d’appréciation en sens contraire.

Du fait de l’attitude fautive de son (ancien) employeur, Monsieur [G] n’a pu ni indiquer sur son compte personnel de formation la totalité des heures de formation effectivement acquises au titre de l’ancien DIF ni bénéficier, en tout cas pendant plusieurs années, de la totalité des 120 heures acquises à ce titre, ce qui a causé à l’intimé un préjudice.

Au regard des principes susvisés et des éléments d’appréciation dont la cour dispose, le premier juge a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en condamnant la SARL SAN JOSE & LOPEZ à payer à Monsieur [L] [G] la somme de 300 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice consécutif à la mention erronée concernant le droit au DIF. Le jugement sera confirmé de ce chef.

– Sur les intérêts –

Les sommes fixées judiciairement à titre de dommages-intérêts produiront intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré pour les montants confirmés, à compter de la date de prononcé du présent arrêt pour la part d’indemnisation ajoutée en cas de réformation.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La SARL SAN JOSE & LOPEZ, qui succombe en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à payer à Monsieur [L] [G] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Confirme le jugement déféré ;

– Y ajoutant, condamne la SARL SAN JOSE & LOPEZ à payer à Monsieur [L] [G] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– Rappelle que les sommes fixées judiciairement à titre de dommages-intérêts produisent intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré pour les montants confirmés ;

– Condamne la SARL SAN JOSE & LOPEZ aux dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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