Compte personnel de formation : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/01812

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Compte personnel de formation : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/01812
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N° RG 20/01812 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IPL5

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 08 DECEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 16 Mars 2020

APPELANTE :

Société FLEUR DE METS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Sophie BERTUCAT-DUMONTIER de la SELARL BERTUCAT DUMONTIER, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame [O] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Nicole BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Décembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 08 Décembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [O] [R], maître d’hôtel, a travaillé pour la société Fleur de Mets, traiteur, dans le cadre de nombreux contrats de travail à durée déterminée appelés « extras », le premier étant intervenu en novembre 2007.

La convention collective applicable est celle des hôtels, cafés, restaurants.

Le 9 septembre 2017, alors qu’elle travaillait pour la société Fleur de Mets depuis le matin, Mme [R] a été victime d’un accident du travail et placée en arrêt de travail jusqu’au 4 février 2018.

A l’issue de la visite médicale de reprise du 13 février 2018, le médecin du travail a émis les préconisations suivantes, jusqu’au 1er avril, « pas de port de charges lourdes & marche prolongée. Prévoir un poste statique ».

Mme [R] a de nouveau fait l’objet d’un arrêt de travail du 23 juin 2018 au 11 mai 2019.

A l’issue de la visite médicale de reprise du 14 mai 2019, le médecin du travail a émis les préconisations suivantes, pour une durée de quatre mois : « 1/ pas de port de charges lourdes 2/ préférer poste boissons 3/ port de chaussures plates 4/ éviter sites avec trop de marches ».

Le 2 juillet 2019, Mme [R] a adressé à la société Fleur de Mets un courrier de réclamation, exigeant la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein et la régularisation de sa situation.

Mme [R] a été embauchée dans le cadre de son dernier contrat d’extra le 4 juillet 2019.

Par courrier du 1er août 2019, Mme [R] a adressé à la société Fleur de Mets un courrier de prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Le 19 novembre 2019, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen, qui par jugement du 16 mars 2020 a :

– fixé le salaire moyen brut mensuel de Mme [R] à la somme de 2 413,06 euros brut,

– dit et jugé que les contrats de travail de Mme [R] à compter du 9 novembre 2007 sont un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein,

– fixé la date de rupture du contrat de travail au 1er août 2019,

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Fleur de Mets,

– dit et jugé que la prise d’acte du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamne le représentant légal de la société Fleur de Mets à verser à Mme [R] les sommes de :

2 413,06 euros brut à titre d’indemnité de requalification,

56 530 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période non prescrite, outre 5 635 euros brut à titre de rappel de congés payés sur le rappel de salaire afférent,

635 euros brut à titre de rappel d’heures de nuit, outre 63,50 euros brut au titre des congés payés afférents au rappel d’heures de nuit,

2 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical,

2 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la formation professionnelle,

20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et non-respect des temps de repos,

6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la réglementation sur la durée du temps de travail,

4 826 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 483 euros brut au titre des congés payés [afférents],

14 847 euros brut au titre de l’indemnité de licenciement,

26 543,66 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

– débouté Mme [R] de sa demande de rappel de prime d’intéressement / prime de participation,

– débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions des horaires de nuit,

– condamné la société Fleur de Mets en son représentant légal à verser à Mme [R] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et rejeté la demande de la société Fleur de Mets à ce même titre,

– ordonné que l’ensemble des condamnations mises à la charge de la société Fleur de Mets porteront intérêts légal à compter de la date d’introduction de la demande prud’homale,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans caution,

– laissé les dépens de l’instance à la charge de la société Fleur de Mets en son représentant légal.

Par déclaration au greffe le 12 juin 2020, la société Fleur de Mets a formé appel.

Le 13 octobre 2022, le conseiller rapporteur présidant l’audience a ordonné la clôture de la procédure, avant ouverture des débats.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES 

Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 19 septembre 2022, la société Fleur de Mets demande à la cour d’infirmer le jugement dans les termes de la déclaration d’appel, de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de ses demandes de rappel de prime d’intéressement / prime de participation et de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions des horaires de nuit et, statuant à nouveau, de : – débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [R] à lui rembourser les montants perçus au titre de l’exécution provisoire du jugement attaqué,

– condamner Mme [R] au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 28 septembre 2022, Mme [R] demande à la cour de :

– constater que le dispositif du jugement comporte une erreur matérielle en ce qu’il condamne le « représentant légal de la société Fleur de Mets » au lieu et place de « la société Fleur de Mets », et rectifier ces mentions en les remplaçant par « la société Fleur de Mets », en application des dispositions de l’article 462 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement rendu sur les chefs de jugement la déboutant de ses demandes, et statuant à nouveau :

– condamner la société Fleur de Mets à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’intéressement et/ou de la participation,

– condamner la société Fleur de Mets à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au « jugement » à intervenir, sous astreinte,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– condamner la société Fleur de Mets au paiement des sommes nettes suivantes :

7 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la formation professionnelle,

7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la réglementation sur la durée et le temps de travail,

60 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

10 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

– débouter la société Fleur de Mets de ses demandes,

– condamner la société Fleur de Mets à payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et aux entiers dépens de première instance et d’appel que la SELARL Gray Scolan, avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est considéré qu’il n’y a pas lieu de rectifier le jugement attaqué dès lors que l’erreur dénoncée est d’ordre intellectuel et non matériel.

Sur la qualification de la relation de travail, l’indemnité de requalification et la demande de rappel de salaire afférente

Mme [R] soutient que la relation contractuelle s’analyse en un contrat de travail :

– à durée indéterminée, à défaut d’écrit, ou des mentions prescrites, ou d’une signature, et dans la mesure où l’emploi occupé était un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise,

– à temps complet, en l’absence de respect des dispositions applicables en matière de travail à temps partiel, dès lors qu’elle s’est tenue à la disposition de son employeur au cours des périodes interstitielles et à raison du dépassement des durées maximales de travail.

La société Fleur de Mets se prévaut quant à elle de la possibilité de recourir à des CDD d’usage en invoquant le statut d’ « extra » prévu par la convention collective et le caractère nécessairement temporaire de l’emploi occupé par Mme [R].

Elle conteste tout travail à temps complet en faisant valoir que Mme [R] ne démontre pas qu’elle serait restée à son entière disposition.

1. Sur le fondement de l’article L. 1242-12 du code du travail (anciennement L. 122-3-1), le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Il comporte notamment :

– Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu’il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l’article L. 1242-2 [anciennement, au titre 1° de l’article L. 122-1-1] ;

– La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis ;

– La désignation du poste de travail ;

– L’intitulé de la convention collective applicable ;

– Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s’il en existe ;

– Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que, le cas échéant, ceux de l’organisme de prévoyance.

Sur le fondement de ce texte, la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

Cette exigence porte tant sur la signature du salarié que sur celle de l’employeur, tous deux parties au contrat.

Ainsi, faute de comporter la signature de l’une des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit. Il se trouve, par suite, réputé conclu pour une durée indéterminée.

En l’espèce, il est constant que Mme [R] a travaillé depuis novembre 2007 comme maître d’hôtel pour la société Fleur de Mets dans le cadre de différents contrats d’ «extra », qui sont des contrats à durée déterminée d’usage.

Le premier contrat de ce type, versé aux débats, date du 6 novembre 2007.

Ce contrat n’est cependant pas signé par l’employeur, de sorte qu’il y a lieu de requalifier la relation de travail entamée le 6 novembre 2007 en contrat de travail à durée indéterminée, à compter de cette date, sans qu’il soit nécessaire pour Mme [R] de prouver l’existence d’un préjudice causé par l’absence de CDI, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens au soutien de la demande de requalification.

2. Par suite de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, Mme [R] est en droit de prétendre à une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, sur le fondement de l’article L. 1245-2 du code du travail. Au regard des conditions de travail précaires de Mme [R], qui a occupé de multiples emplois de courte durée en restant dans l’attente d’une nouvelle mission confiée par son employeur, il y a lieu de confirmer le jugement, sauf à désigner la société Fleur de Mets comme débitrice de cette somme et non son représentant légal, et sauf à qualifier cette somme de nature indemnitaire en net plutôt qu’en brut.

Cette somme porte intérêt au taux légal à compter du 16 mars 2020, date du jugement.

3. En vertu des articles L. 3123-17 et L. 3123-9, successivement applicables, du code du travail, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou de la durée de travail fixée conventionnellement.

Lorsque les heures effectuées par le salarié ont pour effet de porter la durée du travail accomplie à hauteur de la durée légale ou conventionnelle de travail, le contrat de travail doit être requalifié en contrat de travail à temps complet à compter de cette date.

En l’espèce, les bulletins de paie produits établissent que Mme [R] a travaillé 182 heures en novembre 2015, soit au-delà de la durée légale du travail.

La requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est donc encourue pour ce motif à compter de cette date.

En outre, sur le fondement de l’article L. 212-4-3 applicable de 2005 au 1er mai 2008, de l’article L. 3123-14 dans ses versions applicables du 1er mai 2008 au 10 août 2016, et de L. 3123-6 applicable depuis lors, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Toute modification de la répartition de la durée du travail est notifiée au salarié au moins sept jours ouvrés avant la date à laquelle elle doit avoir lieu, ce délai minimum pouvant être réduit à 3 jours par accord collectif.

En l’espèce, dès lors que le premier contrat dont se prévaut Mme [R] est un contrat non signé de l’employeur, qui ne peut de ce fait être considéré comme un contrat écrit, il est présumé être à temps complet.

Il appartient dès lors à l’employeur qui entend renverser la présomption de prouver, d’une part, la durée exacte de travail convenue, et d’autre part, que le salarié n’était pas empêché de prévoir le rythme auquel il devait travailler et qu’il ne se trouvait pas dans l’obligation de se tenir à la disposition constante de l’employeur.

Mais en l’espèce, la société Fleur de Mets ne verse pas aux débats d’éléments probants de nature à établir la preuve attendue : elle ne justifie pas avoir prévenu la salariée de ses horaires de travail dans les délais requis tout au long de la relation contractuelle. Au contraire, il résulte des pièces produites par Mme [R] (échange de SMS du mardi 21 mai 2019, attestations de Mme [S], maître d’hôtel ayant travaillé de juillet 2015 à juillet 2018 pour la société Fleur de Mets et de Mme [C], gestionnaire de paie / assistante de planning ayant travaillé pour la même société de janvier 2012 à février 2014) que l’employeur a pu modifier son horaire le mardi pour le jeudi, que les plannings était remis le mercredi ou le jeudi, voire en fin de semaine, pour la semaine suivante, que les horaires pouvaient être modifiés la veille ou quelques heures avant la prestation, ou encore qu’en qualité de de membre de la première brigade des maîtres d’hôtel, Mme [R] s’était engagée à être disponible pour la société Fleur de Mets et qu’en retour l’employeur s’engageait à lui fournir du travail en priorité.

Les plannings produits par l’employeur pour la période de mai à août 2019, qui évoquent parfois, à partir du 15 juin 2019, une indisponibilité de la salariée, ainsi que le sms du 4 juin 2019 adressé par Mme [R] à la société Fleur de Mets pour lui rappeler qu’elle se trouverait à l’Armada de [Localité 4] du 7 au 16 (et ne pourrait donc travailler pour la société Fleur de Mets pendant cette période), sont insuffisants pour permettre à l’employeur de rapporter la preuve que Mme [R] a eu connaissance suffisamment tôt, tout au long de la relation contractuelle, du rythme auquel elle devait travailler et qu’elle ne se trouvait pas dans l’obligation de se tenir à sa disposition constante.

Enfin, les déclarations de revenus de Mme [R] pour les années 2016 à 2019 établissent que les revenus d’activité de Mme [R] provenaient essentiellement de la société Fleur de Mets en 2016 avant son accident du travail (16 696 euros sur 20 490 euros de revenus d’activité) et qu’à partir de 2017 Mme [R] a pu travailler toujours de manière significative pour la société Fleur de Mets (8 469 euros sur 15 931 euros en 2017, 7 234 euros sur 19 190 euros en 2018). En tout état de cause, le fait que Mme [R] ait pu travailler pour un tiers en parallèle de son activité pour la société Fleur de Mets ne permet pas à l’employeur d’apporter la preuve attendue.

L’ensemble de ces éléments ne permettant pas à l’employeur de renverser la présomption de travail à temps complet, il y a lieu de requalifier le contrat de travail en ce sens.

4. Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en CDI à temps complet à compter du 9 novembre 2007.

5. L’employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition.

Le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat s’il établit qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

En l’occurrence, les développements qui précèdent établissent que Mme [R] s’est effectivement tenue à la disposition permanente de la société Fleur de Mets, dans l’attente des contrats que celle-ci était susceptible de lui proposer et sans pouvoir connaître son rythme de travail suffisamment tôt. Le fait que Mme [R] ait pu travailler en parallèle, au demeurant de façon tout à fait marginale avant 2017, époque de son accident, ou qu’elle ait pu notifier son indisponibilité à quelques reprises à la fin de la période contractuelle ne remet pas en cause ce constat.

Par ailleurs, du fait de la requalification du contrat de travail en un contrat à temps complet, l’employeur est tenu au paiement du salaire correspondant à un temps plein, qui correspond en l’occurrence à la durée légale du travail.

Il convient donc de confirmer le jugement ayant condamné la société Fleur de Mets à lui payer la somme de 56 529, 98 euros correspondant à la différence entre les salaires dus au titre d’un travail à temps complet et les salaires effectivement perçus, entre juillet 2016 et juillet 2019, outre 5 653 euros au titre des congés payés afférents, sauf à désigner la société Fleur de Mets comme débitrice de cette somme et non son représentant légal.

Ces sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

Sur la demande au titre des heures de nuit

Mme [R] dénonce le fait que la société Fleur de Mets n’a appliqué la majoration du travail de nuit qu’après 24 heures alors que la convention collective retient le seuil de 22 heures.

La société Fleur de Mets souligne que Mme [R] ne produit qu’un simple décompte des heures prétendument effectuées et ne se donne pas la peine de démontrer la réalité de son préjudice.

En vertu de l’article 16.1 de l’avenant n° 1 du 13 juillet 2004 (relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance) à la convention collective des cafés, hôtels, restaurants, tout travail entre 22 heures et 7 heures est considéré comme travail de nuit.

La société Fleur de Mets ne conteste pas que seules les heures effectuées au-delà de minuit étaient considérées comme du travail de nuit.

Les bulletins de paie font état d’heures complémentaires « nuit » payées à un taux horaire supérieur au taux horaire de base.

Alors que Mme [R] produit un tableau précisant mois après mois le nombre de nuits travaillées et le nombre d’heures de nuit non comptabilisées, suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre, et en outre partiellement étayé par les bulletins de paie versés aux débats, l’employeur, qui assure pourtant le contrôle des heures de travail effectuées, n’apporte aucun élément contraire.

Dès lors et en application de l’article L. 3171-4 du code du travail, il est retenu que Mme [R] a effectué 119 heures de nuit dont la majoration n’a pas été payée, ce qui justifie de confirmer le jugement lui ayant accordé à ce titre la somme de 635 euros brut, outre 63,50 euros brut au titre des congés payés afférents, sans qu’il soit nécessaire que Mme [R] justifie d’un préjudice. Le jugement est donc confirmé de ce chef, sauf à désigner la société Fleur de Mets comme débitrice de cette somme et non son représentant légal.

Ces sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical

Mme [R] déplore le défaut de visite médicale à l’embauche et tout au long de la relation de travail, hormis les deux visites de 2018 et 2019. Si le manquement est avéré, pour autant Mme [R] ne justifie pas du moindre préjudice en résultant.

Par ailleurs, elle reproche à son employeur le non-respect des préconisations de la médecine du travail après son accident, grief qui, d’une part, se trouve sans rapport avec l’absence de suivi médical et qui, d’autre part, est également invoqué au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, se trouve examiné dans le cadre de cette autre demande, et ne saurait conduire à une double indemnisation du préjudice subséquent.

Il convient donc de débouter Mme [R] de sa demande. Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la formation professionnelle

Mme [R] reproche à son employeur de ne jamais lui avoir remis de BIAF (bordereau individuel d’accès à la formation) et de ne lui avoir pas non plus fait bénéficier de son DIF (droit individuel à la formation) ou encore d’un CPF (compte personnel de formation). Elle estime avoir perdu une chance d’utiliser les droits acquis, ce qui est d’autant plus préjudiciable qu’elle avait un statut précaire et que la formation était un moyen d’accéder à des postes pérennes.

L’employeur estime que Mme [R] embauchée dans le cadre de contrats d’extra n’a jamais acquis l’ancienneté suffisante pour pouvoir prétendre bénéficier du DIF ; que par ailleurs, elle ne justifie pas avoir procédé à la création de son CPF et formulé des demandes d’abondement de compte auprès de son employeur ; que l’employeur n’est pas responsable des carences de la salariée.

L’employeur est tenu d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, ce sur le fondement de l’article L. 6321-1 du code du travail (anciennement L. 930-1 al. 1).

Sur le fondement de l’article L. 6312-1 du code du travail, l’accès des salariés à des actions de formation professionnelle continue est assuré, notamment :

– à l’initiative de l’employeur, le cas échéant, dans le cadre d’un plan de formation (d’un plan de développement des compétences, depuis le 1er janvier 2019),

– à l’initiative du salarié notamment dans le cadre du congé individuel de formation (jusqu’en 2019) ou par la mobilisation du CPF (depuis le 1er janvier 2015),

Jusqu’au 1er janvier 2015, cet accès pouvait également être assuré à l’initiative du salarié avec l’accord de son employeur dans le cadre du DIF, étant précisé que sur le fondement de l’article L. 6323-7, l’employeur devait informer chaque année par écrit le salarié titulaire d’un CDI ou d’un CDD ayant acquis une ancienneté suffisante (définie à l’article D. 6323-1 ; 1 an pour un salarié en CDI) du total des droits acquis au titre du droit individuel à la formation.

Le CPF étant un dispositif mis en ‘uvre à l’initiative du salarié, Mme [R] ne peut reprocher à son employeur de ne pas en avoir bénéficié.

En revanche, la société ne conteste aucunement ne pas avoir remis à Mme [R] de bordereau individuel d’accès à la formation à l’occasion de chaque contrat de travail à durée déterminée, document devant lui permettre de faire valoir l’ancienneté nécessaire à l’ouverture du droit au congé de formation conformément au décret 91-205 du 25 février 1991 en vigueur pendant toute la durée de la relation contractuelle.

Par ailleurs, injustement privée des avantages auxquels elle aurait pu prétendre, en matière de DIF, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, Mme [R] est fondée à solliciter l’indemnisation du préjudice résultant de l’absence d’information à cet égard.

C’est ainsi de manière justifiée que Mme [R] se prévaut d’une perte de chance d’utiliser les droits acquis.

Au regard de la longueur de la relation contractuelle, son préjudice est évalué à la somme de 2 500 euros. Le jugement est donc confirmé de ce chef, sauf à désigner la société Fleur de Mets comme débitrice de cette somme et non son représentant légal.

Cette somme de nature indemnitaire porte intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et non-respect des temps de repos

Mme [R] déplore le non-respect des temps de pause et des préconisations du médecin du travail.

La société Fleur de Mets affirme qu’il était établi des fiches horaires servant à l’établissement de la paie, et souligne qu’elle a pris l’initiative de la visite médicale de reprise au mois de mai 2019. Elle assure avoir pris au sérieux les préconisations médicales. Elle fait remarquer qu’elle n’était pas le seul employeur de Mme [R] et ne peut donc être tenue pour seule responsable de l’aggravation de son état de santé.

Sur le fondement des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (anciennement L. 230-2), l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il peut s’exonérer en prouvant qu’il a mis en ‘uvre des moyens suffisants et n’a donc pas commis de faute.

En l’espèce, la société Fleur de Mets ne justifie pas du respect du temps de pause de 20 minutes minimum imposé après six heures de travail par l’article L. 3121-33 du code du travail jusqu’au 10 août 2016, par l’article L. 3121-16 depuis lors, d’ordre public. Si elle soutient qu’à chaque prestation, chacun des salariés présents notait à la main sur une feuille prévue à cet effet, ses heures d’arrivée et de départ ainsi que ses heures de pauses, elle ne verse pas aux débats de tels documents et ne rapporte pas la preuve de ses allégations.

S’agissant du respect des préconisations de la médecine du travail, la société Fleur de Mets n’allègue ni ne prouve la moindre démarche effectuée à la suite de la visite médicale du 13 février 2018 proscrivant le port de charges lourdes et préconisant un poste statique.

Si elle justifie que l’avis du médecin du travail du 14 mai 2019 a quant à lui été transmis au chargé du service de planification, pour autant elle ne justifie pas du respect des préconisations émises (pas de port de charges lourdes, préférer poste boissons, port de chaussures plates, éviter sites avec trop de marches), dès lors que le planning produit par l’employeur lui-même évoque son affectation fin mai 2019 à des tâches de « ravitailleur ou débarrasseur » et qu’il ne conteste pas que ces tâches impliquent de porter des caisses lourdes.

Mme [R] ne justifie pas de l’aggravation objective des fragilités de ses genoux à raison des manquements de l’employeur et des interventions chirurgicales alléguées, mais les différents manquements ci-dessus caractérisés n’ont pu que porter atteinte à sa santé déjà fragilisée par l’accident du travail de septembre 2017, ne serait-ce qu’en éprouvant plus durement son corps et son mental. Dès lors et sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le caractère professionnel de la rechute de l’état de santé de Mme [R] au 1er juillet 2021, il y a lieu d’indemniser le préjudice subi à hauteur de 2 000 euros. Le jugement est infirmé en ce sens.

Cette somme de nature indemnitaire porte intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la réglementation sur la durée du temps de travail

S’agissant du paiement des heures de travail, Mme [R] reproche à l’employeur de ne pas avoir respecté les règles en vigueur au sein de l’entreprise (vacation journalière correspondant à 6 heures de travail, prise en considération des heures effectuées au-delà comme heures complémentaires – dans la limite de 10 % – ou comme heures supplémentaires) et de ne pas lui avoir payé les majorations prévues par la loi.

La société Fleur de Mets fait valoir que les dispositions de la convention collective évaluant le temps de travail sur la semaine civile ne correspondent pas au calcul des heures de travail effectuées par un salarié en contrat d’extra, sur la base de vacations de six heures et d’un taux majoré pour les heures effectuées au-delà ; qu’il est impossible de raisonner en temps de travail hebdomadaire. Elle ajoute que Mme [R] ne justifie pas du préjudice allégué.

Au vu des bulletins de paie, le travail de Mme [R] a effectivement été rémunérée dans le cadre de vacations, avec un taux horaire majoré pour toute heure de travail effectuée au-delà de la durée de 6 heures d’une vacation (majoration de l’ordre de 14 % en journée et de 43 % pour les heures au-delà de minuit). Ces modalités, en ce qu’elles excluent toute prise en considération des heures de travail cumulées sur une semaine, éludent le calcul des heures complémentaires et supplémentaires et les majorations afférentes, et caractérisent ainsi une exécution déloyale du contrat de travail. Pour autant, Mme [R] qui ne détaille aucunement son argumentation, ne justifie pas d’un quelconque préjudice certain.

Elle ne développe pas plus les moyens de fait ou de droit qui la conduisent à reprocher à l’employeur de ne jamais avoir comptabilisé et payé les temps de trajet tardif et longs effectués après la réalisation de ses missions. Elle ne justifie donc pas d’un manquement de l’employeur à ce titre.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’elle soutient, Mme [R] n’a pas été exclue du bénéfice du contrat de prévoyance puisque l’employeur justifie avoir adressé en mars 2019 son dossier à GPS Gestion Prestation Service, qui le 21 mai 2019 a répondu ne pouvoir intervenir au seul motif que l’indemnité versée par la sécurité sociale était supérieure à la prestation de base.

En revanche, il est exact que Mme [R] n’a pu bénéficier de la couverture santé complémentaire offerte par l’employeur aux seuls salariés ayant plus d’un mois civil complet d’ancienneté, du fait de la qualification inexacte de la relation de travail.

Mais Mme [R] ne justifie pas avoir engagé des frais de santé dont elle n’a pu se faire rembourser, ne justifie pas non plus avoir renoncé à des soins à raison de cette absence de complémentaire santé. Elle ne justifie donc pas d’un préjudice.

En conséquence, Mme [R] est déboutée de sa demande indemnitaire, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens de défense.

Sur la rupture de la relation de travail et les demandes pécuniaires afférentes

Mme [R] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a fixé la date de rupture du contrat de travail au 1er août 2019, dit que cette rupture était imputable à la société Fleur de Mets, et dit que la prise d’acte du contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle fait valoir qu’elle a été contrainte, en raison des manquements graves de son employeur, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail par LRAR du 1er août 2019. Elle admet aussi, par ailleurs, que le terme d’un contrat improprement qualifié de CDD s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société Fleur de Mets s’oppose à ces demandes en faisant valoir qu’il ne peut y avoir prise d’acte de la rupture d’un contrat qui n’existe pas, en relevant que le dernier contrat d’extra ayant lié les parties est celui du 4 juillet 2019.

1. Dans la mesure où postérieurement au terme du dernier contrat à durée déterminée fixé au 5 juillet 2019 (le contrat porte sur les dates des 4-5 juillet 2019 et le bulletin de paie afférent établit que Mme [R] a travaillé effectivement jusqu’au 5 juillet à 1 heure du matin), l’employeur n’a plus fait appel à la salariée et ne lui a plus fourni de travail, la fin de relation de travail ultérieurement requalifiée en contrat à durée indéterminée, à l’échéance du dernier contrat, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, le 1er août 2019, était sans objet, et il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que cette prise d’acte produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixé la date de rupture du contrat de travail au 1er août 2019.

Il n’en reste pas moins exact que la fin de la relation contractuelle à l’occasion du terme du dernier contrat d’extra est imputable à l’employeur et s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier la réalité et la gravité des manquements allégués.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail était imputable à l’employeur, et de fixer la date de cette rupture au 5 juillet 2019.

2. Sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, en l’absence de réintégration dans l’entreprise du salarié licencié pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre 3 et 10, 5 mois de salaire brut selon le premier tableau figurant à cet article et compte tenu de l’ancienneté du salarié (11 années complètes).

Mme [R] ne peut valablement revendiquer la non application du « barème Macron » dès lors que la « violation des règles relatives aux accidents du travail » qu’elle dénonce sans l’expliciter n’est pas un motif visé par l’article L. 1235-3-1 du code du travail permettant d’écarter les dispositions de l’article L. 1235-3 précité. Il est précisé que cette exclusion du barème ne vise que le licenciement intervenu pendant une suspension du contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [R], de son ancienneté, de son âge (35 ans à l’époque de la rupture du contrat), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé en ce sens.

Cette somme de nature indemnitaire porte intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

3. Par ailleurs, la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur justifie d’accorder à Mme [R] les sommes, non contestées en leur quantum, de 4 826 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 483 euros brut au titre des congés payés afférents, et de 14 847 euros net à titre d’indemnité de licenciement.

Le jugement est donc confirmé de ces chefs, sauf à désigner la société Fleur de Mets comme débitrice de cette somme et non son représentant légal, et sauf en ce qu’il a qualifié de « brut » la somme accordée à titre d’indemnité de licenciement.

Ces sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral distinct

A l’appui de sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail, Mme [R] se prévaut du non-respect des préconisations du médecin du travail ayant entraîné une dégradation de son état de santé et de conditions de travail éprouvantes ayant entraîné une souffrance physique et morale.

L’employeur dénonce à cet égard une multiplication factice des chefs de demande et fait valoir que Mme [R] ne justifie pas d’un préjudice moral spécifique, alors qu’elle demande par ailleurs l’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’indemnisation des préjudices invoqués par Mme [R] à l’appui de sa demande est déjà intervenue dans le cadre de la demande d’indemnisation du préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Mme [R] est donc déboutée de sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral distinct.

Sur la demande relative à l’intéressement et/ou la participation

Mme [R] estime avoir droit, au vu du chiffre d’affaires et des effectifs de la société Fleur de Mets, à une participation et le cas échéant à un intéressement, en précisant que les sommes qui lui ont été allouées à ce titre doivent être revalorisées pour tenir compte de la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet. Elle reproche à l’employeur de ne pas donner d’information permettant de déterminer les montants dus, et considère que la résistance de l’employeur justifie l’octroi de dommages et intérêts.

La société Fleur de Mets affirme ne disposer d’aucun accord d’intéressement et ne pas avoir effectué de versement de participation pour les exercices 2016, 2017 et 2018.

L’intéressement, qui consiste à verser aux salariés un complément de rémunération fondé sur la réalisation d’objectifs ou de performances appréciée au niveau de l’entreprise, n’est qu’une faculté pour l’employeur.

Or Mme [R] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un accord d’intéressement ou d’une décision unilatérale de l’employeur aux mêmes fins.

S’agissant de la participation aux résultats de l’entreprise, régie par l’accord du 14 décembre 2015 versé aux débats, la société Fleur de Mets produit des documents comptables établissant qu’aucune somme n’a été consacrée à la participation lors des exercices 2016 à 2018. Mme [R] ne peut donc lui reprocher de résistance concernant ces années.

En revanche, l’employeur qui a versé à Mme [R] la somme de 740,58 euros net au titre de l’année 2014 et celle de 708,08 euros net au titre de l’année 2015, sur une base qui n’était pas celle d’un CDI à temps complet, ne justifie pas avoir réévalué la part dont Mme [R] a été privée. Il ne produit non plus aucun élément permettant de déterminer la somme due au titre de l’exercice 2019.

C’est donc de manière fondée que Mme [R] réclame l’indemnisation du préjudice résultant de cette résistance, que la cour évalue à la somme de 1 000 euros. Le jugement est infirmé en ce sens.

Cette somme de nature indemnitaire porte intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la demande de remise des documents

Au regard de la requalification du contrat de travail et des condamnations à paiement, il y lieu de condamner la société Fleur de Mets à remettre à Mme [R] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision.

Il n’est pas justifié d’assortir cette décision d’une astreinte.

Sur la demande de capitalisation des intérêts

Sur le fondement de l’article 1343-2 du code civile, il convient d’ordonner que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent eux-mêmes intérêt.

Sur la demande de fixation du salaire moyen brut mensuel

Au regard des débats et développements qui précèdent, il y a lieu de confirmer le jugement ayant fixé à 2 413,06 euros brut le montant du salaire moyen brut mensuel de Mme [R].

Sur la demande de remboursement des montants perçus par Mme [R] au titre de l’exécution provisoire du jugement

Il est rappelé que l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire est poursuivie aux risques du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent. La décision d’infirmation constitue le titre exécutoire permettant de poursuivre les restitutions, sans que le juge n’ait à l’ordonner expressément.

Sur le remboursement des indemnités chômage

L’article L. 1235-4 du code du travail dans ses versions applicables depuis le 10 août 2016, dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3 [licenciement nul à raison du harcèlement moral], L. 1153-4 [licenciement nul à raison du harcèlement sexuel], L. 1235-3 [licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse] et L. 1235-11 [nullité de la procédure de licenciement], le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La cour, ajoutant à la décision de première instance, fait application de ces dispositions à hauteur de 2 mois.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En qualité de partie succombante pour l’essentiel, la société Fleur de Mets est condamnée aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel. Il convient par ailleurs de faire application de l’article 699 précité au profit de la SELARL Gray & Scolan, avocat.

Par suite, la société Fleur de Mets est condamnée à payer à Mme [R] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en supplément de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et en dernier ressort, dans les limites de l’appel,

Dit n’y avoir lieu à rectification d’erreur matérielle,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– dit et jugé que les contrats de travail de Mme [R] à compter du 9 novembre 2007 sont un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein,

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Fleur de Mets,

– accordé à Mme [R] les sommes de :

2 413,06 euros brut à titre d’indemnité de requalification, sauf à préciser que cette somme est en net,

56 530 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période non prescrite, outre 5 635 euros brut à titre de rappel de congés payés sur le rappel de salaire afférent,

635 euros brut à titre de rappel d’heures de nuit, outre 63,50 euros brut au titre des congés payés afférents au rappel d’heures de nuit,

2 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la formation professionnelle,

4 826 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 483 euros brut au titre des congés payés [afférents],

14 847 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– fixé le salaire moyen brut mensuel de Mme [R] à la somme de 2 413,06 euros brut,

– condamné la société Fleur de Mets en son représentant légal à verser à Mme [R] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et rejeté la demande de la société Fleur de Mets à ce même titre,

Infirme le jugement pour le surplus des dispositions frappées d’appel,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la société Fleur de Mets à payer les sommes accordées ci-dessus à Mme [O] [R],

Déboute Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical,

Condamne la société Fleur de Mets à payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et non-respect des temps de repos, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la réglementation sur la durée du temps de travail,

Fixe la date de rupture du contrat de travail au 5 juillet 2019,

Dit que la rupture du contrat s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Fleur de Mets à payer à Mme [O] [R] la somme de 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

Condamne la société Fleur de Mets à payer à Mme [R] la somme de 1 000 euros en indemnisation du préjudice résultant de la résistance de l’employeur à fournir les éléments nécessaires au calcul des sommes dues au titre de la participation, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne à la société Fleur de Mets de remettre à Mme [R] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans astreinte,

Dit que les sommes suivantes portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation :

56 530 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période non prescrite, outre 5 635 euros brut à titre de rappel de congés payés sur le rappel de salaire afférent,

635 euros brut à titre de rappel d’heures de nuit, outre 63,50 euros brut au titre des congés payés afférents au rappel d’heures de nuit,

4 826 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 483 euros brut au titre des congés payés [afférents],

14 847 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

Dit que les sommes suivantes portent intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2020 :

2 413,06 euros net à titre d’indemnité de requalification,

2 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la formation professionnelle,

Ordonne que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent eux-mêmes intérêt,

Rappelle que le présent arrêt constitue le titre exécutoire permettant de poursuivre les restitutions, le cas échéant,

Ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, à hauteur de deux mois d’indemnités de chômage,

Condamne la société Fleur de Mets à payer à Mme [R] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel,

Condamne la société Fleur de Mets aux dépens, tant de première instance que d’appel.

La greffière La présidente

 


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