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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/03460 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OFDS
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 15 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE – N° RG F16/00163
APPELANTE :
Madame [V] [I]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEE :
SAS STEPHARO Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au dit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 13 Septembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS STEPHARO a embauché Mme [V] [I] suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet au 31 août 2003 en qualité de caissière puis suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2003 en qualité de caissière employée commerciale à temps partiel.
Le 26 décembre 2015, l’employeur écrivait à la salariée en ces termes :
« Nous faisons suite à l’avis d’inaptitude prononcé par le médecin du travail le 14 décembre 2015. Les conclusions émises par le Dr [X] sont « Inapte au poste, apte à un autre : pas de gestes répétitifs. Pas de ports de charges lourdes. Inaptitude en 1 visite selon l’article R. 4624-31 du code du travail « le maintien du salarié à son poste entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers ». Nous avons alors recherché un poste susceptible de convenir à vos nouvelles capacités de travail. Nous vous proposons le poste d’hôtesse de caisse libre-service.
Poste : Hôtesse de caisse libre-service
Classification : 2B
Durée du travail : 30 heures hebdomadaires
Rémunération : 1 261 € / mois
En outre, ce poste est tout à fait en conformité avec les recommandations du Dr [X], à savoir qu’il ne sollicite en rien des mouvements répétitifs, ni de ports de charges lourdes. Ce poste consiste à contrôler les passages en caisse des clients qui scannent eux-mêmes les articles et à les assister dans l’utilisation de ces caisses libre-service. Il s’agit d’un aménagement de votre poste actuel qui ne modifie pas votre contrat de travail. Nous vous demandons de bien vouloir répondre à notre proposition au plus tard le 11 janvier 2016. Cependant, nous restons à votre disposition durant ce délai de réflexion pour de plus amples informations ou un éventuel rendez-vous. »
La salariée ayant refusé cette proposition par lettre du 6 janvier 2016, l’employeur renouvelait sa proposition au visa de l’accord du médecin du travail par lettre du 20 janvier 2016 rédigée ainsi :
« Suite à l’avis d’inaptitude prononcé par le médecin du travail le 14 décembre 2015, nous vous avons envoyé un courrier le 26 décembre 2015 vous proposant un poste d’hôtesse de caisses libre-service dans le cadre de votre reclassement. Niveau 2B. Durée de travail : 30 h hebdomadaire. Rémunération : 1 261 € / mois. Ce poste est tout à fait en conformité avec les recommandations du Dr [X], à savoir qu’il ne sollicite en rien des mouvements répétitifs, ni de ports de charges lourdes. De plus, il ne modifie pas votre contrat de travail. Dans votre courrier daté du 6 janvier 2016, vous nous avez répondu que vous refusiez ce poste sans mentionner le souhait d’avoir des informations complémentaires ou de nous rencontrer. Nous prenons bien note de ce refus que nous estimons abusif puisqu’il ne modifie pas votre contrat et a reçu l’accord du médecin. Nous vous informons que la procédure suit son cours. »
La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement suivant lettre du 16 février 2016 rédigée en ces termes :
« Suite à l’entretien que nous avons eu le 11 février 2016 à 10 heures, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Cette décision repose sur les motifs qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité, à savoir : Lors de votre visite de reprise du 14 décembre 2015, le médecin du travail a rendu l’avis médical suivant : « Inapte au poste, apte à un autre. Pas de gestes répétitifs, pas de ports de charges lourdes. Inaptitude en 1 visite selon l’article R. 4624-31 du code du travail « le maintien du salarié à son poste entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers’ » Nous avons effectué des recherches de reclassement de toute nature et de manière élargie. Par courrier en date du 26 décembre 2015, nous vous avons proposé le poste d’hôtesse de caisse libre-service en adéquation avec les recommandations du médecin du travail et validé par celui-ci. Vous nous avez informé en réponse par lettre du 6 janvier 2016 que vous refusiez notre proposition et que dès lors vous n’acceptiez pas le reclassement proposé, sans mentionner le moindre souhait d’avoir des explications complémentaires ou de nous rencontrer. Nous vous avons répondu que nous estimions ce refus abusif puisqu’il ne modifiait pas votre contrat de travail et avait bien reçu l’accord du médecin. Nous vous rappelons par ailleurs qu’aucun autre reclassement ne peut vous être proposé car malgré nos efforts en ce sens et compte tenu des préconisations du médecin du travail, il apparaît que nous n’avons aucun poste disponible au sein de notre point de vente qui soit compatible avec votre état de santé. De plus, lors de notre entretien vous avez déclaré ne pas vouloir reprendre votre activité professionnelle pour des raisons familiales et personnelles. Votre contrat de travail prend en conséquence fin ce jour, sans préavis puisque vous ne pouvez pas travailler durant celui-ci. Nous établirons dans les jours prochains votre solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle Emploi. Tous ces documents seront donc à votre disposition au sein de l’entreprise. Nous vous rappelons que vos droits au DIF d’un montant de 120 heures au 31 décembre 2015, doivent être reportés par vos soins sur votre compte personnel de formation sur le site « moncompteformation.gouv.fr » Pour information, les heures que vous aurez acquises au titre du compte personnel de formation, au titre de votre période d’emploi au sein de notre société seront calculées par le biais des données issues de la DADS de l’année 2015. Ces heures seront créditées sur le compte personnel de formation en mars 2016. Ces heures pourront être utilisées conformément aux dispositions des articles L 6323-16 et suivants chez un nouvel employeur le cas échéant ou conformément aux dispositions des articles L 6323-21 et suivants du code du travail en tant que demandeur d’emploi. Depuis le 1er juin 2014, suite à la rupture de votre contrat, vous bénéficiez de la portabilité de la garantie de prévoyance à titre gratuit pour une durée au maximum de 12 mois, sous réserve que les conditions d’ouverture des droits à l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale soient respectées. Ceci est rappelé dans votre certificat de travail. »
Contestant son licenciement, Mme [V] [I] a saisi le 30 mai 2016 le conseil de prud’hommes de Narbonne, section commerce, lequel, par jugement rendu le 15 avril 2019, a :
confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
débouté la salariée de ses demandes y afférentes ;
condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 723,04 € au titre des sommes retirées sur le solde de tout compte ;
condamné l’employeur à adresser à la salariée un bulletin de salaire portant les sommes retirées du solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi rectifiée et conforme ;
condamné l’employeur à payer à la salariée le somme de 450 € au titre des frais irrépétibles ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
condamné l’employeur aux dépens.
Cette décision a été notifiée le 2 mai 2019 à Mme [V] [I] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 17 mai 2019.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 13 septembre 2022.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 26 juillet 2019 aux termes desquelles Mme [V] [I] demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur à lui payer la somme de 723,04 € au titre des sommes indûment retirées sur le solde de tout compte ;
l’infirmer pour le surplus ;
dire que la proposition de reclassement entraînait une modification du contrat de travail ou à tout le moins un changement de ses conditions de travail ;
dire que son refus de cette proposition de reclassement n’est pas abusif ;
dire que l’employeur ne l’a pas informée préalablement des motifs s’opposant à son reclassement ;
dire que l’employeur n’a pas respecté son obligation de recherche sérieuse et loyale de reclassement ;
dire que l’employeur appartient à un groupe ;
dire que l’employeur n’a procédé à aucune recherche de reclassement au sein du groupe ;
dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :
‘ 2 522,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 252,20 € au titre des congés payés y afférents ;
‘ 3 738,20 € à titre de reliquat de l’indemnité spéciale de licenciement ;
‘ 1 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour absence d’information préalable des motifs s’opposant au reclassement ;
’22 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
condamner l’employeur à lui remettre un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés et conformes à l’arrêt, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document manquant ou erroné qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de signification de l’arrêt ;
dire que les sommes allouées ayant une nature salariale porteront intérêts, à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, celle-ci valant sommation de payer au sens de l’article 1344-1 du code civil ;
condamner l’employeur au paiement de la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner l’employeur aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 24 octobre 2019 aux termes desquelles la SAS STEPHARO. demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris et à tout le moins :
dire qu’elle a parfaitement respecté son obligation de reclassement et que le licenciement est parfaitement licite ;
dire que les demandes formulées par la salariée à son encontre son infondées ;
dire que les sommes de nature salariales se compenseront au profit de l’employeur ;
débouter la salariée de ses entières prétentions ;
condamner la salariée au paiement de la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles et à supporter la charge des dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera tout d’abord relevé que le jugement n’est pas critiqué dans le dispositif des conclusions des parties en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 723,04 € au titre des sommes retirés sur le solde de tout compte. Dès lors cette disposition est définitive.
1/ Sur le refus de reclassement
La salariée fait valoir dans le corps de ses conclusions qu’elle n’a eu d’autre choix que de refuser le reclassement qui lui était proposé en raison de son état de santé. Elle vise à ce titre sa pièce n° 7 consistant en son dossier médical. Dans le dispositif des mêmes conclusions elle fait valoir que la proposition de reclassement entraînait une modification du contrat de travail ou à tout le moins un changement de ses conditions de travail.
La cour retient que le refus exprimé par la salariée par lettre du 6 janvier 2016 n’est pas motivé, que le médecin du travail, sur interrogation de l’employeur, a validé la proposition de reclassement en cause suivant courriel du 18 janvier 2016 et que cet avis n’a pas été contesté et s’imposait à l’employeur. Dès lors, il n’apparaît pas que la proposition de reclassement était incompatible avec l’état de santé de la salariée.
La salariée n’explique pas en quoi la proposition de reclassement constituerait une modification du contrat de travail. Au contraire, à la lecture des pièces produites, il n’apparaît pas que la rémunération ou le volume horaire ou encore le lieu de travail aient été modifiés.
Dès lors, le refus par la salariée de son reclassement de son poste de caissière employée commerciale à un poste d’hôtesse de caisse libre-service est abusif.
2/ Sur l’énonciation des motifs s’opposant au reclassement
L’employeur a bien informé la salariée qu’il tenait son refus pour abusif avant de procéder à son licenciement, tant dans sa lettre du 20 janvier 2016 que dans la convocation à l’entretien préalable, dès lors la salariée s’est régulièrement trouvée informée du motif s’opposant à son reclassement.
En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande indemnitaire formée de ce chef.
3/ Sur la consultation des délégués du personnel
La salariée reproche à l’employeur de ne pas avoir consulté les délégués du personnel mais ce dernier produit un procès-verbal de carence des élections professionnelles du 2 octobre 2014 ainsi que l’accusé de réception de l’inspection du travail. En conséquence ce grief sera écarté.
4/ Sur le licenciement
Au vu des trois points précédents, il apparaît que l’employeur a loyalement, sérieusement et activement cherché à reclasser la salariée dès lors qu’il produit le registre unique du personnel et qu’aucune pièce produite ne permet de retenir que les sociétés exploitant l’enseigne Intermarché constituaient un groupe autorisant la permutation du personnel entre elles et encore qu’il justifie avoir consulté en vain 11 sociétés se trouvant à proximité, de plusieurs enseignes dont la sienne, au titre de ses recherches de reclassement externe.
En conséquence, le licenciement, qui n’est pas plus critiqué, apparaît fondé sur une cause réelle et sérieuse.
L’inaptitude de la salariée étant consécutive à une maladie professionnelle, son refus abusif de la proposition de reclassement exonère l’employeur de lui verser les indemnités spéciales de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle. La salariée ne peut prétendre ni à l’indemnité compensatrice correspondant à l’indemnité de préavis, ni à l’indemnité doublée de licenciement, mais seulement à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. La salariée sera donc déboutée de l’ensemble de ses demandes.
5/ Sur les autres demandes
La somme allouée par le premier juge produira intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés en cause d’appel. Elles seront donc déboutées de leurs demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à cette hauteur.
L’employeur supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Constate que le jugement est définitif en ce qu’il a condamné la SAS STEPHARO à payer à Mme [V] [I] la somme de 723,04 € au titre des sommes retirés sur le solde de tout compte.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions contestées.
Y ajoutant,
Dit que la somme de 723,04 € allouée par le premier juge produira intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes.
Déboute les parties de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
Condamne la SAS STEPHARO aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT