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3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°551
N° RG 20/06196 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RFXX
Etablissement Public POLE EMPLOI
C/
S.A.R.L. LA MAISON DOUCE
S.E.L.A.R.L. GRAND OUEST PROTECTION MANDATAIRE JUDICIAIRE (GOPMJ)
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me VOISINE
Me JOUBERT DES OUCHES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 26 Septembre 2022 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Etablissement Public POLE EMPLOI, pris en la personne de son Directeur Régional de POLE EMPLOI SERVICES domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Charles PIOT, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.A.R.L. LA MAISON DOUCE, inscrite sous le n° 419 796 354 au registre du commerce et des sociétés de RENNES, représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
S.E.L.A.R.L. GRAND OUEST PROTECTION MANDATAIRE JUDICIAIRE (GOP MJ), prise en la personne de Me [N] [G], nommée en qualité de mandataire judiciaire de la société Maison Douce par Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de RENNES du 24 février 2021,
[Adresse 4]
[Localité 3]
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES, agissant par l’intermédiaire de Maître [H] [M], ès qualités d’administrateur judiciaire de la société Maison Douce, anciennement nommé pour assister le débiteur pour tous actes concernant la gestion de son entreprise selon jugement du Tribunal de Commerce de RENNES du 19 juin 2019, et nouvellement nommé en qualité de commissaire chargé de veiller à l’exécution du plan selon jugement du 24 février 2021 rendu par le Tribunal de commerce de RENNES,
[Adresse 2] »
[Localité 3]
Représentés par Me Frédérick JOUBERT DES OUCHES de la SCP CABES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
FAITS ET PROCEDURE :
Le 19 juin 2019, la société Maison Douce a été placée en redressement judiciaire, la société Ajassociés, prise en la personne de M. [M], a été désignée administrateur judiciaire et la société Gopmj, prise en la personne de Mme [N], mandataire judiciaire.
La date de cessation des paiements a été fixée au 19 décembre 2017.
L’Etablissement public Pôle Emploi Centre de traitement de [Localité 7] (Pôle Emploi) a déclaré sa créance pour la somme de 16.050,15 euros à titre super privilégié.
Par ordonnance du 2 décembre 2020, le juge commissaire du tribunal de commerce de Rennes a :
– Dit que le créancier sera admis à l’état des créances du débiteur pour un total de 16.050,15 euros à titre de privilège des cotisations sociales,
– Dit que mention de cette décision sera portée sur l’état des créances par les soins du greffe du tribunal,
– Dit que l’ordonnance sera notifiée par lettre recommandée avec avis de réception aux sociétés Ajassociés et Gopmj, ès qualités, à La Maison Douce et à Pôle Emploi,
– Dit que les frais de l’ordonnance seront employés en frais privilégiés de justice de procédure collective.
Pôle Emploi a interjeté appel le 18 décembre 2020.
Les dernières conclusions de Pôle Emploi sont en date du 14 septembre 2022 et celles des intimées en date du 09 septembre 2022.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Pôle Emploi demande à la cour de :
– Confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :
– Admis la créance de Pôle Emploi pour la somme de 16.050,15 euros,
– Réformer l’ordonnance en ce qu’elle a :
– Dit que le créancier sera admis à l’état des créances du débiteur pour un total de 16.050, 15 euros à titre de privilège des cotisations sociales,
– Dit que mention de cette décision sera porté sur l’état des créances par les soins de MM. les greffiers de ce tribunal,
Statuant à nouveau :
– Dire que la créance de Pôle Emploi a un caractère superprivilégié et prononcer le caractère super privilégié de la créance,
En conséquence :
– Admettre la totalité de la créance produite par Pôle Emploi pour un total de 16.050,15 euros à titre superprivilégié,
– Dire et ordonner que mention de cette décision soit portée sur l’état des créances par les soins de MM. les greffiers de cette cour,
– Enjoindre le mandataire judiciaire à transmettre la liste des créances à l’AGS et ce sous astreinte de 100 euros par jour à compter du prononcé de l’arrêt,
– Condamner solidairement la société Maison Douce agissant par l’intermédiaire de l’administrateur et du mandataire au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Maison Douce et les sociétés GOPMJ et Ajassociés, ès qualités, demandent à la cour de :
– Prononcer que les contributions de l’employeur au financement du CSP ne figurent plus dans la liste prévue par l’article L. 3253-2 et L. 3253-3 du code du travail, applicables à la cause,
– Confirmer l’ordonnance,
– Prononcer, en tout état de cause, que Pôle Emploi ne formule aucune prétention en son dispositif,
– Condamner Pôle Emploi à régler à la société Maison Douce agissant par l’intermédiaire de l’administrateur et du mandataire la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur les prétentions de Pôle Emploi :
La société Maison Douce et les sociétés GOPMJ et Ajassociés, ès qualités, font valoir que Pôle Emploi ne formulerait aucune prétention dans le dispositif de ses conclusions devant la cour.
Elles n’en tirent cependant aucune conséquence juridique dans le dispositif de leurs propres conclusions.
En outre, dans le dispositif de ses conclusions devant la cour, Pôle Emploi demande notamment à ce que la totalité de sa créance soit admise pour un total de 16.050,15 euros à titre superprivilégié.
Sur le caractère super privilégié de la créance de Pôle Emploi :
Le montant de la créance de Pôle Emploi n’est pas contesté. Seule sa qualification de privilégiée ou de super privilégiée est en discussion entre les parties.
Les créances afférentes à la rémunération des salariés dues au titre des 60 derniers jours précédant l’ouverture d’une procédure collective sont, en principe, payées en priorité sur les créances privilégiées. On parle de créances super privilégiées :
Article L3253-2
Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail sont, déduction faite des acomptes déjà perçus, payées, nonobstant l’existence de toute autre créance privilégiée, jusqu’à concurrence d’un plafond mensuel identique pour toutes les catégories de bénéficiaires.
Ce plafond est fixé par voie réglementaire sans pouvoir être inférieur à deux fois le plafond retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
Ces créances comportent notamment certaines indemnités nommément désignées :
Article L3253-3 du code du travail (Rédaction en vigueur depuis le 1er mai 2008) :
Les rémunérations prévues au premier alinéa de l’article L. 3253-2 comprennent :
1° Les salaires, appointements ou commissions proprement dites ;
2° Les accessoires et notamment l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 1226-14, l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5, l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 et l’indemnité de fin de mission prévue à l’article L. 1251-32.
En l’espèce, la société Maison Douce et les sociétés GOPMJ et Ajassociés, ès qualités, font valoir que la créance déclarée par Pôle Emploi au titre de la contribution au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle ne relèverait pas de la catégorie des créances super privilégiées.
Il résulte de la convention Unedic du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle que l’employeur contribue au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle versée en s’acquittant du paiement d’une somme correspondant à l’indemnité de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du dispositif et qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale prévue à l’article L. 1234-1 2° et 3° du code du travail. Il est précisé que Pôle Emploi assure, pour le compte de l’Unedic, le recouvrement de ces sommes.
La codification du code du travail intervenue en 2008 l’a été à droit constant. Il ne peut être tiré aucun argument pertinent d’une modification à la marge de dispositions du code du travail.
L’ancien article L.143-10 du code du travail visait expressément les contributions dues par l’employeur dans le cadre des conventions de reclassement personnalisé mentionnées à l’article L. 321-4-2. :
Article L143-10 du code du travail (rédaction en vigueur du 1er janvier 2006 au 1er mai 2008 :
Lorsqu’est ouverte une procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire, les rémunérations de toute nature dues aux salariés et apprentis et l’indemnité mentionnée à l’article L. 980-11-1 (1) due par l’employeur aux bénéficiaires d’un stage d’initiation à la vie professionnelle pour les soixante derniers jours de travail ou d’apprentissage doivent, déduction faite des acomptes déjà perçus, être payées, nonobstant l’existence de toute autre créance privilégiée, jusqu’à concurrence d’un plafond mensuel identique pour toutes les catégories de bénéficiaires.
Ce plafond est fixé par voie réglementaire sans pouvoir être inférieur à deux fois le plafond retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
Les rémunérations prévues au premier alinéa ci-dessus comprennent non seulement les salaires, appointements ou commissions proprement dites mais encore tous les accessoires et notamment l’indemnité mentionnée à l’article L. 122-3-4, l’indemnité pour inobservation du délai congé mentionnée à l’article L. 122-8, l’indemnité compensatrice mentionnée à l’article L. 122-32-6 et l’indemnité mentionnée à l’article L. 124-4-4, ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre des conventions de reclassement personnalisé mentionnées à l’article L. 321-4-2.
Cette mention des contributions dues par l’employeur au titre des conventions de reclassement est issue de la Loi n° 2005-841 du 16 juillet 2005, article 24.
Article 24
I. – La dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 143-10 du code du travail est complétée par les mots : « , ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre des conventions de reclassement personnalisé mentionnées à l’article L. 321-4-2 ».
II. – L’article L. 143-11-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « , ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre de la convention de reclassement personnalisé mentionnée à l’article L. 321-4-2 » ;
(…)
Il apparaît ainsi que la prise en charge des contributions dues par l’employeur au titre des conventions de reclassement personnalisé ne correspondait pas en soi à une créance salariale au sens des dispositions de l’article L. 321-4-2 du code du travail. Les créances salariales super privilégiées sont d’ailleurs, en principe, celles dues au profit du salarié.
Ce n’est que par intervention du législateur en 2005 que les contributions dues par l’employeur dans le cadre des conventions de reclassement personnalisé ont été incluses dans le périmètre du super privilège. Le législateur a ainsi choisi l’utilisation de la formule ‘ainsi que’ montrant qu’il s’agissait dans sa volonté d’un ajout et non d’une déclinaison d’une liste non exhaustive pré-existante.
La loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 a substitué aux contrats de conventions de reclassement personnalisé le dispositif du contrat de sécurisation professionnelle.
Cette loi a prévu que l’employeur contribue à ce financement :
Article L1233-69 (rédaction en vigueur du 1er janvier 2019 au 23 août 2019) :
L’employeur contribue au financement du contrat de sécurisation professionnelle par un versement représentatif de l’indemnité compensatrice de préavis, dans la limite de trois mois de salaire majoré de l’ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes.
La détermination du montant de ce versement et leur recouvrement, effectué selon les règles et sous les garanties et sanctions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5422-16, sont assurés par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1. Les conditions d’exigibilité de ce versement sont précisées par décret en Conseil d’Etat.
Les opérateurs de compétences pour collecter les contributions mentionnées au chapitre Ier du titre III du livre III de la sixième partie affectent aux mesures de formation prévues à l’article L. 1233-65 une part des ressources destinées aux actions de professionnalisation et au compte personnel de formation, selon des modalités définies par décret.
Lorsqu’une entreprise a conclu un accord en application du premier alinéa de l’article L. 6331-10, elle reverse à l’opérateur de compétences tout ou partie de la contribution prévue au même premier alinéa afin de financer des mesures de formation prévues à l’article L. 1233-65.
Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels mentionné à l’article L. 6332-18 peut contribuer au financement de ces mesures de formation.
Les régions peuvent contribuer au financement de ces mesures de formation dans le cadre de la programmation inscrite dans le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles mentionné à l’article L. 214-13 du code de l’éducation.
L’Etat peut contribuer au financement des dépenses engagées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle.
Mais aucune disposition légale n’a prévu que le super privilège vise les contributions de l’employeur au titre du contrat de sécurisation professionnelle, notion distincte de celle de convention de reclassement personnalisé, même si il en a pour partie pris la suite.
La codification du code du travail est intervenue à droit constant. Mais elle n’a pu avoir pour effet de soumettre le dispositif de sécurisation professionnelle, qui n’existait pas encore, au super privilège qui avait été prévu pour un dispositif antérieurement mis en place, celui du reclassement personnalisé.
Il en résulte que les contributions dues par l’employeur au titre du financement de l’allocation de sécurisation professionnelle ne bénéficient pas du super privilège au titre des rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail. L’ordonnance sera confirmée et les demandes de Pôle Emploi rejetées.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de dire que les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
– Confirme l’ordonnance,
Y ajoutant :
– Rejette les autres demandes des parties,
– Dit que les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIER LE PRESIDENT